« janvier 2015 | Accueil | mars 2015 »
Rédigé par Florence Trocmé le 23 février 2015 à 16h16 dans photomontages | Lien permanent
Sviatoslav Richter
Passé un très bon moment dans la revue Pianiste avec plusieurs pages consacrées à Sviatoslav Richter qui aurait eu 100 ans en mars. Avec un aperçu de remarques très étonnantes relevées par Youri Borissov, dans un livre intitulé Du côté de chez Richter, paru en 2008 chez Actes Sud.
Un extrait : « Claude Debussy, Sur le prélude La Danse de Puck, Premier livre [texte écrit par Richter en 1992] : “j’ai entendu Kissin jouer la Valse en si mineur de Chopin, une des posthumes… mieux, à mon avis, c’est impossible. Je crains seulement deux choses : qu’il se soit précipité là-dessus trop tôt, presque encore dans l’enfance. Il risque d’y perdre le souffle, de ne pas prendre la mesure du chemin à parcourir. Deuxième danger : le pointillisme. Il n’en use presque pas. Il ne travaille probablement jamais dans le noir.
Moi non plus je n’arrivais à rien avec La Danse de Puck. Jusqu’à ce que quelqu’un m’ait passé un livre très intelligent. Neuhaus, bien sûr… j’y appris que, dans l’obscurité, notre âme acquiert un deuxième vue, elle s’apparente à un somnambule. Que c’est justement dans l’obscurité que tout prend son visage et sa couleur.
Quand Kissin jouera Debussy, allez l’écouter sans faute. Vous saurez aussitôt s’il a maintenant du givre au bout des doigts » (Pianiste, n° 91, p. 32)
→ devrions-nous écrire, écouter, lire dans le noir ?
Lîla, jeu créatif
Entretien intéressant également avec la pianiste et professeur Lisa Yui. Je relève cela : « c’est cette notion de “jeu créatif” que l’on retrouve dans le mot sanscrit lîla. En français lîla se traduit par “jeu” mais le mot lîla a une résonance bien plus profonde. Lîla, pour reprendre les mots du violoniste, écrivain et professeur Stephen Nachmanovitch, décrit un “jeu divin, le jeu de la création, de la destruction, de la reconstruction, du pliage et du dépliage du cosmos. Lila, libre et profond, évoque à la fois le plaisir et la jouissance du moment, le jeu divin. Lîla signifie aussi amour”. Ce jeu est un acte spirituel et sacré qui unit l’âme aux forces sensorielles de l’univers. »
S’orienter
Je relis le très bel échange avec Patrick Beurard-Valdoye qui sera mis en ligne dans Poezibao le mercredi 25 février. Je note : « antennes dressées, bien que désorienté, j'oscille entre le "tout peut arriver" et le "je ne lâche pas", quand l'intuition peut déboucher sur une percée. ». Je note également que « les champs artistiques permettent plus fréquemment de nous confronter à l'inconnu, au mystère, que la recherche scientifique. »
Croisements (Patrick Beurard Valdoye, D.H Lawrence)
Cela aussi, qui constitue une magnifique « note sur la création » :
« Il faut peut-être préciser en effet, que la pratique des arts poétiques - en lire est déjà les pratiquer - émancipe de la temporalité hégémonique du récit (historique ou causale). Surtout, elle permet l'accès, en parallèle des réalités historique et biologique, à un autre passé qui oriente le présent, et l'élargit vers l'advenir. » (Entretien pour Poezibao, en ligne le mercredi 25 février)
Et un peu plus tard, lisant l’excellent site Brumes, je relève ceci, à propos d’une Lettre d’Allemagne de D.H. Lawrence :
« Les grands romanciers et les grands poètes peuvent saisir leur temps, en dehors de toute enquête historique érudite, de toute réflexion sociologique poussée, et même de toute démarche à peu près scientifique. Ils pressentent, par une sorte d’intuition presque tellurique, les sourds mouvements tectoniques de leur époque. Le monde change ; ils s’en aperçoivent. Qu’il se produise quelque chose de neuf – qu’ils sont parfois bien en peine de nommer – et les en avertissent leurs sens, plus éveillés que les nôtres, à nous pauvres animaux rationnels et étroits, cervelles raisonnantes et influençables. Si la précision leur fait parfois défaut, le jeu de leur intuition produit pourtant, à l’occasion, des résultats saisissants. Ces écrivains montrent moins leur génie en réfléchissant froidement, par le jeu spéculatif, professoral, théorique, qu’en transposant, par le biais de la poésie et de la prose, le réel dans l’espace épuré, et donc signifiant, de la fiction. »
Quant à la lettre de D.H. Lawrence dont on peut découvrir de grands extraits sur ce même site, elle résonne terriblement avec mes lectures en cours des Journaux de Klemperer et de Thomas Mann. Tous trois ont eu très tôt le pressentiment oppressant de ce qui advenait.
Puis un peu plus tard, Cécile Wajsbrot, ici :
« Le siècle où nous sommes nés - le vingtième – reçut des averses particulièrement abondantes de paroles qui ne furent pas entendues en leur temps et que nous n’avons perçues que plus tard, bien plus tard, longtemps après que les guerres où elles furent proférées furent éteintes. Et la littérature est le lieu privilégié du dégel.[référence à Rabelais] » et un peu plus loin : « Les livres paraissent le plus souvent à un moment où la société se préoccupe d’autre chose, après le moment où elle en a parlé – le temps du journalisme – en l’occurrence à la libération des camps, et bien avant qu’elle n’y revienne, plus tard, et que ce mot, Auschwitz, ne puisse se prononcer que dans la réverbération d’un écho sacré. La littérature est le lieu du dégel – elle a son rythme propre, sa temporalité, sa façon de digérer les événements, son aftermath – ce mot anglais précieux qui désigne, à l’origine, la réplique d’un tremblement de terre avant d’endosser le sens plus abstrait de répercussions, conséquences. La société, le monde ont eux aussi leur rythme pour absorber l’événement. Ce rythme n’est pas le même et c’est pourquoi le lieu du dégel, les confins de la mer glaciale où croisent les écrivains en navigateurs solitaires n’est pas seulement l’endroit du dégel où sont ouïes les paroles passées mais de façon plus complexe, le point de rencontre entre le passé, le présent et le futur. [...]Lieu du dégel, confins de la mer glaciale, la littérature est le point du passage, le lieu de rencontre du présent, du passé, du futur, comme le pôle est le point de rencontre de tous les méridiens, à la fois 90e degré de latitude et point zéro où la boussole ne peut plus indiquer de direction. »
Croisements encore (Ulrike Draesner)
Puisque sans nous donner le mot Patrice Beray pour Mediapart et moi pour Poezibao, nous célébrons la poésie de l’allemande Ulrike Draesner. Dont… Patrick Beurard-Valdoye me dit, quelques instants après la publication des poèmes dans Poezibao, qu’il la connait bien. Pattes de colombe, reste d’hirondelle, mort d'une souris….
Saint Axe et grincements de dents
Excellente note de Claro à propos du livre de Jérôme Mauche, Le sbire à travers, ici. Il écrit notamment : « cette opération poétique à laquelle se livre (et qu’invente) Mauche : la déconsidération du réel par la phrase à failles. Bon, je sens que vous n’êtes pas encore convaincu de la drôlerie de la chose, mais c’est parce que, dès qu’on parle syntaxe, les dents se serrent, or quoi de plus hilarant pourtant qu’une phrase qui se casse la gueule en se mordant la queue ? ».
