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Rédigé par Florence Trocmé le 09 décembre 2018 à 11h16 dans photomontages | Lien permanent
Cette parution du Flotoir du 9 décembre 2018 est aussi proposée au format PDF, plus facile à imprimer et à enregistrer et à ouvrir d'un simple clic sur ce lien.
Alexander Kluge et l’inquiétance
Libération publie un grand entretien avec Alexander Kluge. Dans la présentation de l’auteur je lis : « Il raccorde des éléments réels, comble les manques par la fiction, découpe, monte. Et construit ainsi depuis les années 60 une œuvre dans laquelle films, livres, magazines télévisés se renvoient des éclats lumineux. (...) Son itinéraire est imposant. Né en 1932 à Halberstadt, une ville de la future Allemagne de l'Est, il a connu les bombardements incendiaires de sa ville en 1945 et a gardé de cette expérience une grande empathie pour les victimes des guerres d'aujourd'hui. Proche du philosophe Theodor W. Adorno, il occupe d'abord, après ses études de droit, la fonction de conseiller de l'École de Francfort. Puis il se tourne vers la caméra. Assistant de Fritz Lang, il devient ensuite une tête de file du Nouveau Cinéma allemand, avec Schlöndorff, Fassbinder, tout en écrivant. Chronique des sentiments, ce vaste édifice textuel, reprend des écrits anciens, les mêle à des plus récents, voire tout nouveaux, à cheval sur l'histoire, l'actualité, la science, l'autobiographie, la sociologie, la philosophie... Un work in progress, puisque la version française, dont l'édition a été dirigée par Vincent Pauval, a été recréée à partir de la version allemande. On s'embarque alors pour une lecture au long cours et on finit par comprendre que oui, beaucoup d'éléments sont réels, d'autres non, et que la grande force narrative d'Alexander Kluge emporte tout. »
→ on finit par comprendre, la remarque est juste car il y a un processus d’apprentissage de ce texte ; il faut se laisser porter dans un premier temps ou mieux se faire drone le survolant pour découvrir les reliefs, les vallées, les points d’eau, bref les articulations de cette collection de faits, de récits dressés là devant le lecteur, sans explication.
Je suis sensible aussi à cette autre remarque : « Je suis l'avocat de la treizième fée, nous dit Kluge, énigmatique, en racontant la Belle au bois donnant, des frères Grimm, dont il se sent proche pour leur façon de collecter les histoires de l'imaginaire populaire allemand. » D’autant plus sensible que je me penche en ce moment sur la question du récit, du conte, construisant une nouvelle version d’une histoire peu connue de Jules Verne et réanimant d’anciens textes écrits « pour les enfants » et qui dorment dans les recoins de mon ordinateur.
L’inquiétance encore
Dans l’entretien avec Frédérique Fanchette, Alexander Kluge précise le choix de ce terme d’inquiétance : « C'est la traduction française d’Un-heimlichkeit en allemand, qui veut dire à la fois l'absence de tranquillité et l'inquiétude (...) Par exemple, face à mon ordinateur, à l'afflux d'informations, je suis inquiet, pas tranquille, parce que si j'ai besoin de plus d'une minute et demie pour absorber une information, j'en rate tellement d'autres que je vais zapper la plupart des choses. On est dans ce que je pourrais appeler « l'avarice de l'âme ».
→ Cette avarice de l’âme et de l’esprit que je redoute tout en sachant qu’à cette crainte-là je dois opposer celle d’une boulimie sans limites. Or je n’ai qu’une capacité limitée d’absorption de connaissances, mais surtout à mon sens un champ attribué. Je suis obligée de me concentrer sur certains livres, sur certains thèmes, laissant bien sûr une large part à l’intuition, au travail en réseau (je vais vers telle œuvre parce que telle autre en est proche, la cite).
Gérard Macé et le colportage
Parait chez Gallimard une édition revue et augmentée de Colportage de Gérard Macé. Lequel, dans le prière d’insérer évoque la figure du colporteur qui « apportait autrefois, de village en village, des livres et des colifichets, de la mercerie, des calendriers, des images pieuses, des remèdes de bonne femme et des plans sur la comète. Il jouait le rôle du libraire ambulant, qui faisait circuler les nouvelles et prodiguait des conseils. Je reprends à mon compte cette figure de vagabond qui sait lire, de Juif errant incrédule, qui a vu le monde et même voyagé dans le temps. ».
→ Intérêt de longue date pour cette figure du colporteur que je compte explorer dans mon travail en cours.
Dégrammaticaliser (Laurent Albarracin, Boris Wolowiec)
D’un bel article de Laurent Albarracin sur Avec l’enfant de Boris Wolowiec pour la revue Catastrophes, je prélève cela : « On soulignera ici cet usage surprenant et fréquent chez Wolowiec qui consiste à dégrammaticaliser les mots-outils et à les resémantiser : "L’enfant sait que ainsi parle" (p. 34). L’"ainsi", le "comme si" ne sont pas uniquement des chevilles langagières, ils ont un contenu vivant, une réalité sensible, ils sont une souplesse habitée. »
Paréidolie
Et sur ce thème dont nous débattons parfois, Laurent et moi, la paréidolie (c’est lui qui m’a appris ce mot) ce beau passage : « Voir l’ouvert pour l’enfant c’est par exemple superposer deux visions non distinctes l’une de l’autre. Lorsque l’enfant voit, il paréidolise, il projette et fait s’hybrider plusieurs réalités imaginées à la place d’une autre. Lorsqu’il voit, il "sait" des rapports nouveaux entre les choses : "L’enfant sait que les prises de courant ont des yeux dans les narines." (p.239). Ici un groin et des yeux se substituent en même temps à la prise de courant. Ainsi la paréidolie n’est-elle pas seulement la reconnaissance d’une figure dans une forme donnée, mais bien souvent la coprésence inclusive, fusionnante de plusieurs figures en une. »
→ j’en déduis, non sans une secrète joie, que doit avoir gardé quelque chose de l’enfant puisque je vois tant de visages partout. Mais il faut ici que je me souvienne des toiles de Pierre Wemaëre et des photos de mon père. « Dans toute forme il y a une bouche de hasard qui parle et déverrouille les impossibilités catégoriques. » dit encore Laurent Albarracin.
Pierre Wemaëre
Ce peintre, apparenté au groupe Cobra, fut un grand ami de mes parents. Je l’ai donc connu alors que j’étais enfant, j’ai vu ses toiles très jeune, il m’a ouvert à l’art abstrait. Je me souviens d’une ou deux séances de découverte de tableaux récents où il me demandait de trouver des titres. Donc j’avais déjà cette faculté de voir ou d’imaginer toutes sortes de choses sur une image apparemment abstraite. Visages bien sûr, la plupart du temps. En photo aussi je les recherche, notamment sur les cailloux (les cailloux-têtes). Et j’ai aussi poursuivi cela longuement dans les photos de mon père, Louis Paul-Dauphin, notamment dans ce livre que nous avons fait ensemble en 1989, Empreintes de la couleur. Ses photos, mes textes. À partir de ses photos, inventer une sorte de genèse de la couleur. J’ai donc paréidolisé depuis l’enfance sans le savoir !
