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Rédigé par Florence Trocmé le 20 janvier 2019 à 11h31 dans photomontages | Lien permanent
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Flotoir 2018
Flotoir 2018 : 304 pages, 173 000 mots, un million de signes. Combien font signe ?
Jean Starobinski
Dans Colportage de Gérard Macé, un beau chapitre sur Starobinski : « Il a sans cesse élargi le cercle de ses réflexions, toujours avec cette bienveillance qui caractérise ses écrits, l’absence de narcissisme ou de culte de soi qui sont devenus le vice de l’Occident, et la patience d’un thérapeute plutôt que la cruauté de l’anatomiste. » (p. 91)
→ n’est-ce pas une superbe leçon de critique, élargissement constant du cercle des réflexions et des investigations, bienveillance et sinon l’objectivité qui est un vœu pieux, un but impossible, par nature, un effacement aussi net que possible de soi (manières d’être, de lire, goûts, rejets, passions, etc.) dans l’approche de l’œuvre d’autrui.
De Starobinski, donnée par Gérard Macé, cette belle remarque : « Choisir comme principe explicatif la seule dimension du passé (l’enfance, etc.), c’est faire de l’œuvre une conséquence, alors qu’elle est si souvent pour l’écrivain une manière de s’anticiper. Loin de se constituer uniquement sous l’influence d’une expérience originelle, d’une passion antérieure, l’œuvre doit être considérée elle-même, comme un acte originel, comme un point de rupture où l’être, cessant de subir son passé, entreprend d’inventer, avec son passé, un avenir fabuleux, une configuration soustraite au temps. ». Commentaire de Macé : « On reconnaît là ce qui fonde la vocation poétique, à laquelle Dante a donné le nom de Vita nuova, et qui s’oppose à la naïveté de ceux qui font des livres avec des souvenirs, ou qui ressassent au lieu d’accueillir la résurrection du passé comme une nouveauté. » (p. 91)
Trop violente charge
Mais plus loin, Gérard Macé mène une violente, trop violente, charge contre la poésie. Ce type d’attaque me semble toujours problématique quand elle vient de quelqu’un qui se dit lui-même poète, qui donc fait partie de ce monde qu’il débine ! Peut-être plus encore lorsque l’auteur de la charge est accueilli dans la collection Poésie /Gallimard. Ou bien on est partie prenante et dans ce cas, on s’applique à soi-même la critique (est-ce le cas ? et si oui pourquoi continue-t-on ?) ou on s’exclut du champ et c’est aussi problématique.
Voici la pièce à conviction (Gérard Macé écrit ici dans le cadre d’un bel hommage à Gabriel Bounoure) : « Depuis, le mal s'est aggravé, et la poésie moderne a navigué d'un écueil à l'autre, autant dire de Charybde en Scylla. À l'arbitraire et la joliesse de l'image cultivée pour elle-même, à la logorrhée d'inspiration surréaliste se sont ajoutés des mystères faciles et des fureurs fabriquées, des prétentions philosophiques, l'éloge du silence et la glossolalie, l'artifice de mises en pages qui servent souvent de cache-misère, une découpe syntaxique tenant lieu de prosodie, la disparition du chant qui fait de tant de poèmes un dialecte torturé, traduit par des sourds ; sans parler de l'élégie frileuse et du vers libre qui ronronne, nouvelle académie qui rappelle les jeux floraux d'autrefois, ou les clubs de haiku dans le Japon d'aujourd'hui. Sous respiration artificielle, la poésie est devenue un refuge et un passe-temps, qui vit de subventions, de colloques et d'hommages réciproques, de lectures publiques dans lesquelles Leopardi, des siècles après Martial, voyait un "tourment supplémentaire infligé à l'humanité" ... Bref, la poésie est une infante défunte, autour de laquelle on se pavane en attendant sa résurrection. Mais l'état de la poésie n'est qu'un symptôme parmi d'autres, dans une "civilisation de non civilisés". Bounoure déjà, parce que son ouverture d'esprit ne calmait pas son inquiétude, se demandait si l'art d'aujourd'hui est "autre chose qu'une direction marquée vers une province nulle", et devant le "temple désaffecté" posait cette question dont on craint de deviner la réponse : "L'art devenu l'unique sujet de l'art, n'est-ce pas l'indice que quelque ressort vital est brisé, que quelque bien essentiel a été à notre époque irrémédiablement englouti ? N'est-ce pas la preuve que l'art est aujourd'hui perdu au même titre que la vie ?" Cependant, le mortel qui se plaint du monde ressemble au mauvais poète qui se plaint du langage ; et si l'éclipse de la poésie est malheureusement trop visible, qui pourrait affirmer que son déclin est définitif ? La poésie fut déjà plusieurs fois ce fleuve caché dont la résurgence est toujours inattendue ; elle vit peut-être sous une forme invisible, elle est peut-être la fée qui se cache derrière la tapisserie (celle qui promet un sommeil de cent ans mais n'empêche pas le réveil, ni la venue d'un prince écartant des branches). » (p. 142 et 143)
→ et devant cette chute, après cette diatribe dont on reconnaît que plusieurs éléments visent juste, on ne le sait que trop pour baigner dans la production poétique depuis près de quinze ans jour et nuit !), on est obligé de se demander si le poète qui écrit ne se pense pas fée qui se cache derrière la tapisserie ?
Écriture et poésie
Je relève cette note qui vient s’inscrire dans ma réflexion en cours sur le conte, même si ce dont il est question ici, c’est encore la poésie : « Malgré les apparences, écriture et poésie sont deux termes dont l'association ne va pas de soi : comme l'eau et le feu, ils furent même opposés dans toutes les traditions où la poésie était orale. L'oralité ressemble à l'eau, perpétuellement fluide et renouvelée elle épouse la pente du temps, toujours vivante elle est fidèle à elle-même en prenant la couleur des terrains traversés, de la lumière changeante à toutes les heures, de la mémoire du récitant qui la détourne en improvisant. L'écriture ressemble au feu, elle laisse des traces aussi noires, aussi nettes que les ruines d'un incendie : c'est une éternité ambiguë, qui permet au poème de vivre au loin, de se propager dans l'espace et dans le temps (malgré les affres de la traduction ou l'évolution des mentalités), mais ce qu'elle sauve de l'oubli est en partie mort, comme une fleur séchée entre les pages d'un livre. ». (p. 145)
Alain Kremski
Je note dans « l’obituaire » de ce compositeur, tout récemment décédé (le 28 décembre 2018, à l’âge de 78 ans) qu’il a écrit pour les bols tibétains et je découvre qu’il en possédait une extraordinaire collection. Cette vidéo d’une minute ! Ou cet extrait d’un disque. Un court extrait de l’article de Pierre Gervasoni dans Le Monde : « Ainsi, en 2013, au moment de recevoir le Grand Prix de la musique symphonique que lui décernait la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), Alain Kremski avait-il tenu à attirer l’attention sur les bols sonores qui, selon lui, avaient constitué le "créneau" ayant suscité à son égard le plus de résistance de la part du milieu de la musique classique. Et, avec un faux air (barbe blanchie coupée court, œil malicieux) de Sean Connery dans le film Soleil levant (investi, comme lui, dans le respect de certaines traditions japonaises), le compositeur avait résumé ainsi sa position dérangeante : "Qu’est-ce que c’est que ce musicien qui tape sur trois bols ?" Telle fut la question de toute une vie, qu’Alain Kremski sut entretenir avec une exceptionnelle qualité de renouvellement, en préférant la fréquentation des temples bouddhiques et des abbayes cisterciennes à celle des chapelles esthétiques. »
Fata Morgana
Gérard Macé revient sur « fata morgana ». Il cite le Grand dictionnaire universel du XIXème siècle, que j’ai la chance de posséder : « En fait "fata morgana" désigne d'abord un phénomène météorologique apparenté aux mirages, et situé dans le détroit de Messine, non loin de la passe où Ulysse choisit de rester sourd. "Ce phénomène se produit, dans les matinées tranquilles, quand les vagues sont dans le calme le plus parfait et que le soleil, se levant derrière les montagnes de la Calabre, frappe sur la surface unie de la Méditerranée sous un angle de 45°. La chaleur agit alors rapidement sur l'air stagnant, et les couches de l'atmosphère, se mélangeant avec lenteur, présentent une série de miroirs sur lesquels viennent se réfléchir, amplifiés outre mesure, les objets placés sur la côte sicilienne, dans le rayon d'ombre projeté par les montagnes de derrière. On voit se dessiner sur ce tableau, comme sur la feuille blanche de la chambre obscure, de gigantesques figures d'hommes et de chevaux. Quelquefois l'atmosphère est tellement saturée de vapeurs que ces objets sont entourés d'une teinte colorée." Le Grand dictionnaire universel du XIXème siècle, auquel nous empruntons ces lignes, ajoute que le phénomène ne dure pas, et que sa magie est plus ou moins grande, selon que l'on a l'imagination vive ou la vue basse. On pourrait en dire autant des lecteurs et des livres, ces miroirs éphémères où se réfléchit le réel, selon d'imprévues métamorphoses, et des contours quelquefois fantastiques. Et puis, quelle théorie pourrait rendre compte de la littérature, mieux que la théorie générale des mirages ?
Mais Fata Morgana est aussi, on le sait davantage, en même temps que le titre d'un poème d'André Breton une fée d'Armorique, élève de Merlin, qui erre au bord des rivières et des fleuves, et qu'un géographe du 1er siècle, Pomponius Mela, a rencontrée en Gaule entourée de neuf prêtresses. »
→ Il s’agissait bien sûr pour Gérard Macé ici d’en venir au nom de l’éditeur Fata Morgana.
