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Rédigé par Florence Trocmé le 27 février 2005 à 14h47 | Lien permanent | Commentaires (0)
Lu le livre qu’Alain Bosquet lui
a consacré en 1953 dans la collection Poètes d’aujourd’hui chez Seghers.
Livre qui a
suscité des impressions contradictoires . J’ai souvent trouvé Bosquet ennuyeux
et un peu plat, tout en appréciant la construction de son livre qui suit, pas à
pas, la construction de l’œuvre de Perse : Eloges ou le poème ignorant
de sa genèse, Anabase ou rencontre du poème et de sa genèse, Exil
ou alliance du poème et de sa genèse, Vents ou fusion du poème et de sa
genèse, Amers ou la trinité, objet, poète, poème, puis Chronique
et chant pour un équinoxe ou le retour au poème intime.
Peut-être
suis-je marquée par l’engagement des poètes intervenant à propos de l’œuvre
d’un autre poète tel qu’il se manifeste dans la collection anthologique de
Jean-Michel Place ? Mais c’est faire fi
de cinquante ans d’évolution des mœurs critiques !
Je n’ai pas
non plus apprécié la partie intitulée « choix d’images » où Bosquet reproduit,
prélevées un peu partout dans chaque recueil, de très courtes citations. Elles
sont superbes certes, mais les tirer ainsi de leur contexte et les aligner bout
à bout me semble contestable.
En tout
état de cause, j’ai enfin fait entrer Saint-John Perse dans l’almanach poétique
de Poezibao, occasion pour moi de composer sa fiche biographique et
bibliographique. Et de me promener dans le magnifique site conçu par Loïc Céry.
Quelques notes prélevées dans le livre de Bosquet :
« Alliant la connaissance la plus encyclopédique au mystère,
la sémantique au merveilleux, la rhétorique à l’exposition d’une imagerie aux
registres innombrables, la logique de la sensibilité à la sensibilité de la
raison, cette œuvre ne connaît pas,
n’admet pas de différence entre prose et poésie » (Alain Bosquet, Saint-John
Perse, collection Poètes d’Aujourd’hui, Seghers, 1954, p. 96. )
Noté aussi cette remarque plus technique d’A.B. sur la
syntaxe de Saint-John Perse
« La syntaxe de Saint-John Perse se caractérise par l’emploi
: 1) d’interjections et d’ellipses ; 2) de verbes impersonnels et de pronoms
neutres ; 3) de changements de personne au sein du même verset ; 4) de
conjonctions telles que "et", "et puis", "or",
etc. au début d’un chant ou d’un poème ».
Ces remarques sont développées, exemples à l’appui dans les
pages 87 et suivantes :
« l’interjection et l’ellipse prêtent au poème un tom
péremptoire et solennel »
« Le changement de personne ranime le chant, ravive le
poème, leur fait changer de voix et d’octave, parfois de rythme et de vitesse.
Il met en relief surtout leurs qualités dramatiques »
« Les conjonctions peuvent, au début d’un poème, marquer le
prolongement d’une respiration, d’une inspiration, qui ont leur source
ailleurs, au-deça du poème et de sa présence visible. C’est que chez Saint-John
Perse, le poème ne débute pas, il continue. »
FT
Rédigé par Florence Trocmé le 27 février 2005 à 14h36 | Lien permanent | Commentaires (0)
Cela fait en effet un moment que je veux écrire trois mots sur ce thème de la copie. Car oui, je copie, inlassablement, malgré les ordinateurs et les dictées vocales et les logiciels d’OCR (alias reconnaissance de caractères). Et pourquoi donc ?
petit a parce que les dits procédés ne sont pas vraiment au point et demandent tellement de corrections qu’on a plus vite fait d’user de ses doigts (surtout s’ils sont de pianiste, cela évite ensuite d’avoir à faire des gammes ! et ils sont bien entraînés…). Scanner un poème puis l’éditer à partir de la reconnaissance de caractères, c’est long, fastidieux et dangereux, car on laisse immanquablement échapper des scories. Quant à la dictée vocale, elle est si prosaïque ! Elle reconnaît plus volontiers Cac 40 que Roubaud, Nestlé que Nelly Sachs. Mais elle a un avantage, elle provoque des fous rires extraordinaires : car s’il est magique, parfois, de voir sortir toute armée du micro une phrase parfaite, il est du plus grand comique de voir ce que donnent, une fois absorbées, recalculées et devinées par le logiciel, certaines de nos tournures….
