Retour au livre
Retour au livre après quoi, détours, non, diversions, non, divergences, non, éloignement plutôt, par overdose et jeu de Fort und da, peut-être.
Trois compagnons du soir
Ce soir trois compagnons déjà, Günter Grass, retour sur la visite éclair de sa maison à Lübeck cet été, la découverte de ses activités artistiques (cela pour préparer un article pour le site Œuvres Ouvertes de Laurent Margantin qui m’y a invitée dans le cadre de ce joli processus des « Vases communicants », instauré par une bande d’amis sur Internet, l’un postant une contribution dans le site de l’autre) – puis un beau tandem, la peintre Catherine Ernst et Michel Butor, balade dans un paysage imaginaire, ses encres à elle et la méditation sur ces images, son encre à lui. Sept vers de sept syllabes, suivis d’une phrase de deux ou trois lignes de prose. Et toujours ce côté inventaire du monde que j’aime bien chez Butor. (Montagnes en gestation, éditions Notari, livre bilingue, français-allemand)
Emanuele Coccia, le bain infini au cœur du sensible
et retour à Coccia et à La vie sensible, cela : « Notre existence – dans le sommeil ou en état de veille – est un bain infini au cœur du sensible ».
→ et nous, nous nous sommes bâtis une carapace, une armure, avons fait pousser une croûte dure sur notre peau, avons mis des lunettes noires et des casques sur nos oreilles, dressé entre nous et ce sensible toutes sortes d’appareils destinés à nous relier, disent-ils et qui nous coupent.
→ ce bain de sensible devenu pour nous aussi inévident, im-perceptible que le sont ces torrents de neutrinos dont on dit qu’ils nous traversent à chaque instant.
→ tout nous parle et nous n’entendons rien, tout nous appellerait peut-être, non pas appel mais adresse neutre à notre être, mais nous n’écoutons pas. Bardés de capteurs, nous ne percevons plus rien, pris dans ce nuage d’ondes, qui fonctionne comme une cage et nous n’avons plus de signature propre.
→ des dizaines de pages ne suffiraient pas à une tentative d’épuisement d’un instant de vie sensible.
Coccia et sa notion de media
« ces media en tant que conditions de possibilités du sensible sont le véritable tissu conjonctif du monde » (56)
→ on pourrait faire un usage faux de cette phrase. Il ne s’agit bien évidemment pas ici des medias au sens usuel du mot mais plutôt de tout ce qui permet de véhiculer le sensible.
→ belle idée de ce « tissu conjonctif » comme les cellules gliales dans le cerveau.
Voici d’ailleurs, de la plume même d’E.C. une définition du medium, des media :
« les media sont ce qui produit le rapport de continuité entre esprit et réalité, le monde et le psychisme [...] les images – la réalité du sensible – rendent possible cette relation qui est en même temps immatérielle et infra rationnelle, la possibilité d’être affecté par quelque chose sans que cette chose nous touche physiquement »
« les media produisent dans le cosmos un continuum au sein duquel les vivants et le milieu deviennent psychologiquement inséparables » (57)
Éclat bleu, près de l’eau, toujours
ouverture de paysage par sons et encres, sentiers vers les bois, talus abrupts, lieux d’herbes et de pierres – dans l’anfractuosité le rêve, passage de l’autre côté du monde, l’âme-oiseau, le cœur-libellule, éclat bleu, près de l’eau toujours – instant de vibration, glissé horizontal – cette présence de couleur, fut-elle rêvée, et cette matière immatérielle, plus réelle que toute réalité – parois des encres, eaux des lavis, gouffres de la perspective, laisser ce toucher se faire caresse & s’offrir paroi sensible aux moindres inflexions, tracé ou phrasé.
(en lisant Michel Butor, Emanuele Coccia, en regardant les encres de Catherine Ernst, en pensant à Yves Bonnefoy et à John Cowper Powys)