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Rédigé par Florence Trocmé le 21 mai 2013 à 11h31 dans photomontages | Lien permanent
Sur la poésie (Martin
Rueff)
Hier un intéressant article de Martin Rueff, dans Libération, « La non-poésie des non-poètes ». Je ne sais
pas si c’est en raison de l’écho donné à cet article, mais la fréquentation de
mes scoop-it a fait un bond et a été multipliée par trois au moins. Martin
Rueff que j’ai contacté et qui m’a autorisé à reprendre cet article ce matin dans les colonnes de Poezibao.
Lectures
Repris le fil des lectures : les carnets de notes de Fabienne Verdier,
le livre de Pirsig, Traité du zen et de l’entretien
des motocyclettes et j’ai aussi commencé L’inexpressif musical, de Santiago Espinosa et Clément Rosset.
De la création (Picasso, via Fabienne
Verdier)
Je continue à lire tout doucement le livre Fabienne Verdier et les Maîtres flamands, me promenant d’abord dans
la page du carnet, avec ses citations, ses
fragments d’images collées. Puis lisant le texte repris et vaguement glosé par
Alexandre Vanautgaerden. Fabienne Verdier cite Picasso qui, à propos de la
peinture, cite lui-même un proverbe chinois : « il ne faut pas imiter
la vie, il faut travailler comme elle. » (58). Ce qui me renvoie aux propos du pianiste Christian Zimerman, déjà
plusieurs fois repris ici, disant que quelques très rares interprètes jouent
la raison pour laquelle la musique a été composée.
→ ce livre est globalement très décevant. Hors la fascination exercée par ces
pages de carnets, le mélange des images et du texte, dans la très belle
écriture de Fabienne Verdier, le propos me semble très limité, les analyses des
œuvres très sommaires et donnant le sentiment que Fabienne Verdier cherche son
propre travail dans la peinture flamande… Et la tonalité générale est un peu
trop mystique pour mon goût. Il en reste quelques très belles citations et la
reproduction de cet objet en soi, fascinant : des carnets d’artiste.
Un art des images et non pas un art des
sons (Espinosa)
J’entreprends la lecture de quelque chose qui me fait tout de suite l’effet
d’être autrement substantiel ! L’Inexpressif
musical de Santiago Espinosa, accompagné de Question sans réponse, de Clément Rosset.
Espinosa souligne l'intérêt récent de la philosophie française pour la musique.
Mais module immédiatement son propos en disant que cette approche se réfère en
fait à une exigence ancienne « assez platonicienne au fond, consistant à
ne considérer la musique qu'à la condition qu'elle exprime quelque chose »
(Santiago Espinosa, L’Inexpressif musical
et Clément Rosset, Question sans réponse,
Encre Marine, 2013, p.11)
L’auteur pense que c'est un grand tort qui est fait là à la musique : « cette
forme de penser la musique implique de ne pas écouter ce qu’elle
« dit » – les sons articulés dans le temps – mais d’y chercher un
sens caché, c’est-à-dire paradoxalement écouter autre chose que la musique. »
Et il ajoute ce propos à la fois étonnant et excitant : « ce faisant
nous manquons du même coup l’un des traits essentiels de la musique : sa
capacité de susciter la joie. » (12)
Il précise encore et je cite largement car cela me parait très important :
« Si, au lieu de prêter l’oreille à ce qui se passe dans l’ici et le
maintenant (les sons s’écoulant dans le présent) lorsque nous écoutons la
musique, nous portons le regard vers un ailleurs et un autre moment (ce que la
musique est censée véhiculer au moyen d’une langue quelque peu confuse, la
réalité musicale [...] perd toute sa force et son efficacité… [...] C’est
précisément ce regard qui fait grief
à l’écoute ; c’est en voulant
voir une expression (parfois même une représentation) de quelque chose à
l’intérieur de la musique, et en faisant par là de l’art des sons un art des
images renvoyant toujours ailleurs, à un modèle toujours absent, que celle-ci
et la joie qui l’accompagne sont bannies à nouveau et pour de bon de la
réflexion. » (12)
→ ces questions, on ne peut pas ne pas se les poser en permanence quand on
écoute beaucoup de musique et plus encore bien sûr, quand on en joue un peu…
chaque pièce semblant poser une forme d’énigme. Pourquoi est-ce ainsi ?
Pourquoi cela est-il si agissant ? Mais aussi pourquoi cette réticence de
très longue date à mettre des images sur les sons et cette sensation que vouloir
trouver un sens à la musique c’est aussi constater que ce sens n’est pas stable
et qu’il varie d’une personne à l’autre. D’où ces innombrables discussions pour
savoir si La Truite de Schubert est
triste ou joyeuse ! Si la tierce mineure est plus triste que la tierce
majeure… etc. ? Quid de cette tristesse, de cette mélancolie ? Il me
semble que c’est entre autres à ce problème-là que compte se confronter
Espinosa.
Un refus du réel
Il y aurait en fait selon lui dans cette attitude vis-à-vis de la musique
une forme de refus du réel et en
premier lieu du « caractère insignifiant et inexpressif » de ce
dernier.
Le livre va donc s'attacher à penser
l'objet musical en tant qu'analogue du réel, sans dehors et sans
profondeur, dans son inexpressivité essentielle. « Les anciens Égyptiens
donnaient à la musique et à la joie un même nom : Hy ; c’est l’intuition de cette alliance qui guide ce travail,
qui l’a fait naître. » (13).
→ il faut sans doute bien comprendre ici l’alliance musique et joie comme une
entité indissociable et non pas comme le fait que la musique exprimerait la
joie.
Stravinsky bien sûr
Après ce préambule, l’ouvrage démarre inévitablement avec la fameuse
citation de Stravinsky :
« Car je considère la musique par son essence, impuissante à exprimer quoi que ce soit : un
sentiment, une attitude, un état psychologique, un phénomène de la nature, etc.
L'expression n'a jamais été la propriété immanente de la musique. La
raison d'être de celle-ci n'est d'aucune façon conditionnée par celle-là. Si,
comme c'est presque toujours le cas, la musique paraît exprimer quelque chose,
ce n'est qu'une illusion et non pas une réalité. C'est simplement un élément
additionnel que, par une convention tacite et invétérée, nous lui avons prêté,
imposé, comme une étiquette, un protocole, bref, une tenue et que, par
accoutumance ou inconscience, nous sommes arrivés à confondre avec son essence. »
(15, voir aussi ici)
La musique : une articulation de sons
dans le temps, dit Espinosa (17) et il n’y a « rien dans la musique
au-delà de cette vérité matérielle première. » Le son comme tout objet
existe au singulier, une note en
musique est toujours et exclusivement elle-même. (19)
Le son, un fait matériel !
(Espinosa)
Et surtout il met en évidence le fait que « le son ne se produit pas
dans la conscience mais dans la matière. » (20)
→ Je peux penser très fortement à un son, jamais personne n’en percevra quoi
que ce soit. En revanche si je frappe fortement à minuit un do sur mon piano
mon voisin l'entendra. Les sons que j'ai en moi ne sont pas des sons. Sont-ils
une image du son, une représentation du son ? Quid de la traduction
mentale de la musique, quid du fait que je puisse « entendre » en moi
une mélodie, un intervalle ?
