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Rédigé par Florence Trocmé le 23 mai 2017 à 18h44 dans photomontages | Lien permanent
Jalonnée de victimes
Terrible cette remarque du journal Le Monde à propos d’une personne de l’entourage du président américain : une ascension discrète jalonnée de victimes.
Philippe Hersant
J’ai passé un moment magnifique à m’occuper du disque de Philippe Hersant, Songlines, J’ai écouté l’émission que j’avais mise en lien, celle de France Musique. Muzibao me permet de travailler sur des disques, de faire une sorte de storytelling à leur propos. Et ainsi, au cours de ces premiers mois, quatre ou cinq disques au moins m’ont marquée, ce qui n’était plus arrivé depuis bien longtemps. Le disque matériel, non plus un simple objet de consommation, mais de connaissance, d’ouverture. Je repense à ce disque exceptionnel qui s’appelle Ahazar et qui rapproche des œuvres d’Alphonse le Sage, donc Moyen-Âge, avec des œuvres de Stravinski et Ohana. Toutes les œuvres présentes sur le disque sont des découvertes pour moi, notamment la très belle Messe de Stravinski, mais aussi Ohana. Et Alphonse le Sage, c’est très fortement cette sensation que j’ai souvent en écoutant de la musique ancienne et que je synthétise dans la formule « Puits du temps ».
Muzibao
Au moment d’entreprendre ma note sur Songlines, dès les premières mesures, j’ai ouvert une feuille et j’ai commencé à écrire. Ensuite les choses se sont construites en écoutant, en lisant le livret où Hersant s’exprime peu mais de manière essentielle et en cherchant sur Internet des vidéos, des sources. J’ai été très frappée par l’œuvre qui s’appelle Tristia (du nom d’un recueil de poèmes de Mandelstam) mais apparemment il n’y a pas encore de disque. C’est une œuvre fondée sur des paroles de détenus de la Centrale de Clairvaux, des contemporains, des « longue peine » dont il parle dans l’entretien à France Musique mais aussi des détenus du goulag. (lien de l’article)
Franck Venaille
Je lis le fort Requiem de Guerre de Franck Venaille, tout juste paru. Pas moins de cinq exergues, ce qui est significatif : Emmanuel Moses, Charles Cros, Germain Nouveau, Jules Laforgue et Motia Morhange. Cinq extraits centrés sur la mort (Je renvoie à ces propos du cinéaste Sokourov publiés dans le numéro 1000 de la revue Europe). Venaille écrit dans le premier texte : « Il ne sera plus question de moi. Seulement de lui à la fin de sa vie quand on balayait sa poussière d’âme » (p.11). Profonde ambivalence de ce « lui », ambivalence qui ouvre sur l’universel de l’expérience humaine. Lui, moi, toi ? quelle différence, quelles superpositions, quel enchevêtrement ?
La couleur des rêves
Franck Venaille : « Une question me hante depuis peu : comment connaître la couleur des rêves et des pensées réelles de Virginia Woolf durant ces mois qui précédèrent la mise en chantier de Mrs Dalloway ? (p.15)
Mystère de la poésie
« Mystère de la poésie qui porte en elle cet élan
cet appel de la vie
jusque dans l’arène où les hommes, bientôt, devront
mourir. » (p.19)
→ Toujours réhabiliter la poésie en soi. La porter au niveau de la musique. Par refréquentation assidue (et « par cœur ») des plus grands.
