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Rédigé par Florence Trocmé le 21 octobre 2012 à 14h58 dans photomontages | Lien permanent | Commentaires (0)
Christa
Wolf
Je suis très impressionnée par son livre Ville des Anges. Plaisir en premier lieu à lire de la prose, un
long récit, qui a quelque chose d’un roman à certains égards. Je devrais mettre
à mon programme de lectures autre chose que de la poésie et des essais, des
romans étrangers notamment et plus singulièrement du domaine allemand ….
Ville des Anges est un récit que
Christa Wolf construit autour et pendant une sorte de résidence qu’elle fit à
Los Angeles au début des années 90, donc peu de temps après l’ouverture du Mur.
Elle tente d’y construire quelque chose à partir de lettres que lui a léguées
une de ses amies très proches, lettres signées d’une certaine L. dont elle
ignore absolument tout et dont elle cherche à trouver la trace dans cette ville
où cette femme a ou aurait vécu. Elle y rencontre un certain Peter Gutman,
allemand comme elle, avec qui elle a de nombreuses et passionnantes
discussions. Ce qu’elle exprime de façon très convaincante et forte dans ce
livre, c’est son malaise intérieur permanent : elle a vécu en RDA, elle a
cru au communisme, elle est hantée par la Shoah, elle éprouve une forme de
nostalgie, de regret de ce pays dont elle dit qu’elle l’a aimé… ; elle a
même été accusée à tort d’avoir collaboré avec la Stasi….
« Ce livre a la magnificence du chaos et le désordre de la beauté. À la
fois journal intime, Mémoires et essai, écrit sur le vif mais publié en
Allemagne en 2010, il relate les neuf mois que Christa Wolf (1929-2011) a
passés aux États-Unis entre septembre 1992 et juin 1993, peu de temps après la
chute du Mur, alors que l'écrivain est-allemande était devenue la cible
d'attaques l'accusant d'avoir été au service de la Stasi. » (Pierre
Deshusses, dans le Monde du 11
octobre 2012)
La tache aveugle – Christa Wolf
« [...] peut-être nous incombe-t-il, cette tache aveugle, qui semble
être située au centre de notre conscience, et c’est pourquoi nous ne pouvons la
remarquer, de la réduire peu à peu à partir de ses bords, afin d’obtenir un peu
plus d’espace qui devienne visible pour nous, qui devienne nommable. Mais,
écrivais-je, le voulons-nous, en fait ? Pouvons-nous le vouloir ? N’est-ce
pas trop dangereux ? Trop douloureux. « Christa Wolf, Ville des Anges, Seuil, 2012, p. 48)
→ l’auteur insère régulièrement dans son texte des fragments qu’elle dit être
en train d’écrire sur une petite machine à écrire, dans l’appartement qu’elle
occupe à Los Angeles, paragraphes en petites capitales, qui marquent souvent un
retour réflexif sur ce qu’elle est en train de vivre et qu’elle ancre dans sa
méditation permanente sur son histoire et sur l’histoire de son pays.
→ très féconde cette notion de tache
aveugle, il me semble qu’elle parle aussi quelque part du trou noir, cette zone qui serait le
centre de la conscience, l’œil du cyclone,
calme et silence absolu, zone interdite, inaccessible et qui serait en même
temps le pôle de notre vie… quelque chose dont il appartiendrait seulement d’effriter
un peu l’ampleur, qu’il faudrait réduire sur les bords, pour savoir un peu plus
qui nous sommes (et ici rien de strictement psychologique, il me semble, mais
plutôt ontologique, voir métaphysique).
C. Wolf & Adorno
Surprise, magnifique, de voir à un moment donné Christa Wolf citer les Minima Moralia d’Adorno que je suis en
train de lire, de telle sorte que le livre est à portée de main, que je n’ai qu’à
l’ouvrir pour trouver ce passage du dix-huitième chapitre qu’elle évoque p. 69 :
« Asile pour les sans-logis ».
→ car ce qui fait la force du livre de Christa Wolf comme bien évidemment des Minima Moralia c’est de transcender leur
moment et leur contexte d’écriture pour poser des questions absolument
essentielles. Il y aurait d’ailleurs me semble-t-il, de fortes analogies entre le
philosophe et l’écrivain.
Dans cette page Wolf s’interroge pour savoir ce qu’elle serait devenue si elle
avait réussi, avec sa famille, à franchir l’Elbe : « est-ce que dans
d’autres conditions [...] je serais devenue quelqu’un d’autre ? Plus
intelligente, meilleure, sans culpabilité ? Mais pourquoi ne puis-je
toujours pas vouloir souhaiter échanger ma vie contre cette autre, plus facile,
meilleure ? »
→ ce serait à elle d’éprouver de la culpabilité pour ce à quoi elle a cru… et à
nous qui n’avons rien eu à vivre et à affronter de cet ordre, de vivre dans
notre confort moral facile ? Si facile de juger, surtout quand on ne sait
pas. Ne jamais perdre cela de vue.