Traduire
La seconde partie du livre de Gérard Macé est consacrée à certaines de ses traductions de l’italien (Agamben, Leopardi, Cristina Campo, etc.).
« Traduire, c'est lire avec un peu plus de patience que d'habitude, et même avec un crayon à la main pour écrire entre les lignes ; c'est imiter sans les avoir vus les gestes de l'auteur, et retrouver sa voix, déformée mais tout de même reconnaissable, à l'autre bout d'une galerie des murmures où l'on entendrait l'écho de paroles prononcées dans une autre langue, et le plus souvent dans une autre époque. Ce que dit Friedrich Schlegel à sa manière, dans une page où il commence par rappeler qu'on ne sait pas du tout ce qu'est une traduction, avant de trouver une formule dont l’évidence a le mérite de ne pas dissiper tout à fait le mystère : "Les traductions sont des mimes." » (p. 209)
Agamben et le vers
Parmi ces traductions, je relève cette « Idée de la prose » de Giorgio Agamben : « Aucune définition du vers, on n'y réfléchira jamais assez, n'est vraiment satisfaisante, sinon celle qui fait de l'enjambement, ou du moins de sa possibilité, le seul gage d'une différence entre le vers et la prose. Ni la quantité, ni le rythme, ni le compte des syllabes — autant d'éléments qu'on retrouve aussi bien dans la prose — ne fournissent, de ce point de vue, un critère suffisant ; mais à coup sûr on qualifiera de poésie tout discours dans lequel il est possible d'opposer la limite métrique et la limite syntaxique (tout vers dans lequel l'enjambement n'est que virtuel devenant un vers à enjambement zéro), et à coup sûr de prose tout discours dans lequel l'opposition est impossible. (...) Qu’est-ce qui est en jeu dans l’enjambement, au point qu’il gouverne ainsi le mètre du poète ? L’enjambement révèle une non-coïncidence, un décalage entre le mètre et la syntaxe, entre le rythme sonore et le sens, comme si (contrairement au préjugé répandu qui voit dans la poésie le lieu d’une parfaite adéquation entre le son et le sens) le poème ne vivait que de cet intime désaccord. »
Et de parler de la versura, « mot latin qui désigne l’endroit (et le moment) où la charrue fait demi-tour au bout du sillon. C’est d’ailleurs, ajoute Macé dans une note, de versus (sillon) que vient en français le mot vers. (p. 253)
Une lettre de Leopardi
Gérard Macé offre aussi la traduction d’une poignante et très belle lettre de Leopardi, où ce dernier exprime son intense solitude, en particulier intellectuelle. Il écrit ainsi à Pietro Giordani : « ajoutez à cela l’obstinée, la noire, l’horrible, la barbare mélancolie qui me lime et me dévore, qui se nourrit de l’étude et sans l’étude augmente. » (p. 271) Et lui aussi, dans cette lettre expose ses vues sur la poésie : « je tiens même pour absolument certain, absolument évident, que la poésie réclame une étude assidue et une peine infinie, et que l’art poétique est si profond que plus on avance, plus on s’aperçoit que la perfection se trouve en un lieu auquel on n’aurait même pas pensé au début.’ (p. 277)
S’affecter de joie
Dans la publication périodique « pauvre » de Christine Jeanney, envoyée par le mail, l’e dans l’o une très belle citation de Gilles Deleuze qui recoupe mes préoccupations : « Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d'agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, le preneur d'âme ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser ou, comme dit Virilio, d'administrer et d'organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle sur la vie : le manque à être qu'est la vie... On a beau dire "dansons", on n'est pas bien gai. On a beau dire "quel malheur la mort", il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l'âme autant que du corps, ne nous lâcherons pas, vampires, tant qu'ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien aimée, leur ressentiment contre la vie, l'immonde contagion. Ce n'est pas facile d'être libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d'agir, s'affecter de joie, multiplier les affects qui expriment ou enveloppent un maximum d'affirmations. » (Extrait des Dialogues avec Claire Parnet).
Temps de lecture
J’ai été requise par un article paru dans Slate portant sur la question du temps donné à la lecture et du temps donné aux écrans, au sens large. Voici les données : « Un Américain moyen lit environ 400 mots par minute. Un livre qui n'est pas de la fiction contient environ 50.000 mots. Prenons une calculatrice. 200 livres * 50.000 mots = 10 millions de mots ; 10 millions de mots / 400 mots par minute = 25.000 minutes ; 25.000 minutes / 60 = 417 heures. Pour lire 200 livres en une année, il faut donc allouer 417 heures de son temps à cette activité. Dit comme cela, le chiffre peut paraître impressionnant. Mais il faut le mettre en perspective avec d'autres données sur la consommation moyenne. En un an, un Américain lambda consacre 705 heures aux réseaux sociaux et 2.737,5 à regarder la télévision. Ces 3.442,5 heures représenteraient plus de 1.600 œuvres lues. »
→ bien sûr tout ce ne sont ici que très grossières moyennes, ne tenant en rien compte de la nature et de la longueur des livres, mais c’est la mise en perspective qui est intéressante. On peut toujours chercher dans sa vie des gisements de temps que l’on pourrait dédier à la lecture.
James Sacré
Ce matin, travaillant pour Poezibao et préparant un choix de textes de James Sacré pour « l’anthologie permanente », je suis profondément émue à leur lecture. Une justesse de ton, une simplicité qui n’obère en rien la profondeur de la réflexion, quelque chose aussi d’infiniment mélancolique. « On n’y pensait pas. //Vivre te donnait le monde, des livres, des visages. /La confiance et le plaisir/Transportaient le passé/Dans le vert inépuisable du présent/Vers un demain qu’on allait cueillir...// On allait/ Vers le mot silence : »
Je prépare ces textes en écoutant des œuvres d’Alain Kremski en particulier « Chercheurs de vérité, 1 et 2 ». Je constate que, hors Qobuz (en streaming, possibilité d’achat des fichiers électroniques), la plupart des disques de Kremski sont introuvables.
Et curieusement, préparant ensuite une note de lecture de Ludovic Degroote sur Gérard Duchêne, je trouve ces mots qui me semblent si bien résonner avec ceux de James Sacré et l’impression qu’ils ont produit en moi : « J’entends le silence / me toucher // la besace est toujours pleine /de mots qui engendrent / des histoires. / Des histoires où les voix / sont sourdes et aveugles. /Elles s’attribuent la nécessité du présent // Peut-être / Tout ce temps / pour oublier que l’on est vivant // Regard du doute / La fin d’un mot / son précipice »
Deux maisons plus une
Le hasard des lectures, qui n’en est pas un, pousse à la découverte quasi simultanée de deux « maisons », le bateau échoué qui sert de demeure au frère de Peggotty, la servante de la mère de David Copperfield dans le début du livre et celle que Thoreau construit, de ses mains, au bord de l’étang de Walden. Ce qui les rapproche, c’est une même distance avec le concept d’une maison plus ou moins pauvre ou luxueuse, mais dotée de toutes sortes d’éléments obligés, alors qu’ici la plus stricte nécessité (matérielle et spirituelle) semble avoir présidé aux choix. « Si c'eût été le palais d'Aladin, l'œuf de roc et tout ça, je crois que je n'aurais pas été plus charmé de l'idée romanesque d'y demeurer. Il y avait dans le flanc du bateau une charmante petite porte ; il y avait un plafond et des petites fenêtres ; mais ce qui en faisait le mérite, c'est que c'était un vrai bateau qui avait certainement vogué sur la mer des centaines de fois ; un bateau qui n'avait jamais été destiné à servir de maison sur la terre ferme. C'est là ce qui en faisait le charme à mes yeux. S'il avait jamais été destiné à servir de maison, je l'aurais peut-être trouvé petit pour une maison, ou incommode, ou trop isolé ; mais du moment que cela n'avait pas été construit dans ce but, c'était une ravissante demeure. » (Charles Dickens, David Copperfield, Tome I). Un peu plus tard je ferai la découverte d’une autre demeure extraordinaire, l’éléphant de la place de la Bastille investi par Gavroche dans Les Misérables. « Les deux hôtes de Gavroche regardèrent autour d’eux et éprouvèrent quelque chose de pareil à ce qu’éprouverait quelqu’un qui serait enfermé dans la grosse tonne de Heidelberg, ou mieux encore à ce que dut éprouver Jonas dans le ventre biblique de la baleine. Tout un squelette gigantesque leur apparaissait et les enveloppait »
De l’art de se constituer une demeure dans l’adversité, le dénuement ou par choix philosophique (Thoreau).
Hermann Hesse
... la veille de sa mort, a écouté la 7ème sonate en ut majeur de Mozart, K 309, celle que précisément je travaille en ce moment. Et dont j’écoute, éblouie, la version par Mitsuko Uchida.
Flotoir
Le dimanche matin, ne travailler pour personne que pour soi.
