Comme Ismaël s’enrôle à bord
du Pequod, tu embarques à bord du
navire nuit. Parfois coque de noix,
fragile, si fragile, sur l’abysse noir, si noir, parfois t’immergeant, plongeant,
t’ennoyant dans la masse liquide. Sur quoi flottons-nous ? Sur quel océan
de solitude, de silence, de non-sens ? Quel minuscule fétu sommes-nous et
pour si peu de temps ballotés au-dessus de ces gouffres sans fond ?
Déserts océaniques où dérivent nos continents, espaces infinis où tourne notre
planète. Et le temps. Le tapis roulant du temps, coupon qui se dévide de la
bobine, mité dès qu’apparu au jour, troué d’oubli, où la matière rémanente est
filin de trapéziste sur le vide. L’oubli mange tout, avant même que le cerveau
lui-même ne se mite, ne se creuse de cryptes. L’oubli ronge ta substance,
rumine vaguement tes jours pour en faire quelques bouses sèches et un peu de
lait vite refroidi. Amnésie et apoptose, entropie et destruction, mesures conservatoires
de l’entreprise Vie (contrat à durée limitée). Il y a un temps pour être,
infime, et un temps pour ne pas, ne plus être, infini, à l’avant, à l’arrière,
ruban sans début sans fin et toi dans ta petite embarcation de chair et d’os à
date de péremption. Lutte perdue d’avance contre la montée des eaux. Écriture,
goudron pour colmater les brèches ? Tu n’y crois même pas mais songes à
cette étrange expression, l’énergie du
désespoir.
Commentaires