Walter Benjamin
Visite de l’exposition Walter Benjamin, profondément émouvante avec ces traces et fragments laissés par Benjamin qui attachait tellement d’importance à l’archive : son œuvre, est-il en effet précisé quelque part, au sein de laquelle « l’archive constitue tour à tour l’objet, la méthode et la finalité ».
Émotion de tous ces petits bouts de notes, de papiers, qui ne sont pas sans évoquer ceux de Walser…
Et de sa toute dernière lettre, adressée à H. Gurland, le 25 septembre 1940, juste avant son suicide à Port Bou
Émouvant aussi son visage.
→ De mon carnet :
Écrivailleries, verzettelte Schreiberei, du verbe verzetteln, éparpiller
Superbe portrait (texte) par Adorno, lequel avec son épouse Greta a beaucoup soutenu WB
Cycle de 73 sonnets en mémoire de Christoph Friedrich Heine
Écriture microscopique, parfois en deux colonnes malgré l’exiguïté du feuillet (qui fait en effet penser aux microgrammes de Walser)
A observé et noté le langage naissant de son fils Stephan
Avait de nombreux carnets, il leur vouait un culte, il en tenait plusieurs en même temps.
→ J’ai, inévitablement, acheté le catalogue !
Triade (Pessoa, Walser, Benjamin)
Pourquoi cette triade obsédante et si présente, ces trois figures, Pessoa, Walser et Benjamin. Figures de solitude, avec pour seul recours couvrir de poèmes, de notes, de mots des milliers de pages ?
Walter Benjamin, exhumer et se souvenir
J’ai donc commencé à explorer, avec à la fois émotion et fascination, le catalogue de l’exposition en cours au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris. Et ce matin, après avoir vu en ligne, sur le site de Christine Jeanney, des tuiles de jeu de Mah-jong qui ont suscité une vraie flambée de réminiscences, je suis revenue à ce texte de Benjamin, donné en ouverture du catalogue
« S’efforcer d’approcher son propre passé oblige à se conduire comme un homme qui creuse. Avant tout il ne doit pas craindre de revenir sans cesse sur un seul et même complexe factuel, de le disperser comme on disperse de la terre, de le retourner comme on retourne le sol. Car ces complexes factuels ne sont rien de plus que les couches qui vont seulement livrer à la prospection la plus méticuleuse ce pour quoi il vaut la peine de creuser. À savoir les images qui, dégagées de tous les contextes antérieurs, résident comme des objets précieux dans les chambres sobres de notre compréhension tardive – tels des bustes dans la galerie du collectionneur. Et certes il est utile, pour fouiller, d’avancer selon des plans. Mais tout aussi indispensable est le tâtonnement de la bêche, précautionneuse, dans la terre obscure »
Walter Benjamin, « Exhumer et se souvenir », extrait d’Images de pensées, traduit de l’allemand par Jean-François Poirier et Jean Lacoste, Bourgois, 1998, pp. 181 et 182, republié récemment dans la collection de poche de l’éditeur, texte cité in Walter Benjamin, archives, catalogue de l’exposition du musée d’histoire et d’art du Judaïsme / Klincksieck, 2011.
Deux remarques à partir de ce texte extraordinaire
→ Ces propos n’auraient été désavoués ni par Freud ni par Proust et on pense les lisant aussi bien à tous les mécanismes d’enregistrement puis de tri élucidés par Freud, qu’aux recherches du temps perdu de Proust. On peut se poser la question de savoir si ce dernier, partant d’une intuition, d’une aura autour d’un évènement, a utilisé une telle méthode, creuser selon un plan, mais aussi un peu au petit bonheur la chance, dans une certaine direction, mais sans but précis.
→ Et bien entendu, quelle plus extraordinaire bêche que l’écriture. On pourrait lui adjoindre comme outil la rêverie vraiment libre (le rêve éveillé), le travail sur les rêves et leurs ramifications, les associations qu’ils lèvent et enfin la lecture flottante : autant de moyens peut-être qui conduisent aux chambres sobre de notre compréhension tardive.
bascule arrière, plongeur
se jeter avec l’eau du bain, siphon & avaloir encore et l’entropie et ce qui sans cesse fuit à grandes goulées, tout y passe : instants, joies, âges, sentiments, fuite en avant et bascule arrière – plongeurs en eaux profondes, quête de traces, de débris, de corps, de restes ou de preuves : pans de vie – avoir été n’être plus ou pas encore sans demain et le savoir et n’y pouvoir et n’y voir goutte, sauf celle, perlante, du temps : clepsydre