Elisabeth de Fontenay & Gaspard de la nuit
Très bel article dans Le Monde. Qui m’a donné envie d’écouter une émission des Chemins de la philosophie où Adèle van Reeth interroge Elisabeth de Fontenay. Il y a été bien sûr question de son dernier livre, Gaspard de la nuit, titre magnifique, ravélien bien sûr et au-delà renvoyant à la littérature de la fin du XIXème siècle, choisi pour évoquer son frère handicapé. Non pas autiste, mais enfermé en lui-même depuis toujours. Sujet et objet d’une constante interrogation pour elle, la philosophe. Elle dit par exemple qu’il est complètement coupé du principe de causalité, ce qui va très loin et donne vertigineusement à réfléchir sur notre propre fonctionnement et sur la dictature de la causalité dans nos vies. Causalité subie ou causalité provoquée. Elle parle de sa tentative récurrente et désespérée de « ramener le fils de sa mère à la communauté humaine ». J’ai acheté ce livre et j’ai commencé à le lire. De son propre livre, elle dit : « Si ce déroulement passe abruptement de récits en réflexions, et de séquences courtes en séquences longues, s’il ignore souvent la coordination des chapitres, c’est que la discipline d’un enchaînement syntaxique n’aurait convenu ni aux lacunes de ma mémoire, ni à ce qui caractérise la déficience de Gaspard : l’ignorance radicale de la causalité et du temps. Je me suis donc résignée à associer des pensées de façon tantôt délibérée, tantôt involontaire, selon des rapports de contiguïté, de ressemblance et de contraste, cette manière de procéder convenant à mon ressassement. »
→ magnifique approche qui montre une fois de plus comment la forme est (devrait être) inventée en fonction de ce qu’il y aurait à dire. Elisabeth de Fontenay a su comprendre qu’un récit structuré, linéaire, dialectique, un récit de philosophe n’aurait pu convenir à cette matière tellement intime, étrange, déboussolante, conflictuelle qu’elle voulait approcher : la vie de son frère, la question de sa radicale différence. Elle ne craint pas de dire dans l’entretien avec Adèle van Reeth qu’il y a sans doute un rapport entre ses travaux philosophiques sur les animaux et ce nouveau livre. Dans les deux cas, cette radicale différence mais aussi cette ressemblance que nous ne pouvons éluder.
Je ne serais pas arrivée là
« Je ne serais pas arrivée là, si » ... Cette interrogation est le fil conducteur d’une chronique régulière du Monde. Celle du 21 octobre 2018 était consacrée précisément à Elisabeth de Fontenay qui d’emblée répond qu’elle ne serait pas arrivée là : « Si ma mère n’avait pas été juive, si ma famille maternelle n’avait pas été exterminée à Auschwitz et si le secret dont tout cela a été entouré ne m’avait à la fois détruite et construite. C’est la première chose. La deuxième : si cette longue catastrophe silencieuse qu’est mon frère Gaspard, handicapé mental, enfermé en lui-même et coupé du réel, n’avait influencé toute ma vie, y compris mes décisions philosophiques et politiques. En cela, je dis qu’il fut une sorte de maître intérieur. Enfin, si je n’avais pas eu le bonheur de rencontrer Jankélévitch et d’être son assistante à la Sorbonne. Juif russe comme ma mère, résistant comme mon père, il fut en quelque sorte la conciliation entre les deux, conciliation si difficile pour moi… »
Et concernant son frère elle écrit aussi : « Il a fait de moi une femme de gauche. Il m’a fait détester tout ce qui est de l’ordre de la compétition, de la rivalité, de la performance, j’ajouterais même des grandes écoles, moi qui aurais pourtant rêvé d’être normalienne. Entendre des parents se vanter de ce que leur enfant est le meilleur en classe m’est odieux. Mon orientation politique vient donc de lui. Un rejet du libéralisme et la volonté d’un État protecteur pour les plus faibles, pour ceux qui boitent et peuvent tomber sur le bas-côté de la route. Je ne peux pas dire que ce fut mon maître spirituel ou mon ange gardien, mais il a veillé sur mon parcours, m’a empêchée d’écrire des bêtises, de m’égarer dans une croyance en la toute-puissance des idées et m’a protégée de tout excès politique. Sans doute est-il aussi à l’origine de mon intérêt et de mon combat pour les animaux, leur vulnérabilité et leur sensibilité. Je comprends aujourd’hui que c’est à son mystère que je dois d’avoir réfléchi plus avant. Il est à la source, avec mon origine juive, de mon choix de la philosophie. »
Et enfin quand Annick Cojean lui demande pourquoi ce besoin, maintenant, d’écrire sur son frère, Elisabeth de Fontenay répond : « Avant, ce n’était pas possible. Maintenant, il le fallait. Il a atrocement et subitement vieilli, cela m’a frappée très récemment. Et j’en ai une peine infinie. Nous atteignons tous deux le grand âge. Alors, par l’écriture, j’ai voulu sceller nos histoires. Pour le sauver. Pour nous sauver. Sauver notre minuscule fratrie qui disparaîtra sans descendance. Je ne pouvais pas laisser se terminer nos deux vies sans essayer d’en simuler l’achèvement. Faire en sorte que notre nom et nos deux prénoms imprimés dans un livre survivent dans le clair-obscur de bibliothèques. Cela vaut mieux qu’une tombe.
Le Narr
Et revoici curieusement Ernst Bloch déjà évoqué dans ce Flotoir (à propos d’une différence entre le conte d’une part, les légendes et les mythes d’autre part). Elisabeth de Fontenay écrit : « Je me suis inlassablement demandé ce que voulait dire Ernst Bloch, philosophe humaniste et progressiste, quand il écrivait : "L’homme découvrira clairement que ce n’est pas avec sa tête qu’il peut faire irruption dans le ciel mais qu’il lui faut devenir de la façon la plus sérieuse un Narr, un idiot intérieur", Narr pouvant signifier imbécile, idiot, mais aussi fou. »
→ redevenir un idiot (André Hirt parlant de Glenn Gould), quelqu’un qui a une approche singulière du vécu commun, balisé, formaté ?
Walter Benjamin et le récit
Walter Benjamin dont je lis ces mots : « Tous les grands conteurs ont en commun l’aisance avec laquelle ils montent et descendent les échelons de leur expérience, comme ceux d’une échelle. » (« Le Conteur », in Walter Benjamin, Œuvres III, folio, p. 140) Et cela encore sur le conte : « Le conte, qui, aujourd’hui encore, reste le premier conseiller de l’enfance, parce qu’il fut jadis le premier conseiller de l’humanité, se perpétue secrètement dans l’art du récit » (mais il faut dire ici que Benjamin a pris bien soin d’isoler le roman dans sa réflexion, je ne reprends pas ici son argumentation). « Le premier véritable récit est et demeure le conte. Quand on ne savait plus vers qui se tourner, le conte portait conseil, et quand la détresse était à son comble il offrait le secours le plus prompt » et brodant sans doute sur la remarque de Bloch, il développe : « cette détresse était celle du mythe. Le conte nous renseigne sur les premières mesures prise par l’humanité pour dissiper le cauchemar que le mythe faisait peser sur elle. » Et cela magnifique qui ne peut que me faire penser à mon petit personnage Benjamin (héros d’un conte inachevé) : « Dans le personnage qui partit pour apprendre la peur, il nous montre que les choses qui nous effrayent peuvent livrer leur secret. » (p.140)
→ il me semble que l’on peut aussi remplacer ici le mot mythe par celui plus général d’inconscient et que l’on en revient alors aux thèses de Bruno Bettelheim sur le côté structurant, pour l’enfant, de la lecture du conte.