De quoi perdre l’équilibre : « Jouant avec l’ordre de causalité, les accords, les pronoms, les pluriels, se servant de la virgule comme d’un croche-patte, poussant l'adverbe comme un pavé déchaussé, Mauche déconstruit et reconstruit des milliers d’infra-drames avec une virtuosité discrète qui rend la lecture de son livre incroyablement active. ». Voilà qui me donne envie d'ouvrir ce livre que j'avais mis de côté craignant de ne pas en trouver la clé.
De la justesse
J’ai souvent relevé dans les différents écrits d’André Hirt ses propos sur la justesse, l’exactitude. Les voici bien résumés : « une chose, en effet, est de parler et d’écrire, une autre est de parler et d’écrire justement.
Une chose est de parler et d’écrire, une autre est de passer au crible de l’exactitude ce que l’on dit et ce que l’on écrit. Et le désespoir vient assez vite de ne pas parvenir à cette certitude dont on sait pourtant qu’elle existe, mais dont on ne possède pas les termes, le rythme et le phrasé. » (p. 78)
Rédigé par Florence Trocmé le 23 février 2015 à 16h13 dans Bribes de Flotoir, photomontages | Lien permanent
Rédigé par Florence Trocmé le 21 février 2015 à 17h49 dans photomontages | Lien permanent
La littérature
Thiphaine Samoyault dans un article sur Olivier Cadiot, dans la Quinzaine Littéraire n°1122, écrit : « la littérature ce n’est pas seulement un passé et des lieux dans lesquels on se transporte, c’est aussi la différence, l’inversion, les identités mobiles, l’ironie. » (QL, 1122, p. 6)
→ un véritable apprentissage de l’altérité, une véritable éducation (senti) mentale
[Croisements] Capteur de son
Une nouvelle rubrique pour le Flotoir ? Un montage. Je n’écris rien, je cueille et je fais des croisements.
Cette première occurrence est dédiée à Christine Jeanney.
1. Pierre Parlant, in Exposer l’inobservable (éditions Contre-Pied), cite le photographe Denis Bernard : « électrisés souvent par le frottement, les films bientôt se tordent et l’air du laboratoire se charge d’une odeur âcre d’ozone. Un léger grésillement se produit quelquefois. Au moment où des picotements se sentent sur le bout des doigts et que le film commence à perdre de sa souplesse, il est projeté dans le bain révélateur. Les micro-orages emmagasinés éclatent de part et d’autre du film, crépitent et claquent dans l’air, en éclairs bleus ou jaunes vert, courent le long des bords de l’image à la surface du bain qui retrace les arcs électriques lumineux miniatures [...] le bruit s’apparente à des petits pétards de fête foraine. » (p. 18)
2. Marie Etienne, dans la Quinzaine Littéraire n° 1122, parlant elle aussi d’Olivier Cadiot, qu’elle appelle Le Capteur de sons, le cite : « on pourrait aujourd’hui augmenter le son de n’importe quoi : le crépitement d’une éponge sur une table, un tremblement de jambe, le raclement de chaises, on obtiendrait une énorme symphonie. »
3. Claude Samuel, dans son blog : « la Deuxième Symphonie, dite “Résurrection” de Gustav Mahler, cette œuvre qui constituait pour son auteur un “hymne gigantesque à la gloire de la création sous tous ses aspects.” Belle ambition ! Et Mahler d’ajouter : “Le fait que je l’appelle Symphonie ne signifie pas grand-chose, car elle n’a rien de commun avec la forme habituelle. Le terme Symphonie veut dire pour moi : construire un monde avec tous les moyens techniques existants…” Et l’on peut imaginer que Mahler, venant au monde un siècle plus tard, aurait ajouté à son gigantesque effectif des sons inouïs pêchés dans les studios de l’Ircam. »
Penser (André Hirt, Adalbert Stifter)
« C’est précisément penser que de tracer par la forme un rapport entre deux affects, entre un affect et une idée, entre des idées que la situation ne donne pas. Encore ce rapport se doit-il de ne pas être contingent ni même simplement constatable, comme simple occurrence, car si l’art est et doit être une pensée, il exige une compréhension, une saisie, l’usage d’un compas et l’évaluation exacte d’un angle de vue sur le monde. (Manuscrit inédit, à paraître en septembre 2015, p. 63)
Une percée (Stifter)
« Dans ce cas, c’est une idée forte, consistante, qui se révèle, inaperçue jusque-là, en hissant la situation à l’intelligibilité et non au seul constat qui ne peut tenir lieu de pensée. Qu’une telle réussite ou chance de la pensée dans l’art ait lieu dans l’étroitesse d’un poème ou dans la majesté d’une longue séquence musicale, littéraire ou plastique ne change rien au fond.
La question n’est jamais celle d’une dimension – « Grand art » ou art minimal –, l’histoire de l’art elle-même en atteste : elle concerne la percée qu’une pensée peut opérer en dégageant par la forme ou le langage l’espace clôturé d’une situation qui s’en trouvera de fait bouleversée et redistribuée. »
→ ces mots relevés ici car aidant à la prise de conscience du pouvoir de la littérature, de l’art et surtout de la nature de leur objet. Non pas ressassement du même, fut-il nouvellement agencé, distribué, mais recherche de nouveaux liens, de nouveaux rapports entre des entités, affects et/ou idées. Sinon une nouvelle donne, en tous cas un nouvel éclairage. Lire un nouvel auteur c’est déclôturer une partie du monde, une situation, bouleverser un état de faits.
→ à la suite de cela, André Hirt insiste sur la nécessaire exactitude. Il faut ici dit-il une diction juste, rigoureusement exacte, dont le critère est l’éclairement ou non du réel.
Double et immense exigence donc pour le créateur, trouver cette idée forte, consistante et la rendre avec la plus rigoureuse exactitude. À ce prix-là, il pourrait y avoir éclairement du réel. Les faux éclairages abusent parfois les contemporains, mais ne trompent plus les générations suivantes.
[Croisement] De la disponibilité
1. Olivier Cadiot, écrit Marie Etienne qui a eu l’occasion de voyager avec lui en URSS, est d’une « extrême disponibilité à l’environnement, qui lui permet d’entendre et de voir, de se laisser porter par toutes ses sensations sans chercher à les unifier, sans craindre non plus de s’y laisser dissoudre. De ce désordre heureux naîtra la symphonie – c'est-à-dire le texte qui se constituera de lui-même. » (Quinzaine Littéraire, n° 1122)
Cadiot lui-même : « brusquement tout vous traverse. Vous êtes en cristal »
2. Sur mon bureau, Cristal de Roche, de Stifter
3. André Hirt, travaillant sur l’œuvre de Stifter : « De même que la forme artistique ne se calcule que jusqu’à un certain point, la limite où elle s’infléchit et se met à se commander elle-même en faisant fi des calculs de l’artiste, de même l’existence en général doit commander une forme qui va en retour la commander, activité passive en somme, activité en demande de réceptivité si l’on veut, en tout cas disponibilité. » (p. 66)
[Croisement] De la technique
1. André Hirt : « Lorsque la technique prend son essor en concernant les choses de la vie, sa puissance est inversement proportionnelle à nos capacités d’articulation (les techniques de soi et du rapport au monde), et donc à nos capacités d’art. »
2. Paul Valéry : « L’œil, à l’époque de Ronsard, se contentait d’une chandelle, — si ce n’est d’une mèche trempée dans l’huile ; les érudits de ces temps-là, qui travaillaient volontiers la nuit, lisaient (et quels grimoires !), écrivaient sans difficulté, à quelque lueur mouvante et misérable. L’œil, aujourd’hui, réclame vint, cinquante, cent bougies.» (Discours de 1935 repris en ouverture de la revue Fario n° 14)
3. André Hirt, toujours à propos de Stifter, dont il dit que c’est bien son mérite que d’avoir ressenti « l’embardée du Moderne ».