Le point de non-retour (via Christa
Wolf)
« il y a toujours [...] un Point of no return. Mais on ne le repère
pas chaque fois » (p. 88)
→ me semble être une sorte de clé pour déchiffrer nombre d’évènements de toute
nature. Le moment où, souvent à l’insu même de ceux qui vivent une situation,
elle bascule. Irrémédiablement. On pense à la Syrie, à la chute récente d’un
certain nombre de régimes autoritaires, à l’enclenchement de processus
historique tragiques, comme la « solution finale », à des situations
beaucoup plus familières, à une possible renverse de l’équilibre climatique. Ce
point en deçà duquel quelque chose est encore possible, au-delà duquel la
dynamique, favorable ou perverse, est irrémédiablement enclenchée.
Traduction, Wolf, Lance
Le livre de Christa Wolf est très bien traduit par Alain Lance et Renate
Lance-Otterbein (qui étaient des amis de l’auteur) et cette traduction a dû
être particulièrement difficile tant la prose de l’auteur est complexe, avec
ruptures de rythme et de registre permanentes, changement constant de pronoms
personnels, du je au tu et au nous….
Pour lire en même temps un livre mal traduit à mon avis, celui de Edward Saïd,
j’y suis encore plus sensible. Dans cette traduction-là, on repère toutes les
constructions alambiquées que l’on produit quand on traduit à livre ouvert, au
fil du texte…
Passion et distance
Si tu éprouves une passion pour quelque chose, tiens-toi éloignée de ses
acteurs.
Rédigé par Florence Trocmé le 21 octobre 2012 à 14h56 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé par Florence Trocmé le 13 octobre 2012 à 11h25 dans photomontages | Lien permanent | Commentaires (0)
Lectures
Fabienne Courtade, Le Même geste,
Adorno, Minima Moralia et Edward Saïd, Du Style tardif. Avec ce dernier un peu de mal, je trouve l’idée du Style tardif très intéressante mais le
propos très confus et la traduction plus que lourdingue, ce qui gêne considérablement la lecture. C’est un livre
que Saïd n’avait pas vraiment achevé à sa mort, si j’ai bien compris. Ceci
expliquerait-il cela ?
Et plusieurs articles intéressants dans le copieux Monde du week-end, notamment
sur l’évolution du cerveau d’un enfant en fonction de son milieu social, sur
les découvertes du prix Nobel français de physique, Serge Haroche et sur Bruno
Ganz.
Fabienne Courtade, notes en lisant « le
Même Geste »
Le livre ne semble pas marquer une rupture par rapport aux précédents. J’y
retrouve la même écriture, la même ambiance, froide, clinique, un peu à la
manière d’un Jean-Pierre Raynaud : « la blancheur nous poursuivra
longtemps » (108). Quelque chose semble se poursuivre de page en page et
de livre en livre, est-ce narration, récit déchiré ? L’identité et les identités
elles-mêmes sont complètement brouillées, on ne sait à qui ou de
qui il est parlé, même s’il semble qu’il y ait une entité féminine et une
masculine (formulation volontairement impersonnelle pour rendre compte de la
grande indétermination.)
Des thèmes reviennent, presqu’à la manière de leitmotiv mais s’ils sont
leitmotive, sont-ils représentatifs d’une idée, sont-ils symboles de quelque
chose, sont-ils signes particuliers : des couleurs, beaucoup de bleu, du
blanc, la lumière et son mouvement au cours des heures, le souffle, l’air, la
fenêtre, la rue ?
Les scènes semblent comme figées et en ce temps où les médias bruissent de
l’exposition d’Edward Hopper tout juste ouverte au Grand Palais, une
association intérieure presqu’involontaire se fait avec les scènes comme
arrêtées en plein vol de ce dernier : comme si une immense catastrophe
avait saisi le monde en l’état et l’avait arrêté à jamais dans sa pose. C’est
souvent le sentiment que donnent les pages de Fabienne Courtade :
« les objets arrêtent de tomber // j’arrête l’heure / les dates » (32).
Temps figé, qui ne passe pas, scènes qui se répètent de livre en livre et
d’années en années, avec sans doute l’idée d’une réversibilité, mais à la
manière d’une fugue de Bach : « je parcours le couloir / dans l’autre
sens » (41).
Dégâts dans la petite enfance
Profondément frappée par un article du Monde, supplément Science et Techno
de ce samedi 13 octobre 2012.
« La petite enfance est une période critique pendant laquelle l'environnement
social, affectif et cognitif modifie durablement le cerveau » écrit la neuroscientifique
Angela Sirigu dans une Carte Blanche.