Livres, êtres vivants
Prendrais-je les livres pour des êtres vivants, appelant des égards ? Refermant le livre de Venaille, je cherche un marque-pages. Je ne veux pas me lever et celui qui me tombe sous la main est le bandeau de couverture d’un livre d’Hubert Lucot. En le glissant dans le livre, petit mouvement de recul : « est-ce approprié, délicat, se connaissaient-ils, s’appréciaient-ils, s’aimaient-ils ? »
Les liens associatifs bondissant
J’ouvre le livre de Sophie Loizeau, tout récemment paru aux Presses Universitaires de Rouen et du Havre (beau travail éditorial de Christophe Lamiot-Énos), La Chambre sous le saule. Et immédiatement, de façon palpable, tangible, je ressens une émotion, exactement comme lorsque j’ai mis Songlines de Philippe Hersant sur la platine : « dès le seuil le sentiment d’un autre monde. Mes seuils secrets, officieux se nomment béance, éboulis, toute faille dans la structure. » (p.18) Quelque chose tremble, bouge, là, qui n’est pas une aventure solipsiste, qui me parle du vivant, de l’humain, de la conscience, de l’aujourd’hui mais aussi de l’hier, de l’avant ; « Attentive à la voix in, à la petite voix interne. Bien que sans timbre, elle articule. Fidèlement la transcrire. Le décousu transcrire, l’incongru. Le coq à l’âne. Les liens associatifs bondissants, la forme d’étoile. Ce que les images du quotidien ont d’entraînant, de qu’elles entraînent avec elles. Inaudible parfois, brouillée, mâchant ses mots » (p.10)
→ oui cette voix in, la voix interne, qu’il faut écouter et transcrire, quel que soit son contenu. Passer sur censure et sensure, ne pas nettoyer, épurer, édulcorer. La laisser un peu comme un animal en liberté dans le pré, au lieu de la contraindre à passer entre les barrières, vers la traite ou l’abattoir.
→ Dans ce livre, j’aime aussi infiniment la présence de la petite fille, ses interventions, le dialogue de la mère et de la fille. Au plus près de la vérité du vivant.
Liens cliquables et temps
Cette citation de Marie-Claire Bancquart :
« "tous les liens sont cliquables."
Je reçois cette information de mon ordinateur,
et le temps
soudain
me paraît touchable et fragile.
Ces mots n’auraient eu aucun sens quand j’étais jeune.
Mais, d’un âge assez mûr pour les rechercher dans
un livre, je sais que ces mots très jeunes vont vite
s’expliquer…. »
→ double amusement pour moi, parfaite justesse de cette remarque et la presque certitude que c’est dans un mail de Poezibao que Marie-Claire Bancquart a relevé cela.
Tant de formulations déjà tombées dans l’oubli et celles qui nous semblent naturelles aujourd’hui et qui n’auraient eu aucun sens il y a dix, vingt, trente ans et n’en auront sans doute plus dans dix, vingt, trente ans, etc.
Qui parle encore de CD-Rom, de K7, de Discman, même ? Quant à en trouver, si le besoin s’en fait sentir, c’est une sacrée entreprise !
Le poème
Jean-Pascal Dubost dans une belle note sur un livre de Pierre Drogi donne cette citation : « J’en suis venu à considérer qu’un seul mot, placé sur une feuille blanche, constitue déjà un poème, et qu’y ajouter un deuxième mot précis représente déjà un processus poétique extrêmement délicat » (Franz Mon.)
Il a aussi cette très belle remarque sur le processus créatif : « signification générale, certes mystérieuse et à traquer, avançant par énigmes, dont l’émotion d’écrire est conductrice ».
