Plus qu’une coïncidence
Lisant la revue* 2015, je tombe en arrêt sur deux textes, des poèmes qui me semblent très intéressants d’une certaine Elena Andreyev, puis un journal d’un Gérard Pesson. Ce dernier nom ne fait pas tilt aussitôt, jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’ici, non seulement on parle de musique mais de composition de musique, et que je comprenne qu’il s’agit du Journal 2011 du musicien Gérard Pesson.
Il parle beaucoup d’une certaine E. Dont il dit à un moment qu’elle est la dédicataire de la sonate d’Aperghis. Que fait-on dans ces cas-là ? Une recherche sur Internet…. et là je découvre que E. est…Elena Andreyev, violoncelliste, qui collabore avec de nombreux compositeurs, (Sextuor, Commentaires et Entre Chien et Loup de Georges Aperghis, Forever Valley de Gérard Pesson) et s’intéresse à des formes expérimentales, avec le groupe Wandelweiser de Berlin, Giovanna Marini La Bague Magique ou Fred Frith Landing, Setaccio. Elle est dédicataire de pièces pour violoncelle seul de Georges Aperghis et de Gérard Pesson.
→ Ce sont les petits plaisirs de la lecture aléatoire, qu’il m’arrive de pratiquer pour les « brèves de lecture ».
Mais je me demande pourquoi la revue* est aussi avare de renseignements sur les auteurs qu’elle publie. Volonté ou manque de temps ou négligence ? Très bon sommaire, avec de beaux textes de Claude Favre également.
Brèves de lectures (Jérôme de Vienne)
Jérôme de Vienne, Robert Ryman, used paints.
Occasion en premier lieu de mettre l’accent sur le travail prometteur d’un nouvel éditeur Isti mirant Stella qui publie trois livres d’un coup, ce livre de Jérôme de Vienne, un livre de celui qui anime cette nouvelle structure Julien Van Anholt (Préparatifs) et un livre de Belle Arché Lou (Pour détruire le chagrin du monde). Les livres sont très soignés, de petit format pour les deux premiers, carré et un peu plus grand pour le second.
Celui qui retient le plus mon attention est ce curieux opus de Jérôme de Vienne. Qui est-il cet auteur ? Un artiste semble-t-il… peu de choses en ligne, mais en cherchant bien, je trouve cela… Du livre, sur le site de l’éditeur cette note : « les deux poèmes, "appropriés plutôt qu’écrits" par l’artiste Jérôme de Vienne à partir de catalogues monographiques, questionnent avec force les moyens de la peinture et de la poésie. »
Et en effet, curieux effet produit par cette succession de descriptifs techniques, en anglais, des tableaux de l’artiste Ryman : « cascin, graphite, and colored pencil on paper », « Oil on preprimed strechtched cotton canvas », « Gloss enamel, Gripz, acrylic polymer, on wall », etc. C’est assez énigmatique mais a pour effet de faire lever du livre la présence fantôme du peintre et de ces toiles réduites à leur description technique.
Le long écoulement des âges (Jean-Claude Ameisen)
Je suis depuis longtemps le travail de Jean-Claude Ameisen que j’ai eu le privilège de croiser et d’interviewer il y a bien longtemps. J’avais alors lu avec passion ses livres sur la mort programmée de la cellule, l’apoptose. Et je suis très attentive à ses avis dans le cadre du Comité consultatif national d’éthique qu’il préside
Bel entretien avec lui dans Le Monde, daté dimanche 23 Août, autour de l’écologie.