« Les recherches récentes en neurosciences disent que le statut
socio-économique n'altère pas de manière globale toutes les fonctions
cérébrales, mais au contraire que ses effets sont spécifiques de circuits
neuronaux jouant un rôle dans des fonctions comme le langage, les capacités
"exécutives" (attention, mémoire de travail, contrôle de
l'inhibition), la régulation des émotions. Ainsi, chez une population de jeunes
enfants soumis à un test linguistique, il a été montré que le statut
socio-économique mesuré, ou SSE, corrèle positivement avec le niveau
d'activation du gyrus frontal inférieur gauche et que les enfants avec un SSE
faible ont une moindre spécialisation hémisphérique pour le langage. Une autre
étude menée chez des nourrissons jusqu'à 14 mois a montré que les enfants de
familles défavorisées ont des réponses exagérées à des stimuli inattendus,
témoignant d'une difficulté à filtrer les événements distracteurs, et recrutent
les zones préfrontales impliquées dans l'attention dans une moindre mesure que
les enfants de familles à SSE plus élevé. »
→ donc ce que l’on avait pu constater dans la pratique est confirmé par ces
recherches. Un retard du développement intellectuel ne reflète pas simplement
la plus ou moins grande pauvreté du contexte. C’est bien plus grave que ça :
le dit contexte influe sur la façon dont le cerveau se développe. Cela accroît considérablement et peut-être irrémédiablement l'inégalité des chances.
Et en revanche, « Hengyi Rao et ses collègues de l'université de
Philadelphie ont montré que l'investissement parental dans les soins et
l'éducation chez l'enfant de 4 ans prédit la taille qu'atteindra à
l'adolescence l'hippocampe, une région impliquée dans la mémoire, alors que la
stimulation cognitive que procurent l'environnement social extérieur et l'école
ne semble pas jouer un rôle significatif. »
→ À méditer en ces temps de grande réflexion, salutaire, sur l’éducation et notamment
dans le primaire. Il semble que c’est en-deça de l’école, en amont que naît la
différence. C’est effrayant.
Mon Nobel de la paix
Mon Nobel de la paix, je le décerne à Malala et à ses petites sœurs pakistanaises
vues hier à la télévision : des jeunes filles de treize ou quatorze ans d’une
intelligence et d’un courage stupéfiants et qui tentent de contrer l’action des
talibans dont le but ultime est d’interdire aux filles tout accès à l’éducation.
Pressentiraient-ils qu’elles pourraient bien être le fer de lance de la
contestation du pouvoir mâle ? Ce Nobel sera peut-être décerné l’an
prochain ?
Fabienne Courtade, notes de lecture
(suite)
Le livre ne se lit pas comme autant de poèmes séparés et indépendants, mais
plutôt comme une suite, une suite de temps, souvent morts, figés. Il y a des
fragments effilochés d’histoires : « l’histoire redémarre / on ne
peut pas faire autrement / et ; sans l’histoire, le vide est très grand »
(38). On a bien ici, presque matériellement, dans la configuration des pages,
ce sentiment d’un vide, un vide blanc, froid sur lequel les mots tendent des
petits ponts très fragiles. Le lecteur, et c’est un des grands mérites du
livre, éprouve l’extrême fragilité de ce qu’il aurait tendance à penser appui
solide, le langage. Ici tout montre son côté aléatoire et son impuissance
presque totale. Et comme souvent, c’est dans le presque que réside la justification de l’entreprise.
On aboutit aussi à un effet de dépersonnalisation, histoires cassées, amour,
deuils, opérations chirurgicales peut-être, toujours ce côté clinique, d’établissement
hospitalier voir de morgue. Et ces images arrêtées : « manteau
suspendu à la poignée d’une porte chambre / des objets /
entassés » : nature morte ! » (58). « Il faut
apprendre à vivre / comme si, déjà, vous étiez mort » (66). Sur ce vide,
dans tout ce blanc, toutefois « lentement des images / se bousculent »
(71), énoncé qui pourrait être une bonne description du livre. Bribes toujours,
de mots, d’images, de souvenirs, en vrac, chronologie chahutée, plis et dépliements
du temps « sans discerner la réalité du rêve » (82)
Et je note aussi, étonnante, quelque chose qui renvoie à l’univers mystique, comme
des stigmates (« on arrache les pointes des mains / elles reviennent
toujours ».) (128) Peu de présence humaine et toujours saisi presqu’à la
dérobée, corps sur un lit de chambre d’hopital, « scènes en sourdine / vue
des fenêtres » (127)
Présente aussi les métaphores autour de l’eau, nageurs et noyés : « noyé
qui passe » (144), « nous sommes de petits nageurs / nous dormons
sous les vagues »
Le livre en vient à construire en son lecteur un univers très étrange, une
vision d’après désastre (celui pourrait bien être celui d’un amour impossible.)
Me revient souvent en tête lisant Fabienne Courtade le livre de Marlen
Haushoffer le Mur invisible, dont on
entend de nouveau un peu parler en raison de l’adaptation au cinéma de Martina
Gedeck. L’écrivain est seul, resté complètement seul, observe et tente de dire
un monde figé dans le verre, comme insectes dans l’ambre.