De la fragilité (Espinosa)
Après avoir attaqué assez vertement l’attitude du philosophe dont l’affaire
serait de « rendre toujours autre ce qui est identique à soi-même s’il
veut conserver son statut » (!), il montre comment cette propension à
faire d’une chose plusieurs choses repose sur l’intuition de la « fragilité
et de l’insignifiance essentielles des choses, une “très faible et très
éphémère participation à l’être” comme le dit Rosset. » (22)
→ et pour moi, ici, ce sentiment comme on peut en éprouver parfois en lisant
certains livres, que remontent à la surface toutes sortes d’impressions, d’intuitions
alors tenues pour inappropriées puisque sans doute un peu trop à l’écart de la
doxa. L’énigme de la musique, constamment éprouvée, on la comprend mieux !
Le statut des choses, du réel, du son
Car « chaque objet est “insolite”, il n'appartient à aucun réseau de
signifiants. » (22). Et il est unique. La réalité est exécutée dans l'unique
temps du maintenant (nunc) et dans l'unique espace de l'ici (hic).
Pirsig, Cromwell…. et Poezibao !
Je poursuis aussi la lecture de Traité
du zen et de l’entretien des motocyclettes, livre qui m’intéresse mais qui
ne se prête pas pour moi à la lecture en pas à pas qui est souvent la mienne.
Pirsig cite une pensée de Cromwell qui me retient : « personne ne va
si loin que celui qui ne sait pas où il va. » (226) “No
one rises so high as he who knows not whither he is going.”
→ je pense à Poezibao, dont je
n’aurais jamais imaginé en 2004 que huit ans plus tard, il comporterait près de
7000 articles et serait devenu pour beaucoup, qui me le disent, un outil
important pour la connaissance de la poésie contemporaine.
Rédigé par Florence Trocmé le 21 mai 2013 à 11h18 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Rédigé par Florence Trocmé le 10 mai 2013 à 21h09 dans photomontages | Lien permanent
Quignard
et les noms
« Je ne sais pourquoi cela m’emplit de bonheur de citer des morts –
une liste de morts qui n’ont jamais été cités », écrit Pascal Quignard
dans Leçons de Solfège et de piano,
Arléa 2013, texte d’une conférence donnée en 2010.
Et je pense à Philippe Didion qui en ces notules
dominicales transcrit et diffuse, par mail et sur abonnement, semaine après
semaine, des litanies de noms relevés sur les monuments aux morts de toutes
petites communes, partout en France.
→ Le nom, seul vestige de la personne. Le nom sur une tombe, sur un monument,
dans un livre, un registre… de nous ne restera que le nom, pour un temps
seulement. Avant qu’il soit rongé comme la pierre et le papier. Le seul
problème de cette évidence, c’est qu’elle est tout simplement impensable.
Cette conférence
de Quignard est bien curieuse et bien intéressante. Il règle en fait son
compte à un Julien Gracq qui a commis une vilaine description de la pauvreté de
sa famille dans Lettrines 2. Soit une
famille, les Quignard, dans laquelle un décès à la toute fin du XIXème conduit
une grand-tante de Pascal Quignard à reprendre une charge d’organiste et à
donner des cours de musique pour faire vivre ses frères et sœurs. Or il se
trouve, le monde des écrivains étant parfois bien petit, qu’en 1919 et 1920
l’un des élèves de cette demoiselle Quignard fut un certain Louis Poirier,
alias Julien Gracq. Qui dans Lettrines 2
dressera un tableau bien sombre et quelque peu humiliant pour la famille Quignard
de ses leçons de musique.
Ce tout petit livre mêle de puissantes évocations d’une vie de famille
provinciale d’avant la première guerre mondiale, la description des méthodes
d’enseignement du solfège et de la musique de l’époque et des considérations
sur la vie littéraire, non seulement autour de la figure de Julien Gracq,
quelque peu maltraitée (la figure, pas l’œuvre), mais aussi de Louis-René des
Forêts. Les vingt pages de la Leçon
sont complétées par deux beaux textes dédiés à Gérard Bobillier, le directeur
de Verdier qui venait de mourir et à Paul Celan, qui fut l’un de ceux qui
accueillit le très jeune Pascal Quignard dans les pages de la célèbre revue L’Éphémère.
Sur la lecture (Pascal Quignard)
« Lire dans mon coin était le but de mes jours et en ce sens j’ai
réussi ma vie puisque c’est toujours le dessein que je forme quand je me lève
et que je pousse les volets dans la fin de la nuit « (26)
→ Je le rejoins totalement, je pense aux pages magnifiques sur l’ivresse de
lecture s’emparant du tout jeune Proust, aux heures dédiées à la lecture, sans
doute parmi les plus fortes et les plus heureuses de maintes et maintes vies…
Ne plus faire que lire et écouter de la musique. Sans aucun enjeu d’aucune
sorte, ayant dépassé on l’espère tout désir de reconnaissance, dans le
renoncement même à la vocation de « facteur » comme dirait Steiner… Juste
pour rien, seulement pour soi.
L’étude (Pascal Quignard)
« L’étude est à l’homme adulte ce que le jeu est à l’enfant. C’est la
plus concentrée des passions. C’est la moins décevante des habitudes, ou des
attentions, ou des accoutumances, ou des drogues. L’âme s’évade. Les maux du
corps s’oublient. L’identité personnelle se dissout. On ne voit plus le temps
passer » (27)
→ Il en va de l’étude comme de la lecture, elle absorbe tout l’être qui
s’oublie. Immense privilège de cet oubli de soi, si bienfaisant. Et le
sentiment que ces nourritures-là sont aussi essentielles, si ce n’est plus
parfois que les nourritures terrestres. L’étude sans fin jusqu’à la fin. En une
marche s’enfonçant dans l’étendue infinie de l’inconnaissable qui ne cesse de
s’accroître à mesure même de l’avancée.
De la lecture encore (Pascal Quignard)
avec ce conseil inouï prodigué par un oracle à Zénon le Chypriote :
« deviens de la couleur des morts » et Pascal Quignard de traduire :
« lis les auteurs anciens ». On sait comment lui s’y affaire !
« La lecture ne consiste pas simplement à “synchroniser” avec les choses
des Anciens mais à “synchromatiser” avec la lumière disparue et leur monde
englouti ou perdu. » écrit-il et l’on sent bien que c’est son expérience même
qu’il dit là.
Du petit
grec
Ici Pascal Quignard fait référence à la traduction littérale, mot à mot, du
grec. Parler en petit grec comme on
disait, osera-t-on l’écrire, parler petit
nègre. Je pourrais appliquer cela aussi à l’allemand, quand on tente de
décortiquer une construction un peu complexe : traduire en petit allemand !
Et l’une de ces histoires à la Quignard
comme celle du rouge gorge étanchant le sang du Christ sur la croix, d’où
il tiendra la couleur de son cou (dans les Petits
traités). Ici Quignard parle de la voix (un de ses thèmes de prédilection) :
« c’est ainsi qu’un “autre que soi”, plus ancien que soi, plus pathétique
que soi, erre dans la voix, vers lequel le soi s’écrie mystérieusement. [...]