→ une embardée qui excède sans doute les capacités d’adaptation pourtant considérables du monde et des hommes. Un documentaire récemment vu montrait comment une certaine espèce d’oiseaux s’était adaptée à un nouveau territoire, modifiant petit à petit son bec pour le rendre plus apte à utiliser la nourriture qu’elle trouvait sur place… mais il aura fallu plusieurs générations….
André Hirt à propos de Stifter : « s’il faut qualifier cette œuvre, on peut dire qu’elle est l’écho du fracas d’une âme harmonieusement constituée – du moins veut-elle encore le croire – sur la porte en fer du Moderne. » (70)
Sur la photographie (Pierre Parlant, Denis Bernard)
Le petit livre, issu d’une conférence, que Pierre Parlant consacre au travail du photographe Denis Bernard est passionnant (Exposer l’inobservable). Il écrit « lorsque les photographes s’engagent dans la “prise de vue”, ils entendent saisir, par le moyen simultané d’un cadre, d’un déclencheur et d’une focale, ce qui relève de la perception ordinaire. Or c’est précisément ce que refuse Denis Bernard. Il ne cherche jamais à percevoir ce que l’œil a cru voir, pour parler comme Rimbaud, mais veut bien plutôt détecter ce qu’aucune œil ne saurait voir de prime abord » ; il va en fait s’agir pour le photographe de « débusquer ce qui demeure inobservable ou, sans doute plus justement, ce qui crève les yeux à force de nous hanter. »
→ aussi complexes ou impossibles à observer et à élucider, ce que l’on vit derrière l’objectif, quand on « prend » une photo et ce que l’on vit quand on fait ou écoute de la musique. Plus on y réfléchit, souvent avec l’aide des autres, plus semble s’épaissir le mystère.
Claude Mouchard
dont j’ai fini de lire les pages de notes publiées dans Fario N° 14 :
« et du sens dans un poème ?
c’est la possibilité même du sens qui parfois ne peut que s’abattre, dans quelques phrases, et y agoniser comme un papillon collé à plat dans la boue. » (Fario, n° 14, p. 145)
Question centrale (Claude Mouchard)
Cette réflexion importante :
« enfants, adolescents, adultes butant contre le langage comme s’ils s’écrasaient la figure sur un mur… ;
et qui voient (ou croient voir) d’autres y évoluer avec aisance… » (p. 162)
→ et nous les « intellectuels » (pour nous qualifier hâtivement), habitués à trouver les mots facilement (malgré tout !), à exprimer finement un ressenti complexe, n’oublions-nous pas trop souvent cet état de fait que pour une très grande majorité de nos contemporains, cela ne va pas de soi ? Non seulement de dire mais aussi de comprendre, vraiment. Que de fois je m’aperçois que j’ai été entendue complètement de travers alors que je m’imaginais avoir été précise et claire ! Dans tous les domaines, dans toutes les relations humaines, foi inébranlable et souvent imbécile dans cette capacité du (de mon) langage à exprimer, qu’il faudrait pourtant mettre constamment en doute, vérifier. Et c’est aussi bien sûr une question à se poser lorsqu’il s’agit de transmettre dans le domaine de la littérature et plus encore de la poésie.
Dans les notes de Claude Mouchard
« Certaines phrases d’ici se débattent comme un animal dans un sac ».
→ ce trait apparemment cruel de Claude Mouchard (p.172) à propos de ses notes est d’une incroyable justesse et rend tellement bien l’impression très particulière que l’on éprouve souvent devant ce texte. Quelque chose essaie de, tend à, se débat, masse informe qui cherche la lumière. Parvenir à le traduire est admirable.
Sur la musique, sur Bach, sur Kurtág, Claude Mouchard, encore
« Kurtág… le merveilleux disque Bach-Kurtág « Play with infinity »
quel espoir y rend transparent le plus obscur ?
nuit et flamme… de l’oxymorique…de la tendresse ironique….du mordant et du suspendu…
accompagné à neuf (comme par des enfants dans La Flûte ?) par du passé,
fendre la nuit à venir, disjoindre l’opacité sans transcendance – mais d’autant plus insaisissable…, radicalement inenveloppable-.. de l’à jamais trop humaine réalité » (Fario n° 14, p. 172)
Le rythme (Francis Wolff)
[journal de lecture de Pourquoi la musique ?]
J’avance à pas comptés (en rythme bien sûr !) dans le livre de Francis Wolff mais ce n’est pas le lieu ici de rendre compte de toutes les étapes de ma lecture. Je note toutefois cela concernant le rythme : « nous distinguerons trois concepts, que nous appellerons pulsation, mesure et rythme » et il note que « du seul jeu de leurs rapports, tous les effets moteurs ou inertiels possibles des musiques peuvent se déduire. »
Pulsation, = isochronie, le battement régulier, née de la régularité biologique (le cœur, la respiration)
Rythme = répétition d’une cellule non isochrone, il vient de la musique et « il faut que nous incorporions sa raison pour le ressentir en nous » (113)
La mesure serait entre les deux.
« Et tous les effets moteurs possibles de la musique dépendent des différents jeux de coïncidence ou d’opposition entre ce qui vient du corps de la musique vers nous (rythme) et ce qui vient de notre corps, pensant ou non, à la rencontre de la musique (mesure, pulsation). » (113)
Rédigé par Florence Trocmé le 21 février 2015 à 17h39 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Rédigé par Florence Trocmé le 20 février 2015 à 16h51 dans photomontages | Lien permanent
Comme les canaris dans les mines de charbon
Dans le Huffington Post, belle tribune du grand rabbin de France Haïm Korsia où il demande d’accorder toute l’attention nécessaire à ce qu’il appelle les signaux faibles, autrement dit les manifestations plus ou moins larvées d’antisémitisme. Comme la sortie de Roland Dumas sur l’influence juive que subirait le premier ministre, notamment en raison de son mariage.
« Les signaux faibles, si on y a en leur temps prêté attention, sont plus parlants, car lourds de signification. Ils permettent de prévenir, puis d'agir. Et surtout, de déceler les vrais émetteurs, ceux dont les messages et le venin distillé à bas bruit, mais efficacement et durablement, sont ensuite amplifiés et déformés par d'autres, pour être finalement orchestrés, "repackagés" et délivrés avec le "marketing" qui convient en bout de chaîne aux émetteurs directs de signaux "forts" et autres braillards désinformés et manipulés. Voire aux radicaux qui puisent dans ce magma pour justifier leur haine et leur pulsion de mort. »
Puis :
« Comment passer du bas bruit au tintamarre, et du signal faible au signal fort? Comment dans ce vacarme, continuer d'entendre les autres signaux faibles, qui errent et persévèrent?
