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Rédigé par Florence Trocmé le 03 janvier 2018 à 17h04 dans photomontages | Lien permanent
Barthes et Gide, les quatre points
Aliocha Wald-Lasowski, dans Le jeu des ritournelles, distingue quatre points qui selon lui rapprochent Roland Barthes et André Gide : le protestantisme, le piano, l’écriture, le désir. (157) : « quatre temps, qui n’en font qu’un, de l’éthique du désir aux pratiques -piano, écriture- de la jouissance. À quoi s’ajoute un cinquième terme : tous les deux sont essentiellement lecteurs. L’auteur ajoute : « Une phénoménologie tactile et discrète unit les deux penseurs contre l’homogénéisation des œuvres monumentales, à laquelle s’opposent, en permanence, la souplesse et le déplacement dans l’approche de l’écriture. ». Il s’agit pour l’esprit souple de se dégager des assignations théoriques, d’échapper à l’emprise des discours et des disciplines et de se tenir dans l’entrelacs du sens et du sensible. (157)
La variété des objets
D’où, sans doute, la variété des objets chez Barthes qui va de pair avec « l’inventivité de ses approches et avec la singularité de sa pulsion théorique et critique personnelle. » Et A. W-L. d’énumérer : la structure, l’idée, la phrase, le texte la lecture ; mais aussi l’incident, le trait, le haïku, l’amour, le désir, le corps, le ravissement érotique. (158)
De la voix
« Ce que Barthes ne retrouve pas dans le débit trop appuyé des chanteurs barytons Gérard Souzay ou Dietrich Fischer-Dieskau ».
→ et si j’acceptais mes reculs devant la voix chantée, si je les pensais comme possiblement légitimes. Et si je cherchais, listais les voix que j’aime et celles qui me rebutent, me font fuir. Si j’interrogeais mon amour de la voix parlée, en particulier celle qui m’arrivait par la radio, la nuit, très précocement dans ma vie, celles de Jean Topart, d’Alain Cuny, de Maria Casarès, par exemple ; ou par les disques pour enfants, celles de Gérard Philipe ou de François Périer ?
Roland Barthes aimait, lui, Charles Panzéra avec qui il prit d’ailleurs des leçons de chant. Il avait été aussi l’élève de Boucourechliev, ce compositeur et critique qui me fascinait, que j’ai souvent écouté à la radio parler de musique contemporaine.
Dans l’écoute
« Barthes consacre plusieurs articles au récitatif et à l’art du chant français (…) Dans l’écoute passe d’abord quelque chose de physique et de palpable, une émotion concrète, de l’ordre du toucher, du contact ; » (166)
→ de même que Bernard Noël donne un aspect quasi concret, une matière presque, à l’espace entre le regard et le regardé, Barthes attire l’attention sur l’émotion très concrète de la musique, cette onde qui vient toucher le corps, l’atteindre, le faire résonner. Il peut être très fécond pour la pensée de penser l’espace entre la source du son et soi-même le recevant, de le visualiser comme un train d’ondes, affectant la matière.
Car que l’on joue ou que l’on écoute, « il s’agit d’être à l’écoute du dispositif corporel, les organes physiques, la résistance de la chair ou les frémissements de la peau, l’articulation des membres, au-delà de tout ce qui relève du souffle et de la respiration. La musique est une écriture du corps. »
Trois types d’écoute et une passion intime – Roland Barthes
Barthes recense trois types d’écoute : « le repérage d’indices sonores, le déchiffrage des signes auditifs et l’expérience intime ».
Car chez lui c’est bien l’expérience intime de la musique qui prime : « Il participe en son nom propre, jamais comme spécialiste ou musicologue. C’est davantage une passion intime qu’il partage avec les auditeurs ». (168)
→ et c’est ce que je veux et dois faire avec Muzibao, simplement partager une passion, en marge des professionnels de la musique même si je m’appuie aussi largement sur eux, leurs livres, leurs commentaires.
Pour lui, c’est une passion faite existence, lui qui écrit à l’âge de vingt ans : « Vanité de toute chose à côté de la musique. Je n’ai point pour elle seulement de l’amour ; c’est beaucoup plus ; c’est de la certitude, c’est de la foi. C’est comme si j’étais parvenu à la pensée d’un monde superposé au nôtre, un monde dont la base serait à la hauteur de nos oreilles. Pensée : incertain / Musique : vérité, certitude, réalité. » (172)
Rythme et lecture
Très belles et profondes remarques de Roland Barthes sur la question du rythme de la lecture : « Le plaisir du texte passe par la variation des rythmes, qui est autant une variation des sens qu’une vibration corporelle. Le rythme -de vie, de lecture, de découverte- n’est pas soumis à la régularité. Ni identique, ni répété, mais pluriel et éclaté, il évoque la disponibilité du sujet à passer d’une pulsation à l’autre, à épouser momentanément une syntaxe particulière. »
→ il faudrait observer, en lisant, sur quel rythme on lit, lent ou vif, les accélérations, les décélérations, l’élan ou l’essoufflement. Que fait le corps quand on lit, que ressent-il ? Se souvenir des premiers émois sensuels nés de la lecture aux tout débuts de l’adolescence. C’est peut-être aussi une connaissance et un respect de ces rythmes qui me poussent à mener plusieurs lectures en même temps, pour que ce qui me porte dans l’une ne s’enlise pas dans la routine. Je dois paradoxalement l’interrompre quand elle devient trop riche, que sa richesse me déborde. Laisser reposer. Ralentir le tempo. Arrêter le mouvement. Entrer dans une autre lecture qui va induire un autre mouvement, selon un autre métronome. Il y a une sorte de lecture surfante, rapide, qui glisse à la surface du texte mais qui n’en est pas pour autant superficielle et la lecture lente, voire ralentie, très serrée. Et toutes les variantes intermédiaires qui résultent aussi bien de la nature du texte, de son propre mouvement interne que de l’état du lecteur.
Une lecture fragmentaire
Lisant une autre remarque d’A. Wald-Lasowski à propos de Roland Barthes, je prends soudain conscience que je pratique au fond une lecture fragmentaire, épousant en cela le grand mouvement littéraire, poétique, voire musicale vers le fragment. Pas tant comme éclat isolé, mais plutôt comme microcosme, porteur d’un monde à chaque fois. Lire par fragments, en se donnant le temps de cette lecture-là, en se donnant le droit aussi d’une lecture incomplète, c’est accéder à la pluralité des mondes du livre, du présent, du temps. C’est peut-être aussi composer une sorte de contrepoint entre ce que l’on lit et ce que l’on vit. « L’esthétique littéraire, basée sur la syncope et la variation, conduit à une politique du fragmentaire et à une poétique de l’évitement : "Le langage encratique est statutairement un langage de répétition ; toutes les institutions officielles de langages sont des machines ressassantes : l’école, le sport, la publicité, l’œuvre de masse, la chanson redisent toujours la même structure, le même sens, souvent les mêmes mots." La société contemporaine du contrôle s’appuie sur la multiplication des rengaines et des répétitions. » (177)
→ certains sont condamnés par leur psychisme à la répétition sans fin, pour leur malheur. Mais nous nous soumettons trop à l’apprentissage de la répétition, semblables parfois à des souris de laboratoire dressées à appuyer toujours sur le même levier pour obtenir la même récompense. Faute de nourriture différente, approprié à chacun et donc pas à tous, nous laissons trop de temps de cerveau disponible pour toutes les manipulations.