Rédigé par Florence Trocmé le 13 octobre 2012 à 11h22 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé par Florence Trocmé le 10 octobre 2012 à 13h59 dans photomontages | Lien permanent | Commentaires (0)
Journaux
Effroi :
Le quasi assassinat de Malala,
l’incroyable jeune fille (14 ans) engagée dans la défense du droit des femmes
au Pakistan.
Le sort fait aux femmes dans les prisons russes (un reportage à l’occasion du
procès en appel des « Pussy riots ».
Musique : Radu Lupu
Hier soir un très grand moment : le récital de Radu Lupu à Pleyel. Le pianiste
d’origine roumaine, né en 1945, a donné les quatre Impromptus de l’opus 142 de Schubert, Prélude, choral et fugue de César Franck et le deuxième livre des Préludes de Debussy.
Les mots se bousculent pour tenter de rendre compte de ce concert et ma volonté
de ne pas recourir aux adjectifs dithyrambiques est bien mise à mal.
Retenir d’abord la sonorité de Lupu ! Pas tant ce qu’on appelle
usuellement un beau son, mais une palette de possibilités stupéfiante, au point
que ma professeur de piano avec qui j’assistais à ce concert a pu se poser la
question de savoir comment il pouvait « tirer de pareilles sonorités d’un
bout de bois ! » (Elle me raconte qu’elle l’a interrogé sur ce sujet
après le concert et qu’il lui a répondu qu’il suffisait d’avoir un bon piano,
ce qui était le cas et d’être assis sur une chaise et pas sur une banquette de
piano !) J’ai en effet entendu des sons que je ne crois pas avoir jamais
entendu d’un piano, j’ai entendu aussi dans les Impromptus de Schubert que je connais par cœur des choses que je n’avais
jamais entendues. Fait sans doute d’une main gauche admirable et d’une capacité
à étager les plans et à différencier les voix hors du commun (yeux fermés, dans
Franck, on pouvait croire qu’il y avait quatre mains ou deux pianos !).
Très peu de pédale, sans que rien pourtant ne soit sec. Autre art de Lupu, celui des enchaînements, du passage d’un thème à un autre, d’une
partie de l’œuvre à l’autre, sans aucune rupture, une conduite en vérité rendue possible par une construction très
poussée (oserais-je dire que là encore je pense aux propos de Celibidache !?)
Et une capacité à faire ressentir les changements harmoniques et les
modulations même sans doute pour les moins savants en musique. De telle sorte
qu’on est littéralement emporté par la musique, ailleurs, que le temps ne
compte plus.
Le dosage des intensités est remarquable aussi. Ainsi de ce passage dans
Franck, où le son en quelques instants très brefs, a comme gonflé et dégonflé (un
peu comme ce que permet dans l’orgue la pédale d’expression en jouant sur la
quantité d’air admise dans les tuyaux) : jamais entendu cela au piano à ce
jour. On peut donner une autre image : même effet que si quelqu’un avait
joué sur le potentiomètre d’un amplificateur.
Tout cela au service exclusif de la musique.
Car c’est de la musique à l’état pur que j’ai entendue presque de bout en bout
(un peu gênée par moments par les tousseries exaspérantes du public tellement
antithétiques de ce piano aux limites de l’audible par moments, comme
suspendu).
La veille je me souviens avoir écouté plusieurs nouveautés dans le domaine du
piano, d’Alexandre Tharaud, de Francesco Tristano. Las, quel ennui, quelle
poudre aux yeux, sans grand-chose derrière ! Je note d’ailleurs que
maintenant la mode est de faire des disques programmatiques, Mission pour Bartoli, Bœuf sur le toit pour Tharaud…. Passons.
Mais entendre un artiste comme Lupu, c’est comprendre la dérive d’aujourd’hui où
l’on forme de superbes bêtes de scène, des machines à jouer impeccables, avec
quelques recettes marketing bien appuyées pour emporter l’excitation hystérique
des foules et puis quoi, en fait de musique. Rien. Lupu a fait plusieurs
fausses notes et a eu un petit trou de mémoire : dire l’immense
reconnaissance pour cela ! Parce qu’on sait que c’est un homme de chair
qui joue là, susceptible de toutes petites défaillances malgré ses immenses
capacités techniques et artistiques. Les bêtes de scène, chinoises notamment,
ne font pas de fausse note, bien entendu (mais justement, est-ce bien entendu ?)….
mais où est la musique ? Pourquoi écoutant ce matin les Brahms de Lupu, j’ai
eu plusieurs fois les larmes aux yeux ?
Finir par le plus émouvant, l’unique bis. Lupu semble fatigué, il entre et sort
de scène lentement. Il ne fallait pas attendre de lui des pitreries
pyrotechniques. Non, son bis : « Des Pas sur la neige », du premier livre des Préludes de Debussy. Irréels, surréels, bouleversants…. comme sans
doute je ne les entendrai jamais plus.