La force des liens faibles
Je relève dans l’annonce d’un colloque cette introduction qui fait mouche ! : La thèse centrale de l’article désormais classique de M. Granovetter, « La force des liens faibles » (1973) tient à l’opposition entre des « liens forts » (amitié, famille, mariage, etc.) et des liens sociaux, à faible charge affective ou officielle, quoique essentiels dans le fonctionnement des structures relationnelles. Écartés de la théorie de l’art, de l’éthique comme des philosophies traditionnelles du sujet, ces liens faibles sont pourtant au cœur de nos formes contemporaines d’attachement et d’attention : dans l’espace démocratique du commun réouvert par le champ numérique des réseaux sociaux, dans la sphère de notre vie culturelle, dans l’espace de nos formes de présence à l’autre, visages, objets, musiques, personnages, improvisations « d’un soir », lieux et situations ordinaires mais irremplaçables dans leurs singularités déterminent notre relation aux autres, nos engagements quotidiens comme le flux de nos identités et les inflexions de nos vies – et ce tout autant que les passions de l’âme, les situations de longue durée, les identifications directes et les affects massifs. C’est la richesse et l’importance de ce tissu sensible, de ces échos et de ses reconnaissances puissantes autant qu’inattendues, que nous voudrions commencer à décrire. » (Le Pouvoir des Liens Faibles. Séminaire de recherche interdisciplinaire – 2017 - Alexandre Gefen (Cnrs-Paris 4 Sorbonne) / Sandra Laugier (Paris 1 Panthéon Sorbonne)
Annie Dillard
J’ouvre Une enfance américaine d’Annie Dillard, auteur de ce livre que j’avais tant aimé, il y a bien longtemps, En vivant, en écrivant.. J’y lis des choses saisissantes sur ce moment crucial où nous entrons dans la conscience, conscience de nous-mêmes, dans le monde. Ce moment de bascule entre l’enfance et le début de l’adolescence. Parfois heureux, parfois tragique.
« Je commençais juste à m'éveiller, tout juste. Les choses changeaient autour de moi. Le nouveau bébé, Molly, qui était très amusant, venait d'être installé dans une ancienne chambre d'amis. Le monde extérieur dans son immensité apparut soudain et se remplit de choses qui apparemment avaient toujours été là : la minéralogie, le travail de détective, l'entomologie, les étangs et les cours d'eau, l'aviation, la société. » (p.24)
et un peu plus loin :
« La conscience fond sur l'enfant comme une hirondelle de mer touche sur le sol l'ombre de ses pattes tendues ; très précisément, doigt après doigt. L'hirondelle replie ses ailes pour se poser ; son ombre s'incline, s'étend sur le sable à la rencontre de son ventre, et l'enveloppe. »
C’est que « Les enfants de dix ans se réveillent et s’aperçoivent qu'ils sont ici-bas, ils découvrent qu'ils y sont depuis un certain temps ; est-ce triste ? Ils se réveillent comme des somnambules en marche ; ils se réveillent comme des gens qu'on a ranimés après une crise cardiaque ou qu'on a sauvés de la noyade, in medias res, entourés de personnes et d'objets familiers, capables de faire mille choses. Ils connaissent leur quartier, ils savent lire et écrire, ils maîtrisent quelques bons vieux mystères et pourtant, ils ont l'impression qu'ils viennent juste de débarquer, de converger avec leur propre corps, de sortir d'une transe, de s'insérer dans une vie étrangement familière qui est en branle depuis longtemps. Comme tous les enfants, je me réveillai par bribes, par morceaux, au fil des années. Je me découvris moi-même et je découvris le monde, puis j’oubliais pour redécouvrir de nouveau (p.25)
→ oui c’est une très saisissante description qui réveille le souvenir précis de ces moments d’éveil, de transition. Ce seuil après lequel plus rien ne sera jamais comme avant. Ce seuil qu’à mon sens maints écrivains tentent sans fin de franchir à rebours. Le passage de la synergie et de la symbiose non consciente à la séparation, au recul, à la dichotomie, au dédoublement. De la présence du monde à la conscience de soi qui va désormais exclure en partie la présence du monde.
Sophie Loizeau, aussi
et il se pourrait que Sophie Loizeau travaille aussi, en partie, sur ces seuils, elle qui vit si proche de sa petite fille, qui écoute, relève, recueille tous les moments de grâce de celle-ci, qui est en phase avec sa présence au monde.
« Avec l’été, je retrouve le don d'été— le don d'hiver l'hiver. Accumulation en couches sédimentaires mes étés. Celui qui débute s'éveille lui-même par la magie des autres ; s'il est bon il enrichira sa lignée même si c'est aux tout premiers, doués parmi les doués, qu’en revient le mérite. Qui à la racine de l’arborescence, la joie ou bien l’été ? » (40)
N’écrit-elle pas : « Longtemps je suis restée en enfance, une adulte ayant encore les dons : imagination, présence à l’instant, fascination, abandon aux sensations, perméabilité à tout. » (p.46).