Les Juifs, comme les canaris dans les mines de charbon, sont les spécialistes de ce type d'écoute et des habitués, hélas, des coups de grisou. »
Le droit même d’être né
« Car si l'on nie ce qui s'est passé (comme ont voulu le faire les généraux argentins, en prétendant faire de leurs victimes des "disparus"), alors c'est comme si l'on cherchait à refuser à ces morts le droit même d'être nés! ».
Mots de Marc Dugardin, au cours d’une conversation toute récente. Marc qui travaille particulièrement en ce moment sur Juan Gelman.
Le livre
Antoine Emaz m’a incitée à ouvrir la revue Fario n° 14 récemment reçue mais pas encore lue et dans laquelle Vincent Pélissier son créateur et directeur fait part de la suppression de la subvention CNL. Vincent Pélissier qui donne en ouverture de la revue et sous le coup de l’annonce de cette suppression un long et beau texte sur l’importance du livre de papier. On sait quel soin il apporte à sa revue, Fario, ou aux quelques très beaux livres qu’il a édités. Il cite en exergue un long extrait du discours de 1935 de Paul Valéry (repris par les éditions Allia sous le titre Le Bilan de l’intelligence) : « On nous inocule donc, pour des fins d'enrichissement, des goûts et des désirs qui n'ont pas de racines dans notre vie physiologique profonde, mais qui résultent d'excitations psychiques et sensorielles délibérément infligées. L'homme moderne s'enivre de dissipation. Abus de vitesse, abus de lumière, abus de toniques, de stupéfiants, d'excitants...Abus de diversité, abus de résonance; abus de facilités; abus de merveilles; abus de ces prodigieux moyens de déclenchement, par l'artifice desquels d'immenses effets sont mis sous le doigt d'un enfant. Toute notre vie actuelle est inséparable de ces abus. Notre système organique soumis de plus en plus à des expériences mécaniques, physiques et chimiques toujours nouvelles, se comportent à l'égard de ces puissances et de ces rythmes qu'on lui inflige, à peu près comme il le fait à l'égard d'une intoxication insidieuse. Il s'accommode à son poison, il l'exige bientôt. Il en trouve chaque jour la dose insuffisante. »
→ incroyable actualité de ce texte de 1935 !
→ en fait Vincent Pélissier, à qui bien entendu le CNL a suggéré de se tourner vers la publication électronique, écrit un long plaidoyer pour le livre, le papier, l’imprimerie. Je voudrais extraire de ce texte cette remarque : « c’est peut-être la variété sensible des choses dont il faudrait nous débarrasser, nous défaire à la fois insidieusement et à toutes forces : une diversité du monde que l’on croyait infinie, ses nuances, ses apparitions, ses totems colorés, ses idiosyncrasies, ses ciels singuliers et ses formes coutumières, ses paysages multiples propres à l’étonnement, ruelles avec des petits jardins brouillons, reliques désuètes, ses impressions profondes et désordonnées, ruines et terrains vagues au-dedans de soi, son bric-à-brac manufacturé. » [miroitement du texte de Vincent Pélissier, renforcé par celui du Cygne de Tuonela de Sibelius que j’écoute en me relisant, quel accord !]
Et le livre, chose parmi toutes ces « choses délimitées, concrètes que l’on a fait siennes, là où les mots, les pensées, les histoires, sont en un lieu et « ne disparaissent pas hors de toute existence sensible comme c’est le cas sitôt qu’on a éteint la machine ».
Il y a une matérialité du livre qui entre en jeu de façon décisive dans le processus de la lecture, dans l’implication sensible de celui qui lit avec ce qu’il lit. L’épaisseur du livre, la faculté de se diriger dans le livre, d’avant en arrière, de « sauter des pages » ou de revenir en arrière, de feuilleter, de sentir le papier, de tenir le livre en main. En tous cas pour nous qui avons grandi avec le livre en papier, qui n’avons pas encore « muté » pour nous faire aux autres manières de lire, même si nous y mettons une immense bonne volonté.
La variété sensible des choses. Valéry encore, Valéry toujours : « Commençons par l’examen de cette faculté qui est fondamentale et qu’on oppose à tort à l’intelligence, dont elle est, au contraire, la véritable puissance motrice ; je veux parler de la sensibilité. Si la sensibilité de l’homme moderne se trouve fortement compromise par les conditions actuelles de sa vie, et si l’avenir semble promettre à cette sensibilité un traitement de plus en plus sévère, nous serons en droit de penser que l’intelligence souffrira profondément de l’altération de la sensibilité. »
Claude Mouchard
Ce numéro 14 de la revue Fario est l’occasion de retrouver la voix tellement singulière de Claude Mouchard qui a donné à la revue un nouvel ensemble, substantiel, de ces notes dont il a déjà proposé plusieurs extraits aussi bien à Fario, précédemment qu’à Poezibao (feuilleton Et si c’était cela vivre, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 ; feuilleton avec la peau d’une autre vie : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12).
Je suis frappée de nouveau par le caractère hors-normes de ces notes. Il me semble que la gravité et la singularité de Claude Mouchard se sont encore accrues, qu’il creuse plus profond que la plupart de nos contemporains et surtout sans ménagements (avant tout pour lui-même). Son écriture traduit une sorte de fusion des sensations et de la pensée, de l’écriture et de tout ce qu’il perçoit avec une acuité qui semble souvent exacerbée, acuité tant physique et perceptive que morale, apte à détecter toutes les compromissions, tous les détournements. « Penser ? Pouvoir penser ? (mais jamais, ici, bien sûr, par arguments confrontables)
des vagues affluant du fond du passé se jettent là où un avenir, en vagues contraires, vient non moins aveuglément s’écraser
alors
du possible, oui brièvement pensant…rejaillit
crépite…
Il se situe en un point très particulier, au croisement entre l’histoire des hommes et sa propre histoire et il se laisse traverser, sans se dérober. D’où une écriture non sans violence, mais pas violente, fragmentée mais cohérente, par éclats souvent tranchants, propre à déloger le lecteur de son petit confort auto-satisfait. Menant en même temps, car c’est là que ça se joue, une analyse de la phrase, des mots qui viennent, du pourquoi et du comment de ces mots. Là aussi de manière tourmentée, âpre. On ne comprend pas toujours tout, il faut parfois revenir sur ses pas, il faudra sans doute relire, relier, travailler ces pages. Y retrouver sans cesse cet alliage, suscitant un sentiment d’étrangeté, du plus concret de la matière et de la force des sensations avec l’abstraction :
« impasse de la pensée, ô cruel cul-de-sac ! Ô
gâteaux secs en masse intrinsèque !
« Nourrir à cru du temps commun » (Claude Mouchard)
Réflexion sur le temps et les temps :
« se nourrir à cru du temps commun – réel, banal, rebelle !
le remâcher (par sensations-pensées) là même où il est partout grossièrement approprié [...] (Fario, p. 112)
Réflexion aussi sur le « en même temps » : « ce qui arrive à d’autres quasi en même temps » [...] « tenir compte des existences simultanées ? Celles qui, dès qu’on y songe, s’élèvent comme des reproches ? celles dont on sait trop /trop peu, celles sur lesquelles nos propres vies ont trop / trop peu d’effet ? » (117)
→ l’en même temps, tout ce qui nous traverse et on peut ici englober dans la même réflexion Valéry, Vincent Pélissier et Claude Mouchard, « l’en-même temps – des vies, des œuvres », dit Claude Mouchard. Ce dont nous ne pouvons ou ne devrions être indemnes. Cette fausse ubiquité permise par les moyens modernes de communication qui nous confronte en même temps à la détresse de la population ukrainienne ou à celle de la population syrienne, aux manœuvres des grands, à la vie cachée des népenthès à Bornéo, à la musique du XVIIIème siècle et à notre ici et maintenant, grandes marées, vie politique agitée, joies et soucis de la vie familiale, et cetera, and so on, und so weiter, bain des langues.