Le poussin (quel mot extraordinaire)
“pousse” ses premiers cris à l’intérieur
de l’œuf. ». Et d’expliquer ce qu’il en est de ce cri prénatal chez les
goélands ou les canards…(47)
Vers lequel le soi s’écrie, et par
calque s’écrit ?
Et il ajoute : « Une invocabilité erre en amont des langues naturelles,
beaucoup plus profonde que leur sens ».
→ réflexion qu’il faudrait ressasser longuement car il se pourrait bien qu’elle
ait très étroitement à voir avec la poésie.
« Écrire ce n’est pas transmettre. C’est appeler » (49)
→ Appeler en amont, ce qui erre dans les
langues peut-être et appeler en aval, le lecteur.
Du jardin (Bailly)
Retour au livre de Jean-Christophe Bailly la phrase urbaine et au chapitre
consacré au jardin. Dont il dresse une brève mais bonne histoire depuis les
jardins de simples des moines jusqu’au jardin en mouvement contemporain.
→ on pense ici à Gilles
Clément et à Pascal Cribier, mais ils ne sont pas cités. (224)
« Le jardin est un conservatoire de noms »
… et revoilà p 225 Chen Fou dont j'ai acheté le livre aujourd'hui même ! (Récits d’une vie fugitive)
Bailly, Agee
Un nouveau chapitre de Jean-Christophe Bailly sur James Agee et son livre
sur Brooklyn. James Agee qui, à l'époque où il travaillait avec Walker Evans à
leur fameux livre Louons maintenant les
grands hommes, parlait de « la cruelle radiation de ce qui est » (La Phrase urbaine, p. 240) Bruce Jackson,
préfacier du livre, à cette formule : James Agee voulait « faire entrer le
caractère polyphonique de la sensation dans le caractère linéaire de la phrase,
une musique polyvalente dans un univers sériel. » (241)
Bailly, fin et vifs reproches !
Et voilà que je comprends mieux certaines réticences vis-à-vis du livre de
Bailly puis qu'une fois de plus il y a une forme de tromperie. Essai : la mention portée sur la
couverture laissait supposer un livre original, une recherche entreprise et
menée pour cet ouvrage. Il n'en est rien. C'est une compilation de textes déjà
publiés dans des revues, certains datant de 1981 ! Et celui qui, naïf, lit
linéairement, le découvre à la fin. Ce n'est à l'honneur ni de l'éditeur ni de
l'auteur car cela repose sur une forme de mépris du lecteur transformé en
simple client qu'il faut appâter.
→ Je sors des villes et jardins de Bailly pour repartir à moto vers les Rocheuses! Mais
en passant par les peintres flamands, curieux itinéraire, comme souvent mes
chemins de lecture ! Des Rocheuses, il sera question plus tard seulement,
car la lecture du Traité du zen et de l’entretien
des motocyclettes de Robert Pirsig ne se prête pas bien aux arrêts
permanents sur pages !
Fabienne Verdier et les Flamands
Découvert un peu par hasard à la librairie un très beau petit livre :
il s’agit d’une reproduction commentée de carnets de notes et dessins que
Fabienne Verdier a composés autour des Maîtres flamands. Alexandre
Vanautgaerden les explore avec nous, les décrypte, intercalant son texte entre
les pages reproduites des carnets. Magnifiques carnets de travail. Et ce livre « fait
le pari de revivre avec le lecteur le chemin spirituel et visuel qui a été
celui de Fabienne Verdier, page après page, sans rien anticiper, et de laisser
surgir lentement les images. » (Alexandre Vanautgaerden, Fabienne Verdier et les Maîtres flamands,
notes et carnets, Albin Michel, p.6)
Contrer le réflexe W !
Attention à ne pas éteindre un certain halo d'inconnaissance, à respecter l’image
intérieure, imaginaire. Certaines descriptions ont sans doute plus de fécondité
à rester sans représentation réelle ! (noté à propos du « pinceau »
de Fabienne Verdier, et dans la tentation de se précipiter sur Internet pour
tenter de voir ce qu’il en est)(et W comme la célèbre encyclopédie en ligne)
De l’action (avec Fabienne Verdier)
« Suivre ce qui vous a précédé, et engendrer ce qui vous suivra. N’être
qu’un moment, d’action profonde, instantanée. Puis laisser le monde reprendre
sa place. Et se poursuivre, sans vous » (6)
Avec une méthode dont je me demande si elle n'est pas un peu, mutatis mutandis, celle du flotoir : « Elle lit et annote
le matin, consigne, photocopie, dessine, range des images parfois sans raison.
Puis les assemblent, réfléchit longuement au rapport qu’entretiennent les
images et les textes. Cela finit par s’unir, par détours successifs »
→ dans le flotoir, il n’y a pas d’images
au sens propre, mais je me demande si certains textes, extraits, citations, ne
sont pas traités un peu comme des images. Et petit espoir que parfois « cela
finit par s’unir »…
→ Extraordinaire odeur de peinture fraîche de ce livre : « chaque
double page de ses cahiers est une pensée en acte ».
Rédigé par Florence Trocmé le 10 mai 2013 à 21h07 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Rédigé par Florence Trocmé le 07 mai 2013 à 19h39 dans photomontages | Lien permanent
De
la lecture de poésie
La lecture de poésie finit par induire une accélération de la lecture en
général (mais pas celle de poésie), roman, essais notamment. Pourquoi ?
Parce qu’elle rend extrêmement sensible aux redondances, aux expressions toutes
faites, au remplissage et que l’on parvient alors à enjamber allègrement ce qui
est superflu pour se concentrer sur la moelle…. à supposer qu’il y en ait un
peu.
Le passé composé ou simple (JC Bailly)
Poursuite de la lecture de Une Phrase
urbaine. Un chapitre intitulé « Passé simple » : « le
passé nous ne le rencontrons jamais en tant que tel, mais selon la forme
actuelle de sa présentation. » (85)
→ Cela que l’on voudrait toujours oublier, il faudrait pourtant toujours s’en
souvenir quand on cherche le passé, quand on tente de le faire revivre. Ce qui
est là, dans l’esprit, ce ne sont pas les faits tels qu’ils ont été vécus, ce
sont des faits maintes et maintes fois métamorphosés, en perpétuel remaniement par
l’appareil psychique. Pour toutes sortes de raisons, fort complexes. Ce n’est
pas le passé brut tel qu’il fut, c’est celui qui est associé de façon
inextricable et même constitutive à tout ce qui a été vécu depuis, assimilé,
compris, contourné, rejeté. Un peu comme une épave qui s’enveloppe petit à
petit d’algues, de secrétions minérales et qui de plus donne abri à toute une
faune marine. Ainsi le souvenir.
Traces (Jean-Christophe Bailly)
« Il arrive parfois que l’on se réveille à la suite d’un rêve et qu’au
lieu de la clarté, même diffuse, d’une image saisissable, arrangée comme une
scène et par conséquent représentable – racontable – l’on ne dispose que d’une
esquisse, ou plutôt, d’une trace déjà à demi effacée et que, cherchant à saisir
cette trace, à la tirer du puits où elle glisse et s’enfonce, on la voie au
contraire s’y engloutir, corps nocturne qui ne veut pas du jour, éclat rêvé que
la conscience, à peine éveillée pourtant, n’a pas pu, pas su faire
revivre. » (86) Méditation quasi proustienne, ici, dans toute cette page.
