C’est une impression un peu mitigée que me laisse, dans le numéro de novembre-décembre de la revue Europe, l’article Le psychanalyste appliqué signé Michel Schneider. Un Michel Schneider, que je considère comme psychanalyste et écrivain, dont j’ai beaucoup aimé certains livres sur la musique, sur Glenn Gould, sur Schubert, mais aussi sur la psychanalyse et qui s’interroge sur la possibilité de cette double pratique dans le cadre du dossier Psychanalyste et écrivain ? monté par la revue. Impression étrange car au fond, il semble réfuter totalement la possibilité d’être l’un et l’autre, alors que lui-même est au cœur de cette problématique. Il semble s’en exclure avec une certaine verve, légèrement agressive lorsqu’il dit qu’on voit des « psychanalystes partir pour les lettres comme en 14 on montait au front : avec la certitude que c’est là que ça se passe et qu’on va voir ce qu’on va voir ». Je lui concède volontiers au passage un sens de la formule qui fait mouche (ou mal) : « comme s’ils ne travaillaient qu’à une seule chose : à ce que leur petit je devienne un grand moi ». Les confrères en prennent pour leur grade et notamment Jean-Bertrand Pontalis et François Gantheret. L’article est substantiel, étayé, documenté mais encore une fois il laisse une impression de malaise. A quoi joue Michel Schneider ? Quel coup nous fait-il ? Il faut sans doute croire que lui, qui a commis plusieurs livres, ne se considère pas comme un écrivain. Est-ce une posture ? « On aura compris que ce portrait de l’analyste en écrivain appliqué, vaguant entre tyrannie et ridicule, est largement l’autoportrait de quelqu’un qui pratique l’analyse depuis près de trente ans et depuis vingt-quatre ans, de livre en livre, se demande ce que c’est que d’écrire ».
Michel Schnieder est bien psychanalyste, mais il est surtout connu comme musicologue (ancien énarque et conseiller à la Cour des Comptes, il a été directeur de la musique et de la danse au ministère de la Culture, sous Jack Lang)... et ses polémiques. Se souvenir de son ouvrage "La Comédie de la culture" où il s'est précisément "retourné" contre Jack Lang et de la diatribe anti-Boulez lors d'une émission d'Apostrophes (la pauvre autrice d'Oublier Palerme en était toute retournée). Ceci dit, il ne manque pas de courage... et a une plume superbe (je peux en témoigner personnellement puisqu'il a été l'un de mes auteurs). Ne pas oublier non plus ses remarquables essais sur Baudelaire et Proust ("Maman", sur les rapports de Proust et de sa mère).
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Rédigé par : YvesT | 20 janvier 2005 à 11h44
"laisser passer les mots à travers soi comme la fenêtre entrouverte laisse passer le vent ...". Michel Schneider ironise sur cette phrase de F. Gantheret car d'après lui ce dernier donne de l'écriture la même définition que de l'écoute analytique.
Pour Schneider, l'écrit psychanalytique démontre et vise la vérité ; l'écrit littéraire montre et à recours au mensonge. Ainsi donc l'homme qui écoute, ne pourrait pas être l'homme qui écrit.
F. Gantheret lui répond subtilement dans L'écoute est l'écriture (p.189).
"... c'est ce qui fait d'un livre le livre d'un écrivain , et non pas un écrit parmi tant d'autres : on ne le relit pas pour l'information qu'il porte, on l'a eu d'emblée, mais pour la promenade, pour le trajet interne, pour le mouvement qu'il nous propose de faire.". Voilà , il me semble pourquoi je peux relire, ( au hasard), J.B. Pontalis sans me lasser.
Rédigé par : myriade/kyoko | 20 janvier 2005 à 16h05