De long en large (Ludovic Degroote)
Je parcours avec grand plaisir un livre de Ludovic Degroote, tout juste paru, livre construit autour d’une contrainte très particulière. Les éditeurs ont projeté en surimpression le plan du métro de Paris sur un planisphère et différents écrivains se sont vu invités à faire un double trajet, suivre une ligne du métro parisien et imaginairement un tout autre parcours, entre deux points du globe. Pour Ludovic Degroote, la ligne 4, Porte de Clignancourt-Montrouge est l’occasion d’un voyage immobile ou presque entre l’extrême nord du Cap Tcheliouskine et l’extrême sud de l’île Berkner. Une sorte de jeu bien sûr, mais qui donne à Ludovic Degroote l’occasion de lancer des aphorismes absurdes et de montrer aussi son humour. « Brisez les murs, nous dit-on, c’est une phrase ; fermer les yeux fait moins mal aux poings. » (p. 6) ou bien « Sait-on jamais pourquoi les choses brûlent ? Il en va de la passion comme des torchons » (p.8) et ici je songe à la célèbre formule de Vialatte « l’homme n’est que poussière, c’est dire l’importance du plumeau ».
Ce que nous montre bien Ludovic Degroote ici c’est ce curieux mélange en nous des impressions, des réminiscences, de l’élaboration plus ou moins consciente de nos sensations dans ce temps de vacance ou de latence que peut être un déplacement en métro, en train, en voiture, en avion. Cette confrontation obligée à nos (si peu ?) semblables, ce brassage constant de tout ce que sont nos vies. De tout cela, mine de rien, il fait ici comme une analyse spectrale, il trie et différencie les composantes tout au long de sa ligne 4.
Népenthès
Vu hier la fin d’une émission sur les plantes carnivores à piège passif et en particulier sur les népenthès de Bornéo qui font tout pour attirer les insectes dans leur urne à coup d’odeurs délicieuses et de nectars. Ces plantes se comportent de deux façons, soit en symbiose avec certains insectes qu’elles nourrissent en échange de leurs services de nettoiement, soit en prédatrices-tentatrices qui avalent les mouches, les fourmis et même certains petits rongeurs !
La dégénérescence (Stifter)
Un mot fortement chargé symboliquement pour moi, j’y reviendrai. Mot qu’emploie André Hirt dans son essai à paraître en septembre sur le Lenz de Büchner et Stifter. Il écrit : « La dégénérescence est la perte du centre de gravité, celui qui permet par la pensée, le travail et l’effort – ces maîtres-mots de Stifter – la figure, le sens et plus rigoureusement l’émergence de la vision. » (57)
→ je suis confrontée depuis plus de vingt ans à la question de la dégénérescence maculaire, cette atteinte de la rétine qui affecte un proche et qui lui rend impossible toute vision centrale et fine, lui interdit la lecture, la reconnaissance des visages. Seule vision possible, celle de côté.
→ bien sûr ici, à propos de Stifter, André Hirt parle de la dégénérescence dans un sens beaucoup plus large mais toute approche de ce phénomène peut aussi, me semble-t-il, s’appuyer sur celle de la dégénérescence maculaire.
« La dégénérescence est une : nature, culture, société et politique. Et c’est en définitive dans l’apparence, ce qui se laisse voir, décrire et dessiner que la dégénérescence se manifeste. Par conséquent, elle ne renvoie pas à un jugement moral, mais à un jugement de réalité qui s’attache au plus près de la manifestation et de la matérialité des choses. » (58) : comment ne pas être frappé par la résonance de ces mots avec tout ce que j’ai écrit plus haut, à propos du livre, à partir de Valéry et de Vincent Pélissier.
Et ce n’est pas tout !
« La dégénérescence déstructure l’espace (l’aire d’évolution et de compréhension de la subjectivité, son envergure) et le temps (le rythme de la nature et de l’existence), d’où les pathologies de la vitesse et de l’accélération (la nature et la culture sont lentes, et lorsqu’on y perçoit une soudaineté, une vitesse, il s’agit de la décharge des lenteurs accumulées), des confusions des lieux et en définitive de leur absentement réel. » (59)
De l’intégration (chez Stifter)
Toujours sous la plume d’André Hirt, réfléchissant à l’œuvre de Stifter (presque totalement inconnue en France), des mots très éclairants : « Ce terme [intégration] est devenu pour nous, aujourd’hui, difficile, parce qu’il véhicule une signification exclusivement sociale. Pour Stifter, la question n’est pas celle de l’intégration d’un élément étranger dans un milieu homogène et dominant, mais celle d’une addition de forces : que la nature soit plus resplendissante encore avec l’aide de la culture et inversement. L’une n’atteint son sommet que par l’autre. »
→ une voie à suivre. Non pas assimilation dévorante et prédatrice mais alliage destiné à faire resplendir chacune des parties composantes. Addition de forces.
Pourquoi la musique ?
Heureuse de voir le bel article que Roger-Pol Droit consacre, en Une du Monde des livres daté vendredi 20 février 2015, au livre de Francis Wolff dont il est question depuis plusieurs jours déjà dans ce Flotoir.
« Ce philosophe, professeur à l’École normale de la rue d’Ulm, à Paris, remarqué pour des travaux de belle tenue, signe aujourd’hui, avec Pourquoi la musique ?, un livre à proprement parler extraordinaire. Il y accomplit en effet cet exploit rarissime : éclairer des énigmes complexes de manière cohérente et neuve, tout en s’adressant – de façon accessible, vivante, sensible – à des lecteurs qui ne sont ni musiciens professionnels ni philosophes de métier. On se trouve vite saisi du sentiment d’avoir affaire à un travail qui fera date, va s’imposer comme une référence, un passage obligé pour toute réflexion sur l’essence, et les sens, de la musique. De l’Antiquité au romantisme, du grégorien au rap, toutes les musiques du monde, tous les genres, tous les styles sont convoqués. Que fait la musique au corps ? A l’esprit ? Que dit-elle ? Que crée-t-elle ? Aucune question de fond n’est laissée de côté. »
Roger-Pol Droit qui ajoute : « Il faut s’y plonger, suivre ses démonstrations, éprouver sa juste mesure, goûter sa réelle allégresse ».
→ c’est précisément ce que tente de faire le Flotoir en son journal de lecture de ce livre.
