Proposé par mon amie C. qui l'a trouvé dans un petit livre publié par Folle Avoine intitulé Essai sur la permanence du haïku de Alain Kervern
"Malgré le givre
la vaillance des herbes
De la plaine toujours bleue"
de Shôji Nakamura, modeste amateur à qui on demande ce qu'est un haïku "C'est le plus petit poème qui soit. En 17 syllabes, il contient le ciel, la terre, les hommes, les saisons, la neige et la lune, les fleurs et l'eau, les arbres, l'herbe et les nuages et puis le cœur humain et la pluie" et Basho "il faut exprimer immédiatement toute vérité qui se révèle avant que sa lumière ne s'éteigne" (p. 11)
C. a rendu le livre à la bibliothèque, je transcris ces notes plusieurs jours après, au coin du feu, en Bretagne, feu qui craque tentant de venir à bout d'une énorme bûche d'un de nos deux eucalyptus défaits par la tempête de 1999 et dont il va venir à bout, au terme peut-être d'une nuit entière, - l'eucalyptus brûle lentement mais complètement -, et en écoutant un quatuor de Mendelssohn diffusé par France Musique. Télescopage des temps, des sensations, parfois des sentiments.
Mais accord complet avec cette note de Basho que je veux inscrire sur mes carnets, car cette captation immédiate est aussi la raison d'être des carnets et les carnets sont la seule et unique méthode, si simple et si valable, pour cette captation.
Tenter d'entrer en soi, aller au fond, tranquillement, s'y installer pour trouver les mots qui sont là, pour tenter de dire ce que l'on ressent. Fusion de la musique, de la pénombre, du chuintements et des craquements du feu (je lisais hier soir une belle note d'Yves Leclair sur le feu et les nuages, "je contemple le rougeoiement du feu dans l'âtre. Le feu me fascine depuis toujours, m'absorbe totalement, m'arrache de mes autres lectures. La danse des flammes, leur crépitement, leur grondement derrière, presque imperceptible, le gouffre. Les yeux sont envoûtés, ma respiration est changée elle aussi, elle se fait plus lente, plus intérieure, plus profonde. Le feu et les nuages." Manuel de contemplation en montagne, p. 98.
La bûche d'eucalyptus, imposante, est devenue une sorte de monstre
domestique, mystérieux, dieu lare qui habite l'âtre et fait signe, tête à la
fois bonhomme et inquiétante, aux orbites rougeoyantes.
©florence trocmé