Le rêve, le retour dans une ville connue autrefois, le trou d'eau en soi alors que par des chemins qui me sont propres, je
pensais ce soir au pont de Briare et par association à Josée Lapeyrère car je
me souviens lui avoir dit qu'il faudrait qu'elle accroche ses in-votos à ce pont-là. Quelques semaines avant
sa mort.
La dormance du passé
« La ville, en son tissu vivant et tactile, est comme un gigantesque
dépôt d'images. » (87)
JC Bailly pose tout au long de ce livre la question de l’intervention sur la
ville, celle des autorités, des urbanistes, etc. et il note un « hiatus
entre le libre usage de la dormance du passé et ce qui prétend lui dicter son
éveil. » Car « les édiles ne savent rien, ou très peu de choses, des
pensées de ceux qui marchent dans la ville. »
→ cela aussi qui fait sans doute que dans une ville inconnue, on n’a de cesse
que de fuir les lieux censés incontournables
pour aller vers d’autres points ou lieux, non répertoriés comme « dignes
d’intérêt » et comme tels, dûment étoilés de 1 à 5. Souvent faciles à découvrir,
ces lieux hors, tant le tourisme est
affaire de focalisation sur un point étroit, tant la marche est exclue pour le
troupeau visiteur, qui ne doit jamais s’éloigner à plus de cent mètres de son
autocar. Le dos même du bâtiment célèbre est souvent un lieu presque sauvage,
désert, libre et vide. (ne nous a-t-on pas dit que le monument était
incontournable !!!)
Jean-Christophe Bailly a des pages dures sur le traitement de l'ancien dans les
villes « en un dégagement volontaire et volontariste du signe » (88).
Et il suffit de le lire pour que se pressent toutes sortes d’images de ces
interventions lourdes, intellectuelles, conçues de loin et qui dégradent le
lieu dit.
La déposition des images
« La lente et infinie déposition des images » (88), ce phénomène
toujours en cours d’exploration ! Notamment bien sûr par Benjamin,
Didi-Huberman et JC Bailly, parmi beaucoup d’autres.
Comme des sédiments, cette pluie de sédiments qui tombe sans fin au fond de la
mer.
→ Ce que j'aime dans Bailly c'est surtout quand il travaille dans ou sur la
réception des lieux et des paysages. Sa dimension proustienne à laquelle je
suis infiniment plus sensible, personnellement, qu’à son érudition. Et il me
semble qu’il y a souvent dans ses livres ce double mouvement, vers
l’objectivité nourrie et documentée d’une part, vers sa propre réception,
subjective mais aussi éminemment associative, en lien avec une très vaste
culture, d'autre part.
Peregalli, poussiéreux ?
Bien déçue par le livre de Roberto Peregalli, Les Lieux et la poussière, qui enfile les lieux communs les uns au
bout des autres, le plus intéressant étant sans doute les nombreuses photos en noir
et blanc qui ponctuent le propos ; photos qui ne sont pas forcément belles
mais que leur traitement (en fait la mauvaise qualité de l'impression !)
pare de quelque chose.
→ Un peu comme ces mauvaises impressions que je fais en noir et blanc à partir
de portraits et qui ont un charme indéfinissable mais bien plus puissant qu'un
bon tirage. Le bougé, le tremblé, le passé sont-ils ici seulement de bien
piètres artifices ou signalent-ils autre chose?
Mais quand même, chez Peregalli
Il pousse à réfléchir sur ce que cela implique d'être passé de petites
fenêtres parcimonieuses au royaume dictatorial de la vitre qui gomme la
frontière intérieur extérieur et efface le bâti, ce que cela fait d'être passé
de l'éclairage â la flamme à celui de plus en plus artificiel de maintenant.
Dommage que des deux côtés des termes, il y ait trop de constats quasi
tautologiques du genre l’homme passe une
moitié de sa vie dans la nuit. (53).
Il y a désormais cette lumière uniforme qui devrait nous faire voir mieux les
choses et qui nous les rend au contraire indifférentes.
→ À rapprocher de ce que fait sur le corps et sur l'œil du photographe la
nature de la lumière : uniforme, ultra filtrée par une masse indistincte
de nuages, elle coupe les ailes ; gorgée d’eau, changeante, variée, elle
donne de l’élan et rend vivants, soi comme le monde.
« L'ombre comme la poussière est notre fond secret. On veut l'oublier. On
veut vivre un éternel midi » Ou encore « Maintenant qu'on peut tout
voir il n'y a plus rien à voir. » (57)
→ Est cela qui alimente l'immense pulsion photographique qui s'est emparée de
chacun et de tous, aurait-elle été latente chez la plupart et soudain libérée
par la technologie moderne ? Rêvons-nous tous de faire dans nos clichés
une découverte comme celle de Blow up ?!
→ Reportage universel ou besoin de revoir le monde en léger différé tel qu'on
ne le voit plus ? (l’équivalent du +7 des programmes télévisés ?). Le
revoir au ralenti & a posteriori puisqu’on ne sait/peut
plus le voir dans le fil du présent ?
Fred Griot
Je suis toujours avec intérêt, grandissant même, ses notes de travail.
« ce fait étonnant, quoique peut-être pas tant, de ne dire, redire, dans
sa vie, que quelques préoccupations majeures, deux ou trois, guère plus le plus
souvent, et de les ressasser dans son travail, ses écrits… fait que nous
rencontrons chez presque tous les auteurs, chanteurs, peintres, etc… sans doute
ces préoccupations sont-elles celles qui, charpentières, comme l'on parle des
branches charpentières d'un arbre pour désigner les plus importantes, nous ont
construits, et donc subsistent comme les nervures centrales d'une feuille et
irriguent le reste du corps vivant. source
Mots / Cambalé, cambouler
ai croisé l'amusement de deux garçons
cambalés en curieux véhicule…
Brigitte Célérier (source)
Apparemment une variante régionale (Midi) de cambouler, transporter.
« Camboulé ! Quel
drôle de mot ! C'est encore du patois ? [...] demanda Toine. – Bè ! Camboulé cela veut dire être
transporté ! (Toine, le petit
Fountgillenc, de Josèphe Gadois)
La flânerie et la lecture
Je continue à extraire le livre
de JC Bailly largement avancé sans que soit venue l'envie de retenir ou noter
quelque chose
Et là soudain j'extrapole à partir précisément de cette constatation. Page 192,
il parle du flâneur dans la ville, statut que j’endosse parfois. Me voilà donc
à penser que je vis souvent le livre comme le flâneur la ville : il se porte dans l'existant où l'évènement
s'étoile. Il ne recueille que des reflets, des scintillements, des éclats :
entre le flâneur et le fragment et l’indice s’écrit un roman discontinu qui a
ses pannes et ses éveils, ses bifurcations et ses impasses. La ville flânée est
un tissu de connexions infinies dont le flâneur n’est que le sujet provisoire. »
(192
→ la littérature est un tissu de connexions infinies dont le lecteur n’est que le
sujet provisoire ?
Et le comble du bonheur serait de flâner, un livre dans son sac. Puis de
s’arrêter selon l’inspiration et continuer la rêverie initiée par la flânerie
par celle de la lecture. Emmêlant l’atmosphère autour de soi et celle du livre.
