Dans tous les inachèvements, je trouve des têtes (Henri Michaux, in Emergences-Résurgences,
Skira,1972 )
A propos de ce nouveau projet photographique du Flotoir, les têtes cailloux, lire cette note du 12 février 2005
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Dans tous les inachèvements, je trouve des têtes (Henri Michaux, in Emergences-Résurgences,
Skira,1972 )
A propos de ce nouveau projet photographique du Flotoir, les têtes cailloux, lire cette note du 12 février 2005
Rédigé par Florence Trocmé le 29 mars 2005 à 11h51 dans cailloux-têtes | Lien permanent | Commentaires (1)
9. A la Salpétrière
La lumière, hier dimanche, dans les jardins de l’hôpital -
suspens du temps, de la lumière. L’église au cœur - à chœur ouvert - vide,
sauf quelques statues et des toiles grandiloquentes. Partout, rais, rais, rais
– des ombres sombres, la poussière qui poudroie – sur le sol des flaques de
couleurs vives projetées par les vitraux – rais sur les statues – rais sur les
scènes religieuses peintes. Vie secrète de la lumière avec les visages.
10. La rampe de Cène
La lumière aujourd’hui : le coup de projecteur cru que
dirige Edwy Plenel dans le Monde 2 sur la « nouvelle censure ». A
propos de l’affaire de l’affiche de Marithé et François Girbaud, libre (et
belle !) interprétation de la Cène de Léonard de Vinci. Plenel
parle d’une « époque tartuffe qui a tellement peur d’affronter le réel
qu’elle fait la chasse aux images qu’elle ne saurait voir. (…) Il n’y a plus de monde commun, c’est-à-dire
un espace partagé de la rencontre et du conflit, du débat et de la
transgression, de la polémique et de l’audace, du risque et de l’invention, de
la provocation et de la création. Il n’y a plus désormais que l’addition de
mondes séparés, clôturés, fermés, protégés, intouchables, immobiles et
figés ». Et sans lumière !
Et Plenel de conclure en soulignant que de tous temps les
monothéismes ont eu un double problème, avec les images et avec les femmes
« première illustration de leur réticence devant la pluralité humaine sous
son évidence première, sexuelle ».
11. Les rameaux
La lumière d’aujourd’hui ce petit pan de ciel bleu,
chemin de ciel, reprise aérienne du chemin d’asphalte, non pas terre à terre,
mais terre à ciel, petit pan de ciel bleu pâle auquel les branches encore nues,
mais lourdes déjà du printemps, du bourgeonnement, de floraison en puissance
font la haie comme les rameaux autour
du christ sur son âne à jerusalem.
12. Electricité dans l’air
La lumière ce soir est étrange, surnaturelle : mélange
de brume/bruine jaune, de nuées mauves et d’une bande de lumière éblouissante
et laiteuse, tandis qu’éclate un orage. Un ciel divisé contre lui-même,
juxtaposant en un invraisemblable patchwork des textures et des couleurs
opposées. Et de nouveau ce phénomène déjà enregistré en juin dernier : de
grosses étincelles à hauteur d’yeux, au milieu des fenêtres des immeubles, à
une trentaine de mètres du sol. C’est impressionnant et je préfère éteindre mon
ordinateur !
13. Mondes lointains
« Un rougeoiement guide désormais les astronomes dans
leur recherche des mondes lointains », ce rougeoiement, ma lumière
d’aujourd’hui. Je songe à ces nuées lointaines, ces nuages galactiques, ces
grandeurs astronomiques, ces pulsars et ces magnetars, ces quasars, phares de
l’espace, ces bouffées d’ondes ou de matière, ces trous noirs, la matière
manquante de l’univers. A la minuscule part dévolue à la lumière visible dans
la nuit du temps, à la lumière fossile qui m’atteint après avoir voyagé des
millions d’années dans l’espace, émise par un astre sans doute disparu depuis
longtemps. Bruit de fond de l’univers, lumière de fond du monde. Silence.
14. Un feu s’éteint
La lumière, ce soir, est celle d’un feu qui s’éteint.
Rougeoiement qui ne réchauffe plus, qui n’éclaire plus mais qui peut encore
brûler. L’âtre bientôt sera prêt pour une nouvelle flambée si tu ne t’attardes
pas à construire avec des cendres. Avec des cendres tu ne peux que peindre ou
écrire.