Barbara Hendricks
Bel entretien avec Barbara Hendricks dans Le Monde, avec toujours cette proposition à la source de l’entretien : « je ne serais pas arrivée là, si... ». Elle évoque sa rencontre, déterminante, avec sa professeure de chant : « Je ne serais pas arrivée là si je n’avais pas rencontré une professeure de chant extraordinaire, Jennie Tourel, alors que j’étais encore étudiante en math-chimie. Elle m’a repérée, guidée, inspirée. Mais bien plus que cela : elle m’a fait découvrir ce que pouvait être un artiste et à quoi devait servir un don. (...) J’avais un talent, c’était indéniable. Mais l’idée d’exploiter ce privilège pour flatter mon ego ou gagner de l’argent ne me satisfaisait pas. Et chanter me procurait un plaisir si intense que, en bonne fille de pasteur protestant, je me sentais presque coupable à l’idée d’en faire mon métier. Il me fallait une motivation plus grande, plus noble, plus inspirante. Quelque chose qui me transcende ! Jennie Tourel m’a fourni cette cause à laquelle j’aspirais. Son engagement m’a montré qu’un artiste est quelqu’un qui se met entièrement au service de son art. Avec ferveur et humilité. Cela a donné un sens profond à ma vie. (...) nous aspirons tous alors à ce moment de grâce où le public entend la musique d’une seule oreille et ressent les mêmes vibrations. Comme si la musique contournait notre cerveau arrogant, désireux de tout contrôler, et allait directement à la source pour nous rappeler, en un millième de seconde, que nous faisons partie de cette famille qui s’appelle l’humanité. C’est la raison d’être de l’art. Créer un moment de partage, rappeler ce lien puissant et mystérieux qui nous relie aux origines de la condition humaine.
Pierre Reverdy
Rue Jacob (Paris), dans la vitrine d’un libraire, un fabuleux autographe de Pierre Reverdy. Incroyable présence, soudain, de cette très grande écriture (d’autres autographes du poète ici)
Flacon de sels
Le double pépiement sous la fenêtre, enfants de l’école élémentaire, oiseaux sortis (prématurément ?) du silence hivernal - le balancement et les sons cristallins de « Souvenir (Berceuse pour un enfant tibétain) » d’alain kremski – écouter cette pièce et reposer le carnet sur figures de silence de james sacré, tintement ! –
Le puits
Se pencher sur le récit comme sur un puits sonore, écouter ce qui remonte du récit, du temps, de ce qui a été assemblé là par la plume de l’écrivain. Thoreau : « Un des avantages du plus petit des puits, c’est qu’il suffit de regarder au fond pour constater que la terre n’est pas un continent, mais une île. » (in Walden).
Kremski
Chez lui le mouvement du gong comme une marche lente sur le friselis en tapis du piano dans l’aigu.
Philippe Didion, ses notules et la Recherche
Je reçois chaque dimanche, à ma demande, les notules dominicales de Philippe Didion. Il évoque aujourd’hui sa lecture de Proust, un défi qu’il s’était donné adolescent d’arriver à boucler la lecture complète de La Recherche avant sa retraite. Mais ce que je veux surtout relever ici, c’est cette affirmation, qui me touche, inexplicablement (ou très explicablement) : « Du côté de chez Swann, le volume le plus magique, le plus touchant, le plus juste car il rassemble ce que j’ai déjà dit considérer comme les trois piliers de la littérature : l’enfance, la géographie et le dialogue avec les morts. » Dans cette lecture au très long cours, ajoute Philippe Didion : « Il y a eu des tunnels, des longueurs, des langueurs mais Proust touchait juste à chaque fois, en mettant miraculeusement en mots les sensations, les souvenirs, les sentiments, les ambitions, les déceptions, les joies et les chagrins de son narrateur et en amenant le lecteur à reconnaître qu’il avait connu les mêmes. C’était prévu, bien sûr, car Proust avait tout compris, tout programmé : lorsque, dans Le Temps retrouvé, le Narrateur imagine ses futurs lecteurs, c’est ainsi qu’il les voit : “ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d’eux-mêmes”. »
→ à propos de Proust, demandé et reçu ce matin un inédit de Pierre Klossowski, Sur Proust (Serge Safran).
Surgissement
Surgissement du passé, mais sensations mal explorées, en entendant soudain, de manière non préparée, La Fête des Belles eaux de Messiaen ! Le noir dans le salon de l’enfance, l’odeur du projecteur, le fondu-enchaîné, le magnétophone Grundig, les sons, les présences, souvent des personnes invitées à dîner chez les parents... incontestable magie de tous ces processus visuels et sonores n’ayant cessé de se dérouler depuis ce temps lointain au fond du puits de la conscience.
L’argot de Gavroche
Tellement savoureuses, les répliques de Gavroche parlant aux deux petits enfants qu’ils a recueillis et dont il ignore qu’ils sont en fait ses frères, eux aussi abandonnés par la Thénardier qui ne s’est intéressée qu’à ses deux filles aînées ! « Môme ! on ne dit pas les sergents de ville, on dit les cognes. (...) Moutard ! reprit Gavroche, on ne dit pas un logement, on dit une piolle [sic] (...) On ne dit pas la nuit, on dit la sorgue. (...) On ne dit pas brûler la maison, fit Gavroche, on dit riffauder le bocard. » Il emploie au moins cinq ou six variantes différentes du mot enfant, môme, moutard, momignard, momacque et ce merveilleux « mes jeunes humains », etc.
Richard Millet
Recevant une proposition de note d’un court livre de Richard Millet, paraissant aux éditions Fata Morgana, éprouvant une certaine hésitation en raison des polémiques suscitées par l’auteur, je cherche à me renseigner et je tombe sur un très bel article de Jacques Henric où je lis notamment cela, qui m’importe par-dessus tout : « En un temps où le ventre qui nourrit la bête immonde, l’antisémitisme, redevient terriblement fécond, en Europe et particulièrement en France; où le déni de la Shoah prend une inquiétante ampleur ; où après qu’une partie non négligeable du milieu littéraire et intellectuel a été gangrenée par ce mal au cours du 20ème siècle (...); où aujourd’hui certains partis politiques siégeant à l’Assemblée en sont atteints, il est bon qu’un écrivain, Richard Millet, soit non seulement indemne de ce mal mais se batte pour le vaincre. Dans son court texte Israël depuis Beaufort (2015), il qualifie Auschwitz d’ « événement absolu », dit tenir Shoah, le film de Claude Lanzmann pour un des grands films de l’histoire du cinéma, affirme comme catholique son lien profond au judaïsme. "Être antisémite, écrit-il, c’est se séparer de l’origine et de l’héritage". »
Être vivant
Tellement juste ces vers de David Brazil que Jean-René Lassalle me propose pour un de ses si beaux dossiers pour Poezibao :
To be alive / while you’re alive: turns out to be a taller order than / expected,
Traduction de Jean-René Lassalle :
Être vivant /tant qu’on est en vie/s’avère une tâche plus vaste/que prévu
→ c’est sans doute ce qui fait que tant de poésie semble morte, elle émane de poètes qui ne sont pas vivants alors même qu’ils sont en vie.
Flacon de sels
Cette irruption, soudaine, du chant, tout proche : le merle ! revenu à sa place, juste en contrebas de la fenêtre, sur le montant de bois de la terrasse voisine, le même merle, son chant magnifique, mais si tôt ? - la musique de benevolo, venue du fond des âges, comme celle du merle – le souvenir des taquineries de deux jeunes très aimés en voyage aux états-unis, lors d’une visite à walden, en raison de ma prononciation du nom de thoreau (quelque chose comme soreau), soreau seriné en cascades avec force gloussements et rires -
De l’enfant
Relevé cette note si profonde dans David Copperfield : « C'est peut-être une illusion, mais pourtant je crois que la mémoire de beaucoup d'entre nous garde plus d'empreinte des jours d'enfance qu'on ne le croit généralement, de même que je crois la faculté de l'observation souvent très-développée et très-exacte chez les enfants. La plupart des hommes faits qui sont remarquables à ce point de vue ont, selon moi, conservé cette faculté plutôt qu'ils ne l'ont acquise ; et, ce qui semblerait le prouver, c'est qu'ils ont en général une vivacité d'impression et une sérénité de caractère qui sont bien certainement chez eux un héritage de l'enfance. »
→ On pourrait croiser cela avec certaines des assertions de Boris Wolowiec dans son livre ! Avec l’enfant. Et soudain me saute au visage ce « Avec » sur lequel je ne m’étais pas encore focalisée. Avec, un terme pas si fréquent, me semble-t-il chez Boris Wolowiec, un terme qui me fait ressentir soudain à quel point l’enfant, celui dont parle aussi Dickens, est là, présent, en chacun, avec chacun. « L’enfant révèle la fantaisie d’exister. L’enfant révèle la fantaisie de rencontrer le monde. L’enfant révèle la fantaisie de rencontrer le monde de manière inconséquente. » (Avec l’enfant, p. 91)
Hommage à Lucien Suel
Victor Hugo, au début des Misérables : « Tantôt il bêchait dans son jardin, tantôt il lisait et écrivait. Il n’avait qu’un mot pour ces deux sortes de travail : il appelait cela jardiner. "L’esprit est un jardin", disait-il. »
Même cendre après
« Tous les hommes sont la même argile. Nulle différence, ici-bas du moins, dans la prédestination. Même ombre avant, même chair pendant, même cendre après. » (Victor Hugo)
Jim Harrison et Thoreau
Jim Harrison a écrit une passionnante introduction à la nouvelle traduction de Walden par Brice Matthieussent (Le Mot et le reste, 2013)). J’ai été mise sur la piste de cette traduction par une émission de France Culture autour de Harrison et Gary Snyder, avec Brice Matthieussent.
