L’ardeur et la mélancolie (Hélène Pierrakos)
Prologue de L’Ardeur et la mélancolie, Voyage en musique allemande d’Hélène Pierrakos : « L’éblouissement de la musique, cette éclipse du sens qui est aussi révélation d’un arrière-monde fondateur, aux lois pleines d’évidences, se tient par nature entre l’ardeur et la mélancolie – entre l’aspiration à une énergie salvatrice et la tentation d’une vivace nostalgie, entre le désir d’une plénitude et l’écoute obscure d’un univers secret, où domine l’insaisissable. L’art musical dans son entier naît et vit, naturellement, de ce balancement entre la force de la pensée architecturée et l’émotion de la pensée esquissée, surgissante, non maîtrisée. Si la musique allemande, plus qu’une autre, reflète de façon éclatante ce double mouvement, si l’éblouissement qu’elle procure est si aigu, c’est qu’elle semble explorer avec la même vaillance le pouvoir de l’architectonique et celui de la rêverie. » (p.9)
→ il va donc s’agir, dans ce livre, de tenter de dégager ce que peut être l’identité allemande de la musique. Non pas en appeler à un esprit ou à une âme de cette musique, dit l’auteur, mais voir se dessiner peu à peu un certain paysage. En assumant la part de subjectivité, puisque « écrire sur la musique [impose] de s’engager seul dans l’unique voyage qui vaille – celui que l’on entreprend au cœur de sa propre écoute. » (p. 10)
→ Ce voyage au cœur de sa propre écoute qui me semble de plus en plus l’axe de mon travail, et aussi bien en ce qui concerne la littérature qu’en ce qui concerne la musique et même sans doute au-delà, les autres et le monde.
Alice Sommer
Bouleversée par un documentaire autour d’Alice Sommer. Elle fut pianiste, vécut jusqu’à 110 ans et parmi les très rares rescapés, avec son fils Raphaël, du camp de Theresienstadt. C’est une incroyable leçon de vie, sur l’amour de la vie et de chacun de ses instants, fut-ce au cœur de l’enfer des camps, un amour très fortement pour ne pas dire exclusivement nourri de la passion de la musique. C’est admirable. (La dame du 6, film de Malcolm Clarke, sur Alice Sommer-Herz) : « Quand la première note de musique résonne, on va droit au fond de notre âme » dit-elle tandis qu’une de ses amies, également déportée, évoque son père qui lui disait « mets le maximum dans ta tête, personne ne pourra te le prendre ». On peut voir sur Youtube plusieurs vidéos, souvent en anglais, consacrées à Alice Sommer, comme celle-ci par exemple.
Poésie et ainsi de suite
Je découvre, un peu par hasard, la nouvelle émission de poésie de France Culture. Sans aucun a priori, puisque je ne sais pas l’écoutant, m’émerveillant de la qualité de ce que j’entends, que j’écoute cette nouvelle émission signé Manou Farine.
Le « plateau » était remarquable : Frédéric Brun et les chercheurs et traducteurs Olivier Schefer et Bertrand Badiou. Il fut beaucoup question bien sûr de Novalis avec des propos magnifiques d’Olivier Schefer sur le fragment, et de Paul Celan. Bertrand Badiou vient en effet de rassembler les éléments de la correspondance entre René Char et Paul Celan.
Et je constate que j’ai du travail pour rattraper mon retard et je m’étonne un peu que mes nombreux amis poètes ne m’aient pas parlé de l’émission. Et retard aussi avec les livres puisque j’ai bien reçu trois des quatre livres dont il fut question, le Brouillon Général de Novalis traduit par Olivier Schefer pour Allia, les deux livres publiés par Frédéric Brun, dans sa nouvelle maison d’édition Poesis 2015, Novalis, Poésie, réel absolu avec des fragments traduits par Laurent Margantin et Frédéric Brun, Novalis et l’âme poétique du monde
La musique m’aime
La musique m’aime, j’y reviens, en ce sens qu’elle semble venir toucher exactement ce qui a besoin d’être aimé, conforté, apaisé à un moment donné. C’est très fort. Et je suis aussi complètement d’accord avec Marc Dugardin sur l’idée qu’elle nous écoute, c’est d’ailleurs un peu la même chose. Elle nous reconnait, tels que nous sommes à un moment donné (ce qui peut modifier presqu’à l’infini l’écoute d’un même disque.) Tout comme l’écriture, elle est sans doute aussi un extraordinaire moyen de connaissance de soi.