→ et cette question, douloureuse et cruciale : la perte de la lecture n’est-elle pas un peu comparable à la perte de la biodiversité ? Qu’est ce qui peut, mieux que les livres, ouvrir la conscience individuelle à l’idée de l’infini des possibilités du monde, mieux que le livre (dont on ne dira jamais assez qu’il laisse le lecteur, dans la plupart des cas, libre) ouvrir à cette diversité des approches du monde que les Nazis ont combattue. Comme le démontrait cette exposition vue à Berlin en 2013 intitulée Zerstörte Vielfalt, la diversité détruite. La diversité, la pluralité des inventions, des histoires, des opinions font peur aux dictateurs, aux régimes hégémoniques, de tous les temps et de tous les pays. Mise à l’index, censure, la diversité détruite. Or lire, quand on le peut librement et libre de ses choix, ouvre à la diversité, apprend cette pluralité de l’être au monde, des regards sur le monde. Sans doute plus que toute autre pratique. Il serait intéressant de faire des études pour savoir si les lecteurs sont moins sensibles que les autres aux manipulations, aux fausses nouvelles, aux rumeurs, aux thèses dogmatiques.
Jules Verne
J’aime lire dans l’avant-propos de la grande biographie de Jules Verne par Jean-Paul Dekiss qu’il fut reconnu par Apollinaire, Raymond Roussel, Julien Gracq, Roland Barthes, Jean-Marie le Clézio, Paul Claudel, François Mauriac, ces deux derniers ayant trouvé en lui un « visionnaire, non pas de techniques nouvelles, mais d’une situation nouvelle des profondeurs humaines dans une civilisation qui change de base. Il existe une poésie de Jules Verne singulière et durable qui semble prolonger les affrontements de la raison et de l’imaginaire. » (Jean-Paul Dekiss, Jules Verne l’enchanteur, éditions du Félin, 1999, p. 8). Autre aspect intéressant, l’alliance que Jules Verne aurait en quelque sorte faite avec deux républicains militants de l’éducation laïque, Pierre-Jules Hetzel son éditeur et Jean Macé son conseiller pédagogique. Dekiss ajoute que Jules Verne, au même titre que les frères Arago, Jules Michelet ou Élisée Reclus va devenir un héritier des Encyclopédistes. Alléchante entrée en matière pour cette grosse biographie
Anagramme
Sur l’anagramme, je note dans la biographie de Jean-Paul Dekiss, p. 105, que Jules Verne l’a pratiquée notamment pour le nom de Michel Ardan (De la Terre à la Lune), qui est une anagramme de Nadar
Les ruines de ma lecture
Cela que je relève dans un beau texte de Gérard Cartier, à propos de Franck Venaille, dans la revue En attendant Nadeau : « Je ne rouvre pas le livre. Je consigne, selon la formule d’Olivier Rolin, les ruines de ma lecture. »
Il faut savoir faire confiance à sa lecture, oser se promener dans les ruines de cette lecture, qui sont la réalité de cette lecture. Pas forcément vérifier, compléter, se confronter au texte « original ». C’est vrai aussi quand on écrit à partir d’un texte. Trop proche du texte, sa propre écriture se perd.
Idiss et Robert Badinter
Je viens de lire le beau livre de Robert Badinter, Idiss, livre consacré à la figure de sa grand-mère. Je savais qu’il avait été invité à la Grande Librairie sur la 5, et j’ai pu retrouver l’émission, disponible en replay. Profonde émotion. Ce visage si beau, si expressif, sur lequel on lit tant de choses de l’histoire personnelle mais aussi collective. Cette sobriété mais qui ne refrène pas l’émotion, puisqu’à deux ou trois reprises, il est au bord des larmes. Beau jeu d’échos entre le livre que j’ai terminé hier soir et cet entretien. Et de nouveau, autour de moi, ce peuple juif, les familles de mes amis, que ce soit amis dans la vie ou rencontres par les livres, je pense ici bien sûr à Robert Badinter mais aussi à Elisabeth de Fontenay. Cette question pour moi centrale et lancinante de la persécution séculaire des Juifs. La profonde empathie que cela suscite en moi mais aussi l’interrogation récurrente sur ce qu’elle montre et signifie de l’espèce humaine. Pourquoi l’homme fait-il souffrir son semblable, dans des proportions terrifiantes, partout, dans le monde ? Pourquoi la haine de l’autre ? Qui joue avec ce feu et pourquoi ? Pourquoi le racisme, la xénophobie, la peur de l’autre, l’exclusion ?
L’image du jour
Un tout jeune homme croisé dans la rue Vieille-du-temple par un samedi de novembre et de pluie, un tout jeune homme avec une boîte à violoncelle rouge sur le dos. Celui-là même que j’avais entendu la veille au soir en concert et dont j’avais remarqué la magnifique boîte rouge. Très en accord avec la fougue et l’ardeur du jeune quatuor Elmire dont il fait partie.
Son du jour
L’égouttement de la pluie entre les feuilles d’arbres, celles qui restent encore accrochées aux branches et dont cette pluie pourrait bien signer l’arrêt de mort.
Portraits de lecteur
Cette question, soudain ? Puis-je, pourquoi ne le pourrais-je pas, inventer des portraits de lecteurs ou rêver tel ou telle lisant ? Ce matin, je parcourais une grande étude de Demos et l’article citait CS Lewis : « Nous lisons pour savoir que nous ne sommes pas seuls ».
« On ne dira jamais assez à quel point la lecture est un onguent pour toute âme en peine. Vraiment. Littéralement. Une nouvelle publication émanant de la Reading Agency, organisme britannique de promotion du livre, le pointe à travers plusieurs axes. La lecture soulage les douleurs mentales, diminue la solitude et plus encore, entretient un lien sociétal essentiel. »
Et voilà que cet article, illustré par une étonnante photo de Niels Kliim me donne aussi l’idée de textes à partir de tableaux, de photos (autres que les miennes), de sculptures mettant en scène des lecteurs.
Lecture et solitude
Ce paradoxe de la lecture : un acte profondément solitaire, le lecteur est cet Injoignable dont parle Siegfried Plümper-Hüttenbrink et en même temps le livre peut être le plus puissant instrument pour sortir de sa solitude ontologique. D’autres sont là, qui ont vécu cela, traversé ces expériences, pensé ces pensées, éprouvé ces émotions, travaillé leur transmutation en texte. À condition qu’ils ne soient pas interdits (tant d’histoires de livres interdits !), la lecture de ces livres est toujours à portée. Elle ne demande rien d’autre qu’une paire d’yeux à peu près fonctionnelle. Pour le lecteur à yeux, pas besoin de medium comme c’est le cas pour le cinéma ou la musique par exemple. Seul à seul avec le livre, partout, dans sa chambre, dans le train, au milieu de la foule, dans un lieu désert.