Jim Harrison dans cette préface écrit : « En affûtant un peu la lame de votre curiosité, vous aboutissez à cette conclusion que le XIXe siècle nous a donné trois géants, Thoreau, Whitman et Melville, dont le XXe siècle n’a pas produit l’équivalent. »
Il écrit aussi : « Thoreau avait une perception extraordinairement fine de la flore et de la faune, des points de vue tant botanique qu’historique. Il connaissait sur le bout des doigts ce qu’il appelait "la grammaire mordorée" du monde naturel. La plupart des littérateurs sont franchement des généralistes de tendance romantique, qui en guise de savoir accumulent une flopée d’anecdotes, alors que Thoreau était un étudiant assidu tant de la littérature que de la nature. »
→ et cette lecture de Walden, dans ses aspects critiques, me semble parfois tellement en phase avec notre monde contemporain, notamment en ce qui concerne la surconsommation, le gaspillage, l’accélération forcenée, la négation du temps et des distances. « Par tous les temps, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, je me suis efforcé de privilégier l’instant présent et de le marquer d’une encoche sur mon bâton ; de me tenir à cette jonction de deux éternités, le passé et l’avenir, qu’est précisément l’instant présent ; de suivre cette ligne sur la pointe des pieds. »
Et cette réflexion encore : « Nous sommes très pressés de construire un télégraphe magnétique entre le Maine et le Texas ; mais peut-être que le Maine et le Texas n’ont rien d’important à se dire. »
Avec l’enfant
« Pour l’enfant, les lettres et les nombres apparaissent comme des choses, comme des choses du monde. Pour l’enfant, les lettres et les nombres ne sont pas à interpréter. Pour l’enfant, les lettres et les nombres surgissent simplement afin d’apparaitre utilisés, utilisés à l’instant, utilisés par l’instant. » (Boris Wolowiec, avec l’enfant, p. 108)
→ pas à interpréter. Nous avons tellement été formatés à interpréter et ici je ne parle pas de musique. Interpréter tous les signes. Décrypter, analyser, extraire la substantifique moëlle et cela bien souvent au détriment de la « chose » elle-même, devenu support d’un supposé sens qu’elle n’a peut-être jamais endossé. N’y a-t-il par un rapport entre les pratiques du poète et la manière de faire et surtout d’être de l’enfant qui ne décrypte rien, mais qui reçoit en revanche tout, de plein fouet, dans sa singularité extrême, constitutive, avant d’être dressé au classement, à l’étiquetage, aux catégories ? Et ici, lisant ce qu’écrit Boris Wolowiec je pense, et bien sûr ce n’est pas un hasard à Philippe Jaffeux. Pas un hasart comme il l’écrit lui-même ? Les chiffres et les lettres sont des choses, à utiliser à l’instant.
Lire, écrire, avec l’enfant
« L’enfant devient une légende. L’enfant devient une légende presque sans parole et presque sans image. L’enfant devient une légende par le geste infinitif réflexe d’écrire sans savoir lire ce qu’il écrit. »
« L’enfant devient une légende comme une émotion qui demeure. L’enfant devient une légende comme une émotion qui demeure presque sans image et presque sans parole. L’enfant devient une légende comme une émotion qui demeure l’espace d’un instant. L’enfant devient une légende comme une émotion qui demeure presque sans image et presque sans parole l’espace d’un instant. »
→ Quitte à ne pas être dans le sens donné ici à ces mots par Boris Wolowiec, je dirais que c’est étrangement ce que je ressens quand je pense à ces petits héros enfantins qui me touchent tant (pas tous au demeurant et cela, en soi, est une piste de travail !) et qui inspirent en ce moment mon travail d’écriture. Le P’tit Bonhomme de Jules Verne, le David Copperfield de Dickens, essentiellement.
Écoute
J’ai relevé cette remarque essentielle dans un portrait de la rabbin Delphine Horvilleur dans M le Magazine du Monde : « L’écoute du récit de l’autre comme un matériau sacré ». (Le Monde du 12 janvier 2019)
La musique en soi
Theodor Reik, dans ses Écrits sur la musique, l’a beaucoup travaillée, cette forme de rémanence de la musique à l’intérieur de soi. Mais sous un angle exclusivement psychanalytique. Je cherche à la surprendre, j’en devine la quasi permanence, sans être toujours capable d’identifier les thèmes. Il me semble que l’élément rythmique est essentiel et plus surprenant que tout, peut-être, qu’il imprime à notre insu quelque chose au rythme vital, de manière non pas générale mais très précise. J’explore cela en écoutant cette pièce magnifique d’Alain Kremski, L’Appel des îles lointaines, dans le disque (quasi introuvable !) Résonance /mouvements, mouvement/résonances dont les mots du titre et la construction de ce dernier en chiasme ne peuvent que me retenir. Je pense en particulier au balancement des petits enfants dans les hospices roumains qu’on ne cessait de nous montrer il y a une vingtaine d’années (avant ou après la chute de Ceausescu ?). Ce syndrome connu sous le nom d’hospitalisme. « L’hospitalisme était très fréquent dans les pouponnières de la France d'après-guerre. La solitude rendait les jeunes enfants malades, ils dépérissaient peu à peu, tant physiquement que psychiquement. L'enfant en carence affective passe par différentes étapes : le premier mois de séparation, il pleure, crie et cherche le contact. Le deuxième mois, il dort mal, perd du poids, sa croissance est ralentie. Le troisième mois, il semble détaché, indifférent et ne témoigne plus aucun intérêt ni pour les personnes ni pour le monde extérieur. À l'époque, la psychologie des enfants n'était pas d'actualité. On pensait que leur comportement était dû à leur hérédité : parents alcooliques, syphilitiques ou pourquoi pas attardés de génération en génération. Ces explications ont été balayées par la découverte de l'hospitalisme, que l'on doit notamment à René Arped Spitz, un psychanalyste d'origine hongroise. » (source).
→ Recherche un peu décousue, anarchique, mais qui me donne le sentiment d’être sur zone pour nombre de mes chantiers de travail. Je tombe aussi sur cet extrait d’un article de Corinne D. Dubon Rougier qui souligne l’universalité de comportements rythmiques répétitifs chez les petits enfants, dont la plupart ne sont pas pathologiques : « Déjà en 1949, Lourié après avoir insisté sur l'importance de l'activité rythmique chez les organismes vivants, avait décrit les patterns rythmiques du jeune entant, insistant sur leur variété clinique, leur évolution plus ou moins discontinue ; ces patterns "changent de forme plutôt qu'ils ne disparaissent complètement, chez l'enfant avant 3 ans". Selon Lourié, ces activités répétitives ont un effet "organisateur" à des périodes de transition d'une étape du développement psycho-moteur à une autre, puis subsisteraient ensuite, répondant à un besoin secondaire ; ce type d'activité donnant à l'enfant l'occasion de soulager une tension. C'est en leur accordant un rôle analogue que Wallon parle de "décharges tensionnelles" ; pour lui, l'hypertonus engendre chez le jeune enfant une tension donc un malaise auquel il échappe par la "décharge tensionnelle", source de bien-être. Une autre analyse à valeur explicative est donnée par J. de Ajuriaguerra qui parle de "décharge de tension érotisée" ; la décharge apporte du plaisir à l'enfant et relève donc d'un comportement auto-érotique. Ces mêmes phénomènes, souvent portés à leur paroxysme, ont été étudiés en pouponnière par J. Aubry et regroupés sous le terme de stéréotypies à connotation nettement pathologique. » (source)
Flacon de sels
assise près d’un petit garçon très aimé qui s’endort, sentir sa petite main qui vous cherche à tâtons dans le noir et qui vient se promener dans vos cheveux ou sur votre oreille – recevoir deux photos d’un jeune homme très aimé : la première de sa toute nouvelle batterie électronique (éprouver une petite jalousie, ce désir de jouer de la batterie depuis l’adolescence !) suivie de celle d’un somptueux ciel rose de lever de soleil pris de son étage élevé – savourer des pommes cox orange et se régaler de ces mots : le cultivar a été obtenu par un semis chanceux de ribston pippin vers 1825 à colnbrook en angleterre par un horticulteur à la retraite nommé richard cox puis apprendre que « comme la 'grelot' et la 'pépin sonnant', on peut entendre bouger les pépins d'une cox lorsqu'on la secoue car ils ne sont pas bien "accrochés" à la pomme. » - l’andantino du jeunehomme, le concerto pour piano n°9 K.271 de mozart par mitsuko uchida
Livres cités :
Gérard Macé, Colportage, Gallimard
James Sacré, figures de silence, Tarabuste
Charles Dickens, David Copperfield
Victor Hugo, Les Misérables
Henri Thoreau, Walden, traduction de Brice Matthieussent, préface de Jim Harrizon, Le Mot et le reste
Boris Wolowiec, Avec l'enfant, Lurlure
Rédigé par Florence Trocmé le 20 janvier 2019 à 11h19 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Balises: Alain Kremski, Boris Wolowiec, Charles Dickens, David Copperfield, Gilles Deleuze, Gérard Macé, Henri Thoreau, Hermann Hesse, James Sacré, Jean Starobinski, Les Misérables, Lucien Suel, Mitsuko Uchida, Victor Hugo
Rédigé par Florence Trocmé le 03 janvier 2019 à 11h56 dans photomontages | Lien permanent
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Les soubresauts capricants de Lambert Schlechter
Composé pour Poezibao, un ensemble autour du dernier livre paru de Lambert Schlechter, Les Parasols de Jaurès, quatre extraits du livre et une note de lecture de Jean-Pascal Dubost.