J’ai pensé à un fait rapporté par Nadia Boulanger à propos d’un énième bis de
Menuhin dans un concert, où tout à coup quelque chose d’indicible et d’inexplicable
s’est produit : « il a donné de nombreux bis et le dernier était le
mouvement lent de la sonate de Brahms en Ré mineur. Que s’est-il passé à ce
moment-là ? Cela entre dans le complet inexprimable : toute la salle
s’est trouvée prise dans une même émotion muette qui a créé un silence d’une
qualité extraordinaire. Tout le monde a compris, a senti, a participé à ce que
lui-même devait sentir. Je crois que c’est un moment que lui-même n’oubliera
pas, qui passe en quelque sorte au-delà de lui-même, à l’étage supérieur, à cet
étage où il me semble que nous n’allons pas trop souvent. » (Nadia
Boulanger, p. 34)
Or hier soir, alors que Radu Lupu jouait
le deuxième livre des préludes de
Debussy, j’avais pensé à un moment que j’aimerais tant l’entendre dans « Les
pas sur la neige ». Quelle stupéfaction et quel bonheur quand il a posé
une à une les notes
du début de la pièce.
Il ne m’a manqué qu’une petite chose qui me semblait devoir venir en second bis,
lequel n’eut pas lieu : « l’Oiseau prophète » des Scènes de la Forêt de Schumann. Lupu
seul sans doute capable de le jouer, à côté de Clara Haskil. Haskil qui était
proche de Dinu Lipatti à qui on compare parfois Radu Lupu….
Philippe Grand
Ce matin, publié dans Poezibao un
bel ensemble consacré à Philippe Grand et réalisé par Jean-Pascal Dubost :
un choix de textes
pour l’anthologie et un entretien.
Nombre de choses m’ont frappée dans ces extraits.
« Écrire — entendu revoir revenir
retrancher repentir, entendu réécrire — : un modifier interne.
Différent s’arrêter ; reprendre parce
que différent.
Il y aurait identité de l’écrit et du soi, plan profond que masque l’évidence
de l’intervention sur signes.
Autre hypothèse, non concurrente voire la même amplifiée : écrire, former
un autre moi — ou le <lecteur idéal>. »
→ bien des fois lisant cet ensemble, j’ai pensé à Valéry et à ses Cahiers. Les analogies me semblent
nombreuses, le caractère continu et proliférant de l’écrit, le fait qu’à l’origine
il n’était en aucune façon destiné à la publication et puis surtout, l’approche.
Ce travail sur la pensée, le rapport entre l’écriture et la pensée : « ne
m’intéressent vraiment en fait d'objets ou de situations que ceux ou celles qui
me donnent d'éprouver comment je
pense plutôt que ce que je pense.[...]
En exagérant un peu, je pourrais dire que je ne pense que lorsque j'écris, ou
encore que c'est le seul moment où je me sens penser, et ceci du fait même que
j'hésite, que cherchant à atteindre une certaine justesse je prends en considération
à chaque instant les possibles, le chemin où engagerait le choix de tel mot, de
telle tournure etc. » (extrait de l’entretien)
→ Si souvent éprouvée, la nécessité de faire en quelque sorte précipiter la pensée, le peu de pensée
dans un petit tas de mots, seule façon de l’arrêter en vol, de la concrétiser,
même maladroitement, de lui donner existence et parfois, oui, de se donner à
soi existence et un tout petit peu de réalité. Comme un minuscule barrage dans
le flot fou et boueux du torrent-temps.
Respiration, ponctuation (Philppe Grand)
Dans l’entretien qu’il a donné à Jean-Pascal Dubost pour Poezibao, Philippe Grand dit des choses
étonnantes sur son incapacité à dire ses textes. Je retiens surtout cette
remarque : « le manque physiologique de ponctuation nette. » (Fantaisies, éditions Héros-Limite, 2011,
p.77).
Qu’est-ce à dire ? Doit-on comprendre que la phrase intérieure, voire son
phrasé même si Philippe Grrand s’élève véhémentement contre l’idée de
musicalité de la langue, ne fonctionnent pas sur le même régime que la phrase
prononcée. Peut-on parler de régime élocutoire pour une phrase intérieure, je n’en
sais rien, c’est peut-être un contre-sens mais comment se parle-t-on ? En
phrases constituées, ponctuées, respirées ou bien en un amas plus ou moins
confus, en blocs et agrégats que l’écriture ou la parole devront démembrer ?
Doit on penser qu’il n’y pas intérieurement parlant de ponctuation nette, voire
même de ponctuation tout court ? Il est possible que nos phrases
intérieures soient infiniment plus longues que celles que nous énonçons. Proust
aurait-il tenté de traduire quelque chose de ce régime-là de langue ? Et
notre parole serait-elle au fond rompue par la nécessité de respirer ?