Il faudra revenir d’ailleurs sur cette question peu abordée de la relation
entre le livre et le contexte dans lequel il est lu. Contexte extérieur et
contexte intérieur, circonstances et vie mentale.
Les délaissés
Belle page sur ce que l'on appelle aujourd'hui, paraît-il, des délaissés et que moi j'appelle encore terrain vague, même si le terme n'est
plus en usage.
On pourrait presque définir le délaissé comme une surface urbaine qui tend à redevenir un biotope (page 208.) « Ce
suspens même dans lequel on le découvre, le délaissé l'occupe en vérité avec
des graines et des croissances, des improvisations, exactement comme s'il y
avait sous la ville et avec elle, tenue par elle en retrait, toute une dormance
prête à s'éveiller à la moindre faute d'attention. »
→ Et ce constat souvent fait d’une possible, latente sédition botanique comme dans le livre de Pierre Senges, Ruines-de-Rome: « Lierre, ancolie,
barbe-de-bouc, ail musqué, cheveu-de-Vénus, renoncule en faux, herbe-au-bitume
sont, tout à la fois, le décor, les personnages principaux et les insidieux
narrateurs de Ruines-de-Rome, roman
d'une sédition botanique. »(source)
« C'est à peu près à toutes les échelles que s'insinue puis s'impose la
reprise végétale : la reconquête est très frappante, très rapide, et elle
advient partout y compris sur le bâti lui-même dès qu'on l'abandonne. »
(Bailly, 208)
→ Et même, sans bâti ! Dans tous les interstices qu’oublie la ville :
bas des murs, espaces entre les pavés ou les plaques d'asphalte, pieds de poteau,
cercle de terre autour des arbres. Partout ! petites pousses, tiges,
plantes miniatures, souvent photographiées et évoquées jadis avec Maryse Hache
(voir cette photo,
titrée « De la ténacité ») – (je viens de commander Sauvages de ma rue, guide des plantes
sauvages des villes de la région parisienne)
→ Je me souviens du projet de
recensement de toutes les zones blanches de la cartographie parisienne initiée
par Philippe Vasset
et du potentiel de rêverie de ce projet.
→ Mais je ne me souviens pas :
terrifiant parfois cette plongée dans des flotoirs
ou mails d’il y a deux ou trois ans ! L’ampleur de la destruction
mémorielle est terrible. N’étaient ces traces dans le flotoir, où tout cela qui a passionné, retenu, que l’on a aimé, qui
a été un temps fort de la vie, où tout cela s’en est-il allé ?
→ Curieux aussi de voir comme demeure toutefois une sorte de zone sensible dans
ce tissu apparemment complètement mité. Je n’aurais sans doute jamais repensé à
Philippe Vasset et à ces zones blanches dans la cartographie parisienne, si je
n’avais lu ces pages de J.C. Bailly.
→ une des fonctions de ce flotoir, en
cela un très modeste analogie avec le Temps
immobile de Claude Mauriac, récemment évoqué ? Développer, au sens
photographie du mot, ces zones sensibles, quand elles se présentent, lors de la
lecture ? Et constater leur étonnante récurrence, dont on n’a souvent
aucune conscience.
De l’imperfection (Bailly ou Peregalli)
« Quel que soit l'objet, sa perfection est un défaut » (212,
citation d’Urabe Kenkô par JC Bailly). Et Bailly de dire : « au sein de
l’objet urbain, tels seraient dès lors les délaissés, ou certains d'entre eux
tout au moins, et qu'il faudrait sélectionner : des gardiens de l'imperfection, des témoins de l'inachèvement. »
Ce qui renvoie au sous-titre de Peregalli ! : sur la beauté de l’imperfection.
Du souvenir, toujours
Et toujours le jeu des croisements puisque un peu plus loin Jean-Christophe
Bailly cite Shen Fu dont parle Judith Schlanger. Et je m'aperçois alors que
cette lecture si proche dans le temps est déjà en partie avalée dans la nuit.
Celle de l'oubli ou celle de la mémoire ou celle d'un procès intermédiaire que
demain peut-être les sciences neurologiques découvriront. Ce message presque
subliminal au moment du premier passage sur l'allusion de Bailly, un minuscule
temps d’arrêt dans le continuum de la lecture, puis l'amorce du processus de
récupération des données mentales en une courte exploration rétrospective des
lectures. L'arrêt sur la possibilité Schlanger puis le clair souvenir du
chapitre par elle consacré à deux auteurs chinois. Et si je continuais à tirer
sur le fil me viendrait davantage de matière.
Je quitte Bailly à l'orée du jardin pour aller retrouver la poussière, celle d'abord
de Peregalli, et surtout celle des routes de la prairie américaine de Robert
Pirsig.
Ruines encore, mais lassitude aussi (R.
Peregalli)
Et ce sont les ruines dont il va être question. Et que lis-je: il nous reste à trouver un chemin dans
l'interstice des choses faites par l'homme, une lézarde, une ruine (86).
Cela dit, je trouve ce livre très convenu et plat. On n’apprend pas
grand-chose, on ne retiendra pas grand-chose, sauf peut-être cela, important,
que la modification de l’éclairage, depuis l’arrivée de l’électricité, ne
laisse plus de zones d’ombre. Que tout est éclairé a giorno et de ce fait aplati, écrasé, indifférent.
Rédigé par Florence Trocmé le 07 mai 2013 à 18h37 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Rédigé par Florence Trocmé le 05 mai 2013 à 11h02 dans photomontages | Lien permanent
Promenade
avec Pesquès, Veinstein et Bergounioux, on pourrait imaginer pire pour
tourner en rond autour des pelouses fleuries et sous les arbres en pleine
éclosion ! Bergounioux
qui dit en février 2012, qu’il a vu, au sein même de l’établissement scolaire
où il enseignait, que « quelque chose s’était perdu, qui était l’amour pur
et désintéressé de la connaissance en général et de la littérature en
particulier en tant que telle ». Il lui a semblé qu’il en percevait
« l’écho, ou le reflet, ou l’ombre portée, au plus haut niveau de
l’institution ».
Pêche au tweet ce 3 mai 2013)
(exercice d’observation très éphémère)
-On prend des anti-dépresseurs en dessous de 1015 millibars.
-Deux ou trois raisons d'aimer l'Allemagne
-Tenter d’identifier le problème. Le problème est identifié. Tenter de résoudre
le problème. Le problème n’est pas résolu.
-tout fermer et pousser jurons
-Hervé Gaymard demande une taxation des ventes de livres d'occasion sur
Internet
-Anti-immigration party wins a quarter of the vote in English local elections
-Danielle Mémoire tente d'expliquer le titre de son livre "Hiératiques
debout".