Temps mythique (André Hirt)
Repris les textes d’André Hirt autour du Faustus de Mann (un futur livre). Je note cela : « Le temps allemand, mutatis mutandis, comme celui des Russes, est mythique et non réel ».
→ Curieusement ces propos entrent en résonnance avec l’actuel scandale Volkswagen et un article lu dans Le Monde, révélateur sur la culture de l’entreprise, l’absolu impératif de la réalisation des objectifs, fussent-ils inatteignables, qui a mené nombre de cadres à faire comme s’ils étaient atteints et cela au prix de trucages en tous genres. Il faut réduire les émissions de gaz et particules, on a beau savoir qu’en l’état actuel des connaissances & techniques, le résultat demandé n’est pas possible, l’objectif n’est pas amendable et donc on fera semblant de l’avoir atteint. Politique de la peur, de l’écrasement de la réalité, politique de toute-puissance il faut bien le dire de la part des dirigeants de l’entreprise. Or cela a sans doute à voir avec bien des composantes de la culture allemande, ce qui me ramène au Docteur Faustus de Mann et aussi au livre d’Hélène Pierrakos sur la musique allemande.
Poésie (Frédéric Brun)
« Nous regardons si rarement le monde de manière poétique. Il est devenu essentiellement économique, médiatique et numérique » (p.7), écrit Frédéric Brun dans son introduction à son livre Novalis et l’âme poétique du monde.
→ oui un monde dominé par le chiffre, le chiffre à faire, les budgets, les comptes, les profits, les audiences, les charts, les mégabits, etc. Que des 1 et des 2, sans lettres, dans une culture qui devient essentiellement numérique et surtout binaire. Le numérique comme principe et but et non pas comme outil, trop souvent.
Je pense à deux moyens, parmi d’autres, de regarder le monde de manière poétique :
• La photographie. Derrière l’objectif (mais celui-ci n’existe plus sur la plupart des appareils !), on entre dans un autre univers, surtout dans le cas où l’on photographie de très près. Il me semble que là, on porte un regard poétique sur le monde. Un regard de découverte de la réalité. Mais encore une fois, la composition de l’image via l’écran arrière des appareils photo numériques, vilainement dits APN (on travaille en apnée ?) ne remplace en rien les sensations très particulières induites par la visée réflex, ce petit monde dans lequel on entre, ce trou de serrure au fond, qui isole la scène, la sublime même parfois.
• Et bien sûr l’écriture. Je repense sans cesse à l’expérience relatée par Pierre Michon, au lendemain de la nuit où il a enfin accédé à l’écriture qu’il cherchait. Il raconte comment dans l’autobus toutes les personnes lui semblaient modifiées, il les voyait comme des personnages de tableaux de Velasquez.
Écho, descellement et berceau sonore (Jean-Christophe Bailly)
Dans l’intéressant numéro de la revue Les Carnets du paysage, numéro 28 consacré au thème du « musical », J.C. Bailly écrit : « De cette prédisposition de l’espace à la performance sonore, il existe en quelque sorte une preuve, et elle est extrêmement troublante : c’est l’écho. Qu’un son advienne, cela n’a rien de remarquable, et d’autant moins que c’est, on le sait mieux depuis John Cage, le silence qui est l’exception. Mais qu’un son advienne sans avoir été produit par autre chose que la forme même de l’espace, c’est là quelque chose d’autre, dont le pouvoir de descellement est très grand. Ce pouvoir tout enfant l’a éprouvé dans un ravissement où entre aussi un peu de peur : soudain la voix est désappropriée et se mue en une émission qui semble induite par l’espace lui-même. Or c’est l’espace tout entier qui, d’une certaine façon, est une chambre d’échos, et ce que l’écholocation vérifie, dans l’air avec des ultrasons pour la chauve-souris, dans l’eau avec des sons pour les sonars, c’est cette relation d’obligation, ou ce toucher, entre la forme de l’espace et la propagation sonore : les sons palpent l’espace et le sondent, ils le décrivent – l’espace, muet, est un berceau sonore. (article « Le paysage retenti », p. 15)
→ Deux idées magnifiques ici : le pouvoir de descellement de certaines réalités, qui viennent nous déloger de nos a priori. Et cette idée, somptueuse, de l’espace comme un berceau sonore. Quid du monde utérin qui sans aucun doute façonne en profondeur l’oreille du futur nourrisson, qui conditionne peut-être sa future appréhension sonore du monde, qui le prédispose, qui sait, à la musique ? Ce bercement échoïque ?