Livre ou pas livre (Philippe Grand)
« Confirmation [...] que l'objet livre, avec son commencement, sa fin,
ses dimensions etc. peut contraindre la matière elle-même à lui correspondre. »
in entretien
avec JP Dubost
Un des aspects qui m’ont le plus retenue dans cet entretien est la question du
livre, comme entité autonome et suffisante à constituer. Ce dont je me sens constamment
incapable, à partir de ces notes du flotoir.
Il me semble que Philippe Grand s’est heurté un temps à la même impossibilité,
qui est sans doute profondément liée à la nature de son écrit. D’un écrit
continu, comme celui de Bernard Collin, comme les Cahiers de Valéry…. qu’extraire, comment et pourquoi ? Et
est-ce qu’extraire (ce que ne semble toutefois pas faire du tout Philippe Grand
il faut le préciser), ne dénature pas le projet ? Est-ce que c’est la même
chose de lire les Cahiers de Valéry
dans la reconstruction de la Pléiade par thématique ou via les extraits donnés
par Edmée de la Rochefoucauld, ou de parcourir les pages du fac-simile du CNRS.
Je suis convaincue du contraire.
Rédigé par Florence Trocmé le 10 octobre 2012 à 13h56 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé par Florence Trocmé le 09 octobre 2012 à 17h15 dans photomontages | Lien permanent | Commentaires (0)
La
mémoire (Nadia Boulanger)
La troisième des « vertus » indispensables à tout apprentissage
de la musique est, selon Nadia Boulanger et après l’attention et le désir, la
mémoire. C’est un beau plaidoyer qu’elle fait en faveur d’un travail non pas de
mémoire mais de la mémoire, faculté trop mise de côté sous le prétexte sans
doute que tout est désormais à portée. Que l'on songe, par contraste, aux procédés mnémotechniques de l'Antiquité, à ce véritable art
de mémoire développé en ces temps où il n’y avait pas ou très peu de moyens de
reproduction. A douze ans, raconte la musicienne, elle savait déjà tout le clavier bien tempéré par cœur !
Quelle nourriture, quelle matière à réflexion pour toute une vie. Et un petit
pincement de jalousie quand on constate qu’apprendre deux lignes d’un des
préludes est déjà toute une affaire !!!
Mais je me souviens ici d’une belle conversation avec Fred Griot me parlant
de la mémorisation de ses textes et disant « la mémoire est un muscle »
et donc comme tel se travaille et même s’entraîne. Il s’agit ici bien sûr de la
mémoire dite du par cœur. Ce « par cœur » pourrait constituer un
programme : apprendre pour le cœur, par le cœur, avec le cœur… Et Nadia Boulanger de citer Montaigne, Bergson et St Thomas, ce dernier en
une formulation qui elle aussi renvoie à Celibidache : « il faut
sentir la présence du passé, la présence du présent et la présence du futur ».
(cité p. 42). Car « à la lecture ou à l’écoute de la musique, si vous ne
vous souvenez pas des notes qui précèdent et que vous ne sentez pas venir les
suivantes, vous lisez des caractères isolés qui n’ont aucun sens. »
Elle termine par ces remarques qui renvoient à la question que je me pose
souvent : quelle serait les ressources intérieures en cas d’éloignement
forcé de toute source littéraire ou musicale, tel que le vivent par exemple les
personnes retenues en otage : « Il faut garder beaucoup de choses en
mémoire, de façon à avoir une compagnie, une bonne compagnie en soi. Tout ce
que nous savons par cœur nous enrichit et nous aide à nous trouver nous-mêmes [...]
La vraie personnalité est aidée par la personnalité des autres. » (46)
Sur la musique (Stravinski)
Une citation importante du musicien, donnée dans le livre d’entretiens avec
Nadia Boulanger : « Le phénomène de la musique nous est donné à seule
fin d’instituer un ordre dans les choses, y compris et surtout, un ordre entre
l’homme et le temps. Pour être réalisé, il exige donc, nécessairement et
uniquement, une construction. La construction faite, l’ordre atteint, tout est
dit. Il serait vain d’y chercher ou d’en attendre autre chose. C’est
précisément cette construction, cet ordre atteint qui produit en nous une
émotion d’un caractère tout à fait spécial qui n’a rien de commun avec nos
sensations courantes et nos réactions dues à des impressions de la vie
quotidienne. On ne saurait mieux préciser la sensation produite par la musique
qu’en l’identifiant avec celle que provoque en nous la contemplation du jeu des
formes architecturales. Goethe le comprenait bien, qui disait que l’architecture
est une musique pétrifiée. Je considère ma musique, par essence, impuissante à
exprimer quoi que ce soit, un sentiment, une attitude, un état psychologique,
un phénomène de la nature. L’expression n’a jamais été la propriété immanente
de la musique […]. Si comme c’est presque toujours le cas, la musique paraît
exprimer quelque chose, ce n’est qu’une illusion et non pas une réalité. »
(cité p. 87)
→ c’est le fameux propos de Stravinski, disant que la musique n’exprime rien.