-optiquement fibrée ça resurfe
-Plus vite que le cœur des mortels : Marseille, Montréal, Paris dans la
littérature et le cinéma contemporains
-"Palestine" remplace "Territoires palestiniens", sur
Google, Israël déplore
-Colloque «Les douze travaux du texte»
Somme des intensités
Dans une belle note de Béatrice Bonhomme (Poezibao)
sur le dernier livre de Jean-Paul Michel : « Tout ressentir comme somme
affolante des intensités. » Elle cite aussi le philosophe Arnaud
Vilani : « Une
ontologie du poétique en passe par la violence calme d’un hétérogène venu du
surgissement, venu de la remontée et de la présence insistante d’un abîme en
arrière-forme, défixant toute forme, venu enfin de la remontée d’un temps
mythique ou d’un moment où la chose simple est là, sans traduction »
De la résistance à la lecture
Un livre résiste. On ne parvient pas à l'ouvrir, matériellement et
mentalement. Il se dérobe, ennuie. On est déjà en train d'en faire un deuil
d'autant plus sensible que l'on en attendait beaucoup, imprégnée que l'on est
d'un livre aimé du même auteur. Mais un vieux réflexe dont il est préférable de
ne pas trop chercher les racines joue encore et l’on continue. Et voilà soudain
que quelque chose accroche.
Ici chez Jean-Christophe Bailly (La
Phrase urbaine) après des descriptions de coins de banlieue qui m'ont paru
bien convenues, soudain une approche très concrète, sensible, sollicite les
sens (et ce qui n’est pas anodin, renvoie à des souvenirs personnels très
précis) : on voit, on touche le grès
cérame ou les carreaux cassés (le
nom de ces carrelages bien particulier s'en va chercher au fond de l'oreille le
fracas d'un bris de verre au début d'une chanson enfantine, encore un carreau d'cassé, vla le vitrier
qui passe , et v’la que ce vitrier est, de surcroît, bien du temps
qu'évoque Bailly). Le livre se met à bouger, à frémir.
Au fond, il en va ici de la lecture, comme de la pêche à la ligne :
position d’attente, sentiment que rien ne mord et soudain l’éclat d’une truite
Fario, n’est-ce pas Pierre Bergounioux ?
Verre soufflé, verre coulé
(Jean-Christophe Bailly)
Et ce qui est assez stupéfiant, le mot n’est pas trop fort, est que par un
vrai hasard (?), je lis simultanément deux livres dont je n’imaginais pas
qu’ils puissent par moments être si proches, cette Phrase Urbaine de Jean-Christophe Bailly et Les lieux et la poussière de Roberto Peregalli ! Ainsi de la
remarque, chez Bailly, concernant la vitre et le verre plat (que je retrouverai
un peu plus tard chez Peregalli) : à « un monde de petites ouvertures
et où le verre reste un luxe » (c’est le temps du verre soufflé, qui court jusqu’au XVIIème siècle), succède celui
des très grandes ouvertures, rendues possibles par la technique du verre coulé qui permet de « s’émanciper
de la tutelle des petits cadres de soutien ». (56)
S’ensuivent de belles considérations sur l'importance du ciel et du vent pour
l'architecture : le modelage par la
lumière de l'inerte. Cela à quoi je suis si extraordinairement sensible et
qui dans une ville à ciel de traîne comme Paris transforme en permanence le
paysage urbain : « Un site, ce ne sera pas seulement tel coin de
paysage ou telle parcelle, mais aussi, par-delà l’inévitable ancrage au sol,
une façon d’accepter et de vouloir la lumière, le ciel, les nuages, le
vent. » (57)
Azulejos, jacarandas
Une très belle rêverie dans un jardin d'hôtel un soir à Lisbonne
(63) : « le temps passe et délivre grain par grain le pouvoir des
noms, pouvoir dont chaque langue dispose et qu’elle disperse avec ses
émigrants, corne d’abondance d’où certains noms jaillissent dès
l’enfance ».
→ Un peu comme quand sur une autoroute monotone, la seule distraction vient de
l'infinie variation végétale, des jeux de la lumière et des quelques noms
parfois si étranges ou étrangers égrenés par les panneaux. Et je pense ici
notamment à Ludovic Janvier, à Patrick Beurard Valdoye qui sait si bien partir
sur la piste des noms qui ont émigré ou qui ont été ensevelis dans les noms
modernes mais qui y demeurent cependant comme un foyer vivant pour l’oreille
avertie.
→ Et plein accord avec la rêverie persistante suscitée par certains noms de
lieux entendus dans l'enfance. Par exemple ceux des lieux de vie ou de
villégiature de cousins, de parents… Les X partaient en Août à l’île de Batz,
dont on imaginait pas bien sûr l’orthographe étrange et qu’on entendait à cinq
ans, six ans, comme une île de bas, du bas, en bas et cela sonnait si
étrangement… La vieille et quasi mythique Tante Y avait ses origines à
Bar-le-Duc, etc.
La courbure du temps et de l’espace
« Oui, ainsi, toujours ainsi et à chaque fois se courbant selon les
flux d’échos appelés par la couleur locale, le voyage dans les choses, dans les
noms qu’on leur donne, et cet autre voyage qui le fait revenir » (67)
→ On est bien ici dans la veine proustienne, sans doute ma préférée, chez
Jean-Christophe Bailly, le travail sur le temps, les choses, les noms, et le va
et vient incessant entre passé et présent, l’actualisation paradoxale et
fascinante du passé, partout, dans le monde et en soi.
→ Avec sans doute une sorte de fond universel dans la façon de percevoir choses
et noms, ce qui fait que des lieux précis et totalement inconnus évoqués par Bailly
semblent étrangement familiers. Sans doute parce que sur le pattern, le canevas
proposés par l'auteur vient s'accrocher et bourgeonner tout un naissain de
souvenirs & de lectures.
De la mémoire sensitive en lien avec les
noms
« On jette des filets sur la page blanche pour ramener les poissons
fuyants d’une mémoire sensitive, comme si ce qui s’en allait était à rattraper,
comme si cette course-poursuite décidait du sens de l’existence en la croisant
avec la fiction. (68)
→ Peut-être qu’il en va même de notre identité ?
« Les noms de lieux sont les guides les plus avertis. Ils servent de
relais et d’appuis, à travers eux on rêve que tout le langage puisse avoir ce
pouvoir de localisation extrême et d’enclenchement de la résonance qui les fait
ricocher à la surface de la langue et qui transforme chaque lieu-dit en un
petit ou un immense tremplin »
Toute cette page 68, si complexe et sensible, cela pour quoi je lis Bailly :
l’intrication de l'objet d´étude et d'une approche éminemment propre
à l'auteur et dans laquelle pourtant on se reconnaît.
Une lecture par fragments
À une écriture par fragments, qui a été beaucoup explorée et théorisée dans
le cadre de la littérature moderne et contemporaine, ne pourrait-on pas
associer une lecture par fragments ? Qui serait la lecture de l'intensité
et qui imposerait de faire fi des possibles contre-sens ou détournements du
texte. Une lecture non pas comme une longue traversée maritime mais comme une
pêche.
Le détail, seul
Et toujours cela : c'est le détail, la petite échelle, l'individuel
qui m'intéressent. Dès que la réflexion porte sur le collectif ou la grande
échelle, de cette échelle-là, moi, j'en descends et m'en vais regarder dans les
flaques et les marges.