Le phénomène sonore et musical (JC Bailly)
À propos de la musique : « Ce qui, via les instruments qu’elle emploie, la constitue, à savoir une certaine agitation de l’air, une certaine façon, toujours unique et singulière, de moduler l’habitation du temps. » (p.17)
→ Ce très beau numéro, que je commence tout juste à explorer, comporte aussi des extraits d’écrits de John Cage et du journal de Thoreau.
Bonheur du soir (Clément Rosset)
(avant d’accorder du repos à l’ordinateur et à sa propriétaire), ces mots de Christian Rosset :
« Un livre, comme tout objet, de pensée, mais pas seulement, n’est jamais seul. Même dans l’île déserte où Robinson n’en aurait sauvé qu’un du naufrage, l’ouvrir serait convoquer d’innombrables fantômes. La mémoire des lecteurs est un palais palladien où les murs sont tapissés de bibliothèques de bois, de papier, de verre et de pierre (dont certaines, en partie recouvertes de cendres ou de sable).
Faisons, pour commencer, une proposition : le travail critique ne consiste pas à proférer des jugements. Le but serait plutôt d’ouvrir des pistes en traçant des lignes d’un rayon à l’autre de cet espace proliférant (la bibliothèque en expansion que le "critique" porte en lui) où les choses apparaîtraient plus ou moins bien rangées — étant entendu que ranger serait tout sauf hiérarchiser en fonction du nombre d’étoiles accordées à chaque volume (ces étoiles — si on persiste à penser qu’elles ont le pouvoir d’éclairer telle ou telle cartographie mentale –, il faut les imaginer d’abord sous forme de constellations). Ordonner les livres n’a d’autre sens que d’élaborer des stratégies incitant à d’innombrables et contradictoires parcours des uns aux autres. » (lire l’article)
→ c’est de plus en plus ma conviction et ma démarche, ce qui implique de travailler toujours plus, pour être capable de créer des liens en plus grand nombre et si possible des liens différents de ceux que créent les autres, chacun étant un lecteur singulier.
Fabrice Reymond
À l’opéra derrière un poteau : en fait les deux parties qui m’ont le plus intéressée ici encadrent celle qui donne son nom à ce livre au petit format très agréable.
Fabrice Reymond alimente ce qu’il appelle une Anabase : « base de données de textes, de fragments patiemment polis à la main. […] Journal, poème brisé, miniature théorique, rapport d’activité. »
→ Inutile de dire que cette énumération me parle et me fait songer à un certain Flotoir, à cette nuance près que, hélas, je ne polis pas patiemment mes fragments, sauf exception.
De la note (Fabrice Reymond)
« La note est la trace d’un choc. L’idée frappe l’esprit comme le caillou heurte le pare-brise et après un bref suspense, l’étoilement de la pensée commence : les connexions synaptiques partent dans tous les sens autour du point d’impact, sans censure, sans direction, réagissant au moindre mouvement : seul le livre peut arrêter ce processus pour le transmettre au lecteur. » (Fabrice Reymond, A l’opéra derrière un poteau, collection Faux raccord, Post-éditions, 2015)
→ superbe remarque qui pointe aussi ce qui signe sans doute la véritable idée, ce côté intempestif, inattendu. Non pas fruit de la déduction savante, plutôt fruit d’une déduction inconsciente, fondée sur des mécanismes associatifs, qui sont parfois autrement plus pertinents que les mécanismes strictement discursifs, trop cadrés et encadrés.