Flacon de sels
la boîte à violoncelle rouge du jeune homme entendu un soir au concert et croisée tout à fait par hasard dans une rue grise et triste de novembre le lendemain – une conversation avec la serveuse de mon café matinal sur les promenades dans les cimetières réclamées par son petit garçon de six ans en plein questionnement sur la mort – une petite-fille très aimée qui identifie immédiatement un tableau de monet comme portrait de sa femme morte et dit à sa maman l’avoir découvert dans un livre à la campagne – les feuilles mortes lorsque le trottoir a commencé à sécher mais que leur humidité secrète une zone plus sombre à leur découpe – les premières jacinthes et les premières tulipes chez les fleuristes – le goût retrouvé des pommes – la lecture de pages de suzanne doppelt sur les bulles de savon et le souvenir de ce moment bulles de savon avec des petits enfants très aimés cet été sur la terrasse – goûter la précision et la subtilité des descriptions de l’écrivain et retrouver la sensation exacte de ces bulles et ce beau secret partagé par certains, l’art et la manière de faire ces petits globes de savon - l’interrogation sans fin sur l’expérience de varlan chalamov ne sachant plus que faire avec un livre après en avoir été privé pendant plusieurs années : j’ai su que j’avais perdu mon ancienne faculté de lire
portrait de lecteurs
Le portrait de lecteur est une chasse, il y faut l’œil, le sens de l’affût et des indices. Pas de traces ou de crottes ici, mais tout un territoire à déchiffrer, des signes à connaître et à interpréter : la couleur d’un livre, son épaisseur, son état, les vêtements de celui ou celle qui le tient. Et parfois tel le faisan dans le bois, à peine épaulé, hop envolé. Cette dame au beau visage dans le métro, cheveux blancs au carré, veste longue en daim, pantalon de velours sans doute. Affût à peine commencé [il fallait s’asseoir, s’installer], carnet sorti, la voilà qui se lève, ferme son livre qui laisse apparaître croit-on un livre des mers. La photo tentée sera de dos et le titre du livre est inexploitable, introuvable ce livre des mers [voire des mères] à couverture blanche : pêche en ligne inféconde et frustrante. On rentre bredouille, gibecière vide.
Jeune fille rangée ?
Le limier en quête de lecteur affûte ses outils : au carnet est venu s’adjoindre l’appareil de photo aujourd’hui si discret. Figée la scène, engrangés les indices, on peut se concentrer sur l’indispensable, ce qu’on ne pourra en aucune façon retrouver une fois la scène de crime quittée. Le titre attire, il est long, le nom de l’auteur en trois parties, un nom à particules, Simone de Beauvoir deviné(e). La lectrice a dans les vingt-cinq trente ans. Elle porte un jean moulé et de grosses et confortables chaussures à lacets. Elle s’est bien calée blottie lovée sur le petit strapontin d’angle du wagon de métro, absorbée dans son livre de poche. Les cheveux sont frisés et retenus en arrière par un large bandeau plat bleu. Veste en cuir, gros sac fourre-tout très élimé sur les genoux. Étonnante position des mains : la gauche a trois doigts repliés, l’index prend appui sur le dos du livre et le pouce ne peut être qu’à l’intérieur du livre [on tente la tenue et la méthode est bonne pour tenir un livre bien ouvert !], la droite enserre le livre par le haut, index pointé vers le ciel. La lecture est très avancée, quasi terminée. Il est temps de sortir du métro et en se levant on passe devant elle et on reçoit la confirmation : ce sont Les Mémoires d’une jeune fille rangée.
Pour le travail
Vigueur – douceur – rigueur
Valéry et Benjamin
Walter Benjamin cite Paul Valéry dans « Le Conteur » : « "L'observation de l'artiste peut atteindre une profondeur presque mystique. Les objets éclairés perdent leurs noms : ombres et clartés forment des systèmes et des problèmes tout particuliers, qui ne relèvent d'aucune science, qui ne se rapportent à aucune pratique, mais qui reçoivent toute leur existence et leur valeur de certains accords singuliers entre l'âme, l'œil et la main de quelqu'un, né pour les surprendre en soi-même et se les produire" L'âme, l'œil et la main se trouvent ici mis en rapport. Par leur interaction, ils définissent une pratique. Mais cette pratique ne nous est plus familière. Le rôle de la main dans la production est devenu plus modeste, et déserte la place qu'elle occupait dans le récit. (Car celui-ci, dans sa dimension sensible, n'est nullement l'œuvre de la seule voix. Dans le véritable récit, la main aussi doit intervenir, par les gestes rodés dans le travail, elle soutient de mille manières ce que la bouche dit.) L'ancienne coordination de l'âme, de l'œil et de la main qu'évoquent les mots de Valéry, c'est celle qui est mise en œuvre dans le monde artisanal, celle que nous rencontrons partout où l'art de conter a encore droit de cité. On peut aller plus loin et se demander si le rapport qui lie le conteur à son matériau — la vie humaine — n'est pas lui-même d'ordre artisanal, si le rôle du conteur n'est pas précisément d'élaborer de manière solide, utile et unique-la matière première des expériences, que ce soient les siennes ou celles d'autrui. »
Du proverbe
Et Benjamin continue avec cette note étonnante :
« De cette élaboration, c'est peut-être le proverbe — considéré comme une sorte d'idéogramme d'un récit — qui donne la meilleure idée. Les proverbes, pourrait-on dire, sont les ruines qui marquent l'emplacement d'anciens récits, et dans lesquelles une morale s'enroule autour d'une posture comme du lierre autour d'un pan de mur. » (Le Conteur, in Walter Benjamin, Œuvres III, pp. 149 et 150). ... wie Efeu um ein Gemäuer
Flacons de sels
jouer au petit train brio, assise par terre, avec un petit garçon très aimé, puis le prendre sur les genoux, installer une couverture, dire « on est dans le train » et lire le livre choisi par lui – penser au livre de boris wolowiec avec l’enfant – chicago, sa rivière, ses tours ressurgis à la lumière d’un documentaire sur les fleuves américains – chicago, sa rivière inversée et le poème de jean cassou : Cette nuit, vais-je enfin tenter le jeu royal, /renverser dans mes bras le fleuve qui murmure – faire découvrir ce poème à une amie -
Jouet, Boris Wolowiec, précisément
« L’enfant sait comment transformer chaque chose qu’il touche en jouet. L’enfant transforme chaque chose qu’il touche en jouet qui reste cependant innommable. L’enfant transforme chaque chose qu’il touche en jouet-indice, en jouet-indice d’une civilisation apparue comme disparue, en jouet-indice d’une civilisation apparue comme et disparue. »
« L’enfant apparaît ainsi à l’intérieur des formes à la fois anté-humaines et post-humaines de la civilisation sans jamais participer à la société des hommes ». (p.103)
Fin de l’enfance, Boris Wolowiec
« Il n’y a pas de fin de l’enfance. L’enfance reste toujours inachevée. L’enfance reste toujours comme forme inachevée. »
« L’enfant bâtit des civilisations d’instants. »
→ c’est bien cela qui rapproche l’état intérieur de l’enfant de celui d’une personne qui médite.
Et dans cette même page, Boris Wolowiec parle de l’enfant qui « prend et jette ». Je me demande si ce n’est pas précisément une caractéristique de l’art de faire et d’écrire de BW. Il prend et jette. Il jette non seulement dans le sens écarter, se débarrasser mais aussi jeter à la face du monde, à la surface du papier, aux yeux de tous. (p.104)
De la méthode (Conrad)
Une forte citation de Conrad offerte par Anne Malaprade : « avant tout éteindre le courant critique de la cogitation, travailler dans le noir – le noir créateur que ne hantera nul spectre de responsabilité ».