Et d’ailleurs
...Bailly se met à traiter d’urbanisme en expert mais moi cela ne me parle
plus. Et je passe à quoi ? À la poussière (Les Lieux et la poussière, de Roberto Peregalli)
Mais Bailly ne contredirait pas cela : « le temps est notre chair. Nous
sommes pétris de temps. Nous sommes le temps. » (13)
Le dévoilement (Roberto Peregalli)
« Ce sont des instants fugitifs. Ils ne reviendront plus. Mais ils
continuent cependant à remplir notre existence. Dans notre mémoire, la lumière
de ce moment rayonne au-dessus de nous. Le temps, par vagues, nous la restitue,
tel le ressac des grandes marées d’hiver sur les galets. Cet instant pour nous
est la vérité. Le dévoilement. De la brume du néant a surgi le spectre de
l’être » (13)
→ N’est-on pas ici assez proche de Bailly, à l’emploi de la métaphore près,
sans doute. Ici elle est banale et pas très appropriée il me semble.
→ Le dévoilement et, dans le fil de la lecture, ici soudain dévoilée l'image d'Ivar Ch’Vavar, pour ce mot de dévoilement qui revient souvent chez
lui. Je pense au Mont Ruflet, au Caret à venir.
Du sens des lieux
Cette remarque qui peut en partie contribuer à éclairer une énigme :
pourquoi certains lieux, encore inconnus de nous, nous retiennent, entrent en
résonnance profonde avec nous ? Ce qui en général n’a rien à voir avec
l’attente que nous avons eue d’eux, ni avec leur qualité intrinsèque, ni avec
leur valeur (historique, esthétique) décidée par autrui ? « Les lieux
prennent sens à nos yeux dans la mesure où ils sont liés à une stratification
de sensations, d’images, qui les font exister sans qu’elles soient
nécessairement les nôtres. L’âme des lieux, leur raison d’être est indépendante
de nous. Mais cette âme est déterminée par leur fragilité temporelle. Le temps
les modifie et leur donne un halo enchanté [...] Ce ne sont pas nécessairement
des lieux nobles, mais des fondrières, des ruines, des fragments d’un monde qui
donnent sens à la vie ». (14)
→ des lieux sans doute qui ont à voir avec de grands thèmes quasi mythiques, où
le temps en effet joue le rôle principal. Pour ceux qui sont pétris de
littérature, cette impression est encore sans doute renforcée par tous ces
lieux visités en rêve, par la lecture (ah les landes des Wuthering Heights et autres romans anglais par exemple !)
Et Peregalli précise bien son projet : « Ce livre parle de la
nostalgie qui s’empare des objets et des lieux, il parle de l’incurie de
l’homme pour son destin, il parle de la violence qu’exerce la technologie
moderne sur nos lieux et notre monde, des promenades silencieuses sur un chemin
de campagne, des cours abandonnées, de la pluie qui coule sur les
vitres. » (15)
→ forte pensée ici pour Brigitte Célérier et les balades si attachantes de son
site Paumée, qui semblent retenir en
leurs mots, un peu de tout cela, qui va et se défait.
Rédigé par Florence Trocmé le 05 mai 2013 à 10h54 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Rédigé par Florence Trocmé le 03 mai 2013 à 11h30 dans photomontages | Lien permanent
Sophie
Loizeau/Françoise Clédat
Superbe note de lecture de Françoise
Clédat sur Caudal de Sophie Loizeau, (pour
Poezibao) dont je retiens en
particulier cela : « mais rien de ce qu’on éprouve ne se sépare de ce
qu’on nomme. Rien de ce qui est éprouvé ne se prouve indemne de la langue qui
le nomme »
Bonheurs du Monde ou du soir ?
Gâtée par Le Monde hier soir, Monde que je lis désormais
presqu’exclusivement dans sa version électronique (abonnement). Une page
entière sur les orgues, une sur trois livres importants sur la musique tout
récemment publiés (dont Bernard Scève, Les
Instruments de musique, Santiago Espinosa et Clément Rosset, L’Inexpressif musical) et cerise sur le
gâteau, dans le portrait qui clôt
traditionnellement Le Monde des Livres,
aujourd’hui consacré à l’auteur du pacte autobiographique, Philippe Lejeune,
une très longue et belle allusion à Claude Mauriac, dont j’ai toujours pensé
qu’il n’était pas assez connu et célébré.
Je lis cela : « Le Temps immobile de Claude Mauriac occupe une
place de choix [dans le travail de Philippe Lejeune]. Non pas les dix tomes de
ce journal reconstitué et publié chez Grasset, mais les 3,5 mètres linéaires de
cahiers tenus par l'auteur durant près de soixante-huit ans, et dont il a tiré
son immense et génial "journal de la relecture de son journal, à coups
de "plongées", de parallèles, d'associations d'idées", livrant
ainsi un "texte-puzzle". Tout y devient l'objet de montages : ainsi
le diariste relit-il en 1972 quelques pages notées avec enthousiasme en 1933,
puis les commentaires, très critiques, qu'il adressait déjà en 1953 à ce jeune
homme naïf de 19 ans - sans se sentir pour autant plus proche de cet adulte de
39 ans trop sûr de lui... On n'en finirait pas de circuler entre les strates de
temps de ce journal au carré ou au cube : "La question que
soulèvent des œuvres comme celle de Claude Mauriac, c'est de savoir si les
journaux intimes peuvent eux-mêmes avoir une genèse, autrement dit des
brouillons. Et la réponse n'est jamais évidente. Dans Autogenèses, je reproduis en fac-similé
la page 60 du premier tome du Temps immobile, mais cela ne suffit pas
tout à fait. L'image permet bien sûr de se représenter la manière dont Claude
Mauriac découpait les photocopies de son journal pour les coller à l'aide de
scotch sur le manuscrit de son livre, mais il faudrait que le lecteur puisse
toucher le manuscrit pour comprendre réellement ces opérations de
montage. "
(Portrait de Philippe Lejeune, par Jean-Louis
Jeannelle, in Le Monde des livres, daté du 3 mai 2013)
Ce flux, quelles
digues ?
Un extrait de ma « time-line » Tweeter entre 16h30 et 17h30, le 2
mai
-Un bébé singe dérobé dans un zoo en Isère retrouvé dans un champ
-Hommage émouvant au petit Lesedi, 3 ans, mort dans un accident de tram
dimanche à Nantes
-Des dangers de la lecture : Bouvard et Pécuchet. Flaubert à L.Brainne:
"mon but (secret): ahurir tellement le lecteur qu'il en devienne fou"
-N'oubliez pas ce soir : Michel Serres, Jordi Savall, Sarah Bakewell et Barbara
Cassin sur le plateau de La Grande Librairie!
-Les orgues refusent de jouer leur requiem
-Philippe Lejeune: le récit de soi, c'est lui
-Penser avec les oreilles
-Der Maler bei der Arbeit: Das VanGogh-Museum in Amsterdam eröffnet wieder
-Greek neo-Nazi lawmaker tries to assault Athens mayor, police say
-Greffe d'une trachée sur une enfant de deux ans, une première mondiale
-Plongée dans l'univers des abattoirs avec le film "Entrée du personnel"
→ est-ce que cela fait aussi partie de l’autobiographique, tel que le pense et
le cherche Philippe Lejeune, cette pénétration constante de la conscience par
des flux de données toujours grandissants, déferlants ? Qu’advient-il
réellement de cette immense base/masse de données ? Et nous, petit bouchon
balloté sur ce fleuve immense de données sans fin, sans structures sauf celle
que nous tentons de lui donner ?