Je relève ici ces mots avec lesquels je suis tellement en phase ! : « J’ai toujours l'enthousiasme de l'étude, l'envie de comprendre, le besoin de clarifier, exercer la réflexion, méditer, registrer et mettre en ordre des bribes de savoir — puis placer sur la page mes bribes de phrases, clarifications, n'être passagèrement pas dupe, avant de tomber tête première dans la trappe... »
Et dans la note de Jean-Pascal Dubost : « L’écriture de ces proses est le fruit d’un long souffle de vie qui parcourt le corps de l’écrivain et se glisse alertement dans le stylo, mais point linéaire, fait de ces soubresauts capricants et digressifs façon Montaigne, seules des virgules parsèment le texte et opèrent des changements de direction. » et un peu plus loin : « On le sait, Lambert Schlechter est un bibliophage bibliolâtre et dévore tout ce qui s’imprime et s’est imprimé, et non seulement nombre de citations d’auteurs émaillent ses proses, mais aussi les influences notables ou devinées ; s’il est un écrivain écrivant avec un fonds conséquent, c’est bien lui. Le livre est un nécessaire de vie dont il sait nous faire goûter les délices avec une érudition toujours accueillante et bienveillante et stimulante. Le livre c’est la vie, c’est la connaissance du monde. »
Nuccio Ordine
Autre atout de cet excellent livre, Les Hommes ne sont pas des îles de Nuccio Ordine, la partie anthologie. Un texte, toujours très court, toujours avec sa version originale et une ou deux pages de commentaires de Nuccio Ordine. Qui donne souvent des indications sur la réception du texte, dans les années ou les siècles qui ont suivi sa publication.
Les Grands Turbulents
J’ai reçu un livre très attirant. Sous le titre Les grands Turbulents, il rassemble des portraits de groupe de 1880-1980. Plus de cinquante groupes, autant de petites études confiées à des auteurs différents. Grand Jeu, Die Brücke, Stridentistes, CoBrA, Der Blaue Reiter, OBeRiou, Dada, etc. Certains dont les noms sont bien connus, d’autres sans doute beaucoup moins comme Les Arts incohérents, Le Rendez-vous de chasse, Hi Red center, etc. Je compte faire une belle plongée dans cet ouvrage d’histoire littéraire qui s’attache à retracer les trajectoires, souvent très brèves, parfois fulgurantes, de ces groupes d’artistes relevant aussi bien de la littérature que du monde des arts.
Dylan Thomas et Jean-Christophe Bailly
Le chapitre consacré à Dylan Thomas, dans le livre Saisir, quatre aventures galloises de Jean-Christophe Bailly est de toute beauté et de première importance. D’autant plus que les livres du poète gallois sont très peu accessibles, deux volumes anciens et chers, peu de choses en poche. Il ne semble pas avoir attiré de nombreux traducteurs.
À propos d’un des livres de D. Thomas, Bailly parle d’« un étoilement de séquences venant au fil d’une narration errante qui coche des cases puis les abandonne, ce sont parfois des brindilles de récits, des éclats de vie vivante et retrouvée. » (p.142)
Ouverture
Pourquoi certains (surtout certaines) ont-ils ou elles non seulement la capacité mais aussi la passion de s’intéresser à ce que font, pensent ou vivent les autres alors que d’autres en sont incapables (étroitesse d’esprit ?) ou s’en gardent (peur de la contamination ?).
Un bon poème est
« Un bon poème est une contribution à la réalité », dit Dylan Thomas dans un entretien de 1946 diffusé par le BBC. Il n’y a pas selon lui « de plus grande récompense, pour un poète, que d’écrire un poème » ; et il ajoute qu’un poète n’est poète que durant une fraction infime de sa vie, « n’étant le reste du temps qu’un être humain dont l’une des responsabilités est de connaître et de sentir, autant que faire se peut, tout ce qui bouge autour de lui et en lui, afin que sa poésie, quand il vient à l’écrire, tente d’exprimer la quintessence de l’expérience humaine sur cette terre si insolite. » (Cité p.143).
→ Ici encore troublantes analogies avec ce que dit Ivar Ch'Vavar.
Genres littéraires et hiérarchie
« Le plus important dès qu’on aborde la question des genres littéraires, c’est la nécessité d’abandonner tout point de vue hiérarchique. Ce qui crée les différences entre les genres, c’est avant tout la situation du langage au sein de laquelle ils deviennent des outils appropriés. La situation de langage du poème, c’est celle d’une adresse indistincte, non dirigée : le poème ne s’adresse pas et demeure autonome, il est le moteur et l’outil de sa propre formation ("le poème est (...) sa propre question et réponse, sa propre contradiction, son propre accord" écrit Dylan Thomas dans une lettre de 1938. (...) alors que le but de la prose narrative qui, comme telle, descend tout droit des formes orales de la veillée, est, naturellement, de s’adresser à un cercle d’auditeurs dont le lecteur est le lointain descendant. Et il est significatif que dans le cas de Dylan Thomas, la radio, qui restaure intégralement la notion d’auditeur, ait joué un rôle si important. » ‘p.144)
→ ce serait passionnant de dresser une nomenclature des écrivains pour qui la radio a joué un rôle important, je pense ici à Walter Benjamin, à Tardieu. En tenant compte des deux aspects, celui de créateur pour la radio, celui de passeur à la radio (passeur de littérature, de musique, d’art).
La radio
Je me souviens de ces soirées passées, cachée sous la couverture et les draps (pas de couettes à l’époque !) à écouter des récits ou des pièces sur France Culture ou France Inter et l’incroyable magie de ces moments nocturnes. Il y avait par exemple « Le Théâtre de l’étrange ». Et singulièrement les « Polypes musiciens » dont je retrouve bien la trace sur le site de l’INA (ah les trois coups !). Avec Jean Rochefort et Michel Vitold. Importance de la musique aussi qui peut fort bien avoir induit un goût de la musique contemporaine : « tout a commencé par un coup de téléphone, c’était ce fou de Peter Russel qui m’appelait... ».
Under Milk Wood, Dylan Thomas
Alors radio oui et ce grand poème radiophonique de Dylan Thomas, Le Bois lacté. Under Milk Wood dont parle Jean-Christophe Bailly. Diffusé le 25 janvier 1954 peu après la mort de son auteur. « L’ultime levée en masse du verbe thomasien, dit Bailly qui ajoute que sa forme, singulière, est inséparable du médium qui devait la porter – la radio. » (p.146) « Avec Under Milk Wood, nous sommes dans l’espace d’une invention intégralement pensée pour former un évènement radiophonique centré sur l’existence et la multiplicité des voix et selon la spatialité qui est propre à leur déploiement sur les ondes. » (p. 147)
En français le texte est assez peu disponible, il existe toutefois une version publiée par L’Avant-Scène théâtre, dans une adaptation-traduction de Jacques B. Brunius. Mais on peut assez facilement trouver le texte en anglais et écouter la pièce, avec dans le rôle du narrateur rien moins que Richard Burton.
Les violons de la Shoah
Très forte et émouvante séquence dans le journal de 20 heures : « les violons de la Shoah ». Voici la présentation de l’émission : « À Dresde, en Allemagne, les violons qui jouent ce soir-là ont survécu aux camps nazis. Des instruments ayant appartenu à des déportés juifs qui, devant une salle très émue, font entendre leurs témoignages surgis du passé. "Ce concert prouve que la musique est un moyen très puissant de transmettre l'histoire", explique une jeune femme venue assister au concert. Ovationné par l'auditoire, Amnon Weinstein a redonné vie à ces violons de la guerre. Ce luthier israélien est venu quelques heures avant le concert pour remettre les instruments aux musiciens allemands de l'orchestre philharmonique. "C'est un moment très particulier. Je pense à ceux qui ont tenu ce violon entre les mains et aux circonstances dans lesquelles ils ont dû jouer", explique Wolfgang Hentrich, violoniste allemand de l'orchestre. Chacun des 16 instruments utilisés ce soir-là a son histoire tragique. Tous ont résonné dans les camps de concentration ou d'extermination. La culture juive dit qu'on ne peut que faire confiance à un violon, alors, les nazis imposaient aux musiciens juifs de jouer au moment de conduire les condamnés vers les chambres à gaz. Ce soir-là, à Dresde, Amnon Weinstein va passer de musicien en musicien pour raconter les histoires qui se cachent derrière les instruments qui seront utilisés. »
Camera obscura, Jean-Christophe Bailly
Je commence une nouvelle « aventure » dans le très beau livre de Jean-Christophe Bailly, Saisir, quatre aventures galloises, celle qu’il consacre à Sebald. Il y est question d’une camera obscura située dans la ville d’Aberystwyth, au Pays de Galles. Particulièrement grande. Il s’agit en fait d’une pièce circulaire éclairée par un trou zénithal où a été placée une lentille tournante qui génère une image de 1,20 m de diamètre : « soudain, et dans un silence étrangement augmenté, c’est tout un pan de la ville qui se révèle, tel qu’en lui-même et pourtant métamorphosé, comme s’il était du pouvoir du réel d’advenir simultanément à lui-même comme sa propre maquette ». (p.176. On peut voir l’image ici. Sur cette vidéo on a fait un enregistrement à un moment donné et pas la vision en temps réel). Un peu plus loin Jean-Christophe Bailly précise : « Le monde advient, tel qu’en lui-même, tel qu’on pourrait le voir en sortant de la chambre noire et en allant l’observer pour de vrai depuis la terrasse, mais en même temps il est comme un mirage silencieux. L’échange – et le trouble – est complet : de même qu’il y a un fondement réaliste à l’illusion, il y a une dimension illusoire du réel – c’est pour de vrai aussi, selon l’expression des enfants, que l’image advient comme image. Cette union si parfaitement conduite du réel et de l’irréel a aussi pour effet de donner à ce que l’on voit, qui est pourtant une sorte de présent à l’état pur, l’allure du souvenir. Un tel glissement d’encore vers déjà et vers déjà plus s’accompagne forcément d’une sensation mélancolique – le temps passant alors sur lui-même cet archet invisible et sans rythme ni battement qui est son flux interne. » (p.177)
→ il me semble qu’on éprouve une sensation un peu similaire quand on observe les images d’une webcam, calée sur un lieu donné. Il y a un très étrange sentiment d’irréalité.
