Jouve parle
de la puissance d’affectivité de Wozzeck : « on
ne résiste pas à une force aussi proche de l’être, et de l’être surexistant. »
Il poursuit : « la technique atonale de Wozzeck marque la charnière
entre le chromatisme issu de Wagner, et la musique établie sur la constance de
certaines suites d’intervalles qui, sous l’impulsion d’Arnold Schönberg, deviendra
″musique de douze sons″ par l’utilisation exclusive du total chromatique. Ces systèmes
formels nouveaux ne sauraient pourtant enfermer que deux réalités, qui sont
celles de la musique dans sa longue tradition : réalité révolutionnaire et
novatrice, et réalité essentielle ou permanente qui, selon le temps que nous
occupons, nous a fait désirer de telles formes comme représentant nos vérités »
→ Retenir et travailler l’idée de formes nouvelles surgissant pour correspondre
aux vérités d’un temps donné, d’un temps occupé.
La forme serait en quelque sorte secrétée par une nécessité intérieure, elle-même
suscitée par une nouvelle façon d’être au monde, par un contact avec une
réalité modifiée par rapport aux temps antérieurs, proche antérieur ou lointain
antérieur. Le grand artiste, dans n’importe quel domaine, est celui qui le
premier invente cette forme propre à représenter les vérités d’un temps donné.
Pierre Jean Jouve qui écrit un peu plus loin « l’esprit accepte la technique
toujours considérable d’une œuvre moderne, à condition que cette œuvre parle la
langue qu’il attend, la langue qu’il a formulée peut-être intérieurement avant
de l’avoir entendue ». (Pierre Jean Jouve/Michel Fano, Wozzeck d’Alban Berg, Christian
Bourgois, 1999, p. 56)