Ciel
Rose au levé et au levant – lumière douce, moins voilée – les températures diminuent encore un peu, 12°2 ce matin, retour aux normes saisonnières ? (un de ces bi-mots qui me font penser au beau livre de Michelle Grangaud, Les Temps traversés !
Danse de l’écriture
Écrire serait-il une danse ? Jeux des reflets de ma bague sur le mur tandis que je tape ces textes !
Scandalisée par un article du Monde
Je suis en effet révulsée par un article paru dans le Monde des Livres daté vendredi 30 mars 2012. Le journal a imaginé de demander à un écrivain de se mettre dans la peau du tueur de Toulouse et de donner un texte censé représenter ce qui s’est passé dans sa tête dans les heures qui ont précédé « l’assaut ». C’est scandaleux à plus d’un titre, c’est une injure aux victimes, c’est d’une bêtise, tant de la part de l’écrivain que du journal, qui dépasse l’entendement. Le texte est par ailleurs d’un convenu et d’une vulgarité consternants. Mais on habille ça intellectuellement en disant qu’il s’agit de « passer la conscience de l’assassin au scanner de la fiction »…. [c’est tout à fait intentionnellement que je n’écris pas ici les noms propres.] Je sais qu’un débat sur ce même fond, je dis bien le fond, uniquement, a eu lieu à propos des Bienveillantes de Jonathan Littell, mais on se situait à un tout autre niveau me semble-t-il.
Heureusement, il y a un antidote, un article d’Olivier Rolin, coup de sang aussi dans lequel il s’élève contre l’atténuation -notamment par l’usage mal avisé des mots-, de la monstruosité des actes et de la personne de ce tueur. « façon aussi dérisoire que lâche de tenter d’apprivoiser l’ignoble. » Olivier Rolin analyse particulièrement les deux termes de « gamin » et de « dérive » et s’en prend aussi au « faire des bêtises ». Marc Weitzmann s’élève lui aussi dans ce même numéro contre les tentatives d’explication et écrit « l’explication généralise autant qu’elle rassure et, dans une certaine mesure, absout ». Et il a cette formule qui condamne la tentative qui me révulse tant : « tautologie du présent, l’acte terroriste échappe à la narration ». Se mettre dans la peau du tueur est proprement obscène.
William Marx
Comme très souvent ces derniers temps dans un Monde des livres globalement décevant, la dernière page, qui dresse un portrait approfondi d’un auteur pas toujours parmi les plus connus, est passionnante. Focus ici sur l’historien de la littérature et critique William Marx. Je n’entrerai pas dans les détails de l’article qui a trait surtout à l’image que nous avons du théâtre antique et dont W. Marx montrerait dans son dernier livre « Le Tombeau d’Œdipe », à quel point elle est biaisée et fausse. Construite en quelque sorte, sur des données extrêmement lacunaires. Mais je voudrais surtout relever cet extrait de l’article de Jean-Louis Jeannelle : « [...] à l’encontre d’un des dogmes de la critique littéraire. À savoir que tout texte se suffit à lui-même et qu’il contient, au-delà du contexte biographique et historiques, les données qui permettent de l’interpréter. La question est essentielle et W. Marx y a consacré la plupart de ses travaux, depuis sa thèse sur les deux fondateurs de la critique formaliste, Paul Valéry et T.S. Eliot, Naissance de la critique moderne jusqu’à son Adieu à la littérature. » (Le Monde des livres daté vendredi 30 mars 2012)
Oui c’est soulas ! (Dubost)
Jean-Pascal Dubost, page 36 de Et Leçons et coutures, répond à mon interrogation d’hier sur la joie qu’il aurait eue à écrire ces poèmes. Rêvant autour du mot ancien soulacieux, joyeux, agréable, il écrit « et nul ne doit douter que toutes les figures de poèmes fabriquées en ce livre l’ont été, fabriquées, dans le plus grand soulas » !
Papelardie (un mot), (Dubost)
Fausse dévotion, hypocrisie
mais papelard, qui veut dire faux, hypocrite veut aussi dire dans le langage familier une feuille de papier écrite.
« forge ton propre macroscosme logosphérique de papelardie portée par des cantos d’ouvrier verbal » (37)
Appariements improbables (Dubost)
Chez lui, cette façon d’apparier, d’accoupler les registres et les temporalités de langue, par exemple un mot ancien et un slogan de la langue de bois contemporaine ou de détourner une expression, souvent un bi-mot au demeurant. Exemple parmi beaucoup d’autres « les tristes pestacles de la réalité télé-nuisant au développement durable de l’esprit » (47)
Cet appariement me semble infiniment plus réussi littérairement et plus fécond sur le plan de la pensée que certains cut-up contemporains qui alignent et montent en bloc par pages étouffe-chrétien des extraits de la « réclame » contemporaine, de la langue des médias et des hommes politiques.
Klée chez Dubost
Le poème autour (il serait faux d’écrire consacré à…) Jean-Paul Klée est formidable ! « transformer l’ire en lare de la parlure, quand bien tot est forelures et peine perdure » (44)
Les "livres-ha" (Dubost)
Dans cette même page, la note revient sur l’idée de livre-ha forgée par Vernon Proxton, préfacier du livre Anna et Mister God de Fynn : « les livres-ha sont ceux qui déterminent, dans la conscience du lecteur, un changement profond. Ils dilatent sa sensibilité d’une manière telle qu’il se met à regarder les objets les plus familiers comme s’il les regardait pour la première fois [...] Les livres-ha atteignent le centre nerveux de l’être et le lecteur en reçoit un choc presque physique. [...] [C’est la raison d’être de ces Coutures]. »
A qui cela me fait penser ? Marielle Macé, bien sûr…. tout se tient !
Magris
La déception à la lecture de Alphabets continue malheureusement. Je soupçonne aussi la traduction d’être en cause, avec un style lourd et parfois des formulations étranges, ainsi p. 46, cette citation de Kipling « J’appréhende d’être pris à coups de pied, mais je n’ai pas peur de mourir. Vous, vous n’appréhendez pas d’être pris à coups de pied, mais vous avez peur de mourir ». Cela veut dire quoi, être pris à coups de pied ?
J’ai parfois aussi le sentiment que Magris tire à la ligne et se fait trop didactique. Revers de la médaille de l’offre de cette fameuse Terza pagina, cette page trois entièrement dédiée à la culture, du Corriere della Sera ? À propos de cette citation de Kipling, Magris la décrypte en long et en large comme si le lecteur ne pouvait pas comprendre tout seul !
La concision de Dubost parait bien astringente en comparaison !
sable, sa fluence
sable grains de sable, est-ce sable en veines, fourmillement, délitement d’os et de temps à pas lents, sûrs – sable, sa fluence et ses demeures, sabliers : lent effondrement du temps sur lui-même, avaloir du est en fut
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