Ciel
serait beau s’il n’était voilé par une pollution importante – hier sur l’autoroute vers Orsay, frappés par ce voile, avec les yeux qui piquent et la gorge sèche et irritée ! Mais les présentateurs se réjouissent idiotement de ce beau temps anormalement chaud pour la saison.
La matérialité
Jean-Christophe Bailly dans Le Dépaysement pointe notre « éloignement progressif envers la matérialité, comme si celle-ci comportait quelque chose de brut qu’il fallait effacer ou tout au moins atténuer, l’animalité se profilant derrière elle comme une ombre ». (p.359)
Propos qu’il tient dans un chapitre intitulé « du côté des bêtes » où il parle longuement du sort des animaux de boucherie et de notre indifférence totale à leur égard, un peu comme si pour nous les animaux vivants et bien vivants, massifs, doués d’une sorte de présence très particulière, n’étaient déjà que morceaux de viande à l’étal des boucheries.
→ les citadins vivent dans un monde où quasiment toute matérialité est exclue et avant tout celle du sol ! Et aussi celle de l’eau ce qui explique peut-être le tropisme qui nous pousse, nombreux, vers le fleuve ou la rivière quand ils baignent la ville.
→ sentiment très fort de matérialité récemment, en montant aux ruines d’un vieux château, butte quasi déserte, végétation foisonnante et la roche, la mousse, les troncs, les écorces, les cailloux, un monde de matières où même les pierres utilisées pour la construction étaient retournées à leur matérialité sauvage. Et ce fait surprenant qu’une infime, vraiment infime connaissance de la géologie (quinze pages lues dans un petit manuel archi basique d’initiation) polarise déjà différemment mon attention, me donne à voir ! Une fois encore, voilà mis en évidence le lien entre connaissance et perception. Et la nécessité de l’éducation, ici à pointer en particulier, celle aux choses de la nature, tant oubliées (je pense à la botanique, à l’ornithologie, à l’entomologie, à la géologie, à l’hydrologie…..). Mondes tellement inépuisables et fascinants si l’on veut bien y penser, quittant un moment des yeux les écrans qui aplatissent irrémédiablement le monde, le réduisant à leur bi-dimensionnalité, sans parler de leur allégeance à toutes sortes de pouvoirs occultes mais profondément agissants.
→ penser aussi pour ne pas trop vite la jeter avec l’eau du bain à la matérialité du livre, son passé d’arbre, son encre, son odeur, son épaisseur que ne rendront jamais les tablettes et liseuses. Mais peut-être que cela se perdra comme les odeurs d’étable évoquées par Jean-Christophe Bailly.
Vergne (un mot)
Terme régional (de la Vendée aux Vosges) pour désigner l’aulne et par métonymie le bois de cet arbre.
« Car le dévers ici, dans ces confins occidentaux du Massif central auxquels j’aurai appartenu, conduisait sans mystère vers des bas-fonds mouillés et boueux, à travers le fatras des vergnes, dans le monde douteux, louche, profond, incohérent et clair à la fois des ruisseaux » (Vincent Pélissier, Toucher terre, le Bruit du Temps, 2012, p. 13)
Toucher terre (Vincent Pélissier)
Ouvrant ce petit livre, venant de quitter Le Dépaysement, je suis frappée par les échos puissants entre les deux livres ; ainsi que, comme peut le montrer la citation à propos des vergnes, par une résonance avec Bergounioux et sans doute Michon. Autour d’une même attention à ce qui se dit dans les paysages, dans les lieux, lieux dits, oui, qui parlent, dont émane tout un monde enfoui, en voie de disparition.
→ Je trouve là aussi la source de ce qui, à partir de la lecture de Bailly, a engendré cet intérêt naissant pour la géologie, lui-même enté sur l’amour de toujours pour les cailloux, cailloux sans valeur marchande, que personne ne me dispute, ne voit, n’accueille. Cailloux dont certains m’émeuvent profondément, comme s’ils me parlaient de quelque chose d’enfoui très profondément, en moi, dans le monde, dans le passé. Une matérialité bien sûr, mais bien plus que cela sans doute. Une manière peut-être de mettre la matérialité au cœur de l’univers urbain, sur son bureau, à portée de main. Pour y entendre le bruit du temps ? La force agglutinante du monde ? Pour toucher terre, selon le beau titre de Vincent Pélissier…
Matérialité encore (Pélissier et Bailly
et comment ne pas voir l’écho, puissant, entre Bailly, cité ci-dessus et ce propos de Vincent Pélissier, qui part d’une même observation de troupeaux de bovins ou d’ovins dans la campagne. Parlant de Paris, il évoque les « grandes perspectives dont s’était doté [la ville] pour s’abstraire un peu plus de la terre, tirer des traits au cordeau et oublier la friche, la sauvagerie, les bois, leur fatras magistral. » (ibid. p. 14)
Une somme de débuts (Pélissier)
Très belle méditation à partir du propos d’un pédiatre anglais, selon lequel « il n’existe pas de début, seulement une somme de débuts ». S’interrogeant sur un certain climat auquel il est sensible, Vincent Pélissier montre bien qu’il est quasi impossible d’attribuer cette sensibilité à un cadre précis de sa vie et de son enfance marquée notamment par un temps de vie en Afrique.
→ il y aurait en effet plutôt une lente sédimentation, là encore de nature quasi géologique, un engrammage neuronal, qui fond les impressions reçues, notamment celles de l’enfance, en un tout qui est propre à chacun et qui souvent s’éloigne de la réalité des choses. En nous déposent continuellement les perceptions, celles du monde et pour certains, celles de leurs lectures, parfois tellement mêlées qu’il devient impossible de distinguer les unes des autres. Une même réalité pour tous, peut-être, mais une sensibilité et des polarités perceptives différentes, du fait de l’appartenance à toutes sortes d’entités, géographiques, historiques, sociales et enfin une manière propre à chacun de construire et se laisser construire par ces matériaux. Dont il faut souligner et la pluralité et l’importance numérique, considérable.
Vexillaire (un mot)
Vient de l’antiquité romaine, soldat portant un drapeau, le vexille. En botanique, qui a la forme d’un étendard.
« Celui qui m’indiqua ce chapitre spécial de la géographie, ce vexillaire inattendu d’un pays intempestif habitait un hameau à l’écart dans la campagne qui m’a reçu »
Étoupe étouffe
Étoupe étouffe le souffle court essaims en bouche et gorge, infiltration insinuante insidieuse, tout se prend, lentement, en silence, pores bouchées, ports et portes barrés – embétonnement du vif, plâtrage du surgissant, talc du temps
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