Flotoir en ligne, régulièrement
Hier soir vers 21 heures, l’idée, évidente, tenter l’expérience de
publier en ligne chaque jour où il aura été tenu, le flotoir. Idée totalement évidente lorsqu’elle est sortie toute
armée de ma tête et totalement dégonflée deux heures plus tard. A quoi Bon,
devrais-je dire, car je pense que le bel article que François Bon a dédié hier
dans son tiers-livre à Poezibao m’a encouragée. Notamment dans
le sens de l’expérimentation et de l’invention de formes et d’outils liés à
l’usage de l’internet. Lui réfléchit à cet aspect sous le double angle de la
création littéraire et de la diffusion. Moi plus sous l’angle du médium et je
cherche à découvrir des moyens autres, différents, de faire ce travail de
journaliste et de critique littéraire.
Pourquoi ce repli du ballon qui s’était si bien gonflé ? Peur du manque de
matière, de tourner en rond peut-être. Et si au contraire c’était un aiguillon
pour écrire plus régulièrement dans le flotoir.
Même peu, même mal, même court, même creux. Mais écrire et donner à lire, au
hasard de ceux qui viennent là, qui passent là, at(tirés) par le fil d’Ariane
d’un moteur de recherche ? Les notes de travail et de lecture, les
impressions musicales, les recherches et les petits embryons de textes de
création, les éclats. Peut-être. Mais l’évidence n’est plus là et j’en suis
étonnée, je suis déroutée par ce passage
brutal de l’évidence au doute. Alors j’ajourne. Et je me mets au travail, i.e.
je tente de revenir (les promesses de journaleux sont comme les promesses
d’ivrogne !) à une tenue régulière du dit flotoir. En vue de le mettre en ligne ?
Anne Kawala
un échange avec cette jeune auteur dont m'a parlé Patrick Beurard-Valdoye. C’est elle
qui m’écrit ce matin :
« C'est Patrick qui m'invite à vous écrire, pour vous faire part de mes
impressions enthousiastes au sujet des entretiens infinis que vous menez
avec lui... [...] lire ces entretiens me permet de le découvrir sous un autre
angle, par le biais de questions posées, je trouve, avec une grande délicatesse,
des questions que je n'osais/n'ose pas, aussi parce qu'il est difficile
d'envisager, dans une conversation autour d'un café par exemple, de
l'interroger ainsi ; l'écrit me semble beaucoup plus adapté. Cela permet le
surgissement de détails, leurs lectures dans un ensemble construit. [...] Et
son écriture est d'une telle richesse que... [...] J'espère que la promesse de
l'infini tiendra ... dans le temps ! »
Extraits de ma réponse :
« [...] les entretiens infinis sont une sacrée affaire, passionnante, bouleversante
à bien des égards. Il est vrai que j'ai essayé d'inventer quelque chose pour
interroger l'acte créateur, quelque chose dont il me semblait que l'internet le
rendait possible. Se donner le temps, faire une sorte d'entretien in progress,
qui pourrait bourgeonner, emprunter des chemins de traverse, se ramifier et
pour cela il faut de l'espace et du temps, une structure ouverte que n'est pas
un livre.... ni une émission de radio la plupart du temps.
[...]. Curieux d'ailleurs de voir que chaque écrivain a ses lecteurs pour les entretiens infinis aussi, ce qui
tendrait à montrer que c'est l'écrivain qui intéresse avant tout dans cette
histoire, plus que le principe, et c'est tant mieux. Il y a ceux qui suivent
Patrick, ceux qui suivent Auxeméry, ceux qui suivent Jean-Pascal Dubost. Mais
avec chacun des trois auteurs (je m'en tiens là pour l'instant !) le principe
est le même, m'impliquer en tant que leur lectrice et leur poser les questions
qui me viennent en les lisant. Et les suivre aussi dans certaines de leurs
passions, car elles sont fondatrices et qu'il me semble difficile de n'en rien
connaître si je veux pouvoir échanger vraiment, en profondeur avec eux. Et en
effet, avec Patrick, ce sera surtout le champ de l'art et de la musique et je me suis un peu intéressée à Schwitters pour le suivre dans le Narré des îles Schwitters par
exemple. Je vais lire de la poésie baroque pour mieux comprendre Jean-Pascal
Dubost, j'ai un peu lu Olson à cause de son retentissement sur l'oeuvre d'Auxeméry [...] »
Émaz/Peau
Pourquoi Peau à peine ouvert,
quelques mots lus seulement (et je sors de la lecture du Monde avec de très
belles critiques de films puis d’une lettre passionnante de Patrick.B.-V. sur la
mémoire, les lieux, les traces, les mots, donc pas rien, il s’en faut),
pourquoi nœud dans la gorge et larmes -si rares larmes- montant aux yeux sur
ces mots : « fatigue mot pour corps en tas » . C’est tout :
extraordinaire puissance de ce très peu de mots. Ce très peu voulu par tant et
qui chez eux ne vibre pas, reste au sens strict lettre
morte (que de lettres mortes il m’est donné de lire à longueur de mois).
Mystère total. Même pour qui sait -mais si peu- à quel point Antoine Émaz est
informé de poésie et en particulier de Reverdy et de du Bouchet.
Si bien que ce livre-là, contrairement à beaucoup d’autres, il n’est pas
possible de le lire vite. Il semble requérir, tant il est vivant sans doute,
(au-delà de ce que les apparences de son contenu pourraient suggérer) le temps,
contraindre tout doucement le lecteur à la précaution, à prendre le temps de
lire le livre, petit à petit et c’est « comme un chemin de mots/en
corniche/falaise ou dune ou digue » (46) : constructions naturelles ou
artificielles, mais constructions. Et lovée dans la simplicité de l’énoncé, la
puissance d’évocation, d’autant que l’on a lu page précédent que tournent
« en tête des images comme de veilles mouettes » (43) ; alors
voilà que se déploient soudain dans la chambre parisienne un cap gris ou blanc nez,
la mer, les falaises et les corniches, et le sable et les dunes. Les mots
portent, les mots-portes.
Bergougnoux ?
Étrange comme pendant un ou deux jours j’ai écrit, et à plusieurs
reprises, Bergougnoux au lieu de Bergounioux. La raison en est sans doute la
découverte de l’étymologie de ce nom : vergogne !