Mais il est important de le retrouver dans son intégralité et son contexte.
→ texte éclairant un peu la difficulté que l’on peut rencontrer quand on
essaie de parler de la musique, parfois d’une œuvre en particulier et plus encore
de penser la musique en général. Tant s’y sont cassés les dents… ! Quand
on essaie de mettre des mots sur cette « émotion d’un caractère tout à
fait spécial » dont parle Stravinski, on se rend vite compte que c’est
presqu’impossible. On va construire des images, éminemment subjectives, on va
procéder à une analyse de l’œuvre mais on restera impuissant à parler de cette
émotion pour la bonne raison qu’elle est sans doute hors du domaine de la
conceptualisation et des mots. Serait-ce pour cela qu’elle est si importante
pour beaucoup ?
©florence_trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le 09 octobre 2012 à 17h13 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé par Florence Trocmé le 08 octobre 2012 à 14h25 dans photomontages | Lien permanent | Commentaires (0)
Miel vert et Paul Valéry
Pensant à la nécessité de détromper cet ami qui me dit « fameuse
dévoreuse de livres », j’en viens à penser que je suis plus une abeille
(butineuse) qu’un rat (bibliothécaire). Mais si je mange trop de sucreries
(M&P, mauvaise poésie), je pourrais bien fabriquer du miel bleu ou vert.
« Mon genre d’esprit n’est pas d’apprendre d’un bout à l’autre dans les
livres, mais d’y trouver seulement des germes que je cultive en moi, en vase
clos. Je ne fais quelque chose qu’avec peu, et ce peu produit en moi. Si je
prenais de plus amples quantités je ne produirais rien. Davantage, je ne
comprends pas ce qui est déjà développé. » (Paul Valéry, Analecta, Gallimard, 1935, p. 103)
→ Décidément, ce Valéry, quelle lampe pour moi.
Petites créatures mentales (Valéry)
Dans Analecta, Valéry écrit ce
qui me semble être une merveilleuse définition de son approche dans les Cahiers : « Je tiens depuis
trente ans journal de mes essais. À peine je sors de mon lit, avant le jour, au
petit matin, entre la lampe et le soleil, heure pure et profonde, j’ai coutume
d’écrire ce qui s’invente de soi-même. [...] Le mot saisi s’inscrit sans
débats. Je songe bien vaguement que je destine mon instant perçu à je ne sais
quelle composition future de mes vues ; et qu’après un temps incertain,
une sorte de Jugement Dernier appellera devant leur auteur l’ensemble de ces
petites créatures mentales, pour remettre les unes au néant et construire au
moyen des autres l’édifice de ce que j’ai voulu. » (Analecta, Gallimard, 1935, p. 13)
→ faut-il préciser que, mutatis mutandis,
ces propos me font penser à ce travail du flotoir,
à deux différences importantes près (et en disant que bien entendu toute idée
de comparaison est à exclure), l’heure de rédaction, bien plus aléatoire pour
moi et le fait que chez Valéry, à ma connaissance, entrent très peu en compte
les livres et pensées des autres, alors que ce flotoir ne vit que d’eux. Mais qu’ils sont parlants les mots de germe, de petites créatures mentales, d’embryons
d’idées.
Manière d’avancer aussi, de peu mais en s’appuyant comme sur autant de pierres
de gué, sur les notes & remarques des autres.
Apprentissage des langues
Serait-il possible que passé un certain stade d’apprentissage d’une langue
étrangère, quelque chose bascule dans l’esprit et la mémoire de telle sorte que
les mots nouveaux viennent s’enregistrer presqu’automatiquement, dans un
processus comparable à celui de la découverte des mots par le tout petit enfant ?
Je remarque en tous cas une amélioration assez spectaculaire de ma capacité à
retenir du vocabulaire allemand nouveau. Cela tient peut-être aussi au fait que
mon sens de la langue progresse, à force de lectures quotidiennes, voire
pluriquotidiennes (via notamment les fils RSS d’actualités en allemand, qui
truffent mes autres fils en anglais et en français), d’écoutes de la radio ?
→ la question qui est ici posée est : y a-t-il quelque chose de commun
entre l’acquisition du langage par l’enfant, l’extension progressive de son
vocabulaire (je me souviens avoir listé à un moment donné les mots dits par P. toute
petite) et l’apprentissage d’une langue dite étrangère, par un adolescent ou un
adulte ?
Et si ce sont deux processus très différents, est-il possible qu’un certain
degré d’imprégnation par la langue nouvelle finisse par déclencher des
processus mis en œuvre dans le tout jeune âge lors du développement du langage ?
(beau sujet de thèse non ?)