A la question de savoir comment était née sa conscience écologique, il répond : « À la fois d'une prise de conscience générale, puis, plus personnellement, de mes recherches sur les relations entre la vie et la mort, au cours desquelles la question des mécanismes d'évolution du vivant avait pris une importance croissante. Je me suis replongé dans Darwin. Et j'ai réalisé à quel point le passé, la profondeur de temps, ce que Darwin appelait "le long écoulement des âges", était un élément indispensable pour comprendre le présent. À mon émerveillement devant la nature – natura, littéralement, "ce qui est en train de naître" – s'est surimposée l'idée que, pour comprendre ce qui nous entoure, il faut que le passé fasse partie de notre regard. Nous sommes les cousins des oiseaux et des fleurs. Et des étoiles. Nous faisons partie d'un même récit. »
Il revient aussi sur ce thème auquel je suis très sensible : « Nous hébergeons chacun dans notre tube digestif plusieurs centaines de milliers de milliards de bactéries – dix fois plus que le nombre de cellules qui nous composent – et leur présence est essentielle au développement de notre système immunitaire, et à notre production et consommation d'énergie. Nos relations de symbiose avec le monde vivant dépassent les relations affectives, émotionnelles, esthétiques et symboliques que l'humanité a entretenues, dans d'innombrables cultures, avec certains des animaux et des plantes qui nous entourent. »
→ Questions cruciales autour de l’identité : qui sommes-nous, ne sommes-nous pas aussi, pour une part essentielle, faits de ceux qui nous ont précédés et cousins en effet des oiseaux et des fleurs ? Et que dire de ce biotope innombrable qui nous habite, nous peuple, fait partie de nous ?
→ Ce qui est aussi très intéressant dans cet article, au-delà du constat, c’est la mise en garde (le titre d’ailleurs met bien l’accent sur elle, stipulant que « se focaliser sur le climat est une impasse politique ») à propos des priorités d’aujourd’hui (en préambule à la COP21, la grande conférence sur le climat qui doit se tenir en France en décembre). Et Ameisen de dresser le catalogue des menaces : pollution atmosphérique, épuisement des ressources naturelles non renouvelables, pollution des sols, des nappes phréatiques et des mers, déforestation, épuisement des sols et des réserves d'eau par l'agriculture et l'élevage intensifs, épuisement des ressources maritimes par la pêche intensive et l'acidification des océans, érosion des écosystèmes et de la biodiversité, émergence de maladies infectieuses d'origine animale… Focaliser la préoccupation écologique sur le seul réchauffement climatique serait donc une grave erreur.
De l’exclusion (Ameisen)
Jean-Claude Ameisen dresse aussi ce tableau saisissant de l’exclusion : « L'histoire de l'exclusion est une très longue histoire. La première démocratie occidentale est née à Athènes : tout le monde y était libre et égal, sauf les femmes, les esclaves et les étrangers. La Déclaration d'indépendance des États-Unis, en 1776, se veut la première proclamation des droits de l'homme à vocation universelle : mais elle maintient l'esclavage, et ne donne pas de droits aux peuples autochtones. En 1789, la Révolution française abolit les privilèges et proclame la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : mais elle maintient l'esclavage, et ne donne pas le droit de vote à une moitié de la population, les femmes… »
Et comment ne pas être profondément d’accord avec la conclusion de cet entretien mené par Nicolas Truong : « Garantir la protection et l'accès équitable de chacun aux biens communs de l'humanité que sont l'air, l'eau, la biodiversité, les ressources alimentaires et énergétiques, le climat ; préserver les capacités de renouvellement des splendeurs et des richesses de la nature, et le respect des pratiques culturelles humaines qui s'y déploient ; faire preuve de sobriété, d'inventivité et de solidarité ; réduire notre consommation inutile d'énergie ; développer les énergies propres et renouvelables ; lutter contre la pollution, soutenir les produits d'une agriculture et d'une pêche durables et d'un commerce équitable. Et lutter pour la diminution de la pauvreté, l'accès de tous aux droits fondamentaux, à la nourriture, à un toit, à l'éducation, aux soins. Car protéger d'abord ceux qui sont le plus démunis n'est pas seulement un impératif éthique : c'est aussi le moyen de construire, à terme, un avenir véritablement commun pour l'humanité. »
→ Terrible de penser que nous avons le réflexe de penser cela comme une utopie, un rêve irréalisable, alors que les voies ouvertes et offertes aujourd’hui mènent sans doute directement à un cauchemar.
Me revient en tête cette merveilleuse citation d’Alain Lance, faite par Antoine Emaz, adresse aux pays dits de l’Est « Vous avez la langue de bois / Nous avons la loi des banques. »
Et dire que pour Ameisen, tout a commencé, à l’âge de 5 ans, par la lecture du Dernier des Mohicans. On ne dira jamais assez l’importance fondatrice des lectures précoces.