De la bibliothèque comme d’un instrument
(G. Didi-Hubermann et Heather Dohollau)
Un rapprochement à faire entre cette constatation
de Georges Didi-Huberman qu'il consulte des dizaines de livres de sa bibliothèque
en une seule journée de travail et Heather Dohollau qui vient de mourir, dans
ce film où elle parle
de sa passion des livres depuis l’enfance et dit que tous les livres autour
d'elle sont un peu comme un clavier dont elle jouerait.
Grande tristesse à l’idée de la mort d’Heather Dohollau, qui redouble celle de
la mort toute récente et si brutale de Ronald Klapka qui m’avait fait connaître
son œuvre en 2005 et qui m’avait toujours poussée à aller la voir à
Saint-Brieuc, ce qu’hélas je n’ai pas fait.
Lectures
Pas très heureuses : Handke, Une
année dite au sortir de la nuit ; Judith Schlanger, La Mémoire des œuvres ; Victor
Hugo, Le Promontoire du Songe ;
Virginia Woolf, l’Art du Roman ;
Jean-Christophe Bailly, La Phrase urbaine.
Peter Handke, de courtes phrases, très banales, dont je n’arrive pas à
comprendre l’intérêt ou la nécessité. Peut-être tenter d’y revenir et lire non
pas in extenso, mais au hasard ?
Judith Schlanger : pour moi ce texte érudit, historique est plus froid et
moins prenant que La Lectrice est
mortelle, que j’ai terminé il y a peu et tant aimé.
Victor Hugo : Le Promontoire du
Songe, démarrage sur les chapeaux de roue, somptueux : à l’invitation
d’Arago, Victor Hugo observe la lune à l’Observatoire. Mais ensuite trop de
pages où s’accumulent les références mythologiques, les noms de la lune dans
toutes les cultures, etc.
Tout de même : « Qui que nous soyons, nous sommes des ignorants. Ignorants
de ceci, sinon de cela. Nous passons notre vie à avoir besoin de révélations.
Il nous faut à chaque instant la secousse du réel » (Le Promontoire du songe, L’Imaginaire/Gallimard, 2012, p. 21
Jean-Christophe Bailly, je l’ouvre à peine, il me faut donc faire preuve d’un
peu de patience. La lectrice est mortelle,
La lectrice est impatiente, La lectrice est capricieuse.
Des citations et fragments
Terrible pensée après cette soirée de lecture triste. Hugo, Handke, Schlanger, Bailly, rien ne m'a
retenue. Alors je cherche quelques éclats à extraire, à tout prix, comme lorsque, dans un
endroit vide ou ennuyeux, on s'efforce de trouver un minuscule qui puisse répondre
au désir éperdu de sens ou ouvrir un espace d’intensité.
Espace d’intensité, j’emprunte l’idée,
sinon la formulation exacte à Alain Veinstein et Hélène Cixous dans leur beau dialogue. Ils parlaient ici du silence et plus
précisément encore du blanc en poésie.
Du glas et pour qui il sonne (John Donne
et Hélène Cixous)
Cixous, précisément, qui dans cette même émission, parle d’une façon tout à
fait extraordinaire de la mort. Cette grande connaisseuse du domaine anglais
(il ne faut jamais oublier cela !), imprégnée de Shakespeare comme de
Joyce, disant que chaque vers de Hamlet est une citation en puissance, rappelle
l’œuvre de John Donne et singulièrement la "méditation 17" : « Personne
n'est une île, entière en elle-même; tout homme est un morceau de continent,
une partie du tout. Si une motte de terre est emportée par la mer, l'Europe en
est amoindrie, tout autant que s'il s'agissait d'un promontoire, ou que s'il
s'agissait du manoir d'un de tes amis ou le tien propre: la mort de chaque être
humain me diminue, parce que je fais partie de l'humanité, et donc, n'envoie
jamais demander pour qui sonne le glas; il sonne pour toi. (source)
No man is an island, entire of itself;
every man is a piece of the continent, a part of the main. If a clod be washed
away by the sea, Europe is the less, as well as if a promontory were, as well
as if a manor of thy friend's or of thine own were: any man's death diminishes
me, because I am involved in mankind, and therefore never send to know for whom
the bells tolls; it tolls for thee. (source)
Occasion aussi de comprendre d’où vient le titre du livre d’ Hemingway !
Des langues étrangères, Los, Abstract
(Hélène Cixous)
Hélène Cixous dit aussi comment des langues étrangères sont venues d’elles-mêmes
dans le texte de Chapitre Los - Abstracts
et Brèves chroniques du temps (Galilée). Ne serait-ce, dans le seul titre,
que ce los sur lequel elle revient
longuement mais toujours sans évoquer la place qu’il prenait dans les
injonctions des nazis dans les camps ; et abstract dont elle se demande s’il n’est pas devenu un mot français
(pourquoi donc, alors que nous avons résumé,
qui me semble tout à fait adapté ?)
Ces mots étrangers, elle a jugé que le temps était venu de les inclure dans son
texte. Ce que je trouve également libérateur, car nous sommes pétris de ces
langues étrangères, que nous entendons partout, que nous travaillons, qui nous
traversent. Alors pourquoi seraient-elles arbitrairement éliminées de ce que
nous écrivons ?
Chacun seul, tous beaucoup (Judith
Schlanger)
« Celle qui écrit un livre, son sentiment n’est pas qu’il s’agit d’une
variation infime, d’une boucle minuscule de l’identique, d’une écume portée par
les courants mais qui par elle-même ne change rien », écrit Judith
Schlanger dans une réflexion sur la question des chefs d’œuvre et de leur ombre
portée et parfois écrasante. « Au contraire, nous savons et nous éprouvons
tout autre chose. Dans la durée du faire, quelque chose se libère, aigu et hors
d’atteinte, qui va droit à la force. On n’est jamais seul dans sa pensée, dit
très bien Michel Schneider, mais dans son penser on est toujours seul. Chacun
seul, tous beaucoup : c’est toujours une partie de la variété redondante,
et c’est toujours l’unique et l’écart. Quelque chose dans cette solitude est
une force. » (La Mémoire des œuvres,
Verdier, 151). Et elle poursuit plus loin, tentant de penser le pluriel étonnant des lettres : « la
masse est répétitive, mais chaque désir est seul. Il y a une infinité d’œuvres et
pourtant chaque voix est distincte. Il y a de l’énorme et de l’infime, du
massif et de l’aigu, du décisif et du quelconque, et pourtant chaque fois c’est
un œuvre. Il y a mille variantes piétinantes mais parfois une variante ouvre un
autre jeu, et ne fait plus fonction de variante, mais de modèle. » (153)
La mort de l’auteur et des lecteurs
« Ou encore à la façon de Kermode : la mort de l’auteur, puis la
mort successive des lecteurs, libère le sens du texte ; et le sens croît, fleurit
et se démultiplie à mesure que les mains accrochées au texte lâchent prise, en
grappes pâles, successivement ». (La
Mémoire des œuvres, p. 166)
NB : renseignements pris, Frank Kermode est un éminent critique anglais (1919-2010)
Cela aussi, lire, le jeu des ricochets sans fin…. ricochets vers d’autres œuvres,
échos entre les œuvres lues, construction de ce qui est aussi une œuvre,
cachée, personnelle, notre bibliothèque intérieure.
Rédigé par Florence Trocmé le 03 mai 2013 à 11h23 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent