En
lisant Thierry Martin-Scherrer
Parlant de Chopin : « avec
pour avenir l’apprentissage de ce qui fut » (95), saisissante formule,
dans sa brièveté, son mystère, son ampleur.
Ré-accoupler chaque sensation présente dont il faut extraire l’atome d’autrefois
qu’elle contient peut-être encore, à la sensation engloutie dans l’eau très
noire de l’oubli. Dans cette nuit, devoir, savoir, pouvoir s’immerger au risque
du non-retour. Trouver de nouveaux chemins neuronaux, ouvrir des accès éboulés, se faire rampant dans le rhizome
plus que volant dans l’arborescence, en quête du coagulé, de l’agglomérat, du
précipité plus que du sang ou de la sève. Spores, portes ouvertes vers l’essaimage
né de la fermentation. « Ses prises d’élection : impressions
diffuses, embryons de pensée » (95)
La pensée et l’écriture de Thierry Martin-Scherrer semblent marquées très en
profondeur par l’écoute musicale, qui a chez lui valeur d’expérience au sens le
plus fort du mot. L’impact de la musique sur les sphères de la pensée, de l’imagination
a modifié ou plus probablement a formé dès l’origine les mécanismes intérieurs,
les détournant de la logique déductive au profit d’une logique très intimement
associative, de nature à replier sur eux-mêmes affects et temporalités « sur
un fil de temps contaminé par un principe de réversibilité. » Chopin est
là son double, Proust n’est jamais loin. Ainsi que des figures de pianistes, elles-mêmes
étranges constructions agrégatives nées d’écoutes répétées dont chacune retranche
ou ajoute quelque chose au portrait intérieur fait de bribes identificatoires,
de données biographiques avérées, de rêveries associatives, d’impensé scruté
par l’écriture.
Thierry Martin Scherrer, Le Fantôme de
Chopin, Editions Lettres Vives.