Les dons, dit-elle.
Formes, partout
Et je retrouve chez elle ma propension à deviner des formes animales ou plus encore des visages, dans une écorce, sur un caillou, sur un motif affleurant sur le sol, sur un carrelage de salle de bains : « Je peux déceler les bêtes du mur et des boiseries, d'un coup identifier une gueule. Pas de mur moins uniforme que mon mur blanc mal enduit, plein d'aspérités. Là qu'elles sont. Lévrier, dogue, poisson, cerf magdalénien. Je suis les contours avec un pinceau, de chacune d'elles telles qu'elles m'apparaissent. Les méplats rendus par le spot provenant du plafond me leurrent. Le résultat échappe à tout canon. (p.40)
→ les cailloux, mes amis, deux modestes cailloux ramassés au fond de la baie, au bord de l’eau, posés sur le cadre du petit tableau de l’amie disparue, au-dessus de mon bureau. Mes cailloux-résurgences. Traversent les couches géologiques. Me bouleversent.
Transcrire les propos d’une enfant
Le texte, dont j’ai surtout relevé ici des annotations de portée générale, regorge de moments en présence de la fille de l’auteur, ici appelée Lilas, ses réflexions, ses jeux, ses joies et ses chagrins. Sophie Loizeau écrit à propos de cette écriture autre, au cœur de ce livre : « Picasso, Matisse, Klee trouvèrent un nouveau souffle dans la contemplation des dessins d'enfants et s'en approprièrent les principes : simplicité, concision, force de représentation, littéralité. Je ne fais pas autre chose en transposant les paroles de ma fille à l'écrit : une écriture brute, naïve, inventive voit le jour. Une sorte d'art premier littéraire avec sa structure, son imaginaire, ses liens. Même s'il dépend d'une autre sachant écrire, d'une secrétaire, son texte, le texte de Lilas est littéraire, il traduit au plus juste sa pensée et la colporte. Il y a du plaisir dans tout ça. » (p.81)
« – Et le fil narratif ? – Décousu, tressautant, conforme à la vie de la pensée, à la vie tout court. » (p.93). C’est que, écrit-elle, et on la suit et on l’aime de dire cela : « Mon livre n’est que mie, car il est sans croûte, sans bords, sans trottoir. On y est et c’est sans préambule ni butée. Fini les formes de politesse, les salamalecs, l’établissement des premiers liens de la communication du livre au lecteur / à la lectrice. Et puisqu’il n’y a pas de clôture, le livre permet les va-et-vient. » (p.94)
Écrire veille à ça
Et on l’aime aussi de noter : « Car il faut des veilleuses, des vigies perchées sur les toits, des geais comme à l’orée des forêts. Écrire veille à ça, lire veille à ça, danser, peindre, chanter, jouir veillent à ça, entrent en résistance contre les fous et les violents de ce monde. » (p.95)
Annie Dillard, encore
Elle a un don stupéfiant pour réveiller des sensations-souvenirs de l’état d’enfant, des ressentis qui doivent être universels (à condition peut-être de restreindre cet universel à la sphère occidentale ?). De toutes petites choses mais qui en un éclair déportent vers le lointain hier, au contact de ce monde si mystérieux qui se dévoilait et de soi qui en prenait conscience. De soi et du monde.
Arbres
Pourquoi, certains soirs, la seule énumération d’une série d’arbres et ce que cela suscite en soi (et qu’il faudrait pouvoir explorer) suffit-il à apaiser ? Trembles, chênes, hêtres, peupliers, bouleaux… Le tremble cet arbre qui est un des seuls à opérer la photosynthèse par les deux faces de ses feuilles. La résonance du livre de Peter Wohlleben, La Vie secrète des arbres, qui donne envie de leur parler aux arbres, comme le faisait dans un reportage récent un vieux chef indien enlaçant un arbre que l’on voulait abattre et l’appelant son frère.