« Cette propension du réel à nourrir l’illusion, et de l’image à installer cette illusion comme une vérité pourtant impalpable, ce sont là les traits mêmes, alliés à une méditation continue sur la nature des souvenirs, qui ont alimenté l’œuvre de W.G. Sebald. » (p.179)
L’obscure résistance des signes
Soulignant l’obscure résistance des signes qui obséda Sebald toute sa vie, Bailly développe encore : « La recherche dont témoignent, dans leur patience inquiète, les livres de Sebald est en effet un combat contre l’effacement, et elle a dû, justement, en passer par ces signes presque évanouis qui transforment l’incertitude en soupçon mais qui, toutefois, ne parviennent jamais au statut installé de la preuve. En vérité, malgré le fatum de la disparition et de l’engloutissement, de tels signes et de tels documents abondent, formant sous la couche supérieure du temps, qui efface, une sorte de sous-couche, parfois profondément enfouie où, mystérieusement conservés, ils mènent une vie fantomatique. » (p.180)
Les livres qu’on ne lit pas : action d’ombre et de blason
Christine Jeanney me dit lire Discours de l'ombre et du blason de Giorgio Manganelli et m’envoie cet extrait : « Il est sans doute assez naturel qu'un lecteur lise, mais ce que je conteste, c'est qu'il faille nécessairement lire pour être un lecteur, et surtout qu'on puisse dire que l'achat des livres n'est pas un geste de lecteur. Mais quel sens y a-t-il à mettre dans ta bibliothèque un livre que tu ne lis pas ? Comme tu dis : je ne le lirai peut-être jamais, et qui sait si je n'en ferai pas un jour cadeau à quelqu'un. Mais non, je plaisante, je me laisse entraîner ; les livres achetés et non lus, et qui ne le seront peut-être jamais, je ne les prête même pas. Ils me "servent". À quoi ? Ils servent parce que comme tous les livres ils exercent naturellement une action magique, action d'ombre et de blason. Quand on achète un livre, on est, je suppose, un peu dans le même état d'esprit que les hommes qui peignaient des bœufs et des boucs dans les cavernes paléolithiques. Une vache peinte, on ne peut ni la traire ni la manger, mais elle a, sur toutes les autres vaches, le privilège d'être "la vache". De même le livre non lu, acheté et déposé sur un rayon de bibliothèque, est "le livre". L'achat d'un livre a sur les nerfs un effet qu'aucun geste n'a jamais ; c'est un choix entièrement onirique, hystérique, fantastique, qui suppose tout un programme de vie et, naturellement, davantage de livres sont autant d'allusions à davantage de programmes de vie. »
→ Ce texte de Manganelli m’apaise aussi un peu par rapport à tous ces livres que j’ai, que je reçois, que je ne peux lire. Il y a bien sûr ceux qui ne me concerne pas vraiment, mais il y en a beaucoup que j’aimerais lire ou au moins feuilleter (cela je m’y emploie) mais que je n’ai tout simplement pas le temps de lire.
Ta mémoire, ton identité
Ce pan de mémoire qui s’est volatilisé, évanoui, effacé, page redevenue blanche, encre mangée par la lumière. Es-tu encore toi et où es-tu ? Errante perdue dans le labyrinthe de tes souvenirs déchirés, flottant en lambeaux comme vieux linges dans un courant d’air. Mémoire toute déchiquetée d’incohérences, peuplée de recoins sombres ne renvoyant plus aucun écho, sonnant creux et vides quand on y frappe du doigt. Tant d’effacements partiels ou ponctuels, messages brouillés, mangés par les vers, ilots ou icebergs de réminiscences, motifs du tissu vanishing telles les fresques soudain exposées à l’air. Que deviens-tu dans ce chaos ?
Souffle de Beckett, Marc Blanchet
Une petite page, 35 secondes, à peine plus, c’est Souffle, la pièce de Beckett sur laquelle s’arrête Marc Blanchet selon sa belle méthode : « déployer une réflexion, c’est-à-dire révéler des obsessions et suggérer sans trahir : voici le vœu de cet essai. » (p.5). « Penser donc – face à Beckett, et ce en compagnie de chacun de ses livres. » Le défi n’est pas mince, surtout en partant de cette pièce, Souffle, qui se déploie donc en trente-cinq secondes. Cet essai se voudrait « une dissection bienveillante de Souffle suivie d’une méditation en deux temps sur le corps ouvert de la pièce, interrompue par un interlude. Rien d’autre qu’une réflexion devant l’une des grandes figures du vingtième siècle. »
→ Il y a là à la fois audace et simplicité, le projet peut sembler fou mais c’est un projet d’amour de l’œuvre. Et ce ton à la fois didactique et invitant, fait pour désintimider et devant le présent essai (le mot est en italique), cette tentative présentée comme telle et devant la stature de Beckett.
La pièce, il la donne en intégralité, Marc Blanchet, une page, deux parties, la première en cinq temps depuis 1. Noir jusqu’à 5. Noir. Si peu de choses, un jeu de lumière crescendo decrescendo, un souffle, un cri faible. C’est tout. La deuxième, quatre didascalies. Rien d’autre. « L’écriture de Beckett s’éloigne d’indications sensibles pour n’être que le métronome d’une situation. ». Cela peut paraître peu et ne pas mener bien loin, sauf explique Marc Blanchet à l’orée de cet essai que tous les sens sont sollicités par ce très peu.
Toutes les chances de ressentir l’œuvre
Devant la description très détaillée que Blanchet fait de la pièce de Beckett, disant que l’auteur « donne toutes les chances de "ressentir l’œuvre" » (p.31), je pense à ces propos du pianiste Lucas Debargue expliquant prendre connaissance d’une nouvelle pièce en la jouant très lentement, un peu sans doute pour ses donner toutes les chances de la ressentir.
Un geste photographique
« Bien des pièces à partir des années soixante de Beckett sont des récits rapportés, considérant la prose comme une ombre portée sur la scène. En ceci, le geste est photographique : on dépose une impression visuelle sur scène, elle se forme sur le plateau et établit grâce à cette forme nouvelle un récit né d’un souvenir, d’une obsession, venant d’une prose perdue, sinon lointaine. » (p.38)
→ sans que je puisse préciser en quoi et pour quoi, cette belle remarque de Marc Blanchet fait ressurgir la camera obscura évoquée par Jean-Christophe Bailly. Cela a sans doute à voir avec l’idée d’un déplacement, d’un transport d’un registre vers un autre registre. Qu’est-ce qu’il y a sur la scène ? Qu’est-ce qui est mis en scène ?
Nadeau
Le critique Claro salue, dans Le Monde des livres « un maître de la critique littéraire : Maurice Nadeau (1911-2013), pour qui "un ouvrage qui laisse le lecteur en l’état où il l’a trouvé, et dont on devine qu’il n’a pas modifié en quoi que ce soit son auteur, est un ouvrage inutile." »
Notre condition musicale
Très belle note de Roger Pol Droit en liminaire d’un bref article du Monde des livres sur La Condition musicale d’André Hirt : « La musique ne s’écoute pas, elle se vit. Même en silence, en mémoire. En fait, elle se confond avec l’existence humaine : notre condition est musicale. »
En écoutant A ceremony of Carols de Benjamin Britten.
Souffle
Marc Blanchet pose la question peut-être essentielle : Qui souffle dans Souffle ? Il y a ce mouvement respiratoire, précisément décrit et minuté, inspiration puis expiration et le petit cri. Qui est à l’origine du mouvement respiratoire, de quoi est-il la marque ?
Et tu t’assiéras
Et tu t’assiéras par terre dans ton bureau et tu oublieras les livres, les écrivains, les penseurs, les frères et les sœurs. Tu les laisseras un moment à leurs rêves et à leurs vies. Toi tu ouvriras la boîte, prendras un plateau quelconque et les toupies, les dizaines de toupies, tu les lanceras, tu les regarderas tourner, tourner, s’affaisser comme toutes ces vies qui te retiennent, te happent, te prennent, te nourrissent. Tourne, tourne, petite toupie sur toi-même, tourne, tourne, toupie verte et pomme d’api, tourne, tourne, petite vie en voie d’extinction. Assise par terre, tu joues avec tes toupies, où es-tu dans le temps ? Où sont ce gyroscope et cette toupie magnétique, futurs invités de ta collection. Font bal tes toupies en attendant les petites nouvelles et tu danses et tournes, tournes avec elles.
Du conte
Écouté une très intéressante émission sur France Culture, sur le thème du conte. Avec la participation d’une spécialiste, Bernadette Bricout, professeur de littérature orale à Paris-Diderot. En ouverture, une brève archive avec la voix de Marthe Robert parlant des romantiques allemands comme liseurs et faiseurs de contes, et aussi comme collecteurs de ces contes.