Barthes : « dès qu’une chose va de soi, je la déserte ». Voilà peut-être une méthode assez simple pour échapper à la répétition ! Il s’agit pour lui de « retrouver le plaisir et la fraîcheur d’un état neuf de la langue, dans sa chair et dans sa matière. » (177)
Ce jeu des ritournelles
Toutes les pages de ce livre sont passionnantes et me font songer à la manière d’André Hirt, à partir d’un point nodal, jamais perdu de vue, d’ouvrir de multiples pistes, d’inventorier de multiples aspects, d’engendrer d’innombrables mais justes correspondances. Beaucoup d’ouvrages reposent sur une, voire deux ou trois idées, ressassées jusqu’à plus soif. Bien plus rares sont ceux qui savent se concentrer sur un seul sujet mais pour en faire un prisme, une source de diffractions passionnées (et donc passionnantes !). Il y faut une certaine liberté de pensée, les cadres institutionnels étant souvent réfractaires à ces pensées libres et audacieuses. Selon les livres, on entre dans un champ mort passé au glyphosate ou dans un pré foisonnant de vies secrètes, minuscules mais essentielles.
Dedans / Dehors – Bernard Noël
« L'illumination qui s'est produite l'année que vous dites, mais qui était sans doute latente, c'est que j'ai pris conscience du fait que l'espace est un, de l'unité de l'espace, et qu'il y a, en quelque sorte, identité entre l'intérieur et l'extérieur. Ce qui m'embête pour essayer d'expliquer cela, c’est que ce vocabulaire est assez pauvre : on a les mots dedans, dehors, intérieur, extérieur, s'intérioriser à l'extérieur quand on s'exprime, intérioriser l'extérieur, etc., ce que je trouve barbare par rapport à la grâce justement qui est derrière ces mots, mais je ne sais pas comment on peut l'expliquer autrement qu'avec ces mots-là. Comme est frappant le fait que dès qu'il y a expression, quand nous écrivons, quand nous peignons et aussi quand nous parlons, dès qu'il y a expression, il y a transfert de l'intimité vers l'extérieur, mais pas séparation, c'est cela qui est extraordinaire ! S'il y avait séparation, détachement, je ne sais pas comment on pourrait qualifier ça, alors qu'il y a en permanence communication entre le dedans et le dehors et transfert de l’un vers l’autre. D'ailleurs, je pense que c'est ce qui rend dangereux le monde dans lequel nous vivons parce que comme il n'y a pas de solution de continuité entre le visuel et le mental, le visuel peut occuper le mental. Et le visuel qui occupe le mental l’occupe au sens le plus violent du terme, le plus militaire du terme, de telle sorte que le lieu de la pensée est remplacé par le lieu de la représentation qui va manipuler la pensée. » (Bernard Noël, du jour au lendemain, p.287) »
→ Cette attention constante de Bernard Noël à tout ce qui peut manipuler l’esprit, lui imposer une vue, une idée, à son insu, le privant ainsi de sens : la sensure ? Le sens commun (qui n’est pas par hasard le nom d’un mouvement politique situé très à droite) en lieu et place du sens propre ?
Michel Arbatz
Conversation intéressante et dense avec Michel Arbatz, au Bal Blomet. Il est le concepteur de ce spectacle que j’avais bien aimé autour de Robert Desnos. Il me donne un de ses livres Hourrah l’oral et nous parlons de son expérience de diffusion de la poésie. Avec ses « Brigades d’intervention poétique », notamment, ses interventions dans des classes par très courtes séquences de cinq ou six minutes. De l’apprentissage par cœur : il a ainsi résolu le double problème posé par des cafés littéraires, non-respect du temps imposé et lecture par chacun de ses propres poèmes ! Ne peuvent participer que ceux qui disent par cœur des poèmes qui ne sont pas d’eux ! C’est tout simple, il suffisait d’y penser. Il réalise aussi de nombreuses émissions de radio, toutes disponibles sur son site. À explorer pour d’éventuelles « archives de la poésie ». Son travail sur les poètes, Desnos, Villon, Mandelstam, Akhmatova, est toujours très axé sur la biographie. Il fabrique aussi parfois ces émissions avec des élèves comme celle qu’il a réalisée avec des 3èmes autour de Victor Hugo ou Charles Cros ou des secondes autour de Ritsos. Il monte aussi des Marathons publics de mémoire poétique et me donne quelques « trucs » pour l’apprentissage par cœur sur lequel je peine tant et en fait je retrouverai le soir, en le feuilletant, une partie de ces recommandations dans son livre.
Une manière de lire – Roland Barthes
Aliocha Wald Lasowski évoque Roland Barthes en train de lire à voix haute une page de De Quincey : « Par sa lecture musicale, d’une délicate dissonance et d’une doute résonance, Barthes éclaire autrement De Quincey » et il ajoute un peu plus loin ces mots, qui résonnent quant à eux avec ma conversation avec Michel Arbatz : « [une] manière d’éclaire un texte par un mouvement rythmique de la lecture. » (p.184)
Michel Arbatz insiste quant à lui sur les éléments rythmiques qui aident considérablement à apprendre le texte par cœur.
L’écriture du deuil, Barthes, Boucourechliev
Je relève aussi ces mots, admirative ici encore de la manière de faire d’A. Wald-Lasowski, qui en quelques phrases lie trois univers au moins : « « Face aux stéréotypes rhétoriques du deuil, Barthes cherche un lieu, un texte de repli et de retrait. L'écriture offre une solution et permet de former des plis secrets à l'intérieur des mots. Une cachette qui se laisse parfois découvrir et révéler. Comme dans La Chambre claire, le livre consacré à la photographie, où le regard est soudain bouleversé par l'image de la mère dans le jardin d'hiver. Une image discrète et inattendue. Si Barthes se tourne peu à peu vers la fiction, il développe également la pratique minimaliste du fragment. Il compose son journal de deuil avec de moins en moins de mots et se livre à l'odyssée d'une écriture promise au silence. La méditation sur la mort devient une réflexion sur la perte des signes. L'écriture tend à devenir un rituel muet, une pratique du deuil prédestinée à la clandestinité. L'écriture de plus en plus fragmentaire est là pour dire l'impossible du dire. L'écriture est-elle alors vouée à s'éteindre et à disparaître ? Près d'un siècle plus tôt, bouleversé par la mort de son fils Anatole le 8 octobre 1879, Stéphane Mallarmé écrit, lui aussi, des fragments de plus en plus réduits. Phrases, notes, bribes de mots. Quelques vers. Juste un petit poème. En 1974, Pour un tombeau d'Anatole est mis en musique par Boucourechliev, le professeur de piano de Barthes, qui lui demande d'être l'un des récitants de cette œuvre électroacoustique qu'il réalise sur la base du texte de Mallarmé. »
Pourquoi tenir un journal ? Barthes
A. Wald-Lasowski liste quatre raisons trouvées par Barthes à la pratique du journal : « le motif poétique (la couleur de l’individualité d’une écriture) ; le motif historique (la mise en lumière du détail des mœurs, traces sociales d’une époque) ; le motif utopique (l’intimité d’un écrivain comme objet de désir et de fascination) et le motif amoureux (qui transforme le journal en atelier de belles phrases justes » ; quatre motifs dit A. Wald « porteurs d’une qualité expressive (individualité, race, séduction et langage ». (p.188)
® le Flotoir tient à certains égards du journal, même si beaucoup de choses l’en distinguent. Quelles seraient les raisons de son écriture ? Tactique (résister à l’engloutissement mémoriel), altruiste (offrir une possibilité de partage et de découverte), historique (faire trace, être témoin de certains faits culturels, poétiques ?