Et je retrouve l’idée d’étoilement chère à André Hirt.
Brève de lecture, Fabrice Reymond, A l'opéra derrière un poteau.
Ce tout petit livre, très dense, se compose en effet de trois parties. La première donc, des notes, des idées, des fragments, un peu, mutatis mutandis à la manière de Novalis dont j’ai effleuré hier le Brouillon Général et les traductions de Laurent Margantin dans Poésie, réel absolu. Il y est beaucoup question de fiction, mais aussi d’autres sujets, j’en ai relevé quelques exemples.
Puis cette section qui donne son titre au livre et qui m’a moins convaincue. Mais j’ai peut-être été gênée par le fait que le texte est disposé dans l’autre sens, rançon sûrement du très plaisant tout petit format.
Et j’ai apprécié le faux journal d’un marin, embarqué sur un cargo de fret qui constitue la dernière partie.
Partout une pensée originale, des éclats dont certains engendrent moult remous dans la conscience du lecteur, cet étoilement dont il est question un peu plus haut.
Tout cela, cette étrange conjonction de Novalis et de Fabrice Reymond sans doute pas étrangère à l’idée de peut-être citer un peu moins largement dans le Flotoir et en revanche de travailler, par étoilements et ramifications, autour de ces citations moins abondantes.
Le présent (Fabrice Reymond)
« Nous sommes sans histoires, impossible d’en lire, impossible d’en écrire, le présent nous a envahis. »
→ il y a cette sorte d’obnubilation de la conscience par le présent, le présent seule dimension acceptable pour la société médiatique et numérique. La course en avant, sans l’ancrage dans le passé, sans profondeur de pensée, trop souvent. Une fuite en avant qui ne laisse pas le temps de se retourner (peur d’être transformés en statues de sel ?)
Perception du temps (F. Reymond)
« Le temps ne passe pas, il s’accumule, il s’accumule en accélérant, il accélère parce qu’il a de moins en moins de place pour tourner, il a de moins en moins de place pour tourner à cause de la sédimentation. » (p.20)
→ Belle analyse du sentiment du temps chez celui qui vieillit, en qui le temps s’accumule. Description qui se traduit par une sensation physique, un peu comme celle que doivent ressentir les personnes prises dans une inondation, quand elles voient l’eau monter à l’intérieur de la pièce et la place pour tourner se rétrécir. Ce sentiment de panique devant le temps qui monte et qui diminue.
Le pas de vis de ma pensée (F. Reymond)
« Je suis incapable d’approfondir un sujet, de développer une idée, quelque chose me retient, une réserve morale, l’intuition d’une piste à ne pas suivre. Je ne peux pas réfléchir aux idées, les expliquer, les résumer, les justifier, les exploiter, j’aurais l’impression de tricher, de les trahir, de les abimer. J’aurais l’impression de forcer le pas de vis de ma pensée. » Et un peu plus loin : « Laisser son sujet en liberté, accepter de le voir disparaître, savoir digresser jusqu’à ce qu’il revienne. L’art c’est patienter en attendant le retour du sujet. » (p.22)
De l’obscurité des œuvres
« Un artiste doit accepter de ne pas toujours comprendre ce qu’il fait et un spectateur de ne pas toujours comprendre ce qu’il voit. Une œuvre a besoin du désir de lumière que crée l’obscurité. »
→ Ce qui est donné d’emblée est souvent plat, sans intérêt, ne stimule en rien l’esprit, n’agace pas le for intérieur, retombe. Parfois, ce qui se dérobe entraîne dans le même temps vers d’autres horizons, amène à d’autres correspondances. L’art doit déranger le confort intérieur. Les conservateurs sont au fond de grands paresseux !
Regard, écoute aussi
« Je ne regarde pas le monde, c’est le monde qui me regarde. Le langage me regarde regarder le monde. Je est toujours dans le champ. Ce qui change c’est la distance depuis laquelle on le voit. La largeur du plan, du portrait au paysage, du particulier au général. Tout ce que nous pouvons faire pour voir ce qui nous entoure, c’est élargir le cadre jusqu’à nous perdre de vue, jusqu’à n’être plus discernable que comme un être quelconque, un personnage générique.