Poésie
Belle citation de Henri Thomas dans un article d’Alexandre Battaglia à propos d’un livre de Cédric Demangeot : « peut-être qu’il faut avoir connu cela – remonter de très bas et de très loin pour éprouver la solidité en même temps que la fragilité de soi-même. En tout cas, il n’y a pas de grande poésie sans cette arrière-pensée de délabrement surmonté – et je me dis que : le style, c’est ce désordre et cette dissolution matés, compris, vaincus par une forme ».
Françoise Nyssen
J’ai écouté intégralement les cinq entretiens que Françoise Nyssen avait donnés à France Culture, à l’automne 2016. Quelle femme remarquable, tellement ouverte, c’est à la fois passionnant et grand moteur d’espoir et d’énergie, je trouve. (Lien vers le premier entretien, les autres accessibles par cette page, colonne de droite)
Cerveau
Françoise Nyssen qui a une formation de scientifique (elle a fait une thèse en biochimie) semble très concernée et intéressée par les derniers développements des recherches sur le cerveau et elle cite brièvement Pierre-Marie Lledo dont je suis en train de lire le livre Le cerveau, la machine et l’humain. Livre difficile et passionnant. Ce que Françoise Nyssen pointe, ce qui frappe aussi peut-être le plus dans ce livre, ce sont ces pages où P.-M. Lledo montre comment l’interaction avec autrui est ce qui façonne sans doute le plus le cerveau humain : « Les données neurophysiologiques les plus récentes montrent également que le remodelage des circuits cérébraux produit par l’interaction du sujet avec son environnement est d’autant plus puissant que les signaux proviennent de rapports sociaux comme la parenté, l’appartenance à un groupe ou la hiérarchie sociale. En biologie, un organisme est qualifié d’autotrophe lorsqu’il est capable, par lui-même, de transformer les éléments minéraux en matière organique qu’il utilisera pour sa survie. C’est le cas des plantes ou de bactéries qui tirent leur énergie du soleil grâce à la photosynthèse. À l’inverse, les organismes hétérotrophes sont dépendants d’autres organismes pour obtenir leurs constituants organiques vitaux, comme les prédateurs qui se nourrissent de proies. L’humain tient une part unique dans cette nomenclature officielle du vivant, avec un cerveau qui semble bénéficier essentiellement d’une nourriture spirituelle fournie par la présence de ses congénères. »
Muzibao
Faible, très faible audience, mais je ne suis pas du tout découragée. Je sais qu’il faut du temps pour s’installer dans le paysage. La situation est très différente de celle de Poezibao : dans ce premier cas, petit monde restreint et un grand manque, que je suis venue combler en partie (avec quelques autres !). Pour Muzibao, un public potentiel bien plus large, mais très difficile à capter, très éparpillé et beaucoup plus gâté par d’innombrables ressources.
Sol LeWitt
Formidable lettre de Sol LeWitt à une amie artiste découragée :
“Just stop thinking, worrying, looking over your shoulder, wondering, doubting, fearing, hurting, hoping for some easy way out, struggling, grasping, confusing, itching, scratching, mumbling, bumbling, grumbling, humbling, stumbling, numbling, rambling, gambling, tumbling, scumbling, scrambling, hitching, hatching, bitching, moaning, groaning, honing, boning, horse-shitting, hair-splitting, nit-picking, piss-trickling, nose sticking, ass-gouging, eyeball-poking, finger-pointing, alleyway-sneaking, long waiting, small stepping, evil-eyeing, back-scratching, searching, perching, besmirching, grinding, grinding, grinding away at yourself. Stop it and just
DO. »
1. la traduire le plus finement possible.
2. l’apprendre par cœur.