Toujours autour de cette question du journal, de sa raison d’être, voire de sa légitimité, cette belle citation de Roland Barthes autour de l’amateur : « je me mets dans la position de celui qui fait quelque chose, et non plus de celui qui parle sur quelque chose. Le monde ne vient plus à moi sous la forme d’un objet, mais sous celle d’une écriture, c’est-à-dire d’une pratique, je passe à un autre type de savoir (celui de l’Amateur). » (p.188)
Sur l’amateur – Barthes au piano
Je relève aussi cette citation, véritable cadeau pour l’amateur (que je suis à maints égards et pas seulement en musique) : « Barthes fait de sa non-maîtrise une force et une originalité. La gaucherie d’un praticien amateur le conduit à trouver le plaisir dans l’imaginaire fragmenté du flottement et de l’hésitation. La légèreté et la liberté, hors des conventions, priment avant tout et permettent à Barthes d’assumer pleinement son choix : pratiquer la musique loin des regards critiques, mais dans l’épanouissement d’une pulsation intime et personnelle. » (208)
Beaucoup plus loin dans le livre, je trouverai cette autre belle remarque sur le même thème : « seul l’amateur est capable d’entreprises fragmentaires, d’initiatives précaires, d’expérimentations tâtonnantes ». (p.345, au cœur de tout un passage dédié à Félix Guattari).
→ Oui il y a cette liberté de l’amateur qu’il a lui-même bien trop tendance à limiter pour se conformer aux canons, à l’usage, aux dires de ses professeurs, dans une impossible quête de perfection, d’imitation des grands musiciens dont toute la vie est dédiée à cet exercice. L’amateur est libre devant la partition, devant son instrument.
« la pensée, chose ardente », Auxeméry
« & la pensée va se faire chose ardente avant
de filtrer ses derniers feux – » (p.23)
Je viens d’ouvrir, juste après avoir lu la Stèle (Segalen) du jour, le livre Failles/Traces d’Auxeméry, récemment paru chez Flammarion. Comme un rapprochement naturel. Segalen, un des phares d’Auxeméry. Segalen vers qui il m’a conduite.
→ Grand sentiment de déréliction, de fin du monde, presque de décomposition dans ces premières pages. Mais entés là une force de la parole, un dénudement et une forme de dénuement de la parole, sans concessions, mais résonnante : « on est poitrine offerte à l’obscur, on tutoie déjà les ombres vraies » (24)
→ Le tutoiement des ombres indéniablement gagne du terrain au fur et à mesure de l’avancée de la vie. Bernard Noël parle lui de bouche d’ombre. Bouche à bouche vital avec les ombres et les ombres. Trop de lumière aveugle, trop d’oubli éteint. La vibration, nul ne sait ce qui à chaque instant l’enclenche. Elle se distend ou s’affole mais son destin est l’onde plate.
Lignes de faille, Auxeméry
Je continue de lire, tout doucement, deux ou trois poèmes chaque jour, pas plus, Failles d’Auxeméry. J’ouvre la section « Lignes de faille ». « Établir des relevés » : alternance de sortes de constats profondément désabusés, effondrement du monde, désastre, accents très sombres, presqu’apocalyptiques et de textes plus ouverts sur le rôle de chacun, sur l’écriture, jamais donnée pour telle de manière romantique comme tant le font [le sacré s’est déplacé des cloîtres et églises vers les idoles populaires et -beaucoup plus modestement- le surinvestissement des artistes, des intellectuels, des créateurs. Seuls démiurges ? L’homme ne peut pas se passer de dieu(x), monothéisme ou veaux d’or, une seule et même chose.
L’insouci de soi, Auxeméry
« & de là tenir pour véridiques
Cette impermanence, cet insouci de soi - » (A. 34)
L’attention, Auxeméry
Très beau poème « l’attention, le souci extrême, la vigilance portée » (36). Il reste bien une marge d’action, même très étroite, ou de présence assumée dans la déréliction du monde.
Et le merle ?, Auxeméry
Fort aussi et profondément émouvant, le poème du merle qui s’écrase contre la fenêtre et pour lequel on ne peut rien. (38). « Hier l’oiseau… », qui évoque de manière assez floue un texte terrible d’Hélène Cixous assistant à l’assassinat d’un oiseau par son chat adoré. Oiseau « pris au vol par la vitre invisible » et l’homme « ne pouvant rien offrir de secourable / à ce paquet de détresse ». Le merle qu’on laisse agoniser faute de savoir quoi faire (ni l’achever, comment ? – ni le soigner, comment ?), dilemme si profondément humain que certains doivent affronter au plus proche. De cette impuissance à porter secours, le poète verse à celle de la parole « l’impossible parole » suivie bientôt du mot lâcheté. Lâché en fin de poème, seul au bout de sa ligne.
Dietrich Fischer-Dieskau et Charles Panzéra
Retour vers le livre Le Jeu des ritournelles d’Aliocha Wald Lasowski, chapitre consacré à Roland Barthes. Barthes établit une grande distinction entre le célèbre ténor aux quatre cents enregistrements et Panzéra : « Barthes considère que Fischer-Dieskau chante trop avec les poumons, alors que Panzéra, lui, fait entendre la langue et la glotte. Panzéra semble accomplir vocalemnt, mieux que Fischer-Dieskau, ce que Barthes recherche dans la sonorité, une sorte de matérialité auditive. » (206)
Barthes a pris des cours de chant, il sait de quoi il en retourne techniquement. Il pratique aussi le piano, un peu tous les jours : « Il fait un peu de piano tous les jours, souvent vers quatorze heures trente. Il aime déchiffrer les partitions, à la manière d’un divertissement cérébral ».
→ Je donnerais cher pour avoir été une petite ombre silencieuse derrière la porte quand André Gide ou Roland Barthes jouaient du piano. Pour eux-mêmes. Barthes prend des cours avec André Boucourechliev, il parle de sa pratique comme d’un exercice musculaire, formel, auditif, compositionnel. »
André Boucourechliev
Ce musicien musicologue fut important pour moi. Il me fascinait. Je l’ai entendu dans de nombreuses émissions, je l’ai lu, j’ai acheté un disque de lui, un des rares disques de musique contemporaine acquis à l’époque de la constitution de ma culture musicale & de ma discothèque (les deux intimement liées). Archipel, je crois. J’ai lu Le Langage musical et Dire la musique. A. Wald-Lasowski écrit que « pour lui l’écoute est une expérience radicale de transformation : "écouter n’est pas subir, mais agir ; se confronter incessamment à cet autre univers ».