Brèves de lecture (D. Heissler, C. Ducos, J. Ancet)
1. Deborah Heissler, Sorrowful Songs,
Un titre magnifique, qui vient de celui de la troisième symphonie de Górecki, un livre fragile, émouvant autour de la disparition de Blanche. Mais qui est Blanche, difficile de le savoir et qui parle ici, encore plus difficile de s’en faire une idée… ? cela m’a un peu gênée pour entrer vraiment dans le texte. Très remarquable préface de Claude Chambard.
2. Christian Ducos, Dans l’indifférence de l’arbre.
Belles et risquées variations autour d’un seul thème, l’arbre ; risquées parce que près de soixante items, ce qui est beaucoup pour un seul thème, même si celui-ci est universel ; d’où mon impression en demi-teinte, des fulgurances, des poèmes magnifiques, d’autres qui m’ont semblé moins intéressants, plus proches de possibles poncifs (même si ce redoutable écueil-là est très largement évité). Les poèmes sont tous de 6 vers, en deux groupes de trois : « pas d’œil / pas de vision / et pourtant // l’arbre / un / pur regard » ou bien encore « ni art / ni stance / ni science // cigales / sciant / silence »
3. Jacques Ancet, Les livres et la vie
Je risque d’être bien sévère pour ce livre. En raison sans doute de la déception qu’il a suscitée. Le titre me laissait espérer des notes sur la lecture, sur le rapport des livres avec la vie, peut-être aussi sur la question lecture & écriture. Las ! Car en fait il ne s’agit pas tant ici des livres et de la vie (en général), que de mes livres et de ma vie. Me, myself and I. Ce que laisse entendre, sur la quatrième de couverture un sous-titre : « Petit Essai d’autobiographie littéraire » (Pourquoi ne pas l’avoir placé sur la couverture, les choses auraient été d’emblée plus claires).
Il s’agit donc d’un long et par moment même longuet parcours dans les innombrables livres écrits et publiés par Jacques Ancet depuis 1964. Plus de cinquante titres personnels sans parler des traductions. Les choses avaient bien commencé pourtant avec une belle évocation de la présence de la poésie dans l’enfance, essentiellement quelques poèmes appris ou récités par cœur, dont une soi-disant fable de la Fontaine dont l’auteur n’a jamais retrouvé la trace !
Ce qui étonne ici c’est la capacité d’analyse de l’écrivain sur son propre travail. Tout est impeccablement articulé, commentées les impulsions d’écriture à l’origine de chaque livre, auscultés les phases, tournants et manières.
Mais quid des livres des autres, du dialogue avec les autres écrivains et singulièrement avec tous ces Espagnols dont Jacques Ancet est un traducteur très réputé ? Pas de dialogue avec ces poètes espagnols, vivants ou morts. Ou si peu. Alors qu’ils doivent être si présents dans la vie de l’auteur !
Et à propos de traduction, Jacques Ancet se plaint de cet éditeur qui n’a pas accepté de mettre sur deux de ses traductions son nom en aussi gros que celui de l’auteur (p. 98). Deux anthologies, l’une de Borges, l’autre de Quevedo dont J. Ancet dit qu’il se « sent l’auteur à part entière. » : « impossible d’obtenir de l’éditeur que le nom du traducteur précède ou au moins accompagne à égalité celui de l’auteur (comme souvent celui de l’interprète précède celui du compositeur. » (p. 98)
→ C’est oublier que traductions et interprétations ont toutes chances de passer, ce qui ne sera sans doute pas le cas des œuvres de Borges ou de Beethoven. Et cela m’a irrésistiblement fait penser à cet abus contemporain qui consiste à mettre en avant le metteur en scène (théâtre, opéra plus encore peut-être) en minimisant souvent l’auteur : même remarque sur le travail du temps, des modes et des coutumes. Tant de mises en scène jugées géniales ou révolutionnaires en leur temps (proche) « datent » déjà d’une façon insupportable alors que la musique de Mozart, elle, ne prend pas une ride et continue à parler au cœur de chaque époque (ce qui d’une certaine façon justifie ces mises en scène nouvelles, mais de là à les ériger en clé d’accès universel à l’œuvre, il y a un pas !)