petit b : parce que je ne connais rien de plus heureux
que cette pratique de la recopie. Privilège absolu de pouvoir, cinq jours sur
sept, prendre le temps de recopier de la poésie, plus d’un millier de poèmes
ainsi recopiés jour après jour. Et je songe à tout ce que j’ai pu lire et qui
m’a fait tant rêver, de Bach ou de Mozart « s’esquintant la vue » à
recopier, plus ou moins en cachette (dixit la légende) les œuvres de leurs
prédécesseurs pour bien s’imprégner de leur style et de leur manière. Et voilà
le cœur de la question : copier, recopier, inlassablement de la poésie,
jour après jour, depuis plus de trois ans, n’est-ce pas le moyen privilégié de
former son goût, son oreille, son discernement ? Et de s’identifier à l’immense cohorte des copistes, les moines,
les scribes, les étudiants, les fauchés, les amoureux, bref tous ceux qui ont
écrit et aimé avant la photocopie et l’ordinateur et l’internet. Cohorte, vous
dis-je……
©florence
trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le 18 février 2005 à 17h43 | Lien permanent | Commentaires (1)
Il y a comme une question centrale qui sans fin se dérobe.
Celle du sens de toutes choses et de chaque chose, chaque chose
individuellement, en même temps. Simul, comme les fractales. Petites et
grande échelle. Pas de sens de la grande structure, pas de sens dans la
structure de niveau 2, de niveau 3, de niveau x. Tentative sans espoir alors de
donner du sens au niveau x, un des tout petits niveaux pour faire remonter le
sens vers la structure matrice. Mais ne sais-tu pas que le courant ne remonte
jamais les fleuves et que ceux-ci ne coulent pas vers leur source ?
©florence
trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le 14 février 2005 à 15h39 | Lien permanent | Commentaires (1)
« Une sorte de confrérie (restreinte et plus ou moins
secrète) s’efforçant de faire passer d’âme en âme, au long du temps, la petite
flamme-veilleuse de la conscience et dans un dessein somme toute
mystérieux…la littérature est-elle beaucoup plus que cela ? ».
Denis Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture,
Points Seuil, p. 140.
Double parution Grozdanovitch en janvier : le petit traité en poche, que je n’avais pas encore lu et sous le charme duquel je suis tombée illico ; à se mettre dans la poche, à trimbaler métro-boulot et dodo, comme une sorte de viatique…. et le nouvel opus du désinvolte délicieusement intitulé Rêveurs et nageurs vers lequel je vais plonger dès que possible.
Et si mes deux blogs, le présent Flotoir et Poezibao avaient aussi pour but secret
d’entretenir la « petite flamme-veilleuse » ? D’âme en âme ?
©florence
trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le 14 février 2005 à 13h40 | Lien permanent | Commentaires (3)
La rencontre d’Icare ou des coïncidences troublantes
Entrant dans le chapitre de Grozdanovitch (in Petit
traité de désinvolture) intitulé Au musée de Bruxelles par un jour de pluie en
hiver, je n’ai cessé d’être happée par les perspectives ouvertes au cœur
même du texte par l’auteur. Mais ce que je ne savais encore, pénétrant dans ce
chapitre comme dans un paysage, c’est que toutes m’entraînaient vers une autre
perspective, mise en perspective en abyme, vers la chute d’Icare. Je
n’avais pas encore compris que Gro(zdanovitch). m’emmenait là ou Gof(fette à
propos d’Auden)… m’avait emmenée le matin même, devant la chute
d’Icare, devant le tableau de Bruegel. Tableau sur lequel je ne m’étais
jamais vraiment arrêtée et qui par deux fois en quelques heures, selon un
invraisemblable coïncidence, au croisement de lectures, venait de s’imposer à
moi. Lisant, il m’a alors semblé être littéralement entraînée vers le tableau,
voire vers l’eau du tableau comme le malheureux Icare dont on ne devine plus
que les jambes disparaissant dans l’indifférence générale.