Musique et finitude
« Avec Barthes, la singularité de la parole musicale réside dans le souci du raffinement du périssable, du fragile et du contingent. L’univers sonore devient le signe de la finitude humaine et de la temporalité des êtres humains : "une certaine langue française va mourir : c’est ce que nous entendons dans le chant de Panzéra : c’est le périssable qui brille dans ce chant, d’une façon déchirante ; car tout l’art de dire la langue est là » (209)
Cette expérience encore, toute récente, d’écouter l’œuvre d’une musicienne contemporaine, Nuria Gimenez. De beaucoup aimer son langage musical mais de me rétracter totalement devant la diction de Lambert Wilson dans « Notre besoin de consolation ». La voix chantée, la voix au théâtre, pour moi toujours trop forte, déclamatoire, non naturelle, non humaine. Je crois que je penche du côté de Barthes, et que je suis à la recherche d’une matérialité de la voix qui dise la finitude, le périssable, qui soit fragile peut-être ?
L’importance du corps, Bernard Noël
« Je me suis rendu compte que ce qui faisait la valeur de la vie humaine était aussi ce qui en faisait la fragilité. Je veux dire que c’est parce que nous avons en nous une intériorité – que généralement on baptise "esprit", mot que je n’aime pas – que nous avons donc un esprit, que cet esprit peut être occupé par les média. Et il me semble que la conscience du corps, justement, à partir du moment où ce que nous avons de plus précieux et qui nous rend humain, est aussi ce qui est en nous le plus fragile puisque l’extérieur peut occuper cette part sous la forme de la circulation médiatique – c’est assez extraordinaire de penser que le flux des images peut remplacer en nous le lieu de la pensée – il me semble, en réfléchissant à ce phénomène, qu’à chaque fois qu’on prend conscience du fait que l’intériorité est physique, cette conscience fait barrière à cette occupation. » (p.303)
→ ce qui est profondément étonnant c’est que les enseignements de la méditation dite de pleine conscience ne disent pas autre chose ! Tout en allant encore plus loin, puisqu’ils invitent à observer l’intériorité avec un peu de recul, à connaître la nature des phénomènes qui l’occupent.
Bernard Noël encore, un peu plus loin dans ce passionnant livre compilant tous ses entretiens avec Alain Veinstein : « La culture c’est ce que rien n’épuise – c’est le contraire de ce que promeut la culture universitaire – c’est ce qui résiste à l’explication, ou plutôt ce qu’aucune explication n’épuise. » (305)
→ ce merveilleux sentiment de résistance qu’offre toujours, in fine, l’approche d’une œuvre, d’un texte, cette idée qu’on en a senti, exploré, vu, un tout petit pan, que des mondes entiers sont encore à trouver, dont certains, curieusement, ne pourront être découverts que plus tard, par des consciences différentes de la nôtre.
Écriture et oubli, Bernard Noël
Vers la fin du livre, peu avant que les entretiens cessent (en tous cas ceux de l’émission « du Jour au lendemain », brutalement supprimée), Bernard Noël revient encore sur un thème fondamental, le lien qu’il fait entre écriture et oubli : « pour moi l’oubli est devenu une donnée, au fond, capitale et elle l’est devenue de plus en plus (…) parce qu’il me semble que l’oubli est la véritable mémoire de l’écriture.(...) ce qui m’intéresse dans l’écriture (...) c’est ce qu’elle va me révéler à quoi je ne m’attends pas, c’est la part d’inconnu qu’elle va révéler. Donc je n’écrirai jamais à partir de la mémoire puisque la mémoire ne contient que du connu et du su, tandis que l’oubli… » (315)
Et un peu plus loin : « j’ai toujours eu le sentiment d’abord assez vague puis, de temps en temps plus précis, que tout ce qui avait été exprimé dans ma langue n’était pas perdu, existait quelque part, comme une espèce de grande déchetterie, au fond, où toutes les histoires, les rêves, les conversations, tout ça avait péri provisoirement mais pouvait être revisité. Il me semble que le propre du poème c’est d’aller de temps en temps plonger dans cette masse oubliée. (315)
Mots rares
Chez Auxeméry (Failles/traces), parfois un mot rare. Ainsi de ces herbes flaves (p.41). On aurait tendance à penser que cela signifie molles, avachies, mais non, voici l’explication : « Flave est un synonyme rare de jaune, souvent appliqué aux cheveux, pour lesquels il désigne un blond doré lumineux (Trésor de la langue française). C'est un terme de couleur emprunté au latin flavus (jaune). Il semble s'agir à l'origine d'un terme de jargon médical. »
Un autre mot rare, celui de formication : « mais grouillement, formication de chiffes » : Sensation analogue à celle produite par des fourmis sur la peau. Du latin formicatio, -onis, fourmillement.
→ toujours, relevant des mots de moi encore inconnus, cette pensée complice pour Jean-Pascal Dubost, ses carnets de mots, sa passion du vocabulaire, de tout le vocabulaire, notamment les mots anciens, régionaux, les noms de métiers, de choses disparus. Etc.
Comme une partition
Le texte d’Auxeméry fonctionne comme une partition : longueurs des poèmes toujours assez proches, une page, une page et demie, qu’on peut lire in extenso et dans lequel on peut circuler facilement. Beau poème « l’instant, la foudre » où il me semble relever des accents valéryens : « l’instant admirable /// où tu sais que tu n’as plus / à attendre mais à te consumer. » (42) – j’y entends un écho au vers du « Cimetière marin » : « je hume ici ma future fumée ».
Musique, précisément
En retournant, avec toujours le même plaisir, au livre d’Aliocha Wald-Lasowski, Le Jeu des ritournelles. Où il est encore question de l’amateur : « Barthes, lui, joue en amateur, pour son plaisir privé. Il recherche la sensualité de l’exercice et défend cet usage personnel de la pratique : "je joue tout le morceau mais pas au mouvement (...) Je sais déchiffrer mais je ne sais pas jouer. » (219).
→ Belle dernière formule, très porteuse. Oui le plaisir privé et aussi le travail exploratoire que permet le jeu, même chez l’amateur. Ouvrir une partition, déchiffrer, jouer très lentement, entendre les sonorités, les assonances et les dissonances. Tenter d’entrer ainsi dans la musique, avec les mains, avec les oreilles, tâtonnant souvent, mais un peu comme on trace un chemin dans un lieu inconnu. Déchiffrer pas si loin de défricher !