Lien de l’article
Lire Joubert
Il est dans ma liseuse, je l’ouvre parfois et à chaque fois je tombe sur des pépites. Ainsi : « L'homme n'habite, à proprement parler, que sa tête et son cœur. Tous les lieux qui ne sont pas là ont beau être devant ses yeux, à ses côtés ou sous ses pieds, il n'y est point. »
ou encore : « Je soupçonne que les organes de la pensée sont distribués en plusieurs classes. Par les uns on imagine, par les autres on réfléchit, de manière cependant qu'aucun n'est ému sans émouvoir les autres. Les hommes d'un grand génie sont ceux dont les organes ont une telle force et une telle union, qu'ils sont toujours émus ensemble, dans une exacte proportion. »
Cerveau
Joseph Joubert (1754-1824) qui semble ici en phase avec le difficile mais passionnant livre de Pierre-Marie Lledo, Le Cerveau, la Machine et l’homme, lui aussi dans ma liseuse et j’en suis contente car cela me permettra d’y revenir. En revanche, une fois de plus je constate comme la lecture sur ces appareils, si elle a de très nombreux atouts, est problématique ! En termes de repérage dans le livre, en termes de mémorisation. Et d’autant plus que le livre est difficile. Le lecteur qui s’est construit en lisant des livres réels ne peut qu’être perturbé par cette autre manière de lire. Il peut s’aider toutefois d’un outil très pratique, le surlignage. Cet outil permet de retrouver dans un espace dédié les éléments surlignés, de les recopier simplement ailleurs, etc.
André Hirt, le bonheur, la musique
Extrait de sa chronique du 20 de Muzibao, une magnifique réflexion sur le bonheur et la musique.
« Il n’est donc pas illogique que les moments de bonheur absolu soient vécus par le narrateur de la Recherche du temps perdu à l’occasion de moments musicaux, en l’occurrence de transport, d’imagination et de rêve. Et pour préciser autant que faire se peut les choses, on notera que le bonheur ne réside pas, sur un mode défini que l’article au demeurant appelé défini nomme mais de façon trompeuse, dans une possession, ni même, comme à l’inverse, dans une idée, mais dans un transport. Un transport du reste très paradoxal, car il est à la fois ce qui nous déplace, le déplacement lui-même et ce qui nous arrive. Le bonheur a lieu, ici spatialement et en cet instant lorsque je rêve et me sais rêver, autrement dit lorsque la conscience d’un événement est effective. Cet état suppose également une réceptivité et une disponibilité, une capacité d’accueil pour tout dire, et encore un attrait pour le nouveau et l’étonnement qu’il fait rayonner, et enfin l’exposition à la dessaisie subjective ou au ravissement qui n’est peut-être, s’agissant du bonheur, que la manière pour la subjectivité de trouver enfin, ne serait-ce que dans l’instant, son lieu naturel que l’existence lui a originellement fait quitter. »
et aussi cela, si puissant :
« Car la musique est ce que nous savons ; elle n’est pas ce que nous pouvons connaître ou seulement apprendre à connaître. Cette distinction entre savoir et connaissance, aussi canonique qu’elle soit, aussi surprenante aussi et méconnue qu’elle est en réalité, établit ce que nous possédons par instinct ou ce qui appartient à notre corps. Ainsi, nous savons respirer, nous savons désirer, nous savons bouger, autant de gestes qui ne donnent pas lieu, sauf pour certains seulement après un accident, à un apprentissage. C’est ainsi que nous savons le bonheur et que le malheur de nos existences et de notre condition en général veut que nous l’apprenions. Nous tendons vers ce bonheur dont la musique est le monde. Et ce monde fait irruption comme la réalité tangible d’un imaginaire dans le nôtre chaque fois qu’une musique nous surprend et nous émeut. »
Rédigé par Florence Trocmé le 23 mai 2017 à 18h41 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Balises: André Hirt, Annie Dillard, Philippe Hersant, Pierre-Marie Lledo, Sophie Loizeau