Ce soir longue
improvisation au piano. Fa # mineur après avoir joué l’accord final du prélude
de même tonalité du clavecin bien tempéré (et quelques heures après, je découvrirai
que la première sonate pour piano de Schumann que j’aime de toujours est en fa
# mineur)
Y a-t-il des tonalités
dans l’écriture ? Et quel est cet accord de l’être avec une
tonalité ? Y a-t-il des tonalités de l’écriture ? Quelque chose de
plus subtil que la distinction majeur / mineur. N’y aurait-il pas plutôt un
accord, au sens d’accord instrumental ? Et pourquoi moi, vais-je assembler ces
mots-là, de façon tellement personnelle (je ne parle pas ici d’originalité) que
les trois phrases que j’écrirais sur la demandeur d’un inspecteur de police
suffiraient à m’identifier aussi certainement que l’empreinte de mon doigt, la
photo de mon iris ou ma graphie ? Mais le niveau de complexité d’une telle
analyse, que l’on peut appeler stylistique, est tel que cette technique
d’identification n’est pas pour demain.
A travailler
l’écriture comme je travaille la sonorité, le toucher, au piano, je me rends
compte qu’il y a bel et bien une notion d’accord. Et de même que l’accordeur
ajuste la quinte, de même l’écrivain écoute, ajuste son « phrasé ».
Chercher l’adéquation entre le mouvement le plus intime de soi et la cadence,
le rythme, le phrasé de l’écriture. Lorsque l’on travaille le piano, on doit
« s’écouter » (ce qui en fait est quasi impossible tout autant que de
se « voir » dans le miroir ). La preuve ? L’enregistrement
toujours étonne, celui de la musique jouée, celui de la voix parlée. Non
reconnue. Travailler l’écriture, c’est aussi écouter, chercher l’accord, le
point exact où l’agencement des mots, des silences, des respirations, les
attractions entre les mots (attractions sonores et sémantiques), les tensions
entre les éléments, leur portée, leur poids, entrent en résonance. Sont justes.
Simplement justes. Sonnent. Disent. Parlent. Juste. Simplement juste.
14 décembre 2006