A Rome, Ingeborg 1
(sur un trio de Wolfgand Rihm)
Il tire la langue de Ingeborg. La reprend à la mort en sa déploration
fait chants de cloches et cordes, gong et flûte, traversière des jours enfuis.
Gong ô sans retour tempo métronome elle est passée par ici déploration.
Coups à la corde à la peau cogne sur le cœur à perte d’ouïe, pizzicati nerfs
oui la mort Ingeborg brûlée – pas de ruisseau – à Rome Rihm déploration
cordes et cloches flûtes et percussions, souffles et coups, caresses et
blessures, déploration lente infusion sonore venant laper sous la porte
de la mort. Imbuvable jus.
A Rome, Ingeborg, 2
Plaintes circulaires plaintes chromatiques irisent l’âme
voiles dans un vent gris de nuit ô plainte lente à peine émergée de l’obscur
murmure modulant enroulement spirale autour d’une note, ornement
vibraphone, corde effleurée cloche – tout un monde lointain. Où
es-tu partie, Ingeborg, brûlée vive à Rome Rihm déploration llanto
por lance son appel dans l’épaisseur impossible goutte de son tombant dans
le puits noir du temps, ta voix modulant comme une plainte les sonnailles ô ces
ténues ces infimes sondent l’abîme sonars lancent leurs pointes vers le
tréfonds – sans te rencontrer sans heurter même la masse de ton corps mort
Ingeborg. Seuls restes, Wörter, deine Wörter poèmes cloches cordes te cherchent
Ingeborg t’appellent t’appellent sanglots sondent l’abîme hoquets vibraphone
souffle enlacés sondent sondent l’absence ton silence le silence ton absence la
basse continue tu n’es plus déploration, in memoriam, für
Flöte, violoncello, Schlagzeug, Nicht auf Wiedersehen, glas, cordes, cloches
frappées. Un cœur s’éteint brûlée vive le feu lèche les cordes un cœur s’éteint,
brûlée, la vie s’étouffe. A Rome, Ingeborg, une étoile s’est éteinte.
Ces sons sont ses ondes fossiles.