15. Lumière de Cerenkov
La lumière du jour relève de nouveau, hasard des
découvertes, du domaine de l’astrophysique. Car cette lumière-là a quelque
chose de fascinant, mais aussi d’un peu difficile à mémoriser comme si ses
photons s’éteignaient, à peine touchée la conscience….. je n’oublie pas que
dans cette collecte de lumières, ma démarche est d’épingler les papillons
lumineux, pour en garder quelque chose. Aussi frustrant sans doute que la boîte
à papillons dans le fin fond du musée d’histoire naturelle…
« Sur un
plateau de Namibie, à 1 800 m d'altitude, quatre grands télescopes de 13 mètres
de diamètre scrutent le cosmos. Cette nuit encore, les caméras électroniques ultrarapides
récolteront des éclairs de lumière bleutée, échos atmosphériques des photons
gamma qui frappent le sommet de l'atmosphère. Un an après sa mise en service,
l'expérience Hess, à laquelle collaborent plusieurs laboratoires français,
révèle les tourments cosmiques subis par les astres les plus violents de
l'Univers. En pratique, pas question d'enregistrer toutes les particules de la
gerbe cosmique, ce qui nécessiterait des détecteurs gigantesques. Les
astrophysiciens utilisent donc une propriété des particules relativistes qui se
propagent dans l'atmosphère : leur passage produit une lumière bleutée dite
Cerenkov, située dans le visible. Ainsi, un photon gamma de 1012 eV arrivant au
sommet de l'atmosphère se traduit, sur le sol, par environ trois millions de
photons visibles qui se répartissent sur un disque de 120 mètres de rayon ! En
analysant les images obtenues sur les différents télescopes, on obtient une
image tridimensionnelle de la gerbe de particules de même que nos deux yeux
produisent une image tridimensionnelle de notre environnement.
De cette image, les astronomes déduisent, point capital, la
provenance du photon gamma qui a déclenché la gerbe. Photon après photon, on
crée l'image dans le domaine gamma de sources énergétiques étendues : pulsars,
quasars et restes de supernovae » (Philippe Pajot, in Le monde,
dimanche 27 et lundi 28 mars 2005)
©florence trocmé - 2005
Rédigé par Florence Trocmé le 27 mars 2005 à 10h30 | Lien permanent | Commentaires (2)
« Le nom (…) est maintenant dans l’épaisseur et dans la
profondeur du corps il appartient à la nuit au silence du corps à quoi il se
voue désormais pour avoir trop parlé livré au pouvoir le nom qu’il eût dû celer
sous la dalle »
Mathieu Bénézet, Mais une galaxie, p. 18.
On peut découvrir mieux ce poète sur Poezibao
Rédigé par Florence Trocmé le 26 mars 2005 à 11h51 | Lien permanent | Commentaires (1)
365
lumières : je conseille de cliquer sur ce lien, pour comprendre ce nouveau projet du Flotoir. Il s'agit de collecter chaque jour de la semaine, une lumière ou une ombre. Le dimanche je propose sept courtes séquences qui seront numérotées de 1 à 365 et qui correspondent à tous ces éclairages ; je commence au numéro 2 parce que j'ai déjà donné le numéro 1 en expliquant à qui je devais cette idée....)
Semaine 1
2. La lumière, cet après-midi, en sortant de l’hôpital, d’un
nuage sombre ourlé de soleil et sur lequel se détachaient en une linéarité comme exacerbée, les
branches encore nues d’un arbre ; fouillis végétal jouant un contrepoint
avec la structure linéaire et mathématique des poutrelles métalliques du métro
aérien.
3. La lumière, aujourd’hui, ce sont les ombres, les ombres longues de cette première journée de printemps, les ombres retrouvées après des jours et des jours de gris aplatissant. Aujourd’hui, lumière = sculpture. Je songe à Annie le Brun écrivant « qui a eu seulement l’idée de calculer la vitesse de l’ombre ? » Ombre pour Ombre, récemment publié chez Gallimard (p. 87).
4. Ma lumière de cet après-midi : le néon rouge qui épouse la tête sculptée d’un cheval, en proue de la boucherie chevaline. Je songe à l’épouvante scandalisée de tant de petits enfants lorsqu’ils découvrent qu’on peut manger du cheval.
5. La lumière, ce soir, est celle déclinante qui enveloppe l’arrondi de la coupole du musée Guimet. Je songe aux sourires des bouddhas, de tous les bouddhas du musée qui s’apprêtent à entrer dans la pénombre et la nuit. La nuit du musée. Mystérieuse.