Sans Famille
Je lis, d’une traite, avec ce plaisir retrouvé de la lecture immersive et de longue durée dont j’ai déjà un peu parlé dans ce Flotoir, Sans Famille d’Hector Malot. Et je m’attache à ce petit Rémi, aux bonnes figures qui l’entourent, Vitalis, qu’il nomme son maître, le petit Mattia, qui devient son frère de vie, la famille du jardinier qui le recueille, la mère Barbarin, etc. Je trouve, je me répète, que ce livre n’a pas la finesse et la distance par rapport au pathos de P’tit Bonhomme et que Rémi est sans doute moins archétypique que P’tit Bonhomme. L’un a un prénom, l’autre pas, ce n’est pas un hasard.
L’Eden Mozart
Lecture de L’Eden Mozart de Robert Misrahi (éditions Le Bord de l’eau). Dans le début du livre, le philosophe s’appuie beaucoup sur le livre de Jean-Victor Hocquard, Mozart. L’amour, la mort. « Pour Hocquard, en effet, écrit-il, il existe deux sortes de musique : celle qui "discourt" et démontre, mais se porte au-delà du domaine musical (comme Beethoven ou Verdi, vers la liberté ou la fraternité universelle, par exemple) et celle qui "chante ». Celle-ci revient et tourne sur elle-même, elle est son propre but. » (p.16)
→ Je ne suis pas tout à fait sûre de la pertinence de cette remarque. A la limite pour Verdi et encore, beaucoup moins pour Beethoven qui a d’abord écrit de la pure musique, quelles qu’aient été ses positions philosophiques. Je pense que la musique est première. Et je constate, une fois encore, comme il est difficile de parler de musique, sans inévitablement que les choses tournent court ou sonnent creux. Il faut se décaler de l’objet musical pour y parvenir et je pense que c’est ce à quoi parvient André Hirt dans La Condition musicale (éditions Encre Marine). Il me faudra y revenir bien sûr.
Il est aussi question dans ces pages de « poésie musicale », notion tout aussi vague et finalement assez peu féconde pour la pensée. Je me sens un peu plus proche de Walter Gieseking (un pianiste, un praticien donc !) quand il écrit à propos de la sonate K. 284 « un haut moment de solitude qui atteint la transparence ».
Misrahi est bien conscient du danger, qui écrit : « ces analyses et ces témoignages d’admiration restent en eux-mêmes, par leur généralité et leur vide, conceptuels » et il ajoute un peu plus loin : « Ce qui est ici en question est le rapport entre la parole conceptuelle du discours (celle du critique ou de l’auditeur) et les sons de la musique étudiée ou entendue. Peut-on parler valablement de musique ? (pp.18 et 19). Et l’ambition de l’approche de Misrahi semble presque démesurée « la critique que nous faisons des jugements portés sur l’œuvre de Mozart, admiratifs mais vides et abstraits (...) appelle à forger un nouvel instrument d’approche, une nouvelle grille d’interprétation de l’œuvre de Mozart, et de toute œuvre musicale. » (p.29). Et il poursuit qu’il existe un mode d’interprétation directe d’un message auditif et, plus précisément, musical. « Chacun comprend dans l’instant et sans médiation, que telle ou telle musique est "triste" ou "joyeuse" ». Là aussi je pose la question, est-ce si évident ? Qui n’a pas discuté pour savoir si telle pièce de Schubert est triste ou pas (l’octuor par exemple) ? Et les grands musiciens comme Bach n’ont-ils pas repris certains de leurs plus beaux thèmes, d’un univers à l’autre, par exemple cantate religieuse et cantate profane ? Ou même divertissement ?
Plus convaincante serait cette assertion : Mozart « l’essence générale et cependant concrète des affects qu’il désire exprimer ». (31) . Il est capable d’exprimer par sa musique, un fait à la fois général (la souffrance d’amour) et un fait singulier, sensuel, "affectif" (ce vécu immédiat qu’est une souffrance d’amour ».
Cette démarche via les « affects essentiels » est intéressante, elle emporte souvent l’adhésion mais on finit par se lasser de cette tentative en se disant que Gieseking, Haskil, Pires, et tant d’autres permettent mieux d’approcher la singularité de la musique de Mozart et de l’éprouver.
Sans famille et P’tit Bonhomme
Une petite recherche en ligne m’apprend que Sans Famille (1873) est antérieur de vingt ans à P’tit Bonhomme (1893). Penelope E. Brown, auteur de A critical study of french children’s literature, écrit : “It was perhaps the success of Sans Famille that prompted Jules Verne to write P’tit Bonhomme.
Des enchaînements
Si importants en musique, et en littérature, comme le montre Claude Minière dans une belle carte blanche pour Poezibao : « C’est parfois un "simple" enchaînement des phrases qui dit d’un écrivain l’orientation de pensée, ses logiques et son affectivité. Qui, d’un auteur à l’autre, révèle une différence fondamentale. Qui souligne concordances et divergences. »
Gisements de sens, Jean Christophe Bailly
Ouvrant Saisir, Quatre aventures galloises de Jean Christophe Bailly (Seuil), je suis frappée par cette très belle formule qu’il applique aux quatre grands sujets qui composent le livre : des gisements de sens. Le voici mineur de fond, et moi aussi, à la recherche perpétuelle de ces gisements de sens. Il ouvre, lui, ici, quatre grands filons : autour du peintre Thomas Jones, du poète Dylan Thomas, des mineurs du Pays de Galles et du livre de Sebald, Austerlitz, pour la partie qui se passe au Pays de Galles, puisque c’est le Pays de Galles, le grand unificateur de ce livre.
Ce livre résonne aussi tout particulièrement avec mes recherches en cours autour du livre P’tit Bonhomme de Jules Verne qui explore un peu la géographie, le paysage, la langue, l’histoire irlandaise dont je ne sais quasiment rien. Il y a tout ce fond celtique et gaélique commun.
Lisant Bailly, me vient l’envie de noter des formules, courtes, mais très riches, de vrais gisements pour la réflexion, l’exploration :
« Gisement de sens »
« Engrangement des données » (« Dans le temps de l’engrangement des données propre à chacun des quatre gisements de sens envisagés », p.13) »
« Violence intimante de la saisie », p.13 et « volonté obstinée de saisie », p.14
« Transformer le percept en expérience. » p.14
« Rendre consistant tout un jeu d’ombres mouvement et presque enfouies. » p.15
La saisie
Oui ce mot de saisie, tant d’occurrences ! Saisir un texte au clavier, prendre une photo, comprendre, être pris. Action de saisir quelque chose ou de se saisir. Cette saisie de l'être par la poésie a une marque phénoménologique qui ne trompe pas (BACHELARD)
Prise, possession, enregistrement de données, confiscation, fait d’appréhender, de comprendre.