Savoir vivre c’est apprendre à s’indistinguer. »
Et comme par hasard la note suivante parle de la photographie qui « est évidemment incapable de restituer l’intensité et l’épaisseur de ce qu’on vit. Comme dans un jeu de piste, le cadrage est une flèche qui indique le chemin de l’impression. En sélectionnant un point de vue, l’image crée une ouverture dans le réel. Une image est comme un objet magique, un indice qui permet au réel de se retrouver en nous. » (p.27)
→ en notant toutefois que le pouvoir de l’objet magique tend à s’émousser. Passé l’éventuel effet de surprise, la contemplation ressassante de l’image finit par refermer la fenêtre.
Les livres des autres (F. Reymond)
Comment cela résonne fort ! : « Vivrais-je éternellement dans les marges des livres des autres ? Vais-je éternellement commenter ma traversée du temps ? que faire d’autre ? Travailler pour l’aménager ? Y habiter un moment ? »
→ Non, rester là, dans les marges des œuvres des autres, parfois miroirs, parfois chemins, consolantes ou dérangeantes. Fabuleux stéthoscopes. Fabrice Reymond d’ailleurs : « Sextant : regarder ailleurs pour savoir où on est. »
Lumière, son, eau (F. Reymond, pour finir)
« L’eau est la représentation de la lumière, la matérialisation du son, elle mesure notre force de pénétration dans la matière. L’eau efface la frontière de notre peau. Le souvenir de l’amniotique est celui d’un temps où l’on faisait partie d’autre chose. La vie nous le fait oublier, la mer nous le rappelle, la mort nous l’explique. » (p.108)
→ tellement profond, ce souvenir de l’amniotique. S’y arrimer. Et superbe idée, un peu mystérieuse, à explorer avec précaution, que cette synthèse de la lumière et du son dans l’eau. Tous mes tropismes essentiels rassemblés : lumière, son et eau, les deux premiers seuls primordiaux, antérieurs à la naissance. Et pour cela sans doute si prégnants.
Mais non, pas encore (finir) car « reset » ! (F. Reymond)
En effet, cela encore s’impose : « Comment savoir quand nos sens doivent se reposer ? À partir de quand en a-t-on marre de voir, d’entendre, de sentir…
Goya, avant d’entamer la partie la plus importante de son œuvre, a perdu complètement l’usage de ses cinq sens, puis ils sont revenus petit à petit, sauf l’ouïe.
Le génie, l’amour, la maladie, la nuit et la mer, sont des façons de redémarrer le système, une sorte de reset des sens, une façon d’apprendre à ne plus rien sentir pour pouvoir tout re-sentir. » (p.117)
→ à un niveau plus modeste, débrancher un instant, une heure, ou un jour, permet de réactiver les qualités perceptives. Exemple très concret : travaillant un passage particulier, une ou deux mesures, dans une pièce pour piano, tout à coup se lever, s’absenter quelques secondes de son clavier, y revenir et alors, souvent, tout est différent, neuf. L’écoute s’est régénérée, le doute invalidant est parti par la fenêtre que l’on vient d’aller ouvrir ou fermer.
On ne parle sans doute pas assez des effets de saturation, de tétanisation presque qui peuvent parfois saisir un esprit. Comme un ordinateur auquel on demande trop à la fois et qui selon la belle expression « s’emmêle les pinceaux ». Reset, oui, redémarrer pour résoudre les « erreurs de registre ».
Michel Collot
signe un bel article, « Paysage et musicalité », dans les Carnets du paysage, en ce numéro tout entier dédié au thème du musical.
J’y reviendrai à cet article, qui m’a révélé un aspect de Michel Collot que j’ignorais : c’est un grand mélomane, compétent. Je lui ai d’ailleurs écrit pour lui dire mon admiration pour cet article. Qui est un article typiquement universitaire, bourré de références, mais aussi un article sensible, qui ouvre sur la dimension de la rêverie.