Tout cela avec ce décalage de celui qui ne fait pas de la musique sa profession. Barthes a ces mots superbes à propos de la musique de Schumann « Elle va bien plus loin que l’oreille ; elle va dans le corps, dans les muscles, par les coups de son rythme, et comme dans les viscères, par la volupté de son melos » (220)
Écrire sur la musique
« L'écriture de Barthes prend l'analyse musicale à revers. Il ne cherche ni à figer ni à fixer le discours, mais accompagne l'explosion et le rayonnement de la sonorité. La combinatoire entre l'intime – écrire l'on ressent – et la réflexion – écrire pour éclairer – conduit Barthes à abolir la distinction entre compositeur, interprète et auditeur. Écrire sur la musique, la littérature, le cinéma ou la photographie relève d'une expérience brûlante. Il s’agit de faire comprendre autant que de partager une sensation. Aborder la musique de Schumann passe par la syncope du discours, qui doit, avec les mots, faire ressenti les coups ressentis par le corps. Le texte de Barthes devient la caisse de résonance de vibrations musicales. Il s'agit de conjuguer la pensé du mélodique avec la perception du physique : fléchissements, apaisements et étirements, le corps musical devient un "somatème", le tissu interprétatif qui forme la signifiance musicale. Barthes révolutionne l'approche du langage musical dans la mesure où il se tient au plus près des variations de l'émotion humaine. Il privilégie de nouvelles catégories de pensée : l'âme, le sentiment et le cœur sont ici des organes sensibles et des matériaux vibratoires qui appréhendent les sens et les sensations du musical. »
→ Réflexions qui me paraissent fondamentales pour qui essaie, parfois, de parler de musique, qui réfléchit constamment à ce qu’elle est, apporte, permet d’expérimenter, de penser, de comprendre. Peut-être que cette approche est plus naturelle, plus facile à qui n’est pas du sérail. Qui n’a pas été formé dès l’origine au langage musical. À l’amateur en un mot, que revendique être Barthes, avec une magnifique et étonnante liberté pourtant de se saisir de ce sujet de la musique. Une belle leçon.
→ et que, fort de cette expérience brûlante, le texte que l’on ose devienne la caisse de résonance du langage musical, c’est tout le rêve d’une écriture sur la musique. Je songe ici à ce projet, non encore développé, d’un texte autour du Quatuor n°13 de Chostakovitch !
Je relève encore, parmi tant d’autres formules frappantes : « le corps en état de musique ». Et en vrac, quelques-uns des passages, innombrables, que j’ai soulignés : « le sujet tactile, sensible et corporel de "l’être en état de musique que je suis" », « le corps diverge, perpétuellement soumis au gré des intermèdes » ; « Le corps en musique est pluriel » ; « En musique et en littérature, le corps et la langue frictionnent ». (p.225)
→ toute l’importance du corps dans la perception de la musique : pas seulement un système auditif perfectionné qui capte et travaille une sensation sonore, mais une peau de tambour, des cellules toutes membranes ouvertes, des os résonnants, des muscles mis en mouvement, macro- ou micro-mouvements, circulation d’influx et de sang, d’ordre et de désordre, etc., bref « la phénoménologie des effets et effets et des affects », qui est un des aspects qui me passionnent aussi dans la réflexion sur la lecture.
Ouïe et œil
Je me demande s’il n’y a pas chez Bernard Noël une surestimation de l’œil au détriment de l’ouïe. Par exemple quand il écrit s’interrogeant sur l’origine de la parole : « Une chose paraît évidente quand on pense à ça, c’est qu’un organe du corps humain a toujours été actif dans le même sens et c’est l’œil : l’homme a toujours vu le monde. Et comment la vue s’est-elle transformée en parole ?
→ L’homme n’a-t-il pas commencé par écouter, ne commence-t-il pas pendant la gestation par écouter, bien avant de voir. L’homme des débuts écoutait les bruits des animaux, ceux de la nature, ses propres bruits aussi, bruits intérieurs, râles, soupirs, exclamations de toutes sortes, amour, agonie, etc. Et ces bruits ne les a -t-il pas modulés petit à petit, diversifiés, enrichis pour leur faire signifier des choses de plus en plus précises. Pas singulières (mystère de l’invention des mots génériques, une table, un arbre, un visage) mais précises.
Représentation et poème, Bernard Noël
Importante remarque de Bernard Noël, que je vais insérer aussi dans les « notes sur la création » de Poezibao. Il écrit : « le problème qui joue à la fois comme censure et comme appât, c’est la représentation. Dès qu’on écrit, dès qu’on utilise un mot, on est dans la représentation. Et la représentation se substitue évidemment à la chose nommée mais aussi à l’ensemble des choses au fur et à mesure que le texte avance. Et je me demande si c’est le cas avec la poésie. Il me semble que le poème…cette espèce de bourdonnement du vocabulaire qui est dans notre espace mental, il s’agit de lui… comment dire ?... il s’agit de faire pleuvoir des mots, en quelque sorte. Parce que l’écriture c’est à la fois un acte qui se poursuit, mais c’est aussi une position, et une position qui facilite la concentration. (...) Et cette concentration est un acte plus essentiel peut-être que de déposer le premier mot. Et quand le premier mot apparaît, il peut apparaître sans appeler une représentation et entraîner avec lui une espèce de chute verbale qui, je le crois volontiers, est poème. Ensuite cette chute qu’on a recueillie sur le papier peut se travailler, mais elle est donnée en quelque sorte, et elle est donnée sans ce souci de la représentation. Elle n’en est pas exempte, évidemment, dès qu’on la détaille, dès qu’on la travaille. Mais il me semble qu’elle en est peut-être indemne au départ. » (p.338)
→ je referme ce très beau livre, important, véritable guide aussi sans doute dans l’œuvre de Bernard Noël puisque ces entretiens ponctuent la parution de la plupart de ses livres. Les entretiens mettent aussi en lumière la cohérence de la pensée, sa modestie et son développement constant à partir d’intuitions qui semblent avoir été présentes dès le début, pour la plupart. À garder à portée de main, à lire et relire.
→ Revenir, parfois venir, à ses livres, sans doute dans l’après-CNL, voire dans l’après-Poezibao. Le flotoir durera peut-être jusqu’à la fin, des autres sites j’éteindrai un jour la lumière. Il n’y aura plus que la pénombre du flotoir.
Deleuze et la musique
Dans le livre d’A. Wald-Lasowski, je quitte Roland Barthes pour aller vers Gilles Deleuze, « l’un des rares intellectuels qui s’intéressent réellement à la musique » (p.235)
→ cela qu’il m’arrive souvent de déplorer pour les poètes, qui me semblent majoritairement tournés vers les arts plastiques. Vont défiler dans ces pages d’innombrables musiciens, à commencer par Boulez mais aussi très vite, Pascal Dusapin : « pour Dusapin, composer c’est constituer un réseau instrumental et vocal en dérivation et en divisions multiples. Il s’agit de déformer les couleurs auditives, d’entrelacer les intensités, de combiner les rythmes. » (237). Le livre évoque aussi une compositrice, fait suffisamment rare pour le relever, Pascale Criton, notamment pour sa pièce « La ritournelle et le galop » pour guitare microtonale qui fait surgir un foisonnement d’harmoniques.
→ dérivations et divisions multiples, ce réseau, j’y suis sensible précisément dans l’écriture d’Aliocha Wald-Lasowski qui me parait fortement formatée par son amour de la musique. Il sait non pas digresser mais varier, faire entrer à bon escient et au bon moment de nouveaux matériaux dans le tissu de sa réflexion et cela me renvoie aussi à la manière d’un André Hirt. Trop souvent les philosophes ou les essayistes développent jusqu’à plus soif deux ou trois idées, mais s’y tiennent mordicus et assez pauvrement,alors qu’un Wald-Lasowski, un Hirt ont le don de faire sans cesse bourgeonner leur propos, qui est de ce fait d’une densité spectaculaire. J’en veux pour preuve le fait que ce sont des livres dans lesquels mes soulignés foisonnent et fourmillent : une formication de relevés !
