Mauricette
Mauricette, je pense à Mauricette, l’héroïne
de Lucien Suel, ses séjours à l’hôpital psychiatrique, son amitié avec
Christophe (je suis sûre que ce prénom est là en référence à Christophe
Tarkos). La douleur, la souffrance intérieures.
Les grandes chagrins intérieurs sans cesse coiffés et enfoncés la tête sous l’eau,
dirait-elle et cacher les siennes en petit panier vert de patience, s’inventer
un fil à couper le chagrin en deux, quatre, douze, chaque petit morceau plus
facile à retourner pour y voir derrière qu’une grande croûte calcinée et lourde
Walter,
Lucien, Mauricette et la biographie
La biographie, geste impraticable
selon Walter Benjamin mais dont Tackels montre à quel point il est constant. « Ne
jamais utiliser le mot je », dit Benjamin, mais il enfouit les éléments de
sa vie dans le creux du texte. On peut se demander aussi si ce n’est pas ce que
fait Lucien Suel, dans La Patience de Mauricette comme il l’avait fait dans La
mort d'un jardinier. Procuration mais à un point qui va très au-delà de la
simple identification du romancier avec son personnage. Il y a tout ce jeu des
identités, cher à ceux du Jardin Ouvrier, Ch’vavar au premier chef, mais Suel
aussi, ce jeu qui donne vertige au lecteur, qui sans cesse sent se dérober ses
certitudes de lecteur. Jeux sur l’identité qui sont sans doute, sous réserve d’analyse
plus approfondie, à rapprocher mais aussi à distinguer très nettement de la
question des hétéronymes chez Pessoa. Qui parle ici ? Mauricette ou Lucien ?
Ou quelqu’un d’autre dont le lecteur ne sait rien, une parente de Lucien, une
figure agrégative en hommage à une lignée de souffrances ? Et sous le
personnage de Mauricette, ne voit-on pas se lever les figures plus ou moins
bien établies dans le for intérieur, fous littéraires, peintres et
dessinateurs de l’art brut, compositeurs de jardins impossibles, etc. Une
lignée dans les lignes du « roman », une résonance sur les marges du
littéraire, du convenable, du convenu, du sérieux…. voix donnée au peuple des
fous, des malades mentaux, des déprimés, des souffrants, des tristes et des
mélancoliques (Lucien Suel a une étonnante connaissance de l’univers des hôpitaux
psychiatriques, les détails ne trompent pas !).
(en
lisant Walter Benjamin, une vie dans les
textes de Bruno Tackels et La
Patience de Mauricette, de Lucien Suel).