Ouverture, lien, dialogue.
Cette question de l’ouverture, du lien, du dialogue entre les contemporains mais aussi les générations me préoccupe profondément. Je pense aux pratiquants de l’étrange art contemporain du twitt. Certains (Alain Veinstein par exemple) soliloque en twittant, alors que d’autres cherchent à mettre en rapport, à partager connaissances et trouvailles, voir à mettre en contact deux personnes qui ne se connaissent pas. C’en est même frappant graphiquement : dans ce qu’on appelle la timeline (le déroulé des twitts d’une personne) : soit la même police tout du long, soit le jeu de couleurs introduit par les liens internet proposés par celui qui rédige le tweet (une Martine Sonnet, un Jean-Paul Louis-Lambert). Tout l’art, difficile, consistant à mêler un zeste de réflexion personnelle et quelques renvois à ses propres articles à d’autres références dont on pense qu’elles sont susceptibles d’intéresser les personnes qui vous « suivent ». Pierre Assouline qui twittait ses seuls articles au début a bien compris cette idée et s’est emparé de l’outil pour multiplier pistes et références sur ses (nos) sujets de prédilection. Il est ainsi devenu un twitter bien plus convaincant.
Le diable (André Hirt)
Parallèlement à ma lecture du Docteur Faustus, du Journal du Docteur Faustus, il y a aussi le manuscrit, chapitre par chapitre, du prochain essai d’André Hirt, dont le titre provisoire est Chantier Faustus et dont le premier chapitre s’intitule L’Allemagne et les Allemands. Chapitre qui s’affronte directement, au travers de Thomas Mann et du Docteur Faustus, à ce qui constitue l’âme allemande et quels en sont les éléments qui ont pu conduire à la catastrophe du XXème siècle.
Ainsi de ces deux notes sur le diable, thème central du Faustus, puisque le héros, Adrian Leverkühn, pour pouvoir continuer à créer son œuvre, et sortir des impasses dans lesquelles il se trouve, a conclu un pacte avec ce dernier.
Je note : « Le Diable, après tout, n’est jamais que la figure qui ressort de l’asymptote entre l’homme tel qu’il est et le mouvement de ses désirs les plus extrêmes. Le Diable, en effet, est l’homme qui ressemble à Dieu. Et, en définitive, le Diable est la préférence des désirs à l’homme. C’est donc cela, vendre son âme au Diable, c’est-à-dire perdre son âme après avoir fait qu’elle n’est plus possible, elle qui consiste dans l’union de la vie et de l’esprit. »
Et tout de suite après : « La diabolicité est une croyance en la capitalisation : gagner des trésors en échange de sa pauvre vie, et même de son propre salut. Tout repose sur un échange et une alternative là où il aurait fallu trouver un équilibre. Vendre, c’est acheter, acheter c’est vendre autre chose. »
N.B. il s’agit d’un travail en cours, susceptible de remaniements, et bien sûr strictement placé sous le copyright d’André Hirt qui m’a autorisée à reprendre certains passages de son travail.
→ Cette dernière remarque suscite deux réflexions sur le monde contemporain. N’enrôle-t-on pas de pauvres hères parfois semi-incultes ou illettrés dans de prétendues guerres saintes en leur faisant croire qu’en donnant leur vie pour cette cause ils vont gagner un paradis rempli de femmes merveilleuses à leur entière disposition ?
Quant au « vendre, c’est acheter et acheter c’est vendre », il entre en résonance avec cette terrible remarque que nous avons, pour la plupart d’entre nous, tellement envie d’occulter : si c’est gratuit, c’est que c’est toi la marchandise (univers du net).
Mélange et complexité (André Hirt)
Et je complète avec cette autre note tirée de ce premier chapitre du futur livre d’André : « En revanche, que la vie soit un mélange, que l’esprit dépend de la vie et de l’instinct, que les choses soient irréductiblement compliquées et indémêlables, que l’échange soit aussi un don de soi et non quelque chose que l’on cède, que la liberté n’est pas l’indépendance et l’autonomie à l’égard de l’autre mais la présence de soi en celui-ci échappe à la renardise du diabolisme. »
→ Ici, certains de mes thèmes centraux, la complexité, l’interdépendance, le transdisciplinaire, l’intertextualité (dirait Jean-Paul Louis Lambert), etc.
De la musique (André Hirt)
Admirable citation : « Il faut donc rassembler les traits et les qualificatifs de la musique. D’une part, elle est calcul, composition ou organisation au sens fort, mais il s’agit d’une étrange raison qui se saisit d’un chaos instinctif, affectif et désirant. D’autre part, sa nature et son résultat relèvent d’une magie en ce qu’elle fait exister une réalité qui ne tient pas à la matérialité vivante des choses. Cet éloignement est capital, car il lui confère comme doublure mimétique dans la sphère des sons son statut mystique : elle est soustraite au langage commun, elle ne peut être nommée ou directement traduite. Son contenu est passionnel, donc fusionnel : en elle, quelque chose opère de façon captive, enveloppante, séduisante et irrésistible »
Luther versus Goethe
« Et le grand clivage, en d’autres termes la bifurcation de l’âme allemande vers le ratage civilisationnel, s’est effectué non par la domination de l’esprit luthérien sur celui d’Érasme le modéré, mais dans le retrait de la conquête goethéenne à l’égard de la victoire du théoricien de la Réforme. Si bien que l’Allemagne se situe du côté de Luther et non de Goethe. Le clivage de l’âme, sa destruction pour finir, aura eu lieu plutôt que l’opération de synthèse telle que Goethe aura pu la formuler et l’incarner, mais seulement pour lui-même alors que c’est la culture allemande qui se trouvait requise. Voici donc le point où les choses « ont mal tourné ». « L’Allemagne n’est pas devenue ce qu’elle aurait pu être, lorsque Goethe l’a pour ainsi dire attrapée au vol pour lui indiquer, en vain, une direction salvatrice, celle de la civilisation consistante et sage conquise sur une culture instable. Car il faut y revenir : Thomas Mann inscrit son art dans la lignée de Goethe, et du reste l’art ne peut consister à ses yeux que dans une dimension « policée », le terme étant à entendre aussi bien dans le registre de la forme (d’où le rejet – injuste à d’autres égards – de Kleist par exemple, et même, plus complexe – et sur le point de la grandeur et de l’importance incompréhensible, voire scandaleux – de Hölderlin) que dans celui des mœurs, du domaine social et surtout politique. »
→ Je ne me sens pas en mesure, faute de ressources en termes de connaissances et de capacité intellectuelle, de tirer tout le parti de cette remarque sans doute cruciale. Puisqu’ici, mettant ses pas dans ceux de Thomas Mann, André Hirt tente de comprendre ce qui a entraîné l’Allemagne dans le désastre hitlérien, en montrant que tout cela n’eut rien d’un hasard mais a relevé d’un développement logique de certaines composantes de l’âme allemande. Passionnante question.
Brèves de lecture (Valérie Canat de Chizy)
Valérie Canat de Chizy, Poetry
Un livre émouvant et fragile même si peut-être un peu inégal, sans doute parce que son projet s’est infléchi en cours de route, laissant petit à petit davantage de place à une forme d’épanchement, de confidence, à partir de la mort du père. « Aujourd’hui encore je suis incapable d’utiliser ce que j’ai lu, entendu, observé, pour structurer mon discours. Cela sème des graines, qui vont germer et laisser émerger autre chose [...] l’écriture m’a construite. En elle j’ai trouvé un pilier, une structure sur laquelle m’appuyer [...] un rempart contre le vide. » (p. 12). Le livre est formé de petits blocs de mots, instables, posés sur le vide, en confrontation avec le silence très profond qui date de l’enfance. Un état intérieur dont l’auteur se demande s’il n’était pas de l’autisme. Mais il y aurait aussi cette autre réalité que l’on croit deviner vers la fin du livre, la surdité. Très belles pages autour de la disparition du père, la fin de sa vie, ses dialyses, tout cela qui me touche profondément.