Indissociabilité du musical et du vital
L’auteur évoque le cours de Gilles Deleuze. Il écrit : « dans l’atmosphère passionnée des séances du mardi matin, Deleuze affirme l’indissociabilité du musical et du vital.
Je lis aussi : « Plutôt que de poursuivre la recherche de nouveaux concepts enfermés dans le cadre rigide de l'héritage de la pensée occidentale, Deleuze invente, grâce à la musique, des personnages-idées polymorphes et variables. L'intensité du nomade l'emporte sur l'abstraction figée. La puissance musicale permet une clandestinité, elle ouvre sur une vie infrapersonnelle, elle encourage un processus de désindividualisation, où le sujet, transformé par le son et le rythme, se mélange à d'autres flux (machines désirantes, contre-courants psychiques, flux chaotiques). L'intensité musicale traverse le corps et le désir. Grâce à elle, combinaisons et devenirs se substituent à l'unité de la personne en mode d'écoute. Activé par la rencontre avec la musique, l'individu se dépersonnalise, accueille tout ce qui fragmente et traverse le soi, dans un éclatement et un branchement de singularités. » (p.246)
→ toujours eu le sentiment que la pensée musicale pouvait féconder la pensée, que la musique pouvait féconder l’écriture, lui donner des outils, l’accompagner dans son développement : « En plaçant la musique au cœur de la philosophie, et non plus comme illustration ou simple ornement esthétique, Deleuze montre que le matériau sonore a une fonction précise. Il permet d rendre sensibles et présentes des forces, qui ne sont pas simplement audibles, qui ne relèvent pas simplement de l’écoute, mais qui sont des forces existentielles, déterminantes, vitales. Mis à nu par la musique : le temps, la durée ou l’intensité. » (247)
→ et ce n’est sans doute pas un hasard si Nietzsche était aussi musicien.
Comme de grandes stèles
Dans le livre d’Auxeméry, dans ses livres en général faudrait-il écrire sans doute, j’ai parfois le sentiment de tomber sur de grandes stèles, des stèles-épopées, comme un précipité d’un lieu sacré et mythique. Cette impression je la vis en lisant par exemple « cette table de pierre ». Le poème fait sentir le souffle de ces puissances quasi-chtoniennes qui dépassent de très loin et depuis toujours les minuscules individualités. Il y a là un vrai souffle. On y croise un « pèlerin perdu dans les inscriptions au dos des murs de pierre / percés de voûtes où des voix parlent la langue que tu n’as pas apprise ». (p.49)
→ opération permanente de déchiffrement de la surface du monde, et de la manière dont ce monde s’écrit. Pèlerin perdu mais poète apte à une des multiples formes de translation possibles.
→ il se trouve aussi que « table de pierre » est pour moi un souvenir d’enfance très précis qui n’a strictement rien à voir avec le contexte du poème auxemérien mais qui néanmoins, vient le vivifier de l’intérieur de la lecture. Belle évidence du travail de lecture, du travail du lecteur, tels que les souligne un Bernard Noël.
Chez Auxeméry, l’opération d’écriture, à cru et à vif, sur le nerf, dans le poème « cet embryon de mot » qui ahanant et quasi borborygmant va jusqu’à cette « chose enfin née du chaos, de la pâte, enfin lame & non plus fil compact & flasque d’humeurs lâches. » (51)
Ici il m’est arrivé de penser à Tarkos. Et pas seulement à cause de la pâte.
« Mort, il faudra… »
Encore un fort poème d’Auxeméry, « mort il faudra que tu aies rêvé ta vie… » avec l’évocation du grand engloutissement général : « noms, signes, signatures, pas, traces & chants de gorge / étranglés, garrottés, sanglés de songes inaboutis, d’échos / sans échos, de sons que nulle oreille n’entendra plus (55)
→ cela seul qui demeure parfois, un nom gravé sur une pierre, un nom qui aurait pu tout aussi bien être celui d’un autre. Et qui ne dit plus rien à personne, à peine quelques décennies après sa gravure.
Les poèmes d’Auxeméry confronte un matériau puissant, celui des mythes, des épopées, celui des grands esprits au dérisoire de la destinée humaine, non seulement individuelle mais aussi celle de toute notre culture contemporaine, promise au désastre à courte échéance.
La musique minimaliste
Balayant large (parfois un tout petit peu trop, c’est sensible à la fin du livre, j’y reviendrai), Aliocha Wald-Lasowski s’arrête un court instant sur la musique des Riley, Glass, Reich et il a ce raccourci amusant mais au fond très juste : « Ces trois musiciens utilisent les vitesses et les lenteurs dans une sorte de clapotement moléculaire, où la phrase musicale devient une diagonale qui échappent aux coordonnées horizontales (la mélodie) et verticales (l’harmonie) de la musique » (p.248)
→ On peut faire l’expérience de ces sortes de figures diagonales, qui ont fortement tendance à s’effondrer latéralement, à se désorganiser sitôt qu’apparues, en écoutant, les yeux fermés, une musique comme Drummings de Steve Reich. On peut aussi ouvrir les yeux et se laisser hypnotiser par les diagonales des baguettes des interprètes. !
Michaux, le piano aussi
J’ignorais que Michaux était musicien ! C’est une merveilleuse découverte pour moi et cela conforte mon idée d’une sorte de constellation intérieure autour des écrivains musiciens ! Sans que je le sache parfois. « Michaux de son côté, trouve dans la pratique solitaire de la musique les cadences d’une vie intérieure multiple. La nuit il se met au piano. L’amateur secret et réservé improvise, des heures entières, jusqu’au petit matin » écrit A. Wald-Lasowski qui ajoute que sa voisine, Thérèse de Saint Phalle, l’entend aussi composer sur un vieil appareil à ondes Martenot. Et quelle collection d’instruments : « Dans son appartement, le piano n’est jamais loin du tam-tam guinée offert par son ami Jean Paulhan. D’autres percussions africaines, ramenées de plusieurs voyages, sont disposées dans la pièce. A côté des tambours et des xylophones, on trouve des sanzas, instruments idiophones à pincement métallique et à vibration. Pianoter, pincer ou taper constituent pour Michaux les gestes d’une pratique artistique plus rythmique que mélodique, plus compulsive que maîtrisée, plus instinctive que calculée. »
Hélas, « compositeur autodidacte, il n’enregistre jamais ce qu’il improvise, il ne garde aucune trace de ses instants musicaux ».
→ il y aurait cette salle de concert (non pas virtuelle comme celle que vient d’ouvrir France Musique), mais intérieure, imaginaire. Une salle où jouent aussi bien Marta et György Kurtág sur leur petit piano droit (une image collée au-dessus de mon bureau) que Gide, Barthes ou Michaux improvisant. Solitaires.