Minima Moralia
Extrêmement frappée de ce que les propos d’Adorno semblent parfois avoir
été écrits aujourd’hui… notamment dans ses considérations sur la manière d’être
et de vivre, sur la technique, « l’inhumanitté du progrès et le
dépérissement du sujet » en un « monde où la domination règne
ouvertement, sans médiation » et où « depuis longtemps il y a bien
pire à craindre que la mort. » (Theodor W. Adorno, Minima Moralia, Réflexions sur la vie mutilée, Petite Bibliothèque
Payot, 2003, p. 42, 44 et 45)
Ai curieusement pensé à plusieurs reprises à La Bruyère, le lisant. Ce
rapprochement a-t-il jamais été fait ?
Nadia Boulanger
Je n’ai pas fini d’extraire le beau livre de Nadia Boulanger, ses
entretiens (ou reconstitution d’entretiens) avec Bruno Monsaingeon. Et
précisément sur la question de l’apprentissage, avec ses trois points-clés.
Pour elle bien sûr il s’agit de l’apprentissage, ô combien exigeant, de la
musique, dans son ensemble, théorie et pratique mais il m’a semblé que ses
propos pouvaient enrichir toute réflexion sur l’éducation à quoi que ce soit…
Sous le surtitre un tantinet désuet de « Les Vertus », elle s’arrête
en effet à trois d’entre elles, l’attention, le désir et la mémoire.
L’attention (Nadia Boulanger)
Elle raconte comment elle a eu la chance d’être élevée par une mère « invraisemblablement
intelligente » mais qui l’ « aimait assez pour être impitoyable dans
ses jugements » (31). Cette mère ne supportait pas le manque d’attention « sans
laquelle il n’y a aucune prise de conscience possible de soi-même ».
→ Attention, concentration, deux « vertus » similaires dans leurs
effets sans doute et qui devraient être remises au centre du jeu, à une époque
où tout excite (au sens presqu’électrique du mot) la conscience et où tout se
conjugue (on peut dire aussi tout est fait) pour la distraire en permanence, la
détourner de son objet. Les éducateurs se plaignent d’une baisse du temps d’attention
consécutif disponible chez les enfants, semble-t-il. Alors que, dit Nadia
Boulanger « il y a chez certains une telle force de concentration que tout
prend de l’importance »
→ j’adhère totalement à cette idée et peut-être immodestement, il me semble que
c’est une force dont je dispose ! Mais ne faut-il pas aussi inverser la
proposition, par concentration tout devient important, ou bien parce que l’on
pressent que tout est important ou que l’on a peur de perdre, de manquer quelque
chose, qui peut être une information vitale, on en vient à développer sa
concentration. Qui au fond serait une capacité dérivée de l’aguet de l’animal
qui ne peut se permettre d’être distrait dans son attention aux bruits, odeurs,
mouvements anormaux ? Nadia Boulanger en vient ainsi à distinguer les êtres à partir de cette
capacité d’attention au monde « qui donne aux uns une marge extraordinaire
d’activité, et qui fait des autres [...] des dormeurs ». Elle va plus loin encore : « il me semble que l’attention est l’état qui
nous permet de percevoir ce qui doit être » (34). Elle évoque
Rostropovitch répétant pour Tosca et lui disant que pour lui chaque note était
un essentiel (on pense à Célibidache).
Le désir (Nadia Boulanger)
Mais sans le désir, nul apprentissage possible. Sans doute ce qu’on appelle
aujourd’hui la motivation. Mot un peu trop connoté efficacité productive
peut-être mais qui implique l’idée d’un mouvement, d’une aimantation. Aimer
aimante ! « Sommes-nous susceptibles d’avoir un désir et un sens de
la découverte permanente ? » demande la grande pédagogue.
→ Or il me semble que le mécanisme du désir, comme parfois celui de l’appétit
(c’est un peu la même chose, sans doute) est faussé, voire perverti et parfois
irrémédiablement : à la fois par une sollicitation trop intense qui finit
par engendrer une sorte de tétanie et par une réponse trop rapide, sur le mode « tout
tout de suite ». Savoir jouer avec le désir est le but du marketing, il
suffit de penser à ces campements de plusieurs jours devant les magasins d’une
certaine marque américaine pour avoir un certain téléphone qui sera disponible
peu après pour tout le monde…. Dérèglement, à n’en pas douter.
Mais elles sont loin de ces zones dangereuses, les préconisations de Nadia
Boulanger qui cite Valéry : « il dépend de celui qui passe que je
sois tombe ou trésor. Ceci dépend de
toi, ami, n’entre pas sans désir ».
→ Au bord du livre, au bord de la musique, mais aussi au bord de l’effort pour,
ne pas entrer sans désir. Si le désir est faible, le résultat sera nul. Serait-ce
pour cela que les choses finissent par décanter quand on vieillit et que l’on
en vient à se centrer sur quelques domaines de prédilection ? Jeune, on a
tendance à tout embrasser, plus tard la force du désir vers telle ou telle
région de la connaissance spécialise, endigue le désir, l’oriente plus
généreusement et efficacement vers certains domaines.
Rédigé par Florence Trocmé le 08 octobre 2012 à 14h22 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent | Commentaires (0)