6. Lumière comme révolte, aujourd’hui. C’est le petit cercle rouge d’une cigarette qu’une femme entre deux âges, portant un bébé à peine né sur son ventre, allume juste au-dessus de sa tête. Tandis que l’autobus repart en lâchant un nuage nauséabond. Petits poumons à peine dépliés et déjà martyrisés par suies, goudrons et particules.
7. Cet éclat tout à l’heure : le vert cuivre qui a guidé mon œil vers la flèche de l’Église Américaine du Quai d’Orsay. Je pense à mon enfance, à quelques pas de là, je pense aux amis très particuliers et très chers que j’ai connus là, au jardin d’enfants où allèrent mes deux frères, quand ils étaient petits. Je me souviens de leur jeune institutrice qui était une descendante de Suzanne Valadon et qui portait ce nom. Je pense aussi aux toits de la basilique de Saint-Denis qui me consolent du stade de France et des HLM de la banlieue Nord.
8. Ma lumière, ce matin, est celle qui brille dans la nuit.
C’est la poésie de Paul Celan :
"Parle – [ Mais sans séparer le non du oui.[ Donne
aussi le sens à ta parole [ donne-lui l'ombre
[ Donne-lui assez d'ombre, [ donne-lui autant d'ombre [ que
tu en sais partagée autour de toi [ entre minuit et midi et minuit. ". Je
pense à l’almanach poétique, créé en 2002 sur mon initiative sur le site
zazieweb.fr et qui vit une seconde vie désormais grâce à Poezibao. Je pense à
cette décision prise hier d’enrichir l’almanach de Poezibao même pendant le week-end en
reprenant les plus beaux extraits de cet almanach depuis le début.On ne parlera jamais trop de Paul Celan, de Philippe Jaccottet, d'Antoine Emaz.
©florence trocmé – 2005
Rédigé par Florence Trocmé le 20 mars 2005 à 11h59 | Lien permanent | Commentaires (1)
Noté dans mon plog (alias Paper LOG par opposition au weB LOG, origine du mot blog :
De Groz
(ndlr ! Denis Grozdanovitch, auteur de Petit traité de désinvolture et plus récemment de Rêveurs et nageurs), tu fais un usage non
désinvolte. Tu le capitalises. Tu fais l’abeille à miel, besogneuse, la fourmi
capitaliste qui entasse et empile ses auteurs, ses citations, ses
connaissances, bien au chaud dans ses petits carnets et ses gros blogs. Suis
plutôt ceux que tu aimes tant, depuis toujours, les papillons. voletant de
fleur en fleur. Il n’y a pas de miel de papillon. Alors sois papillon et non
abeille ou fourmi.
©florence
trocmé-2005
Rédigé par Florence Trocmé le 16 mars 2005 à 15h20 | Lien permanent | Commentaires (0)
d’après une très belle idée de Jeanne Hyvrard dont Françoise
Favretto, l’éditrice de l’Atelier de l’Agneau m’a montré le livre au Salon de
la poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines : elle a noté pendant une année
entière, chaque jour, une occurrence de la beauté dans sa vie. 365
manifestations de la beauté, dans différents registres, du trivial au sublime.
Je me suis alors demandé si je serais capable de collecter et d’épingler, comme
des papillons, 365 « lumières » dans la boîte du Flotoir….. ; aujourd’hui
je donne la première lumière et je pense ensuite que je les publierai le
dimanche, chandelier à 7 branches des lumières de la semaine. Pour une raison
qui m’est personnelle, je tiens en effet à commencer cette collection de
papillons le dimanche12 mars.
©Florence
Trocmé - 2005
Rédigé par Florence Trocmé le 14 mars 2005 à 19h54 | Lien permanent | Commentaires (1)
Rédigé par Florence Trocmé le 12 mars 2005 à 17h28 | Lien permanent | Commentaires (1)
Rédigé par Florence Trocmé le 10 mars 2005 à 17h36 | Lien permanent | Commentaires (1)
À l’occasion de la
journée des femmes, un petit clin d’œil blogueur à trois amies blogueuses.
La première me fait songer à Pessoa
et à Pontalis. Avec Pessoa, elle partage le goût des hétéronymes, je la
connais sous trois noms au moins et à chacun correspond une face de sa
personnalité, très cohérente au demeurant, tout en finesse et en discrétion,
comme son blog, ce Murmure des
mots, qui ne parle pas fort, qui dit des choses simples mais avec
infiniment de sensibilité. C’est en cela qu’elle me fait penser souvent aux
lumineuses évidences d’un Jean Bertrand Pontalis dont elle aime, je le sais,
les livres. Je la découvre aussi photographe et dans le même registre :
celui de dire beaucoup avec l’air de ne pas y toucher.
La seconde m’épate. Mon
amie Nexus n’a pas sa plume sans sa poche et je prédis que le Landernau
littéraire va apprendre à redouter cette blogueuse très avertie des choses de
l’édition, de la presse. Elle imprime sur tout cela son cachet, usant à la fois
d’un regard sans concessions et d’une aptitude un peu perdue chez nombre de
critiques trop dévoués aux causes de la promotion : décocher des traits
tout en finesse, avec humour et légèreté, mais susceptibles de faire mal, très
très mal. Je lui souhaite de prospérer dans ses œuvres mais sans se salir les
mains ce qui n’est pas évident, non pas qu’elle ne connaisse pas parfaitement
les tentations, mais parce qu’il lui faut un minimum de blé.
Et la troisième ?
C’est un soleil de Provence qui a quitté ses terres du midi pour venir
réchauffer nos cœurs citadins. Oui, je sais le blog est ubiquiste, mais il
n’empêche, je ne suis pas du tout une adepte du tout virtuel et j’aime bien que
mes amis ne soient pas trop loin. Bref, celle que beaucoup connaissent sous le
nom d’Ysarda, grâce à zazieweb, où elle a fait plusieurs apparitions (Ysarda
est comme certaines planètes, elle apparaît et disparaît dans notre ciel mais
elle revient toujours), vient de planter sa tente sur les rives de la Seine et
d’ouvrir blog où chacun est convié à se détendre, à s’amuser, mais aussi à
penser. C’est que sur tousazimuths,
la réflexion profonde est la plupart du temps sous-jacente à la facétie, le
clin d’œil s’ourle souvent d’une larme. Cette blogueuse-là nous parle de sa
« dispersion », j’évoquerai bien plus volontiers son goût immodéré et
ô combien nécessaire de la vie, telle qu’elle est, moche et belle, sinistre et
drôle, formidable et insupportable.
©florence trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le 08 mars 2005 à 16h32 | Lien permanent | Commentaires (2)
Cheminements de la pensée. Variations où l’on découvre
souvent un thème caché.
Dans le métro, cette femme qui lit le Dit de Tianyi de François Cheng. J’aurais pu la prendre pour sujet d’un de mes portraits de lecteurs mais je la remarque trop tard. De toutes façons, aujourd’hui, je n’ai pas le cœur à écrire un tel portrait. Mais je pense aussi à cette remarque récente d’une amie : « pourquoi tant de femmes lectrices dans vos portraits et presque jamais d’hommes » ?
De là, je « dérive » ("dérivées", titre de cette nouvelle rubrique du Flotoir) ; sur la statistique : y aurait-il plus de femmes lectrices que d’hommes lecteurs ?
Nouvelle « dérive » : un homme sur deux est une femme.
Dernière « dérive », douloureuse : évocation de ce reportage terrible vu hier soir au journal télévisé. Le nombre terrifiant de « femmes manquantes » en Inde et en Chine où on avorte quasi systématiquement de tous les fœtus féminins au point qu’une loi (détournée bien sûr) interdit aux échographes de révéler le sexe de l’enfant aux parents, au point aussi que la démographie des ces pays est aujourd’hui gravement menacée.
Découvrant ces faits, les redécouvrant pour certains, je songeais de nouveau à ceux qui auraient pu ne pas être (n/aître, dirait sans doute Hélène Cixous), si tel ou tel de leur ascendant avait disparu à la guerre. Aujourd’hui je songe à ces fantômes puissance 1 et puissance 2 que sont ceux qui n’ont pu exister parce que leurs parents ont été réduits en fumée dans les camps nazis et à celles, millions aussi, qui ont été détruites, avortées ou noyées comme chats ou lapins surnuméraires, parce que filles.
NB : à toutes fins utiles, je précise que je ne prends en aucune façon ici position de manière générale contre l’avortement, je parle d’un fait social, l’élimination programmée des fœtus féminins. Je ne compare pas non plus cette extermination-là et le génocide.
©florence trocmé
photo : petites filles indiennes, à Jaisalmer, Rajasthan, janvier 1981.
Rédigé par Florence Trocmé le 08 mars 2005 à 14h23 | Lien permanent | Commentaires (0)