La musique de Michaux
« Mystérieuse, secrète, la musique de Michaux se veut décharge jaillissante et libre résonance ». Comme ses dessins ! Il se veut loin des pesanteurs mélodiques, dans le refus de la technique : quelle leçon de liberté ! Et A. Wald-Lasowski ajoute cela qui fait immédiatement mouche pour moi : « l’espace de la musique devient aquatique » (p.260)
→ et je réalise que je n’ai pas encore assez réfléchi sur le rapport entre la musique et l’eau. Pas assez exploré leurs similitudes, même si la notion de flux est de plus en plus présente dans ma réflexion. Le flotoir est un flux, la lecture est un flux, la musique aussi, bien sûr, dont on ne peut remonter le cours. Puisqu’il est décidément trop tard pour devenir une spécialiste (l’ai-je jamais envisagé ?), il importe de se donner la plus grande liberté dans l’approche de la musique, dans son écoute. Entendre la leçon donnée ici par Henri Michaux qui, ce n’est pas un hasard, est un de mes écrivains clés.
Il y a bien sûr la notion d’onde, onde générée dans l’eau par un corps jeté, ondes de la musique dans l’air. Ce jeu, l’autre jour, avec un étrange petit gadget acheté en Allemagne. Un segment en caoutchouc d’un peu plus de 25 cm, qui peut s’étirer jusqu’à deux mètres, avec lequel on peut faire des nœuds, que l’on peut triturer dans la main (effet relaxant garanti). A un moment donné, je l’ai fait tourner en le tenant par les deux extrémités, puis je l’ai tendu, pour visualiser précisément la vibration, comme celle d’une corde sonore. Vibration, oscillation, onde. Ainsi va le monde sensible.
Alors avec qui Michaux fait-il de la musique ou plutôt en écoute-t-il. ? Eh bien il va au concert avec Roland Barthes, Francis Ponge, Louis-René Des Forêts, Michel Butor. Il se lie avec Varèse, Lutoslawski et surtout Scelsi. Et là aussi, choc pour moi, passionnée depuis des années par ce musicien si mystérieux, découvert un jour dans une émission de Jean-Michel Damian.
Conclusion : « Pour Michaux, la musique est un bastion sensible, sensuel, un réceptacle multisensoriel. Il entretient avec elle un rapport charnel, dans une fusion sensationnelle et hallucinatoire qui déchire tout à coup le tissu de l’existence, habitée par le grouillement du réel. » (p.262)
Tout cela bien typique de la méthode d’Aliocha Wald Lasowski : si le « jeu » est bien axé sur quatre personnalités, Freud, Gide, Barthes et Deleuze, il développe en réalité le rapport à la musique de bien d’autres, ceux des écrivains pour qui la musique est fondamentale. Et il se trouve, comme par hasard, que ces écrivains me sont importants, je pense ici notamment à Michaux et à Butor. Il manque d’ailleurs un index à ce livre foisonnant et si riche !
Petit cadeau de Noël pour le flotoir
… que cette citation qui peut lui servir de guide : « un monde qui, en s’écrivant lui-même, s’interprète et produit d’autres mondes, entraîne des multiplicités et des polyrythmies » (p. 267, citation relevée le 25 décembre 2017).
La musique et le chant
Cette belle remarque de Marc Dugardin : « Comme la mélodie de Dowland se donne à entendre à partir du chaos initial du Lachrimae de Britten. Comme si souvent, il me semble, dans la musique contemporaine, la musique ne s’autorise à chanter que brièvement, souvent à la fin, quand on a cru que le chaos allait s’imposer, définitivement. »
Sa ritournelle
Je finis l’année sur une note très forte puisque je crois reconnaître, dans les pages d’Aliocha Wald-Lasowski, ce que je cherche depuis des années. Qu’était ce chantonnement répétitif qui a bercé mon adolescence, chantonnement à la fois tragique et fondateur ? Il me semble que je peux lui appliquer ce beau nom de ritournelle. C’est ce que je déduis de toutes les pages, fortes encore, que l’auteur consacre, dans l’orbe de son interrogation sur le rapport de Deleuze avec la musique et quel rapport !, à Freud, Lacan et de manière plus générale à la psychanalyse.
Il est question de l’enfant qui a peur dans le noir et qui chante. « La ritournelle chantée rythme les pas ». C’est mon souvenir, le chantonnement incessant sur trois notes répétées et la déambulation sans fin dans le couloir. « Le fort-da ou le tra la la psalmodique » : c’était plutôt le tra la la psalmodique, une « musique traversée par cette tension schizophrénique, cette obsession de la répétition » (274)
→ et toujours chez Wald-Lasowski cet art, très musical, des transitions, [je l’expérimentai hier en écoutant Arcadi Volodos dans des pièces de Brahms], art d’introduire de nouveaux thèmes, plus ou moins développés : ici Lacan, Foucault, ou Humpty Dumpty. Je noterais cependant que sur la fin du livre cet art de la transition semble un peu moins maîtrisé et que j’aurai parfois la sensation que l’auteur essaie de caser toute sa remarquable documentation. Passages intéressants, mais moins liés aux thématiques centrales peut-être ? Ou tout simplement fatigue de la lectrice après la traversée de ces trois cent cinquante pages très denses, foisonnantes, ouvrant des dizaines de pistes de travail, de suggestions d’écoute.
Ah vous dirais-je maman
Et encore un beau cadeau de ce livre avec l’évocation, sensible, lumineuse de mon cher, si cher, très cher « Ah vous dirais-je maman ? ». La chanson que je chante souvent notamment à N.L.A., que je leur joue au piano et les sublimes variations de Mozart. Écrites alors même qu’il est dans une situation profondément douloureuse, en voyage à Paris, où sa mère vient de mourir. J’apprends que « Ah vous dirais-je maman » est une berceuse. Berceuse, Wiegenlied (chant du berceau), lullaby… Occasion là aussi de toute une belle variation sur la berceuse, Chopin, Schumann, Brahms (les trois intermezzi de 1892, op. 117 sont considérés par Brahms comme les « berceuses de sa souffrance »). « Dans l’histoire de la musique, la berceuse passe ainsi de main en main, tour à tour reprise et métamorphosée par Mozart, Liszt, Chopin, Schumann, Grieg, Brahms, Fauré, Debussy et Stravinsky.
Peut-être parce que « ni musique pour enfants ni enfance de la musique, l’art pour les oreilles préserve les émotions les plus fortes, vécues ou ressenties dans la jeunesse : découvertes de la vie, angoisses à surmonter, joies et peurs premières » ? (289)
→ l’évident lien entre musique (et amour de la musique) et enfance. Sans doute la raison d’être de l’émotion très particulière que suscite parfois la musique et que l’on ne peut identifier à des émotions du temps présent, de l’âge adulte. On sait qu’il s’agit d’autre chose à la fois très ancien et très présent.
Soleil et sommation
Chez Auxeméry : « sous un soleil comme une sommation » et de nouveau évocation du « Cimetière marin » de Paul Valéry et de toutes ses allusions au soleil de midi : « Midi le juste », « torches du solstice », « Midi là-haut, Midi sans mouvement », etc. « Le Cimetière marin » est aussi le poème du zénith, implacable, et qui blanchit tout paysage et toute conscience.
→ double référence au « Cimetière marin » dans ce poème d’Auxeméry, « tout ce venin… », les figures du soleil et celle du nageur. Les deux poètes, nageurs.
