Le parti pris des mots
Huile, huile,
soudain je suis partie à la dérive sur ce mot....ses sons et son sens en
rapport avec ses sons, tout ce qu'il évoque : le côté glissant, mouillé des voyelles, etc. Écrire quelque chose
qui serait le parti pris des mots. Que chaque mot choisi soit travaillé
jusqu'au fin fond de ses retranchements. Un extraordinaire exercice de style.
Mais pas pour la chose, la notion évoquée, comme Ponge me semble-t-il le
fait, mais plutôt pour ses sonorités et ce que cela suscite. Huile ainsi parait
d'une richesse inouïe, surtout si ensuite on l'associe à d'autres mots qui le
modifient : huile dans huile de noix est-il le même que huile dans huile
d'olive ? Un mot à la fois, mais poli au maximum.
(Très modeste
début d'exemple)
Huile, le
U patine sur le I, glisse lentement sur la face humide du I, séparation de
phase comme huile et eau, mélange hétérogène, non miscible. On entre
par l'huis de l'h pour glisser insidieusement sur l'u et l'i, vers le
l qui aspire comme un siphon, on dérape, avec sensation exquise de
douceur, on pénètre en douceur dans un univers d'effleurements humides, de
roulements à bille, de mécaniques fluides
Je vois un livre, avec de courts textes, archi-denses, sorte de précipités du
mot lui-même, avec peut-être une illustration…..
Pessoa, en bref
« Le conflit qui nous brûle
l’âme c’est le conflit entre le besoin émotionnel de croyance et
l’impossibilité intellectuelle de croire »
Pessoa ajoute que Antero (de Quental, poète portugais) l’a
exprimé plus que tout autre parce qu’il possédait au même degré l’élévation des
sentiments et celle de l’intelligence.
[Le cœur a envie de croire, l’esprit le lui interdit]
Pessoa, En bref, p. 25
« La vie est une hésitation entre un point d’exclamation et
un point d’interrogation. Dans le doute on met
un point final » Pessoa,
27.
Fugaces, évanescentes
Hier encore deux idées qui m’ont semblé dignes d’être
retenues, que j’ai essayé de garder par divers remémorations et qui pourtant
furent inaccessibles sta matina. Envolés, petits oiseaux ! Il
fallait mettre du sel sur leur queue !
Nancy Huston
Elle frotte les évidences avec du gros sel. Quelle façon de lire Schopenhauer en traquant les
contradictions.
Matin
N’allume pas l’ordinateur le matin, n’écoute pas la radio le
matin. Tout au plus un peu de musique. Le reste est poison qui contamine la
journée qui commence.
Huston et Tsvétaïeva
"Entre le sexe et le cerveau placés aux extrémités de
nous-mêmes, il y a le centre, l’âme, où tout se croise, se joint et se fond et
d’où tout part transfiguré et transfigurant. Craignez le cerveau et le sexe
disjoints, sans le point l’arc-en-ciel de l’âme, avec le grand vide entre eux,
franchi par le même saut brutal de la sexualité à la cérébralité "
Marina Tsvétaïeva, cité par Nancy Huston, Professeurs de
désespoir, p. 101. (Je tiens absolument à les appeler professeurs de
ténèbres, sans doute à cause des leçons de ténèbres, titre que NH a aussi
donné il me semble à un de ses livres précédents).