musique et fragments
Est-ce qu’il y a un équivalent du fragment littéraire en musique ? Spontanément je pense aux Játékok de Kurtag, dont il a dit lui-même, je crois, que c’était une sorte de journal, pièces souvent très brèves, moins d’une minute, reflets sans doute d’une situation, d’un état, d’un affect.
Cette question est venue de l’audition successive dans le concert donné par l’organiste Ami Hoyano, hier après-midi, à St Germain des Prés de la « Passacaille » de Bach et d’extraits de la « Nativité du Seigneur » de Messiaen (« Dieu parmi nous »). Et voici pourquoi : j’ai été frappée une fois de plus par le caractère monumental de la « Passacaille », cette construction proprement inouïe sur cette basse répétée, do - sol / mib - fa / sol - lab / fa –sol / ré – mib /si# - do / fa- sol /do (on est en do mineur) et donc, bien sûr, mouvante, sur le rythme une brève, une longue et qui se perpétue et se déplace, et sur laquelle s’édifie petit à petit une série de vingt variations. Basse obstinée avec son double aspect, six notes montantes suivies d’une sorte d’immense escalier emprunté comme à reculons pour descendre sur le do grave, qui fait vibrer tout l’instrument, l’église et sans doute une partie de l’auditoire.
L’autre œuvre, après deux belles « danses à Agni Yavishta » de Jehan Alain, des extraits de la « Nativité du Seigneur » de Messiaen. Je suis d’abord frappée par le côté comme haché de la musique, plusieurs suites de quelques mesures (d’où la question du fragment), souvent brillantes mais qui ne semblent pas trouver de continuité apparente avec la série suivante, jusqu’à ce que soudain, là aussi, comme si quelque chose s’était trouvé, s’édifie une construction magistrale et non segmentée, fragmentée, éclatée qui se clôt dans une apothéose sonore donnant une impression de totalité (sûrement pas un hasard)
écoute et lecture
Dans l’écoute de la musique comme dans la lecture, le difficile : conjuguer une appréhension globale, sensible à la construction, à la tonalité de l’ensemble et une pensée analytique, capable de percevoir les détails de la composition. Sans parler des pensées parasites qui dans un cas comme dans l’autre s’invitent trop souvent et viennent perturber l’écoute.
de la fatigue
Les régimes de la fatigue mentale sont-ils comparables, dans leur nature et leurs effets, à ceux de la fatigue physique, en particulier en ce qui concerne les automatismes induits par ces états. Ceux-là même qui suscitent la question : « où étais-je lorsque j’ai accompli telle tâche » (laquelle peut avoir été parfaitement exécutée !).
Dans le mental, la fatigue peut elle être inductrice ? En débranchant les défenses logiques, véritable ligne Maginot de la conscience ?
orgue encore
Pourquoi cet effet si puissant de l’orgue ? Qui s’accentue au fil du temps et des concerts.
Hier celui de St Germain des Prés, à l’histoire passablement compliquée, riche en couleurs et voix très expressives, pas brouillées par une réverbération excessive.
Tout cela bien évidemment sans amplification électrique ! Seulement de l’air qui circule dans des milliers de tuyaux, chef d’œuvre d’ingéniosité.
Si souvent pensé à Bach, au soir tombant, à Leipzig, ou bien dans le Nord de l’Allemagne, près de Buxtehude, à l’orgue. (« Bach en automne », Dadelsen !)
HG Adler
« C’est le possible qui dégèle entre les mains » (HG Adler, p. 328) [sans doute cela que ressentent les Tunisiens, les Égyptiens et les Libyens aujourd’hui !]
Livre très difficile. Dont j’émerge peu à peu, avec le sentiment que la plupart des clés m’ont manqué, pour pénétrer plus avant dans cet univers allégorique et métaphorique qui tente de dire l’expérience de la déportation. Il y aurait un travail sur les noms propres à faire, car si le Lustig (joyeux), nom de famille des protagonistes du livre est assez lumineux et grinçant, de même que le Ruhenthal (Vallée de la paix) qui nomme le camp, d’autres noms semblent plus énigmatiques, comme Leitenberg par exemple. Il me semble aussi que les références allégoriques doivent emprunter à la culture juive ? Bref, il faudrait une explication de textes approfondie (pour une fois je réclame une explication de texte !) de ce livre déroutant et impressionnant.
visée du travail de diffusion de la poésie
Il faudrait savoir être utile aux nécessaires et renoncer à être utile aux stériles et aux parasites.
à manger par les corneilles moqueuses
ronge et taraude – édifices dérisoires, grains de sable si difficilement accolés et vient le vent et s’effondrent ces pauvre arches, s’éboulent les retenues – retour de ce qui était tapi derrière la barricade, déverrouillage, débondement – les fourmis attaquent de nouveau, elles piquent le cuir en tous points mais non mais non tu sais bien l’aune, petite, ô si petite, détourne-toi, meure sans, pas ton lot, laisse ça en tas, on fera le nécessaire – et l’âme en miettes à manger par les corneilles moqueuses