©florence
trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le 14 février 2005 à 12h29 | Lien permanent | Commentaires (0)
Michaux le note (Emergences-Résurgences, Skira,1972), souvent je l’expérimente, tout fait tête, tout fait silhouette. Dans le dessin, dans le décryptage du non-identifiable dans le monde.
« En attendant, viennent quelques personnages et des têtes, irrégulières, inachevées surtout. Tiens ! Pourquoi pas des plantes, des animaux ? Dans tous les inachèvements, je trouve des têtes. Têtes, rendez-vous des moments, des recherches, des inquiétudes, des désirs, de ce qui fait tout avancer, et tout combine et apprécie….dessin y compris. Tout ce qui est fluide une fois arrêté devient tête. Comme têtes je reconnais toutes les formes imprécises ». (22)
Et un peu plus loin « je ne délibère pas. Jamais de retouches, de correction. Je ne cherche pas à faire ceci ou cela ; je pars au hasard dans la feuille de papier, et ne sais ce qui viendra. Seulement après en avoir fait ces quatre ou cinq à la suite, parfois je m’attends à voir venir par exemple des visages. Il y a des visages dans l’air. De quel genre ? Aucune idée (45). et enfin « papier troublé, visages en sortent, sans savoir ce qu’ils viennent faire là, sans que moi je le sache. Ils se sont exprimés avant moi, rendu d’une impression que je ne reconnais pas, dont je ne saurai jamais si j’en ai été précédemment traversé. Ce sont les plus vrais » (49)
Lisant cela j’évoque mon expérience. Ces dizaines de petites cartes couvertes de graphismes ou de calligraphies en noir et gris seulement, au feutre, à l’encre, au bic, au pinceau, à l’encre de chine et qui soudain appelèrent des textes, certaines d’entre elles, baptisées les silhouettes, car au fond c’était cela des silhouettes et ces textes qui vinrent, aussi inexplicables et inexpliqués que les silhouettes des calligraphies firent « venir » comme dans un bain de révélateur, le souvenir des fours crématoires, des âmes brûlées, comme fumées dans le ciel des camps…. ; c’est sans doute pour cela que j’ai été si sensible au travail de Fanny Aboulker et sa graphie patiente des chiffres, de l’infinité des chiffres pour évoquer des millions d’âmes en cendres.
« ASCHENGLORIE
hinter
deinen erschüttert-verknoteten
Händen am Dreiweg.
GLOIRE DES CENDRES
derrière
tes mains nouées-ébranlées
au trois-chemins. »
(Paul Celan)
Rédigé par Florence Trocmé le 12 février 2005 à 11h51 dans cailloux-têtes | Lien permanent | Commentaires (0)
Métro, un matin de février, vers 10 heures 30.
Il monte dans la rame en se retournant de toute sa hauteur
sur un être étrange, une jeune femme sans doute coréenne, hirsute et blafarde.
Qu’il fixe. Lui-même a quelque chose d’impressionnant. Il est immense et
squelettique (autrefois, on aurait pensé à son propos à un malade du sida,
peut-être a-t-on tort de croire que cela appartient au passé ?). Jeune encore,
beau, un peu dégarni, le bas du visage
mangé par une barbe de deux ou trois jours. Regard mi-hagard, mi-intense. Il s’assied, divisant de facto sa
hauteur par deux, sort un livre qu’il pose sur ses genoux, couverture
apparente, un vieux livre de poche, abîmé. Il prend le temps d’essuyer
longuement, méticuleusement de petites lunettes fines. Lorsque je serais
descendue, à la prochaine station, il va ouvrir la Naissance de la tragédie
de Nietzsche.
©florence
trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le 08 février 2005 à 16h16 | Lien permanent | Commentaires (0)