Merveilleux Jean-Paul Klée
Comment mieux commencer l’année poétique qu’avec cette klé-là. Il m’a fait l’immense joie de me confier quelques « carnets » pour un feuilleton de Poezibao que j’aimerais tant voir se continuer infiniment.
« Donc j’accümüle dans ce carnet en forme de foutoir ou de grenier, plein de brik & de brok et de brak : mille & üne türkeries un peu bizarres ou dépareillées, dont l’ordre n’a (pour une fois) aucune espèce d’importance. Bien au contraire, le désordre D’ISSI donne plus de charme encor à l’imprévü de la découverte. C’est Montaigne déjà ki le premier prit grand goût & plaisir à ces prime-sauts de la pensé : à cette écriture qui chez lui enchante l’esprit, comme d’un entrelacs de liserons blancs ki (sans jamais la satürer) garnissent le plus finement DU MONDE le vieux grillage rouillé de notre quotidien ! — Les patates ont commencé à frémir : faut une cuisson d’au moins une demi-heure. La nuit descend. Pas d’étourneaux dans la cime des peupliers, dont les ramüres décharnées semblent bouger (mais ça n’est k’illüsion dûe au crépüscüle ou à la nuée grosse ki derrière l’arbre vient) : ainsi à l’Opéra deux toiles décorées parfois l’une dans l’autre vont.
& cet artisanat délicieux de la mauve saison n’est-il tourné k’à me chantourner k’à me billevizer k’à me chanter-kreux k’à me ciseler l’âme ou le coeur k’à m’infiltrer de moi à moi sans guère évolüer ni m’améliorer NI SORTIR (vraiment) DE TOUT CELA ki depuis si longues années m’agglütineska (m’englüa) & m’absorba (me) saupoudra (me) süblima (ou) glorifia (ou) imbrika dans je ne sée plus kel LABYRINTHE si tendrement FLEURI !...
Or ces petits bateaux (moulinets posés sur la rivière TEMPUS) ou ces cerfs-volants bleuâtres si finement lancés par l’Iroquois dont la rüse s’est cachée sous les roseaux, oui, petits chevaux-légers, dragons miniatures & drôles de braconniers, … nombreux sont-ils ces PETITS OBJETS que depuis 60 années ma bonne main mit au monde !... Quelques-uns sont imprimés noir sür blanc. La plupart encor gisent là en l’état de manüscrits (à la merci de n’importe koi ou ki k’un jour üne nuit par issi passerait ?) [17h34] »
Jankélevitch au piano
Je poursuis en ce début de 2018 ma lecture, presqu’achevée, du remarquable livre d’Aliocha Wald-Lasowski, Le jeu des ritournelles. Et voici Jankélévitch bien sûr qui « pianiste et philosophe, fait de l’écho un de ses thèmes favoris », lui dont je reprends si volontiers le conseil « le besoin d’écrire sur la musique est une envie qui n’a pas besoin de se justifier. » Lui aussi, A. Wald-Lasowski l’évoque au piano, un occupant de plus pour ma salle de concerts aussi intime qu’imaginaire : « Voyez-le jouer. Sous ses doigts, les solos de piano deviennent des instants de recueillement où l’émotion se concentre, esquissant la vie intérieure du tempo, explorant la subtile dynamique des dissonances, qui entretiennent la nostalgie de l’accord parfait. » (292). Je n’ai malheureusement trouvé en ligne qu’une photo de Jankélévitch au piano et pas de vidéo.
Autre citation de Jankélévitch : « la musique parle à l’homme moderne de son destin ambigu dans une langue si tendre, si fraternelle et si profonde que chacun se sent par elle personnellement concerné ».
→ c’est cela aussi que je ressens parfois en écoutant de la musique contemporaine. Voilà une pratique encore plus confidentielle, encore plus limitée que celle de la lecture de poésie. Et pourtant, quelle richesse dans ce monde de la musique contemporaine et quelle variété, aussi, qui fait que chacun peut sans doute y trouver des œuvres faites pour lui. Des œuvres qui le concernent personnellement, tel qu’il est aujourd’hui, avec son destin ambigu, dans ce monde-là qui est le nôtre, des œuvres qui lui parleront de manière tendre et fraternelle, intime comme si elles le connaissaient ! Par moments, dans le chaos du monde, seuls deux accès à la musique me sont ouverts : Bach ou bien la musique contemporaine.
Une expérience musicale
J’écoute un remarquable disque d’Arcadi Volodos consacré à ces pièces si belles de Brahms, les opus 76, 117 et 118. Impressions de gouttes sonores tombant doucement dans le jour d’hiver finissant, de voix en dialogue.
Itération
En mathématiques, une itération désigne l'action de répéter un processus. Le calcul itératif permet l'application à des équations récursives. Le terme itération est issu du verbe latin iterare qui signifie « cheminer » ou de iter « chemin ». Le processus d'itération est employé fréquemment en algorithmique.
C’est l’action de renouveler, de répéter et en psychologie, répétition inutile de mouvements ou de paroles, effectuée en série et sans intervalle.
Pour Jankélévitch « répéter engage un processus, une progression musicale, qui rend la forme sensible. » (293)
Musique et attente
« Décrivant la musique comme un état d’attente, toujours à l’affût et aux aguets, prêt à devenir une sorte de transport ou de transe, d’un monde à l’autre, Deleuze pense l’art comme puissance vitale, une puissance qui déborde toutes les dimensions (visuelles, sonores, auditives), les traverse, les déplace, pour les réinvestir autrement. » (321)
→ Je prends conscience du fait qu’il m’est difficile de rester dans l’instant de la musique, qu’en elle en effet il y a toujours attente et pas uniquement musicale. Si j’entends une musique nouvelle qui m’attire, voire qui m’enchante, toujours ce vieux réflexe des temps de pénurie : comment me la procurer, comment la réentendre, où la trouver ?
Je repense aussi à la merveilleuse anecdote concernant Bach. Ne pouvant s’endormir, il demande à un de ses fils de lui jouer quelque musique. Celui-ci, au bout d’un moment pense son père endormi et se lève du clavecin. Fureur du père, car il a laissé la musique en suspens et n’en a pas donné la si bien nommée résolution.
Un des paradoxes de l’édition
Très juste remarque de Pierre Drogi dans une note qu’il me donne pour Poezibao à propos de l’édition de la poésie complète de Mina Loy : « C’est un des paradoxes de l’édition que de créer ou de déterminer la façon dont le lecteur aborde sa lecture. D’une certaine façon, sans modifier la lettre des textes ni même leur ordre, cette édition les réinvente, leur donne peut-être enfin leur juste place. Fait apparaître de façon éclatante leur cohérence. »
Le Ritournelles de Félix Guattari
Belles pages encore dans le livre d’Aliocha W.L sur Guattari. Elles réveillent le souvenir du portrait de lui dressé au fil des pages des livres de Marie Depussé.
Je cherche à me procurer Ritournelles, livre de Guattari, mais il semble introuvable. J’interroge Maël Guesdon qui a écrit une thèse sur le concept de ritournelle chez Deleuze et Guattari. A suivre donc.
Rédigé par Florence Trocmé le 03 janvier 2018 à 17h01 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent