En double hommage aux
victimes de l’ouragan Stan en Amérique centrale et à celles du tremblement de terre au Cachemire. Et
tout spécialement à celles qui ne seront jamais retrouvées ou identifiées,
fantômes des dévastations de ces derniers mois venant alourdir les cohortes du
tsunami et des hurricanes…..
Deux poèmes d’Annie Le Brun tombés sous mes yeux par hasard et qui se sont instantanément mis à résonner avec le drame du monde. C’est aussi cela la poésie, que quelque chose qui n’a pas été écrit pour une circonstance précise, semble entrer en résonance avec cet événement-là, très précisément.
***
Gainés de friabilité et
de suffisance, nous pénétrons à l’extérieur de nous-mêmes.
Au fond du vent, les
racines du cœur.
La famine
Le tremblement
L’évidence
Le sol est hautain
Les feuilles tombent en
syncope
Des rafales de ténèbres
rompent l’échine de l’air
Et la porte du silence
prend ses jambes à son cou.
(125)
Le poids de notre
existence creuse jusqu’à la fibre les chemins que nous empruntons
Au fond de la pierre, les
racines du cœur.
Le chaos
La blessure
L’irréversible
La pluie est engourdie
Les mains s’ar-boutent
aux plaissades du froit
De la fronde des arbres
s’échappent les oiseaux gris
Imperceptiblement le
lichen tétanise l’espace.
(117)
Annie Le Brun Ombre pour ombre, Gallimard, 2004.
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