Ne pas laisser l’effacement
Et toujours cette lutte contre l’effacement : « ... une même volonté obstinée de saisie, un même désir de ne pas laisser l’effacement emporter avec lui les raisons de vivre. » (p.14)
Aventure que l’on pourrait dire aussi expérience
Toujours chez Jean-Christophe Bailly qui raconte qu’une fois prise la décision de réunir ces quatre récits, lui vint l’idée de les nommer « aventure » : « Aventure de Thomas Jones, aventure de Dylan Thomas, et ainsi de suite. Je ne savais pas alors que cette intuition rejoignait le sens du mot aventure tel que Giorgio Agamben en a restitué depuis la résonance, dans un petit livre où il déploie avec une science formidable tout le faisceau de significations dans lequel ce mot se rassemble et s’étoile [L’Aventure, rivages poche, 2016]. L’aventure ce n’est pas seulement le merveilleux ou l’extraordinaire, c’est la façon dont, en chaque individu, du fait de ce qui lui arrive, son destin se forme et se noue, mais c’est aussi le récit de ce nouage : c’est l’évènement, c’est l’advenir – et c’est ce qui le raconte. » (p.15)
La langue, indicatrice de premier plan
Cela si souvent éprouvé pendant les voyages réels, mais aussi en suivant par exemple quelques-unes des « Aventures extraordinaires » de Jules Verne : « La langue joue un rôle d’indicatrice de premier plan, quand bien même elle serait réduite, comme c’est souvent le cas, à la stricte toponymie. » (p.20)
→ Les noms de lieux mais aussi les noms de personnes, les noms propres. On finit par repérer des constellations de noms, en se promenant ici ou là. Ou des terminaisons de noms, par exemple les -az du côté de la Savoie.
Magnifique prose
Magnifique prose que celle de Jean-Christophe Bailly, complexe et pourtant fluide, avec de forts enchaînements, une allure proustienne souvent à vrai dire. On éprouve, s’y laissant porter, un sentiment de vertige et d’ivresse à tenir en équilibre, tel le surfeur sur la crète de sa vague, tenir sur le fil de la phrase par le seul élan de la lecture (si l’élan se brise, tombent le lecteur, la phrase, le livre, l’ivresse – mais on peut remonter sur sa planche).
Avec Bailly, qui est germaniste, il faut parfois aller jusqu’au bout de la phrase, comme en allemand, pour connaître le dénouement.
De la critique
Toujours dans le livre de Jean-Christophe Bailly, cette remarque qui vaut aussi bien pour celui qui regarde un tableau que pour celui qui lit : « On n’écrit pas sur la peinture, on est posé devant elle, avec un langage heurté de plein fouet par le mutisme obstiné des formes et des images qu’elle produit et qu’elle abandonne » (p.42)
Mélanges des genres
Je suis interpellée par ce que dit Guillaume Condello à propos d’Eliot Weinberger : « c’est sans doute avec An Elemental Thing en 2007, et plus récemment avec The Ghost of Birds, en 2016 (qui reprend cependant certains textes plus anciens), que Weinberger a réinventé l’essai. Le genre était resté le parent pauvre de l’expérimentation formelle et, si l’on excepte Guy Davenport, peu avant lui avaient expérimenté les possibilités formelles de l’essai. Si tout, dans An Elemental Thing est "vérifiable", selon ses mots, le travail que Weinberger y mène sur la langue y est extrêmement fouillé et cohérent : rimes internes et jeu sur les sons, ritournelles, énumérations, anaphores et répétitions structurelles, juxtapositions et collages, citations ou pastiches, ellipses, onomatopées, jeu avec l’espace de la page, etc. Et puis, comme on pourrait s’y attendre chez un admirateur de Pound, le mouvement en vortex concerne aussi la structure des livres, où phrases, thèmes, personnages, etc. reviennent régulièrement, dans des contextes différents. »
Jean-Claude Zylberstein
(En ce dimanche matin, j’écoute « La Compagnie des poètes », de Manou Farine qui interroge Jean-Claude Zylberstein, qui se dit un dilettante perfectionniste. )
Dimanche de pluie, repassage et radio : Jean-Claude Zylberstein. Enfant juif du 11ème à Paris, caché, libéré par la lecture de Jean Paulhan, éditeur, chroniqueur de jazz, collectionneur, oh ses 30 000 vinyles (mes pauvres mille) et les 20 000 livres de la campagne (les atteindrais si ne donnais). Le fer court, je m’arrête : « on ne peut être intéressant et intéressé ». Dixit Jean Paulhan. Eau ou feu sur les doutes ? Penser/classer, passer des heures, enfant, à ranger, classer livres et disques et savoir aujourd’hui où chacun se trouve malgré l’immensité des collections. Ne jamais être où sont les autres, ne pas éditer ce qu’ils éditent, ne pas chercher le best-seller. 10/18, chasseur de trésors littéraires, Grands détectives, Domaine étranger, Pavillons, Texto - Jim Harrison, Dashiell Hammett, Robert van Gulik, Somerset Maugham, Evelyn Waugh, Primo Levi, Winston Churchill, John Fante – En 62, aimer le jazz que les autres snobent (critique sectaire et anti-romantique), John Coltrane, modernité déconstructrice, Ballads, Bill Evans, le goût des mots précieux ou rares, dirimant, peccamineuse, prurigineuse. Paulhan, Paulhan, Paulhan, éloge du retrait, position plus avantageuse que le fait de se mettre toujours en avant, oh poètes, si vous saviez, ce plus avantageux, comme vous le considéreriez. Paulhan, Paulhan, si peu de texte dont on se dit qu’ils vous ont changé la vie. « Il m’a rendu ma liberté d’esprit et le goût forcené de l’indépendance ». On n’est pas obligé de choisir ! Paulhan le libérateur. Esprit critique développé : regarder ce que ne font pas les autres. Soi peut-être en croisant intéressé ou intéressant et ce que ne font pas les autres ? Rattraper, repêcher, sauver, réparer, compléter des œuvres, dilettante perfectionniste. Et les listes, les listes, disques de jazz, films vus et avec qui, éditer c’est collectionner, faire des listes et penser/classer, comme dit Perec. Fer froid, direction bureau, podcast continué, écoute et téléchargement sur liseuse de Souvenirs d’un chasseur de trésors littéraires, pour le train demain.
→ Je trouverai malheureusement le livre un peu décevant, en raison de ce que les Anglais appellent le name-dropping (il faut noter cependant que Zylberstein n’est jamais prétentieux, plutôt humble même, et ne semble pas se servir de tous ces noms pour se faire valoir comme l’implique la pratique du name-dropping). Incessante litanie de noms de musiciens de jazz interviewés ou écoutés, d’auteurs et de titres édités, de célébrités rencontrées, sans que ces rencontres soient vraiment évoquées en profondeur. On sent bien l’extraordinaire richesse de la vie de l’auteur, la singularité de son parcours. Tout le début est très prenant, avec le portrait de cette famille qui a caché l’enfant pendant la guerre, puis la rencontre avec Paulhan. Puis à partir du temps des chroniques de jazz, le texte devient un peu lassant pour les raisons ici dites.
Se dégager de toute classification (Nuccio Ordine)
Dans le livre de Nuccio Ordine, Les Hommes ne sont pas des îles, cette revendication d’une certaine liberté par rapport à des méthodes ou à une doxa de type universitaire : il s’agit ici de se dégager « de tout souci de classification (sachant que les "canons" impliquent des paramètres d’inclusion ou d’exclusion rigides, des critères et des règles, des normes et des grilles qui ne rentrent pas dans le cadre de cet ouvrage)... ».
Nuccio Ordine donne là un livre passionnant et très apaisant. Parti d’un texte de John Donne qui donne son titre au livre, il propose une grande introduction (véritable petit essai) à une anthologie de textes « classiques » sur le thème de la profonde interdépendance entre les êtres humains. Quelques noms : John Donne, Francis Bacon, Sénèque, Montaigne, Shakespeare, Xavier de Maistre, mais aussi Borges, Brecht, Camus, Celan, Conrad, Dante, Galilée, Hemingway, Hesse, etc. Le livre est beau : c’est un petit format (10,6 x 16,6 cm) avec une très belle couverture, une image dans les tons bleus et verts, issue du Traité des vertus cardinales de François Demoulins (1509-1515).( Je découvre aussi au début de ce traité cette superbe représentation de la Justice, la Force, la Patience ou la Tempérance). Nuccio Ordine propose donc une grande préface, où il se focalise sur certains des auteurs de ce petit traité au sous-titre éloquent : « les classiques nous aident à vivre » (l’auteur a déjà donné chez le même éditeur, Les Belles Lettres, un petit opus intitulé « Une année avec les classiques ».
Il se trouve qu’en ce moment j’opère une vraie plongée dans des époques antérieures, le XIXème essentiellement, autour de Jules Verne, mais aussi de Victor Hugo, Hector Malot et Xavier de Maistre.
Nul homme n’est une île, John Donne
Voici ce très beau texte que John Donne :
« Nul homme n’est une île, complète en elle-même ; chaque homme est un morceau du continent, une part de l’océan ; si un bout de terre est emporté par la mer, l’Europe en est amoindrie, comme si un promontoire l’était, comme si le manoir de tes amis ou le tien l’était. La mort de chaque homme me diminue, car je suis impliqué dans l’humanité. N’envoie donc jamais demander pour qui la cloche sonne : elle sonne pour toi. »
No man is an island, entire of itself; every man is a piece of the continent, a part of the main; if a clod be washed away by the sea, Europe is the less, as well as if a promontory were, as well as if a manor of thy friend’s or of thine own were; any man’s death diminishes me, because I am involved in mankind; and therefore never send to know for whom the bell tolls; it tolls for thee.
John Donne (Londres, 1572-1631) – Devotions upon Emergent Occasions (1624) – Méditation XVII – Méditations en temps de crise, cité in Nuccio Ordine, Les hommes ne sont pas des îles, Les Belles Lettres, 2018.
Ilots de lumière (Virginia Woolf)
Autre citation remarquable de ce livre, un extrait du Journal de Virginia Woolf. Elle dit à propos des Vagues ne pas essayer de raconter une histoire mais souhaiter représenter des « îlots de lumière » flottants, libres de tout amarrage et entrainés dans le flux continuel. Elle cherche à trouver une histoire qui puisse contenir les « milliers d’histoires » racontées : « J’ai inventé des milliers d’histoires ; j’ai rempli d’innombrables carnets de phrases dont je me servirai lorsque j’aurai rencontré l’histoire qu’il faudrait écrire, celle ou s’inséreraient toutes les phrase. » (cité p. XXXVII de l’introduction de Nuccio Ordine).
→ ces îlots de lumière flottants, libres de tout amarrage et entraînés dans le flux continuel, oserais-je dire que c’est un peu comme cela que je ressens les paragraphes de ce flotoir (flottants, amarrage, flux...)
Lisant un tel livre
Lisant un tel livre, on prend mieux conscience encore du gouffre de son ignorance. Ignorance de ces grands textes de l’humanité, vaguement effleurés parfois dans le temps scolaire, plus jamais repris. Ce serait un des mérites du travail de Nuccio Ordine de les remettre au tout premier plan, de les prendre dans les bras de son propre texte (introduction et commentaires) puis de les installer tels qu’ils sont ensuite (anthologie). Dans ce geste de relais que tout homme ou femme de lettres devrait aussi accomplir, non seulement ajouter à l’immense et essentiel patrimoine de la littérature mais aussi en redynamiser des pans entiers, ceux qui lui ont parlé, ceux qui l’ont porté. Que ces mots, ces paroles, ces textes soient relayés, voire amplifiés pour que la déperdition et l’entropie n’aient pas raison d’eux, à la longue.
Il me semble aussi que des livres comme celui-là sont de nature à ouvrir de nombreuses portes au lecteur, lui donner envie d’aller lire les œuvres (Ordine ne se cache pas de cherche cela avant tout). C’est un peu aussi la démarche de Poezibao : relayer un peu du livre, pour donner envie d’aller vers le tout de ce livre, le plus fort gage de réussite étant d’avoir déclenché un geste du lecteur vers ce livre.
On trouvera dans Ordine par exemple des pages remarquables sur Shakespeare et le Roi Lear en particulier : « Étrange alchimie que celle du besoin, / Qui sait rendre d’humbles choses précieuses (...) » (III, 2, vv. 68-71, cité dans l’introduction p. LXXXIII).
Et comment ne pas penser à ce héros de Jules Verne, P’tit Bonhomme, en découvrant cette formule-choc : « un zéro sans chiffre devant » (Shakespeare encore). I, 4, v. 164)
Xavier de Maistre
Xavier de Maistre est un des auteurs sur lequel se penche Nuccio Ordine. Je relève : « Je trouve, en revanche, dans ce monde imaginaire, la vertu, la bonté, le désintéressement, que je n’ai pas encore trouvé réunis dans le monde réel où j’existe »
C’est exactement cela mon affaire avec P’tit Bonhomme je pense ! Je me suis empressée de télécharger sur ma liseuse Voyage autour de ma chambre, que j’ai commencé à lire.
Dylan Thomas & Jean-Christophe Bailly
Dans le livre de Jean-Christophe Bailly, Saisir, quatre aventures galloises, si la lecture de l’avant-propos m’a enthousiasmée, j’ai été moins sensible au premier portrait, celui du peintre Thomas Jones. Mais la passion de le lire est revenue avec toutes ces pages consacrées au poète Dylan Thomas. Section qui s’ouvre, et bien sûr ce n’est pas un hasard, par un poème de Bailly : » je relis Au bois lacté (...) il se pourrait bien que nous aussi / nous soyons morts, la neige / ayant traversé les flots et venue / jusque dans Cwmdonkin Drive tout enfouir / sous sa voix » (p.106). De cette œuvre de Dylan Thomas, de cet homme, Bailly dit qu’ils « forment un buissonnement épais et presque impénétrable ». (p.109)
Mémoire des lieux
« Cet attachement imprévisible à des lieux où malgré tout l’on n’est pas sûr de retourner a forcément à voir avec le rétrécissement du temps qui nous reste à vivre, mais ce qu’il faudrait pouvoir sonder, ce sont les raisons les plus profondes à l’origine de ces liens qui s’ouvrent inopinément et qui, lorsque nous acceptons leur invite, nous offrent pour ainsi dire une seconde vie : la mémoire se courbe en forme de tremplin, on descend en elle, avec elle, on y va (...) » (p.113)
La langue se souvient
Jean-Christophe Bailly, encore, réfléchissant à Dylan Thomas : « La langue se souvient de toutes les phrases qu’elle a dites, de tous les mots qui sont venus la rendre vive et la parer. Chaque mot, quand on l’utilise, est la surface d’apparition d’un sens qui s’est constitué peu à peu, au cours de siècles et de siècles de formation. La communauté parlante, celle des locuteurs de cette langue en formation, se raconte et raconte son histoire par ces mots qui lui sont venus, non de nulle part (ou d’un Dieu, ou d’un Verbe initial), mais de son frottement avec la vie qui l’entourait, et c’est pourquoi il y a dans chaque mot d’une langue, quelle qu’elle soit, un énorme et insondable dépôt de savoir. La langue est l’entrepôt de ce savoir, non pas un thésaurus, mais une sorte de service de pièces détachées ouvert à tous vents, et c’est comme telle, en tant que fréquentée, visitable, parfois imprécise, souvent exacte, qu’elle est le bien commun de tous ceux qui la parlent. Mais même si aucun mot de passe, aucun schibboleth n’est exigé à son entrée, il reste que chaque mot, du fait de l’histoire de sa formation empilée sous son apparence, est une énigme (...) » (p.122)
Citation qui me semble essentielle, que tout écrivain pourrait avoir au-dessus de son bureau pour y laisser traîner son regard, l’y laisser revenir encore et encore.