Musique et mouvement (Francis Wolff)
[journal de lecture]
L’auteur s’interroge maintenant sur émotion et motion, ce qui nous fait bouger intérieurement mais aussi physiquement à l’écoute de la musique dont il rappelle qu’elle est « la représentation d’un monde imaginaire d’évènements purs » (Pourquoi la musique, p. 100). Une émotion, nous dit-il, peut être qualifiée selon l’évènement (honte, jalousie, désir) et elle est aussi affectée positivement ou négativement. Mais la musique qui représente ou produit des évènements, ôte à ces évènements toute leur réalité pour n’en garder que les qualités sensibles (sonores). Les émotions ne dépendent pas ici des évènements réels : « lorsqu’elle nous émeut, ce n’est donc ni de jalousie ni de honte [...] elle nous émeut “tout court” » (101) et « c’est l’émotion esthétique liée aux seules qualités sensibles que nous y entendons ». C’est une émotion non qualifiée.
→ Concepts un peu difficiles à bien comprendre mais qui éclairent cette difficulté à définir qui nous vient lorsque nous tentons de parler de l’émotion musicale.
Et analyse similaire pour le mouvement induit par la musique. Où nous mène-t-il ce mouvement, est-on tenté de demander puisque tout mouvement est censé être orienté, est qualifié par son but ou son objet ? Le mouvement suscité par la musique, non : « nous n’allons nulle part. Nous dansons. »
→ et voilà que soudain s’éclaire aussi cet étrange phénomène de la danse. « L’effet d’une musique sur le corps est donc l’effet physique d’une suite d’événementialités imaginairement ordonnées : à savoir le pur mouvement du corps qui suit ou qui anticipe l’ordre et le mouvement des événements [...] quand cet ordre les rend prévisibles.
Et pourtant : « la seule prévisibilité de la musique n’explique pas la plupart de ses effets moteurs.
Place au rythme. » (105)
à suivre donc !
Rédigé par Florence Trocmé le 20 février 2015 à 16h37 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Rédigé par Florence Trocmé le 17 février 2015 à 18h26 dans photomontages | Lien permanent
Le langage n’a pas d’odeur (Gérard Macé)
Le langage n’a pas d’odeur, écrit Gérard Macé et moi, je pense en boucle aux mots de Marceline Loridan-Ivens sur la prégnance indéfectible, en elle, des odeurs du camp. Ses mots à elle ont bel et bien une odeur, cette odeur est fantomatique, impossible à percevoir, mais pourtant elle existe, elle a une présence imaginaire, en creux. C’est une question d’odeur, terrible.
Nous plus tard, eux déjà
« Celui qui voulait se souvenir de tout
n’est plus que l’ombre de lui-même :
devenu le souffleur de son propre rôle,
il a besoin d’un livre ouvert pour retrouver la parole. »
→ bien longtemps que je n’ai plus eu l’envie, l’idée d’apprendre un poème par cœur, en le transcrivant. C’est le cas aujourd’hui avec ceux que je découvre dans le livre Homère au royaume des morts a les yeux ouverts de Gérard Macé.
Antisémitisme
Après avoir refermé le livre de Marceline Loridan-Ivens (tu n’es pas revenu), cette pensée fulgurante, saisissante, effrayante : quand croît l’antisémitisme, croît le danger. Plus il se manifeste, plus son expression se libère, plus il a valeur de symptôme de la maladie spirituelle du monde et de l’abime vers lequel il court. Spirituel devant être entendu ici comme ce qui a trait à l'esprit et surtout pas dans un sens religieux.
Comment ne pas croiser la lecture de M. Loridan-Ivens avec celle des Journaux de Victor Klemperer dans lesquels il rend compte de l’effrayante succession, entre 1933 et 1939, de retraits des droits élémentaires aux Juifs en Allemagne (très concrètement, dans les dernières pages lues, celui de fréquenter la bibliothèque publique, puis celui de conduire une voiture), avec aussi certains évènements d’aujourd’hui.
Stolpersteine
Stolpern, achopper, buter sur, en allemand, Steine, pierres. Oui, il faut buter sur ces petites plaques de cuivre insérées dans la chaussée de maintes villes, principalement allemandes, où s’inscrivent les noms des Juifs qui ont vécu à cet endroit et qui ont été déportés.
Or un groupe de quatre Stolpersteine a été tagué d’un immense Lüge, qui signifie mensonge. Le négationnisme, autre face de l’antisémitisme. (Voir ici cette image et ici sur le projet Stolpersteine.)
Lettre au père
Marceline Loridan-Ivens, dans Tu n’es pas revenu écrit une sorte de longue lettre à son père, déporté en même temps qu’elle à Auschwitz et qui, lui, n’est pas revenu, comme d’ailleurs il l’avait prédit. Un jour au camp, elle recevra un petit mot de lui, miracle inouï quand on sait le contexte et un autre jour, fait tout aussi inouï, leurs commandos se croisent, ils se jettent dans les bras l’un de l’autre, avant d’être violemment battus et séparés par les SS mais il réussit à lui glisser « une tomate et un oignon ». Elle écrit dans son récit : « tu as dû me supplier de vivre, de tenir, dans ton message [...] mais je n’ai probablement pas cru à ce que tu m’écrivais. Pas autant qu’à une tomate et un oignon. Les mots nous avaient quittés. Nous avions faim, le massacre était en cours. J’avais même oublié le visage de Maman. Alors peut-être que ton mot, c’était trop de chaleur tout d’un coup, trop d’amour [...] Y penser trop, c’était laisser venir le manque, il rend vulnérable, il réveille les souvenirs, il affaiblit et il tue. Dans la vie, la vraie, on oublie aussi, on laisse glisser, on trie, on se fie aux sentiments. Là-bas, c’est le contraire, on perd d’abord les repères d’amour et de sensibilité. On gèle de l’intérieur pour ne pas mourir. »
→ Je pense, lisant cette dernière phrase, terrible, à ce reflux du sang quittant les extrémités, laissant les mains et les pieds blancs et glacés, quand l’organisme est en danger vital et concentre toutes ses ressources sur le cœur et le cerveau. On gèle des extrémités pour ne pas mourir. Au camp, c’est l’être entier qui devait geler pour avoir une infime chance de survivre. (Marceline Loridan-Ivens, Et tu n’es pas revenu, p. 18)
Tout faire pour être des vivantes
Éternelle énigme, comment certains, certaines ont réussi à survivre, pourquoi n’ont-ils pas abandonné ? Marceline Loridan-Ivens écrit : « Ne jamais me laisser aller à l’idée que la mort c’était la paix. Ne jamais devenir celle que j’ai vue se jeter dans les fils électriques. Elle ne fut pas la seule, c’était devenu une expression commune, aller au fil, mourir vite, électrifiée ou sous une rafale de mitraillette depuis le mirador [...] Ne jamais renoncer à la volonté de vivre, ne jamais ressembler à celles qui se laissaient aller, choisissaient la négligence, un lent détachement de leur corps, une mort plus progressive... » (p. 70)
→ Pourquoi cette force presque surnaturelle chez quelques-unes, quelques-uns, pourquoi la résilience ? L’idée de rendre compte, de témoigner, d’accuser les bourreaux joue-t-elle dans la genèse de cette force intérieure ?
Une donnée fixe
« Aujourd’hui, j’ai la gorge serrée. Je m’emporte souvent. Je ne sais pas me détacher du monde extérieur. [...] C’est une mosaïque hideuse de communautés et de religions poussées à l’extrême. Et plus il s’échauffe, plus l’obscurantisme avance, plus il est question de nous, les juifs. Je sais maintenant que l’antisémitisme est une donnée fixe, qui vient par vagues avec les tempêtes du monde, les mots, les monstres et les moyens de chaque époque. » (103 et 104)
→ Sans nul doute, ce sont ces mots-là qui m’ont conduite soudain à la constatation énoncée un peu plus haut : là où croît l’antisémitisme, croît aussi le péril. Réfutant à mon tour, comme le faisait Christa Wolf, la phrase célèbre d’Hölderlin : « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ».