J’ai relevé certains propos de Bernadette Bricout qui m’ont particulièrement frappée. Cette idée que le conte s’adresse intimement à nous. Elle me semble si juste et encore plus juste peut-être si on l’éclaire des choix que nous faisons parmi les contes. « Le conte nous choisit autant que nous le choisissons ». Il n’est pas anodin sans doute d’aimer « La Petite Sirène », « le Vilain petit Canard », ou « les Trois petits cochons » plus que tel ou tel autre conte qui sera préféré par quelqu’un d’autre. Bernadette Bricout nous dit aussi que ce monde des contes est « un monde qui nous parle de nous autrement ». Elle insiste sur l’importance des objets, souvent très humbles, surtout dira-t-elle en fin d’émission dans le conte oral alors que dans le conte littéraire (intéressante distinction, à creuser), l’objet est souvent personnifié, transformé en un personnage. Ainsi du personnage de la sœur Anne et de son attente, dont j’ignorais qu’il venait de « Barbe-Bleue » et qui dans certaines versions est un oiseau, un animal.
Tout fait sens
Les récits de littérature orale, contes, légendes, mythes, sont unis, dit encore B. Bricout, par une trame symbolique. Ce sont des mondes où tout fait sens : « la planète des contes est un ensemble où chaque pièce du puzzle vient s’imbriquer étroitement et est à peu près inséparable des autres ».
→ c’est important cette notion de sens. Alors que trop souvent, pour l’enfant, dans les dialogues avec autrui, notamment les adultes tutélaires, les sentiments, les désirs, voire les faits rapportés ont été balayés d’un revers de main comme non signifiants ! Tout fait sens et parfois ce qui fait le plus sens n’est pas le plus manifeste, le plus apparent.
De l’essai
Je pense à Alexander Kluge et à ses collections de faits, certains réels, certains imaginaires. Je pense à ces extraits d’essais d’Eliot Weinberger que donne à lire Guillaume Condello dans Poezibao. La notion même d’essai mute aussi, au fil du temps, même si l’essai universitaire demeure remarquablement stable (ce serait peut-être une erreur de sa part de viser cette conformité à la tradition de l’essai, à sa stabilité). Je pense à ce projet en cours de Poetic Digest comme une forme d’essai, un peu dans la lignée des collections de Kluge, mais avec des thématiques plus intimes peut-être, moins historiques et collectives. Essai en ce sens que l’ensemble sera représentatif, peut-être, de certains traits d’une époque. Parfois, dans le fil de tout ce qui tombe sous mes yeux ou dans mes oreilles, et dieu sait si la matière est abondante, certains faits me retiennent, me donnent envie de tisser quelque chose à partir d’eux. Comme la porosité reconquise du sol lyonnais ou les bouteilles à la mer entre les deux Corées.
Bouteille à la mer
Hasard et nécessite, bouteille à la mer ? Le capitaine Grant prisonnier quelque part sur le 37ème parallèle sud, l’infranchissable frontière entre les deux Corées sur le 38ème nord : le message de Grant dans le ventre de la baleine que les Japonais s’arrogent le droit de chasser de nouveau, 2018, et les bouteilles coréennes. Remplies de riz truffé d’une clé usb, jetées à l’eau sous courant propice par des Nord-coréens en fuite au sud : nourriture, argent parfois et dans les clés des images de la vie libre. Inlassablement jetées à la mer, mois après mois, une sur mille peut-être en bonnes mains, ni perdue, ni interceptée, une vie sauve ou éclairée à grands risques. Bouteille à la mer.
Les Misérables
Peu de notes ici dans ce Flotoir et pourtant une avancée éblouie dans le livre de Victor Hugo. J’aime ce long temps pris à une évocation, celle d’un personnage comme le merveilleux évêque début de Fantine, celle d’une institution ou d’un lieu comme celle du couvent des Bernardines dans le quartier Picpus à Paris. Extraordinaire puissance de la prose, construite sur une documentation d’une grande précision, le tout doté d’une puissance d’évocation sans pareille. Les images se forment au fur et à mesure dans l’esprit du lecteur : celle par exemple de cette grande forme immobile noire couchée au sol, que Valjean distingue depuis le jardin du couvent où il vient de se réfugier avec Cosette, à deux doigts d’être repris par Javert. Victor Hugo donne une dimension quasi fantastique aux lieux, le jardin avec le vieux jardinier, les bâtiments. Auparavant la description au mètre près du réseau de ruelles par lesquelles Valjean fuit, etc. Qui a encore aujourd’hui cette puissance narrative et descriptive, cette capacité à engendre des paysages, des situations, des personnages, tous plus complexes les uns que les autres ? « L’œil de l’esprit ne peut trouver nulle part plus d’éblouissements ni plus de ténèbres que dans l’homme ; il ne peut se fixer sur aucune chose qui soit plus redoutable, plus compliquée, plus mystérieuse et plus infinie. »
Flacon de sel
la sonate que l’on travaille, dans un tempo relativement modéré qui apaise le découragement, sous les doigts de mitsuko uchida, recommandation d’un ami (mozart, sonate n° 7, K.309) – la découverte d’une initiative enchanteresse, un site participatif de recension de toutes les bibliothèques publiques du monde – revivre ce petit frisson bien particulier éprouvé à chaque rencontre avec une bibliothèque ici ou là et ce désir irrépressible, toujours suivi quand c’est possible, d’y entrer faire un tour.
Autre flacon de sels
Sur la vieille « platine » toujours vaillante, le 33 tours (non, ce n’est pas un vinyle !) du roi babar, les petites filles très aimées médusées devant l’appareil, le son magnifique et toutes les ritournelles encore sues par cœur (papadidi rakoko cromta cromta ripalles,) inscrites pour longtemps sinon à jamais dans les neurones, les voix de François Perier et Jean Desailly et le petit chevrotement de la vieille dame – en arrière-plan la lecture dominicale à haute voix de la saga des brunhoff – les toupies, encore les toupies, la collection, ses cent modèles en tous genres et le jeu de la roulette tyrolienne – mozart, les sonates pour violon et piano avec mitsuko uchida au piano et mark steinberg au violon
Colportage
Double entrée pour ce paragraphe. La question du colportage qui depuis si longtemps m’attitre et m’intéresse et le livre ainsi titré de Gérard Macé.
Je me sers de la quatrième de couverture du livre pour préciser la première entrée ! : « Le colporteur apportait autrefois, de village en village, des livres et des colifichets, de la mercerie, des calendriers, des images pieuses, des remèdes de bonne femme et des plans sur la comète. Il jouait le rôle de libraire ambulant, qui faisait circuler les nouvelles et prodiguait des conseils » écrit Gérard Macé qui poursuit : « Je reprends à mon compte cette figure de vagabond qui sait lire, de Juif errant incrédule, qui a vu le monde et même voyagé dans le temps. Dans ma besace de lecteur et de promeneur, je propose donc des livres que j’aime, des vers et de la prose, des images savantes et populaires, des commentaires mêlés de rêveries, et même des histoires brèves. Sans autre but que de partager mon plaisir, et quelquefois mes indignations. »
Mon cher P’tit Bonhomme (Jules Verne) promenait tous ces articles dans sa carriole tirée par son vieil ami le chien Birk. Il s’y connaissait en imprimés pour en avoir vendu longtemps de toutes sortes aux abords de la gare de Cork. J’aimerais l’imaginer en fin lettré et libraire mais il n’en est rien, c’est un tout jeune homme courageux et doué d’un sens inné du commerce qui va magistralement développer sa petite affaire à Dublin.
Les Editions Gallimard reprennent ici trois volumes déjà parus entre 1998 et 2001 en un seul volume largement augmenté. Immense plaisir à fouiller dans la caisse du colporteur, peu riche certes en colifichets, encore moins sans doute en images pieuses, mais coffre aux trésors littéraires de premier plan ou beaucoup moins connus, toujours exposés avec une érudition légère et joyeuse qui donne envie de se précipiter vers la source !
La découverte, selon Gérard Macé
Gérard Macé dit arpenter plus volontiers la « bibliothèque des rues » que fréquenter les « salles de lectures qui rappellent trop la lampe et l’étude. ». Il a son idée sur la vraie trouvaille : « plutôt que les fatigues de la recherche, c’est l’inspiration qui permet la vraie trouvaille : comme tout bonheur imprévu, elle vient combler le cœur, autrement dit se loger à la place vide où le désir réclamait un objet ; elle permet du même coup d’abolir la distance, infranchissable si souvent, qui nous sépare du monde. » (Colportage, p. 13).
C’est aussi un peu ce que l’on appelle aujourd’hui la sérendipité ! Mais concernant cette dernière, merveilleuse ressource, il faut bien se rendre compte qu’elle n’est féconde que si l’objet non cherché mais cependant trouvé vient s’inscrire dans le cadre d’une recherche en cours, vient faire vibrer, fut-ce dans les lointains, une corde sensible.
Sa méthode
La manière plutôt de Macé : de courts chapitres autour d’une idée, sur une piste, avec l’appui de Nerval, Rimbaud, Montaigne et bien d’autres.
Et des mises au point souvent, fort intéressantes. Ainsi sur la fameuse formule de Montaigne « A sauts et gambades : la formule est devenue fameuse, mais citée la plupart du temps comme s’il s’agissait d’un pur caprice, ou de pas de côté qui n’obéissent à aucune logique. Or la phrase entière mérite d’être rétablie, d’autant plus qu’elle est brève. "J’aime l’allure poétique, à sauts et à gambades", écrit Montaigne en se référant à la poésie, autrement dit à l’association d’idées, aux rapprochements plus ou moins lointains dans l’espace et dans le temps, au rythme intérieur qui dicte celui de la phrase, et prouve la marche en marchant. » (p.20)
L’atteindre en boîtant
Autre formule, et beau détournement de ma part, on va le voir. La formule : « Ce qu’on ne peut atteindre en volant, il faut l’atteindre en boîtant » (formule de Rückert, poète, traducteur et orientaliste allemand mort en 1866, connu notamment pour être l’auteur des textes des lieder de Mahler, mais également d’aphorismes d’inspiration hindoue dont relève peut-être celui noté par Gérard Macé). Détournement car je la tire vers le sens suivant, à savoir l’espoir offert au besogneux, au laborieux, au têtu d’arriver à ses fins quelque boiteux qu’il soit pourvu qu’il ait la passion de son but. Oh que je boîte sur mes claviers, celui du piano, celui de l’ordinateur. Mais quelle énergie et quelle conviction bien établie (comme on dit du vent) dans cette claudication. Macé lui travaille plutôt à partir de Baudelaire et de son « Albatros », il insiste sur le fait que « la chute est toujours proche de l’envol.
Lectures et souvenirs
Au début de ce court chapitre, il évoque une promenade dans Paris qui ne cesse de faire lever des souvenirs littéraires « comme si je n’avais pas d’autres souvenirs que des souvenirs de lecture » écrit-il. N’y-a-t-il pas aussi, miraculeux, ces souvenirs qui associent une lecture et le lieu où elle se fit, tel grenier de l’enfance, telle salle de bibliothèque pendant les études (je pense ici à la Bibliothèque des Arts décoratifs de Paris, ouverte sur le jardin des Tuileries, avec ses murs tapissés de grands registres d’illustrations et motifs découpés et collés. Et voilà que Gérard Macé me propose une nouvelle fenêtre : « une bibliothèque aux portes battantes puisqu’elles donnent sur le bal du Temps retrouvé » ! (p. 27)
Flacon de sels
les petites framboises dodues posées en équilibre sur le tapis neigeux couronnant un rond de pâte sablée - le plaisir de constituer dans l’assiette, par opérations successives, des petits bateaux, un peu de pâte, une framboise – les retrouvailles avec le système « silencieux » du piano plus actionné depuis des mois et ce qu’il permet d’intimité avec la musique que l’on joue – apercevoir un nom dans la liste des mails reçus, penser à des vœux un peu opportunistes et éclater de rire en lisant ces seuls mots « garanti sans virus » - le nom de joubert, si rare, sous la plume de gérard macé –
Verre et vair
Autre mise au point amusante de Gérard Macé, non ce n’est pas une pantoufle de vair que celle de Cendrillon. Il fait le tour de la question et réfute preuves en main (encore une question de langue !) l’érudition fallacieuse et de Balzac et de Littré... en recourant à des versions de la même histoire dans d’autres langues !
Oui donc, de courts chapitres, aux sujets très variés, toujours très vivants, où s’il y a érudition, elle est légère, voire joueuse, ne craignant pas l’anecdote ou le menu fait, ainsi de Joubert tellement épris de perfection qu’il arrachait dans les livres de sa bibliothèque les pages qui ne lui convenaient pas !
Joubert
Bonheur en effet de voir Gérard Macé évoquer Joubert, qui figure en bonne place dans ma bibliothèque (avec toutes ses pages !) depuis longtemps déjà mais aussi dans ma liseuse, de telle sorte que je peux, un peu partout, me régaler d’une de ses sentences. « Au lieu de me plaindre de ce que la rose a des épines, je me félicite de ce que l'épine est surmontée de roses et de ce que le buisson porte des fleurs. » par exemple. Ou bien encore : « Il est des têtes qui n'ont point de fenêtres et que le jour ne peut frapper d'en haut. Rien n'y vient du côté du ciel. »
Joubert qui, dit Gérard Macé « n’est jamais totalement sorti de l’ombre, et que son nom même n’évoque pas toujours quelque chose de précis, son œuvre encore moins. (...) Pour quelques dizaines, quelques centaines de lecteurs il redevient un auteur aussi neuf que méconnu. » (p.35) « En effet, poursuit-il, de quoi nous entretient Joubert ? De la matière, des astres et des saisons, des ailes de Dédale et du miel des abeilles. Du feu, de la lumière, de l’amitié. Des métamorphoses et des correspondances, selon lesquelles le marbre est de l’air concentré, le diamant une condensation de la lumière. » (p.37)
On ne peut tout citer des sujets de Macé, on retient au passage un très beau chapitre sur Lewis Caroll dans ces promenades à sauts et gambades dans la littérature (surtout celle du 19ème siècle). Un autre sur Caillois...
Des milliards de points muets
...un autre encore sur Ponge. « Ponge en faisant jouir la langue lui redonne la mémoire : mémoire de Malherbe et de Lautréamont, plus loin de Lucrèce et d’Épicure. Mais cette mémoire ne sera jamais totale : la limite est celle de l’orgasme (action de pétrir et d’humecter, selon Littré), mais aussi celle de la langue morte avec ses milliards de points muets. Matière vieille, ou rien n’est conservé de ce qui fut dit : la langue est alors rendue au monde muet, celui des choses. » (p.85)
→ Recevoir soudain le choc de l’expression langue morte, elle qui fut parlée dans les rues, sur les bateaux, aux champs et qui ne l’est plus, elle qui demeure seule enfermée dans les pages des livres à perte d’étagères ; langue morte-morte que celle-là car il y a aussi la langue en vie apparente et morte, la langue de bois (et pas seulement).
→ Langue rendue au monde muet, à moins que ne passe par là un Dylan Thomas, faisant renaître dans son Au bois lacté tout ce qui fut dit par tous les endormis de la petite cité traversée de nuit ! Ce qui ramène à Jean-Christophe Bailly qui après Dylan Thomas se penche, merveilleusement, sur Sebald, Sebald au Pays de Galles, à travers son personnage d’Austerlitz. Et qui boucle la boucle de ses quatre histoires avec une évocation très forte de la mine au Pays de Galles, à travers notamment les photos de Robert Frank et de W. Eugène Smith. Il donne à voir notamment une impressionnante photo de ce dernier, des mineurs sur trois générations, le père, le fils et le petit-fils dont les visages fascinent par l’accentuation étrange des traits soulignés par la poussière noire de charbon. Il est des livres qu’on quitte avec tristesse, (ce n’est pas si fréquent), Saisir en est un. Et on aura tant aimé cohabiter avec sa très belle couverture qu’on va placer le livre dans la bibliothèque de manière à la voir encore longtemps !
Correspondances
La valse des thèmes ! Trois occurrences, rémanentes de surcroit, du thème de la mine en quelques semaines : la cité minière écossaise des Indes Noires (Jules Verne), l’inondation de la mine dans Sans Famille et ces pages de Jean-Christophe Bailly, comme un point d’orgue mélancolique et tragique à tout son livre (tandis que Mitsuko Uchida lance les sidérantes questions de « L’oiseau prophète » de Schumann...)
La cascade trophique
Découvert cette notion d’écologie en regardant un documentaire sur la réintroduction des loups dans le parc national de Yellowstone, une réintroduction qui a totalement rééquilibré la donne de telle sorte que la végétation très malmenée a pu se régénérer (on peut lire cet article). Pourquoi ? Parce que les loups sont les prédateurs des wapitis, que la population de ceux-ci, sans prédateur naturel, explosait et qu’ils ravageaient la végétation. « En écologie, les cascades trophiques découlent d'interactions prédateur-proie qui affectent l'abondance, la biomasse ou la productivité de plus d'un niveau au sein d'un réseau trophique. Cela se produit lorsqu'un prédateur réduit l'abondance ou modifie le comportement de sa proie, ce qui diminue la prédation sur le prochain niveau trophique inférieur. Les cascades trophiques ont initialement été perçues comme un mécanisme peu commun et typique des écosystèmes aquatiques peu diversifiés, parce que les premières évidences empiriques ont été décrites dans ce type de milieu. Aujourd'hui, on dispose d'exemples de cascades dans tous les principaux biomes, tant terrestres qu'aquatiques, des tropiques aux pôles. » (source)
Liste des livres cités
Lambert Schlechter, Les Parasols de Jaurès, éditions Guy Binsfeld ;
Nuccio Ordine, Les Hommes ne sont pas des îles, Les Belles Lettres ;
Les Grands Turbulents, portraits de groupes 1880- 1980, Madiapop Editions ;
Jean-Christophe Bailly, Saisir, quatre aventures galloises, Seuil ;
Dylan Thomas, Au bois lacté, L’Avant-Scène théâtre ;
Giorgio Manganelli, Discours de l’ombre et du blason, Seuil ;
Marc Blanchet, Souffle de Beckett, La Lettre volée ;
Maurice Nadeau, Soixante ans de journalisme littéraire, Tome 1, Editions Maurice Nadeau ;
André Hirt, La Condition Musicale, Encre marine ;
Gérard Macé, Colportage, nouvelle édition revue et augmentée, Gallimard.
Rédigé par Florence Trocmé le 03 janvier 2019 à 11h18 dans Bribes de Flotoir | Lien permanent
Balises: "Les Misérables", "violons de la Shoah", André Hirt, Beckett, conte, Corées, Dylan Thomas, Giorgio Manganelli, Gérard Macé, Jean-Christophe Bailly, Lambert Schlechter, Les Grands Turbulents, Marc Blanchet, Maurice Nadeau, mine, Nuccio Ordine, Pays de Balles, radio, Sebald