Valéry
Attendais beaucoup du Hors-série Valéry du Magazine Littéraire. Mais il me parait bien creux, sauf sur deux points, l’iconographie, sans doute pas originale mais superbe et très bien reproduite et un article qui est en fait une reprise d’un article ancien de la revue, article signé Daniel Oster et paru une première fois en 1982.
Je relève toutefois quelques citations de Valéry et m’en veux une fois de plus de m’être laissé piéger par l’écume des choses au lieu d’aller aux choses même, ici les Cahiers dont j’ai à peine exploré les quelques volumes de l’édition CNRS trouvés il y a quelques mois par le plus grand des hasards et par chance inouïe.
« Levé avant 5 heures, il me semble, à 8, avoir déjà vécu toute une journée par l’esprit, et gagné le droit d’être bête jusqu’au soir ».
Ai-je suffisamment rêvé sur ces 258 Cahiers écrits à l’aube !
Daniel Oster écrit un peu plus loin : « sa passion du petit jour : greffer l’esprit et l’écriture sur la totalité du savoir de son temps. Ouvrant ainsi la voie à une littérature délivrée de l’expressionnisme du sujet, combinatoire absolue, nébuleuse instable, colloque infini. » (Le Magazine Littéraire, Hors-série Valéry, sept 2011, p. 8)
Toutes proportions gardées, cela va de soi, n’est-ce pas un peu aussi ce que vise le Flotoir.
Et qu’aurait dit Valéry de l’effervescence actuelle dans le domaine de la physique nucléaire. On serait sur le point de trouver trace du boson de Higgs, à moins qu’on conclue qu’il n’existe pas et les scientifiques disent que dans les deux cas, ce sont des avancées majeures. Et puis hier, cette possible découverte que le neutrino se déplacerait à une vitesse supérieure à celle de la lumière, limite considérée comme infranchissable depuis Einstein…
Paul Valéry, l’article de Daniel Oster
« Valéry aura méthodiquement tout mis en doute, à commencer par la littérature elle-même : il n’hésite pas à interroger les légitimités de l’écrivain ou du poète, qui se satisfait trop souvent, selon lui, d’être "préposé aux Choses Vagues". »
Car en effet « l’homme ne peut plus être ce "préposé aux Choses Vagues", l’homme des dessous et des hauteurs, mais celui qui constamment met à l’épreuve en lui-même le double principe de la thermodynamique : la vie est la conservation du possible, la vie consume de l’être » (ibid.) et il sait que « le pouvoir d’abolition du langage est largement compensé par sa capacité de donner de l’être à ce qui n’en a pas. »
Très belle conclusion de son article :
« Valéry est donc un écrivain irreprésentable, qui aura vécu cette passion à l’abri de sa gloire. Ni philosophe, ni artiste, ni linguiste, ni poète, ni physicien, ni sémiologue, ni psychologue, ni politique, ni sociologue, ni anthropologue, etc…, mais tout cela à la fois et de sorte que rien ne tienne dans l’universel mais tout se défasse dans le particulier, le stochastique, le brownien : une totalité sans synthèse, où l’impossibilité même du total serait le moteur. Si la modernité a un nom, ce nom est pourtant valéryien : intervalle. La question que se pose le poète est celle de la discontinuité et du tel quel, autrement dit de l’évènement. L’œuvre n’en sera donc que la figure puisqu’elle ne vit que de sa propre défiguration, tout comme l’écrivain qui, à la limite, et précisément parce qu’il n’y a pas de limite, est impossible » (ibid. p. 9)