Stifter
Dans un manuscrit encore inédit d’André Hirt, une très belle analyse de l’impact profond des œuvres de Büchner, notamment Lenz et de Stifter. Je relève : « Le grand art de Stifter est de faire lire ce qui non seulement n’est pas écrit, mais qui ne peut s’écrire. Ce faisant il se situe à la pointe de ce que (la) littérature veut dire. Et davantage : cette pointe et également celle de notre situation. C’est pourquoi la littérature ne parle pas des choses ni sur les choses : elle est la manière par laquelle les choses – disons le réel à travers la réalité historique – se parlent à travers le langage. En recueillir dans le langage la présence et le devenir muets est l’objet de l’art. »
De la causalité en musique
[suite du journal de lecture de Pourquoi la musique ? de Francis Wolff]
L’auteur distingue diverses formes de causalité et écrit : « le concept de causalité que nous retiendrons [dans le domaine de la musique] n’est ni celui de loi ni celui de la réaction en chaîne, c’est simplement celui de condition factuelle : ce sans quoi tel évènement ne se serait pas produit. » (70) Plus loin : « Cette causalité est imaginaire en ce sens qu’elle dépend de l’esprit humain. Sans lui, il y a sans doute des effets sonores, mais pas d’effet musical – lequel suppose l’intelligibilité du sensible et l’imagination d’un ordre rationnel dans le sonore. » (72)
→ autrement dit, ici comme pour la lecture, il y a un émetteur, un concepteur, un créateur mais il y a aussi, incontournable, celui qui reçoit. De sa présence dépend cette transmutation de l’effet sonore, une suite de sons, en effet musical, la perception de leur interdépendance par l'auditeur créant le sens. On peut aussi comparer avec une phrase de la langue parlée. Si je dis la mer est bleue, le chat entendra (sans doute, je ne suis pas chat) la, mair, ai, bleu, quatre sons distincts alors qu'un esprit humain (parlant français) entendra le sens de cette phrase, percevra sa construction, saura de quoi on parle, etc. Il aura dégagé un ordre rationnel dans la suite des sons.
→ question suscitée par cet extrait : l’imagination d’un ordre rationnel peut-elle grandir, s’accroître, se développer, par la pratique de la musique, par son écoute. Je le crois profondément, même si c’est un cheminement long et lent, et même si l’amateur, le mélomane, fut-il passionné, n’atteindront jamais l’imagination de ceux pour qui la musique est devenue une langue maternelle, intensément pratiquée dès le tout jeune âge.
Rédigé par Florence Trocmé le 17 février 2015 à 18h15 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Rédigé par Florence Trocmé le 15 février 2015 à 12h14 dans photomontages | Lien permanent
Antisémitisme
Très belle tribune de Robert Badinter dans Le Monde daté 1er février 2015. Elle m’a bouleversée. Je note en particulier cela :
« A l’antisémitisme religieux du temps de l’Inquisition, à l’antisémitisme nationaliste du temps de l’affaire Dreyfus, a succédé l’antisémitisme racial du XXe siècle, le pire de tous. Puis au XXIe siècle, un antisémitisme nouveau s’est développé, dissimulé sous le terme d’antisionisme, nourri par le conflit israélo-palestinien. »
→ je repense à toutes les analyses de René Girard sur le bouc émissaire. Il faut aux peuples, semble-t-il, un bouc émissaire pour se forger une identité. Une victime sacrificielle sur le dos de laquelle se constituer en tant qu’entité propre, groupe autonome.
C’est sans doute aussi ce mécanisme humain très profond qui se fait jour dans ces cas terribles de harcèlement de jeunes dans les établissements scolaires. Je suis hantée par ce petit garçon roux tellement harcelé qu’il a fini par se pendre.
La violence potentielle du groupe humain est constitutive et elle doit sans cesse être repensée, travaillée, soignée. Et même si cela semble parfois un travail de Sisyphe, il faut inlassablement résister à cette violence si peu enfouie, si peu cachée. Prendre conscience et donner à comprendre que si les femmes avaient un peu plus de place dans la marche du monde, de façon vraiment significative et collective et pas en tant que clones du pouvoir masculin, les choses pourraient petit à petit s’apaiser, s’améliorer.
Du son à la note (journal de lecture de Pourquoi la musique ? de Francis Wolff)
C’est à une sorte de cheminement, très étayé, que Francis Wolff invite le lecteur pour le conduire du son à la note : « appartenant à une échelle discrète, les notes sont des individus substantiels, relevant d’une espèce (car l’échelle se répète d’octave en octave), dotées de qualités déterminées (les timbres), de quantités déterminables (les durées), de relations entre elles (leur hiérarchie à l’intérieur du mode) et repérables dans le temps (avant, après ou en même temps que telle autre) » (54)
→ on peut dire qu’on voit littéralement la note sortir de la gangue du son. Un peu comme lorsque de la limaille éparse sur une surface se trouve soudain attirée et ordonnée sous l’effet d’un aimant.
On retrouve trois des critères déjà étudiés, le timbre, la durée, l’échelle et il me semble qu’on voit apparaître une autre relation, celle de la place de chaque note dans le continuum : en même temps, avant, ou après les autres.
F. Wolff reprend d’ailleurs de nouveau l’image de la caverne platonicienne, qu’il a transposée, il faut le rappeler, substituant le monde des sons à celui des images : « Le monde musical ainsi obtenu par réduction s’oppose à l’univers sonore de la caverne. Celui-ci avec son immense matériau de bruissements, de bourdonnements, de claquements, de clappements, de craquements, de chuintements, de frémissements, de grincements, de ronflement, de sifflements, de tintements, de vrombissements, voire de gémissements, de cris, de clameurs de hurlements est parfaitement adapté à sa fonction : manifester l’infinité des évènements qui surviennent dans le monde de la vie et nous en avertir. Ces bruits et ces sons naturels attirent notre attention sur ce qui se passe et sur ce qui les cause » Mais poursuit l’auteur « ils se révèlent incapables d’expression propre ». La première étape de la libération va consister à « passer de cet univers chaotique de sons à un monde peuplé d’individus en relation possible les uns avec les autres. Reste à les mettre réellement en relation. Reste à les mettre en ordre. Restent les musiques. » (p. 55)
De l’ordre propre à la musique (F. Wolff)
Maintenant que les matériaux sont définis, l’auteur part à la recherche de ce qui va les organiser : « la musique suppose des notes qui sont des sons organisés synchroniquement ; mais entendre de la musique, ce n’est pas seulement entendre des notes, c’est entendre des notes organisées diachroniquement ». (p.57)
→ il me semble retrouver ici la pensée de Celibidache, elle-même imprégnée de celle de Husserl. Le musicien amateur a tendance à considérer la partition au niveau de la note et il peine, faute d’aisance technique, faute surtout de formation théorique solide, à comprendre ce qui relie la note aux autres notes. Il joue les notes les unes après les autres, mais ne sait pas bien saisir ce qui les unit indéfectiblement ni l’organisation diachronique des notes. Je reprends La musique n’est rien de Celibidache pour en relire certains passages à la lumière de ce que je découvre en lisant Francis Wolff.