Rêver sur cela : chaque mot est la surface d’apparition d’un sens.
Rêver aussi sur cet insondable dépôt de savoir.
Les mots et Dylan Thomas
Les mots il les a aimés profondément, Dylan Thomas, il en a vérifié la plénitude sonore mais il s’est aussi battu continûment avec eux, nous dit Jean-Christophe Bailly, ajoutant que pour le poète « la matière même du langage est trahie chaque fois que l’on s’en approche, exactement comme si la volonté de dire était en porte-à-faux avec l’élan sémantique venu des mots eux-mêmes. » (p.128). Et Bailly a cette formidable formule d’un combat contre les usages usufruitiers, y compris poétiques, de la langue.
« La vraie question peut-être, c'est qu'au fond le langage, via les langues qui le font exister, est lui-même une traduction : rose traduit la rose, dead traduit le mort, mais derrière leurs noms les choses et les êtres s'enfoncent et c'est la matière du monde qui, sous eux, juste sous eux, reste impénétrable. Ce même déficit de sens (...) existe entre tout énoncé et ce qu'il désigne, et de cela Dylan Thomas est si conscient qu'il n'en fait pas une affaire d'impuissance du langage, mais le vit comme le champ d'un labeur infini. Il y a dans ce qui le porte une pulsion de réalité si énorme qu'elle déborde constamment le sens, il veut la matière du monde, il veut qu'avec des mots, malgré eux, elle soit saisie, et que les mots, pour ainsi dire, en naissant, se souviennent, emportant avec eux le morceau de monde qui les a engendrés. Et c'est d'autant plus violent et désespéré que ce mouvement ne connaît pas de repos : séquence après séquence, paysage après paysage, expérience après expérience, cet engendrement rebondit sur lui-même et se confond à la vie qui vient et revient, qui survient toujours, avec tout ce qu'elle apporte et charrie, mort incluse : « Un éclat de pierre est aussi intéressant qu'une cathédrale » (...) (p.131). Un peu plus loin, Bailly écrit encore (et c’est aussi une leçon de poétique qu’il offre ici) : « Ce qu’il lui fallait c’était secouer le langage, réveiller les mots, réveiller leur mémoire, c’était renverser ou évacuer tout l’aspect berceur du poème pour aller avec lui au-delà de l’effleurement, au-delà de la grâce, dans une étreinte si puissante qu’elle aurait forcé le réel à lui ressembler » (p.134)
→ Ces derniers mots me rapprochent de ce que j’ai lu cet été dans un manuscrit à paraître d’Ivar Ch'Vavar. Notamment cette étreinte avec la langue pour forcer le réel à lui ressembler. Confrontation avec le réel qui n’est pas donnée à tout le monde, qui est donnée rarement à ceux qui la connaissent et qui est sans doute la condition préalable de tout vrai poème.
La personne qui écrit
D’un entretien de Jean-René Lassalle avec Emmanuèle Jawad pour Poezibao : « La personne qui écrit possède un corps bercé de rythmes entretressés : cœur pulsant le sang dans les veines, respiration (influencée par les émotions ou dirigée par l’esprit comme dans le yoga), les impulsions électriques dans les nerfs et les neurones. À cela s’ajoute la perception feutrée des rythmes de l’environnement : vent, mer, lueur changeante du jour, coulissement de la lune et constellations, passage des nuages, animaux apparaissant, humains et leur interaction, machines, vitesse électronique. Tous ces rythmes influencent l’esprit et sa danse dans l’écrit, qui est en plus reconstruit par ses propres structures musicales composées. » Et il ajoute : « Le mot "vers" se tortille, mais heureusement les "unités de rythme-sens" peuvent mouvoir toutes sortes de textes, des blocs de prose aux spatialisations de segments découpés. »
Langue, Jean-René Lassalle
« Je me sens immergé dans un monde planétaire dont la richesse des langues me touche : celles-ci résonnent dans les radios, internet, cafés, trains, université, lieux de travail, chez les migrants qui passent, les personnes multilingues avec qui j’habite, etc. Donc des mots et structures de nombreuses langues finissent par intégrer mon langage poreux, et intrigué je me retrouve à la recherche d’une sorte d’arbre du langage, dont les branches sont les diverses langues et le tronc le site des universaux linguistiques. J’ai régulièrement l’impression agréable que ma poésie est infusée par cette méta-langue universelle sans doute imaginaire. »
Flacons de sel
la résonance si longue des bols tibétains – tout ce gris du ciel tempéré par la petite lumière jaune de la lampe sur le bureau, foyer de sens et de chaleur humaine – l’envie nouvelle de réaliser de mini-vidéos des intempéries spectaculaires qui frappent parfois la terrasse – la douceur et la gentillesse (pas toujours feintes) de certains professionnels du deuil – sur cent regards croisés celui-là qui soudain rencontre le vôtre, un enfant presque toujours – le mystère de l’échange du regard avec le tout petit, proche ou anonyme – l’incessante rencontre avec des pépites dans les
livres, semblables à ces cailloux magnifiques sur les plages, ici ou là-bas –
Livres cités :
Alexander Kluge, Chronique des sentiments, Livre II, Inquiétance des temps, P.O.L.
Boris Wolowiec, Avec l’Enfant, Lurlure
Walter Benjamin, « Le Conteur » in Œuvres, III, Folio Essais
Gérard Macé, Colportage, Gallimard
Elisabeth de Fontenay, Gaspard de la nuit, Stock
Jean-Paul Dekiss, Jules Verne l’enchanteur, éditions du Félin
Robert Badinter, Idiss, Fauard
Hector Malot, Sans Famille
Jules Verne, P’tit Bonhomme
Robert Misrahi, l’Eden-Mozart, Bord de l‘eau
André Hirt, La condition musicale, Entre Marine
Jean-Claude Zylberstein, souvenirs d’un chasseur de trésors littéraires, éditions Allary
Nuccio Ordine, Les hommes ne sont pas des îles, Les Belles Lettres
Jean-Christophe Bailly, Saisir, quatre aventures galloises, Seuil.
Rédigé par Florence Trocmé le 09 décembre 2018 à 11h02 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Balises: Alexander Kluge, André Hirt, Boris Wolowiec, Elisabeth de Fontenay, Gérard Maca, Hector Malot, Jean-Christophe Bailly, Jean-Claude Zylberstein, Jean-Paul Dekiss, Jules Verne, Nuccio Ordine, Robert Badinter, Robert Misrahi, Walter Benjamin