Et je retrouve cela par exemple, qui entre en résonance avec ce que j’écrivais sur le musicien amateur et son incapacité, la plupart du temps, à transcender la partition. Méthode de Celibidache découvrant une nouvelle partition : « je dois la lire, n’y rien comprendre la première fois, la lire une seconde fois, une troisième fois, puis ça commence : ici je reconnais un thème, là et là il se trouve encore… Des relations – jusqu’à ce que je perçoive, ou plutôt jusqu’à ce que je vive la fin en fonction du commencement. » (La musique n’est rien, p. 154).
→ ne peut-on aussi appliquer cette méthode à un texte qui « résiste » ? Le laisser se révéler, petit à petit, en plusieurs suites de lecture. Voir apparaître ce qui est le plus signifiant dans son organisation, comme dans la musique le thème qui peut paraître au premier abord impossibles à discerner dans la trame musicale, au milieu d’éléments qui sont plus de passage, de transition, que structurels ?
→ il faudrait donc développer une triple capacité d’écoute : l’écoute mélodique et horizontale, l’écoute harmonique et verticale mais aussi une écoute qui, les intégrant, englobe ce qui a eu lieu et ce vers quoi va la musique. Donc une écoute diachronique mélodique, une écoute synchronique harmonique et une écoute à la fois diachronique et synchronique de niveau supérieur qui englobe les deux précédentes. Et on peut encore ajouter ces autres dimensions : « une partition d'orchestre n'a de sens que lue diachroniquement selon un axe (page après page, de gauche à droite), mais en même temps, synchroniquement selon l'autre axe, de haut en bas (Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, 1958, p. 234)
Par les sons eux-mêmes (F. Wolff)
« Dans la musique, les sons se mettent à être entendus comme étant causé non par des choses [...] mais par les sons eux-mêmes, c'est-à-dire par d’autres évènements. Plus besoin de choses ! Voici le monde imaginaire où nous conduisent les musiques : un monde sans choses et où elle ne manque pas. » (F. Wolff, p. 57).
→ la musique, antidote au matérialisme ? Sur elle, comme d’ailleurs sur la poésie, on ne peut pas spéculer, elle n’a pas vraiment de valeur marchande en elle-même, même si tout un marché s’est développé autour d’elle. Elle se passe des choses et de l’argent lié à l’échange des choses.
De la cause et de l’effet (F. Wolff)
Et je note cette remarque de Francis Wolff qui fait écho à ce thème des causalités en musique qui m’avait tant frappée dans sa conférence que j’ai évoquée il y a quelque temps dans ce flotoir.
« Il y a de la musique, pour un auditeur donné, lorsque les sons semblent constituer par eux-mêmes un ordre autonome [et] semblent se suivre de façon ordonnée en paraissant causés par ceux qui les précèdent et causer ceux qui les suivent. » (p. 58) et il conclut « nous tenons donc la réponse à notre question : que faut-il ajouter à une suite de sons pour qu’elle soit entendue comme musique ? Une relation imaginaire de causalité ».
« Attentif à tous les signes qu’une main a tracés » (Eric Loret)
Je lis quelques pages disponibles en ligne du Petit manuel critique d’Éric Loret (éditions les Prairies ordinaires), à propos donc de la critique et singulièrement du statut de la critique à une époque où chacun peut la pratiquer via Internet. L’auteur se prononce « pour une critique qui, comme un pas de danse ou un geste, soit une invitation plutôt qu’un couperet judiciaire. Or, on l’a dit, à l’heure où les nouveaux médias permettent à chacun de faire son dieu pour décider seul de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas, ce type de critique visant le partage et la discussion des goûts n’est plus vraiment de saison. La guerre de tous contre tous, quoiqu’étant une réalité, ne peut pas prétendre à être un horizon politique : on cherchera donc plutôt les modalités de ce que Jacques Rancière appelle depuis longtemps le « partage du sensible » et qui doit tendre vers une « république esthétique ». La démarche est décrite entre autres dans Le Fil perdu. Certes, Rancière ne présente pas sa recommandation comme pouvant s’appliquer à une critique du goût, mais elle semble en tracer la voie : « L’essentiel est de se mettre en marche, de se comporter en chercheur, attentif à tous les signes qu’une main a tracés ou à toutes les paroles environnantes, et en artiste, appliqué à disposer à son tour les signes propres à parler à une autre intelligence. » Ce qui est visé est une démocratie des intelligences égales, une « communauté inédite d’individus cherchant les moyens de se joindre à travers la forêt des signes et des formes, une communauté constituée au risque de trajets et de rencontres multiples sous le signe de l’égalité », écrit Rancière. « Tous les signes qu’une main a tracés » et « toutes les paroles environnantes », c’est évidemment d’abord faire sortir la critique du seul cadre des objets légitimes et des chefs-d’œuvre, mais c’est aussi la garder des biens culturels usinés qu’une « main » n’a pas conçus, ou du moins pas une main cherchant à « joindre » celle des autres dans le « risque ».
→ Ces propos de Rancière transcrits par Eric Loret me semblent tellement en accord avec ce que j’essaie, à tâtons, de faire avec Poezibao et aussi le flotoir. Partage du sensible, mais attention à la vérité de l’œuvre, loin des biens culturels usinés, attention portée aussi aux mains qui tentent de joindre celles des autres, dans le risque, en une démocratie d’intelligences égales et pas simplement pour la satisfaction de l’égo.
Un rêve de musique (Liszt)
Évoqué sur Musiq3, l’excellente radio belge, dans l’émission « Voyages » du dimanche matin (Liszt à Prague, Leipzig et Londres), ce concert organisé pour Liszt par Mendelssohn, alors que le premier séjournait à Leipzig : interprétation du concerto pour trois pianos de Bach par… Liszt, Mendelssohn et Heller.
Évocation aussi des concerts que Liszt donnait, souvent composés de ses transcriptions et comment, après chaque pièce, il descendait dans la salle pour en discuter avec les auditeurs. Autre rêve !
Orgue
Beau concert d’orgue à St Clotilde, donné par Frédéric Denis, avec un programme original et vraiment intéressant. En particulier La Suite de Miniatures d’André Isoir, que j’ai beaucoup aimée. Belle idée qu’une suite de huit pièces très courtes, chacun créant un climat différent, à partir des possibilités qui continuent à me stupéfier d’un orgue (et ici en particulier de Cavaillé-Coll). Frédéric Denis est directeur de collection des éditions Delatour France et il a donné plusieurs pièces qu’il a contribué à éditer (notamment aussi Une belle Partita sur un choral de Michel Chapuis de François-Henri Houbart.
Le roi des Aulnes
Écoutant toujours dans l’émission « Voyages » de Musiq3 Erlkönig, le roi des Aulnes de Schubert interprété par Matthias Goerne et Andreas Haefliger, je prends conscience que cette seule pièce permet d’appréhender cette notion de continuité, de causalité, dont parle Francis Wolff. À chaque instant, je sais d’où je viens et hélas, où je vais, « jusqu’à ce que je perçoive, ou plutôt jusqu’à ce que je vive la fin en fonction du commencement » (Celibidache, cité un peu plus haut).
Rédigé par Florence Trocmé le 15 février 2015 à 12h09 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent