Sur le Flotoir
Réponse indirecte de Siegfried Plümper-Hüttenbrink à la question que je me posais récemment sur la « disposition » des citations dans le Flotoir : Voici ce qu’écrit Siegfried :
« Votre travail avec les citations (incluses dans le texte, et non en retrait) parvient à les mettre en scène et les "fait parler" en conséquence. C’est un procédé qu’il m’arrive souvent d’adopter et par le truchement duquel l’on ne sait plus au juste où l’on est (dans le texte ou dans la citation qui lui sert de relais ?) Et c’est tant mieux, tout se jouant dans une indécision, dans l’entre deux, entre chien et loup. Et au grand dam des universitaires qui sont toujours restés des thésards bardés de titres et de références. Pour rester dans l’entre-deux vous parlez des "glissements de pages" entre deux lectures, des fondus-enchaînés qui s’en suivent et qui font du Flotoir une chambre d’échos où des auteurs se côtoient presque à leur insu. Dans le chassé-croisé de leurs voix respectives. Et parmi lesquelles votre voix co-habite en basse continue, leur faisant écho, sous forme de rappels, de souvenirs ou d’indices de lecture qui attestent de leur affiliation en esprit. Derrida communique avec Valéry, qui est en pourparlers avec Claude Ollier, qui dialogue avec Proust ... C’est une communication des esprits et à laquelle vous me rappelez. J’ai complètement oublié d’en faire état dans les Jeux de lecture. Mais ce n’est pas grave, vu que le Flotoir est là depuis nombre d’années pour attester de cette communication qui fait parfois qu’un auteur entre inexplicablement en contact avec le questionnement d’un autre auteur, qui lui-même est en phase avec un troisième auteur. Comme s’ils se donnaient le relais aux yeux de leur lecteur. C’est particulièrement patent dans les filiations qui se nouent dans l’histoire de la musique germanique. De Bach jusqu’à Lachmann, un legs se reconduit qui fait de la musique un exercice de réflexion sonore. »
Broussaille verbale
Laurent Margantin dans son blog-notes : « PH : ‘Je ne peux rien écrire quand écrire, c’est en savoir plus que les autres, quand c’est s’arrêter d’être une simple créature humaine’ ». [PH = Peter Handke dont je me demande si je ne l’ai pas vu aujourd’hui remontant à pied la route des Gardes à Meudon ?
« Cette page : fouillis de mots tracés, griffonnées au crayon à papier – des phrases, des bouts de phrase – observations diverses devenues amas de signes – broussaille verbale que je ne peux ni ne veux démêler, que je laisse ouverte comme le paysage dont il est question : derrière le grillage – quelques arbustes, des herbes sauvages et, au-dessus, les tiges de canne à sucre jaunes-vertes, immobiles entre deux coups de vent. »
→ J’ai eu confirmation un peu plus tard que c’était très vraisemblablement lui que j’ai croisé ce jour-là ! Il y eut alors quelque chose d’irréel, comme du domaine du rêve. Je regardais depuis la voiture qui descendait cette côte plus que raide cet homme pas jeune qui la montait à pied d’un pas alerte et soudain, dans le for intérieur, une vraie exclamation « c’est Peter Handke ». Une impression extrêmement rapide, fugitive mais teintée d’une sorte d’évidence.
Projet, trajet
Dans le blog de Fabien Ribery, je relève ce matin ces mots qui me semblent résonner avec le beau projet de feuilleton La Main courante de Siegfried Plümper-Hüttenbrink : « Le dernier numéro de la revue Lignes (62), consacré aux ‘mots du pouvoir et au pouvoir des mots’ (...) offre à ses contributeurs la participation à un dictionnaire critique permettant, à la façon de Victor Klemperer, ou de Eric Hazan, de faire un état des lieux des maux langagiers pourrissant notre pensée, nos actes, notre rapport au monde, ou, au contraire, l’exaltant. Léa Bismuth s’alarme de la vulgate insupportable des ‘appels à projet’ : ‘Que pourrait être une fécondité créatrice dans un tel contexte ? Nulle et non avenue. La fécondité de l’œuvre – la mise en mouvement essentielle à son développement, le chemin inqualifiable de son processus d’élaboration, l’émancipation et la part de secret irréductibles qu’elle requiert – est tout simplement incompatible avec cette logique. La large vie de l’art, son élargissement poétique et existentiel en tant qu’il est toujours à la fois intime et politique, n’appartient pas au domaine du projet, mais toujours à celui du trajet, c’est-à-dire à l’infinie puissance du présent et de son expérience.’ »
Un reste muet
Je relève aussi cela : « Plinio Prado (‘Non-Mot’) s’insurge sur le formatage/décervelage de l’être du langage réduit aux stéréotypes de la communication : ‘Car jamais l’hégémonie de ce rapport instrumental, informationnel et utilitariste aux mots (asservis à un pouvoir de calcul et de maîtrise) n’est allée aussi loin, en extension et en pénétration dans les esprits. Elle semble pénétrer jusque dans le secret des intimités, là où chacun abrite un reste muet, un quelque chose qui, en soi, insiste et excède le soi – qui peut le faire délirer ou souffrir, mais aussi penser, aimer, écrire.’ »
→ Je trouve très belle cette expression de reste muet, je sens sans pouvoir analyser plus finement, qu’elle s’applique admirablement à la photographie. Toute photo est un reste muet.
Dans le dévidage de la voix intérieure
Je lis les dernières pages de Réminiscence (1980-1990) de Claude Ollier et la moisson est encore considérable !
« Très souvent déconcerté par ces représentations visuelles extrêmement brèves qui nous ‘passent par la tête’ lors de ce qu'on appelle couramment ‘associations d'idées’, et qui ne sont en rien des idées, mais des ‘projections’ d'images plus ou moins nettes et désignant un lieu, liées d'ailleurs à des sensations de type cénesthésique, déclenchées donc par un mot lu, ou prononcé ou entendu dans le dévidage de la voix ‘intérieure’, et qui sont alors très exactement re-présentées à la conscience comme ressorties brièvement de la mystérieuse réserve d'images et exposées le temps d'un éclair à cette ‘vue’ bizarre, comme interne — mais enfin on voit quelque chose, c'est certain. La décontenance signalée au début vise la relation (tout le processus est, bien sûr, étonnant, mais je considère ici surtout la relation), qui est parfois directement saisissable sans aucune hésitation ni ambiguïté ; par exemple, je dis, ou lis, ‘glissade à la montagne’, et ‘vois’ une chute à ski en un endroit précis qui m'a laissé un mauvais souvenir. Mais bien plus souvent, la relation se révèle extrêmement problématique, ou échappe totalement à l'examen. » (p. 249)
→ Peut-être qu’on ne tient pas assez compte de ces images ? Si l’on veut bien porter son attention sur ce qui surgit là, la richesse étonne, c’est un foisonnement, un immense répertoire qui nécessiterait un index colossal. Nous avons engrangé sans doute à notre insu infiniment plus d’images liées à des sensations que de souvenirs constitués. Ou plutôt les souvenirs constitués se fondent sur ce vrac intérieur. Il faut sans doute une charge suffisante d’éléments pour qu’ils se constituent. Ou un inducteur, on pense bien sûr aux pavés proustiens, mais aussi à maints faits rapportés par Claude Ollier, pour que comme limaille autour d’un aimant soudain cela s’agrège et forme un souvenir précis, reconstitue une image identifiable.
Une question de densité
Ce qui est formidable dans ces notes c’est qu’Ollier creuse ses pratiques d’écrivain, ses réflexions autour des livres qu’il est en train d’élaborer. « Il y a un problème de densité des événements, en relation étroite avec la densité des phrases, qui est fondamental. Il faut arriver à modifier le plus possible la tournure des choses avec le minimum de mots : réussir à faire en une page ce que la plupart mettraient deux pages à exposer, ou trois, ou quatre. Mais le lecteur, souvent, ne nous est pas reconnaissant de ce difficile travail, fruit d'années d'apprentissage et d'expérience du métier : il nous trouve trop elliptiques, pas assez explicites, éventuellement hermétiques ou abscons. Le lecteur ‘moyen’ se plaît beaucoup au délayage, à l'étalage, à l'exhibition, à l'emphase, à la redite.» (p. 276)
→ Et il me semble que l’écrivain moyen se croit obligé d’expliquer, avec surabondance de détails, qu’il ne se fait pas assez confiance, et il a raison, pour oser la condensation. Souvenir de ce propos d’un écrivain à un débutant (Reverdy ?) : enlevez donc les échafaudages.
Une erreur de clé
Bien parlante pour qui lit la musique cette remarque de Claude Ollier, n’arrivant pas à entrer dans un texte : comme si je faisais une erreur de clef.
Le tri sur des myriades d’observations
Aux tous derniers jours de 1989, Claude Ollier écrit encore :
« La Correspondance entre Pasternak, Rilke et Tsvetaïeva m’a reconduit aux Cahiers de Malte Laurids Brigge, lus voici trente ou quarante ans, et c'est, au tout début, les pages sur l'expérience, la mémoire et l'oubli : ‘Et il ne suffit même pas d'avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d'attendre qu'ils reviennent [...]. Ce n'est qu'alors qu'il peut arriver qu'à une heure très rare, du milieu d'eux, se lève la premier mot d'un vers.’ Le tri sur des myriades d'observations, quelque tamis de l'âge adulte, l'accueil d'une persistance, comme une constante, et sa conversion en traits de langage et rythme. » (p. 278)
L’infiniment petit
Il y a des années, peut-être au travers de la pratique de la photo, que je me passionne pour le très petit, persuadée qu’en lui la beauté est encore accessible, ce qui devient beaucoup plus rare à une plus grande échelle. Alors comment ne pas être sensible à ce qu’écrit Claude Ollier dans les premiers jours de 1990 à propos de Cahier des fleurs et des fracas, dont j’entreprends parallèlement la lecture : « Ce qui me tenait à cœur était : mettre en rapport l’infiniment petit du jardin (fleurs, feuilles, rameaux morts, bourgeons...) avec l’infiniment grand des évènements mondiaux (soulèvements, manifestations, répressions, révolutions...). Il manque un peu de fleurs en ce début d’année, si les évènement de l’extérieur ne font pas défaut. » (13 janvier 1990, p. 281).
Et un peu plus loin, plongé dans la lecture du Livre de l’intranquillité de Pessoa, il dit l’auteur si proche de lui par ses états de semi-conscience où intérieur et extérieur se pénètrent. (p. 282)
En voix off
Très belle séquence, « En voix off » dans le livre de Siegfried Plümper-Hüttenbrink, séquence dont j’ai donné des extraits dans l’anthologie permanente de Poezibao. « Reste à savoir quelles traces peut laisser la lecture. Où, en quels replis, ces traces vont s’enregistrer en nous ? Par quel effet de palimpseste, elles en viennent à resurgir après s’être résorbées.... pour derechef entrer en communication avec leur dépositaire. »
Tout le livre s'interroge bien en effet sur cette activité secrète, souterraine, éminemment humorale, qu’est la lecture.
→ Et si fondamentale la question des traces, et des couches sédimentaires qu’elles s’en vont former au fond de nous, ce compost né de nos lectures, depuis toujours, dont nous ne savons pas ce qui a diffusé jusqu’à ce substrat et ce qui se serait perdu à jamais. Tout le Flotoir en sauvegarde de ces traces, mais peut-être aussi empêchant le plus subtil travail, celui de l’oubli dont parle Rilke, de se faire ?
Lecteur exemplaire
Autre belle séquence du livre de Siegfried Plümper-Hüttenbrink, celle qui est consacrée à Walter Benjamin, figure de lecteur exemplaire. (p. 91). « le souvenir, tel que l’entend Walter Benjamin, est une remise en présence, effectuée au présent, sur le mode épiphanique de l’éveil. »
Lesen, hinein et heraus
Siegfried Plümper-Hüttenbrink fait à plusieurs reprises une distinction passionnante autour du verbe allemand lesen, en lien avec Walter Benjamin. « Lire signifie lesen, et consonne avec l'acte de glaner et de recueillir, d'effectuer même au dire de Heidegger eine Lese, une collection ou un recueil de choses. Un florilège, pour tout dire. Affublé du préfixe heraus, l'acte de lesen revient en ce sens à extraire et trier des lettres, voire à résoudre une équation algébrique. Et si on lit ainsi l'heure à sa montre, on lit aussi son destin d'après les astres. L'heure de sa naissance étant dûment signée, trouvant sa signature graphique dans une configuration astrale. Lire par contre un texte ou une partition musicale, dans l'intention de l'interpréter, se dira hinein-lesen. Le préfixe hinein signifiant ici un ajout, une greffe ou un surcroît de sens dû à une saisie conceptuelle, alors que le préfixe heraus ne fait qu'extirper, retranchant des fragments épars en vue de les révéler ou de les laisser parler au prisme d'une saisie qui ne serait plus conceptuelle, mais allégorique. La forme imagée du rébus ou du hiéroglyphe — qui nous fait voir ce qu'il y a à dire et que Benjamin ira déceler en graphologue dans certaines écritures manuscrites de l'ancienne Chine — répond du reste en tout point à une telle lecture. Elle n'interprète pas, ne déchiffre pas une intention, et encore moins un sens qui serait à tirer au clair. Elle ne fait que montrer ou souligner ce qui soudain, le laps d'un éclair, se cristallise en elle et pour configurer dès lors un foyer ou une constellation d'éléments épars tels qu'un rébus en donne précisément l'idée. Lecture géomancique, dira-t-on et qui obéit au vœu tardif qui présidera à la rédaction du Livre des Passages, de citer et de recopier. De se porte témoin. De se faire le porte-parole de toutes ces voix que Benjamin aura pris à tâche d’exhumer, en vue de les citer à comparaître dans le décor endeuillé, quasi muséal d’une fin de siècle.
→ Et soudain de me dire, mutatis mutandis bien sûr, qu’il y a quelque chose de cela dans Le Flotoir, citer, recopier, se faire le porte-parole de voix, dans le décor endeuillé d’un début de millénaire catastrophique.
« lire ainsi, c’est faire le lien selon le principe du montage. Opérer des connexions à distance. Déceler par voix d’écho ce que Benjamin appelle des ressemblances non sensibles. » (p. 97)
Hyperion de Georg Friedrich Haas
Entendu à deux reprises, la première fois sur la Web radio la Contemporaine de France Musique, la seconde sur Youtube, la très belle œuvre Hypérion de Georg Friedrich Haas. Et curieusement une des versions proposées sur YouTube est sur un compte baptisé Hans Zender, musicien et théoricien qui est au cœur de mon travail sur Le Voyage d’Hiver de Schubert. Il y a dans Hyperion des effets d’accumulation, de ralentissement et d’accélération qui sont saisissants et très machiniques.
Anna Akhmatova
Superbe série d’été sur France Culture consacrée à Anne Akhmatova. Véritable mise en scène, cette Grande traversée due à Geneviève Brisac rend la femme et l’écrivain extraordinairement présente et proche, bouleversante, tragique notamment grâce à la voix d’Anne Alvaro.
Jules Verne
toujours dont je viens de terminer le Phare du bout du monde et dont j’entreprends de lire Le Pilote du Danube, passant du Cap Horn à Ratisbonne. Je repense au très beau numéro de La Revue de Belles-Lettres qui suivait le fil du Danube et me demande si à l’époque il avait été question du récit de Jules Verne ?
Le Cahier des fleurs et des fracas
J’ouvre donc ce nouvel opus de Claude Ollier, le Cahier des fleurs et des fracas qui me saisit d’emblée par la beauté de son incipit, tellement pascalien : « Ici entre étoiles et atomes, en insécurité,
peu armé pour définir le lieu, sa position dans l'espace, la mienne dans la sienne et la grandeur nature, l'échelle dérobée, inconcevable, toute carte fait défaut. La raison n'investit que quelques graduations sur l'infini graphique, le grand infiniment étourdit, l'infiniment petit ébranle, les deux effraient et mon champ d'action, insituable par mes propres forces dans l'étendue cosmique, non assumable par mes forces propres dans l'univers microscopique, est une scène instable, menacée de toutes parts, non bornée, futile, changeante à peine apparemment pour ce qui est de mon temps — et pourtant elle tourne ! Ici, le jardin est petit, cependant des événements considérables s'y déroulent, nous sommes le 14 décembre et un bouton de rose est sur le point d'éclore ! À deux pas de là, on voit des roses de Noël, le mauve et lilas des primevères. Des translations innombrables, infimes, animent l'herbe, les feuilles, un bruissement continu la terre, un mouvement incessant de déplacement des signes, tandis que les tumultes frappent la grille, s'y brisent, les fracas d'outre-limite, s'effondrent les régimes là-bas, les édifices cimentés d'armes et de traîtrises, se délitent les frontières à coups de masse et de nouveaux mots d'ordre.
Transit du temps par la matière — mon corps, les arbres, la terre —, l'écriture suit à la trace. » (p. 9 et 10)
→ Il y eut le placard dans la boiserie Louis XV, le soir d’étude, le petit fascicule Larousse bleu et soudain, dans le monde encore enfantin, l’irruption de l’infiniment grand et l’infiniment petit, entre étoiles et atomes. « Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti. » (Pascal)
Virtuosité
Extraordinaire virtuosité d’Ollier à intriquer (on est au-delà du montage) deux évènements, la mort de Sakharov et ses obsèques (registre des fracas) et la plantation d’un arbre dans son jardin (registre des fleurs). Ollier repasse dans ses pas, sans cesse, mais ce qui est étonnant, c’est que repassant dans ses pas, il nous fait repasser dans les nôtres. L’histoire d’un bouquet dans un vieux vase ouvre soudain une fenêtre sur une vieille maison, quittée depuis des décennies.
Peter Handke
Dans les carnets de Laurent Margantin, je relève : « Peter Handke, Histoire du crayon : ‘Comme si l’on devait, à partir de l’information généralisée, reconquérir tous les secteurs de la vie, et, pour les autres, les réanimer en écrivant. Chaque détail, en étant déjà ‘élucidé’ en tant qu’opinion, semble être devenu une terre inconnue. Des domaines du monde toujours plus nombreux sont, à force d’information, d’opinion, de message, redevenus des terres inconnues’. »
D’une note d’Anne Malaprade sur Isabelle Howald
Trois extraits qui me touchent particulièrement, dans cette note d’Anne Malaprade sur Fragments du discontinu, le livre si juste et profond d’Isabelle Baladine Howald :
« Comment l’amour, l’attention, le soin, l’écoute peuvent-ils recueillir ce qui reste d’un individu quand le vivant s’épuise et que les possibilités de mouvement s’éteignent ? »
« Qu’est-ce qu’un corps qui dort, rêve, rit, danse, se blesse, tombe malade, parle, révèle de l’âme qui l’accompagne et le soulève ? Si le corps et l’identité sont d’emblée perçus comme morcelés, interrompus et défaits, l’âme, elle, ne connaît pas la dispersion ni l’éparpillement. Deux types d’âmes sont d’ailleurs distinguées page 49. L’une, mortelle, disparaît dans le cadavre. L’autre, voyageuse et « animale », transite de la dépouille vers le témoin songeur. C’est sans doute cette dernière qui donne vie aux fantômes et autres hantômes qui traversent les textes d’Isabelle Baladine Howald »
« Pour parler de l’au-delà de la physique, de métaphysique donc, il faut sans cesse référer à la physique, à la chair, aux organes, au souffle, au toucher, aux sons, aux matières, aux mouvements dansés. Et cette traversée des états aboutit à la certitude suivante : j’écris donc tu es, j’écris et instantanément nous sommes, et ce malgré ta mort effective, et ce contre ma mort à venir. Scripto ergo sum ergo es, scripto ego sum. Ni ce donc ni ce moi ne sont pour autant une conséquence, ils apparaissent plutôt comme l’indication d’un chemin : visages et adresses, ils mènent à une identité ailée. Écrire non seulement fait vivre, mais encore (re)donne vie. »
Poezibao
Beaucoup de joies avec les publications dans Poezibao qui me portent et me nourrissent.
Ce matin, magnifique contribution de Jean-Pascal Dubost au feuilleton La Main courante de Siegfried Plümper-Hüttenbrink. Je relève cette citation : « ne rien lire, ne rien écrire, qui ne soit vérifié par la sensation, intime, d’un bouleversement » (Agnès Rouzier).
et ces extraits :
« Chaque jour écrire dans un de mes carnets est propédeutique, exercice spirituel, recueillement panthéiste, prière ; religieusement dans la tentative de connexion. Je m’approche du chantier, qui peu à peu s’ouvre. Pendant ce temps, j’en appelle à une métamorphose mentale pour entrer en état d’idéales sauvageté et sylvestreté et férocité pour écrire librement, je deviens animal d’écriture. »
« L’écriture m’attire vers un point obscur où elle me précède. »
Séquences du geste : les carnets, l’ordinateur, les livres ouverts, les dictionnaires en ligne (Lexilogos, ATILF, DMF, Littré, Crisco…) ou papier (Le Robert…), le moteur de recherche Google ; une plongée totale dans le geste ; hyper concentré (on ne me dérange pas) : le poète est sauvagement connecté.
Le je
Le feuilleton de Siegfried Plümper-Hüttenbrink, La Main courante, conçu pour Poezibao, m’a permis d’entrer en contact avec Eric Villeneuve. J’ai commencé à le lire, Le Morticien pour commencer.
Eric Villeneuve : « On n'aime pas dire je tout le temps, il faut prendre garde à ce que l'usage reconnaît (un droit dans le passage, un nom dans le pronom), condamnant à long terme l'exemplarité de l'anonymat. Toutefois, on ne peut le remplacer définitivement par on, qui retient l'effort pour ne pas dire je en un son dont l'oreille ne souffre la répétition que de loin en loin, à défaut de quoi elle le transforme en l'expression favorite d'un je laborieux. A la recherche, pour se désigner, de l'expression la plus pure, l'idéal serait-il de se présenter toujours sous l'apparence d'un enfant ? L'enfant est, selon une idée toute faite, la pureté même, comme je est l'idée toute faite de ce que nous sommes, placée au cœur de nos paroles. L'enfant n'a ni famille ni attaches afin de consacrer l'indépendance de notre esprit. Il a un défaut, en revanche : il cesse de nous représenter sitôt que nous le regardons agir. Dans notre manière de raconter ses errances, quelque chose nous empêche de nous identifier totalement à lui : la complicité. Alors on passe d’une voix à l’autre sans se faire remarquer : avec le moins de réticences possible. Je me lance, l’enfant suit, on est solidaire (et vous pouvez le prendre pour vous). (p. 41)
→ voilà la première citation d’un livre d’Éric Villeneuve que je fais ici [j’avais cité un article] et elle est singulièrement forte. J’ai expérimenté dans l’écriture et dans la lecture cette difficulté du je, du on, de l’autre ou de soi qui parlent. La gêne du je, parfois mais l’hypocrisie du on. Et toutes les stratégies qu’il faut parfois mettre en place et qui ne sont pas forcément bonnes pour le texte. Céder la parole à l’enfant.
La crise de l’identité reste ouverte
Et un peu plus loin, il enfonce le clou à propos de cette danse incertaine des pronoms, Eric Villeneuve : « Hésitant à nouveau entre je on et le pronom plus loin (le personnage), je continue malgré moi sur cette lancée, je me détache du reste : je deviens indigne de ce que j'ai à dire. Il me semble en effet que ces différents pronoms se substituent indûment aux termes de l'énumération, et que celle-ci prend fin avec moi, contenue par mes avatars. Le je trouve là, certes, l'occasion de s'affirmer, de s'imposer ; pourtant la crise de l'identité reste ouverte (une identité non plus hésitante mais obsédante) puisque c'est à mon sujet que je parle, accablé, attirant en outre l'attention sur la double imperfection qui me fonde : je passe de moi à l'autre sans grâce, d'où son instabilité calquée sur la mienne (on, l'enfant, vous tels des sautes d'humeur) ; et, à force de me déposséder, je ne sais plus si je donne ou si je force à prendre comme on force la sympathie, ce qui, a priori, ne paraît pas critiquable mais devient imparfait avec le temps, lorsque le bénéficiaire est entré dans mon jeu, lorsqu'il prend à son tour de l'élan et se détourne du monde que je voulais révéler avec son aide. » (p. 43)
[ 11 septembre 2020 ]
Réminiscence
Étonnante réminiscence, peut-être liée à la disparition de M., en entendant un grand arpège de harpe, dans un « jingle » de France Musique : il me semble entendre soudain remonter du fond des années un même arpège de harpe, signalant à la jeune lectrice et auditrice du livre-disque qu’il est temps de tourner la page !
Tout doucement
Revient tout doucement l’envie de lire, d’écrire peut-être. De collecter de nouveau de ces fragments, de ces phrases qui éclairent. Qui éclairent quoi ? La vie, le chemin, les jours, la nuit, le chagrin, la joie.
Exergue de Yoga d’Emmanuel Carrère que je viens d’acheter après avoir lu une très belle critique sur l’excellent site Diacritik : « Si tu fais advenir ce qu’il y a à l’intérieur de toi, ce que tu feras advenir te sauvera. Si tu ne fais pas advenir ce qu’il y a à l’intérieur de toi, ce que tu n’auras pas fait advenir te tuera. » Évangile apocryphe de Thomas.
Le présent
C’est une citation de Pascal : « Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. (...) Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé ou à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens, le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. » (Pascal, Fragment Vanité n° 33 / 38), cité par Christophe André, in Le Temps de méditer.
Rythme, style
Je relève dans un nouveau livre de Gérard Bocholier, cette note, qui est une citation de Gustave Roud : « Un conseil d’écriture, qui les dépasse tous : ‘Ne rien accepter qui ne frémisse secrètement. Les alignements de phrases doivent être parcourus par un vrai courant’. » (G. Roud, Journal, 1965, cité par Gérard Bocholier in Une brûlante usure, journal 2016-2017, Le Silence qui roule, 2020).
Et envie de monter en contrepoint ici cet extrait du site de Nathalie de Courson, avec un effet de poupées gigognes qui me plait bien : « Peut-être que tous les livres de Virginia Woolf auraient pu s’intituler Les Vagues. C’est une métaphore qu’on trouve souvent sous sa plume et qui me semble se rapporter à ce qui pour elle est essentiel dans le travail de l’écrivain : le rythme. Florence Trocmé dans son Flotoir (via Christine Jeanney) reprend une réflexion de la romancière anglaise qui remplace la sacro-sainte notion de ‘mot juste’ par celle de rythme : ‘Le style n’est qu’une question de rythme’. Woolf compare les spectacles intérieurs, les rêves et les émotions d’où procède l’écriture à des vagues, et les mots n’ont plus qu’à suivre le rythme de ce flux : ‘On doit, en écrivant, recréer cette vague et la rendre agissante (…) afin que, lorsqu’elle se précipite et déferle dans l’esprit, les mots naissent pour s’y accorder.’ (Lettre à Vita Sackville West du 16 mars 1926). Un mot n’est pas pour elle une entité désincarnée, il est pris dans le mouvement d’une phrase ou d’un vers, et l’important n’est pas qu’il soit juste mais qu’il sonne juste au sein de l’orchestre. Elle dit avec désinvolture à sa correspondante qu’elle pensera peut-être le contraire demain, mais sa ‘Lettre à un jeune poète’ de 1931, publiée en 1932, montre au contraire que cette idée persiste en elle :Tout ce qu’il vous faut maintenant, c’est vous mettre à la fenêtre et laisser votre sens du rythme battre, battre, hardiment et librement jusqu’à ce qu’une chose se fonde dans une autre, jusqu’à ce que les taxis dansent avec les jonquilles, jusqu’à ce qu’un tout soit fait de ces fragments épars. (…) Laissez votre sens du rythme s’insinuer, circuler parmi les hommes et les femmes, les omnibus, les moineaux – tout ce qui passe dans la rue – jusqu’à ce qu’il les ait liés en un tout harmonieux. »
Yoga
Il me faut ici écrire quelques mots sur Yoga, le livre d’Emmanuel Carrère (livre acquis par mes soins) dans le concert de louanges et de critiques qui retentit actuellement. C’est un très bon livre, je dis bien bon. En fait c’est un récit formidable, qu’il est difficile de lâcher, très bien construit. Un mélange d’autobiographie (dominante) et de fiction (en contrepoint très littéraire) prenant, vif, plein d’ironie et de drôlerie, très honnête et lucide. Il se compose de parties bien articulées, la première tournant autour d’un stage de yoga interrompu brutalement par l’annonce des attentats de janvier 2015 et celle de la mort de Bernard Maris que Carrère connaissait bien ; puis la plongée dans une très sévère dépression avec séjour à St Anne, traitement à la kétamine et par électro-chocs ; vient ensuite un séjour sur l’île de Léros en Grèce auprès de très jeunes migrants, deux petits Afghans en particulier dont l’auteur retrace le parcours migratoire de façon saisissante et profondément émouvante. Deux autres figures semblent dominer le récit, une femme aimée et Erica, une forte personnalité rencontrée sur l’île grecque où elle porte secours aux migrants : elles seront l’objet d’une sorte de coup de théâtre. Les pages sur le yoga et la méditation qu’Emmanuel Carrère pratique assidument depuis des années sont très intéressantes. Si elles reposent sur de solides connaissances, elles sont surtout basées sur l’expérience de l’auteur, sur son sens critique aiguisé, un sens critique bien utile sur ces questions-là et sur ces pratiques, telles qu’elles sont vécues et parfois instrumentalisées en Occident. Les éléments autobiographiques, rencontres, réminiscences, viennent sans cesse se mêler au récit du stage, souvent en annotations brèves comme des petits croquis percutants, des caricatures parfois. La partie axée sur la dépression est aussi très éclairante sur ce que peuvent vivre ceux qui traversent cela et à ce titre pourrait être donnée à lire à tous les proches de ces malades. J’ai rarement lu un tel tableau, sans pathos toutefois, de la détresse, de la déréliction, de l’angoisse dans lesquelles peut tomber un être humain. Troisième grand sujet du livre : les jeunes migrants et là encore, une poignée de pages en dit plus long, touche plus et remue davantage la conscience que des dizaines de reportages et d’articles. C’est la force de la littérature. C’est donc un très bon livre à mon sens. Est-ce pour autant un très beau livre ? Je n’en suis pas sûre car l’écriture de Carrère ne m’atteint pas, en tant qu’écriture. Elle n’est pas artificielle, elle est juste, mais je la ressens comme plate. Elle ne vibre pas, elle ne me semble pas traduire complètement la force de ce vécu. Et pourtant Emmanuel Carrère dit quelque part ne pouvoir plus lire que de la poésie. Et pour ma part, c’est sans doute de lire tant de poésie qui me rend si sensible et souvent malheureuse dans mon contact avec la style de certains auteurs. Je me sens pleine d’interrogations et de contradictions à ce sujet. Et je repense à la phrase de Claude Ollier citée un peu plus haut : « « Il y a un problème de densité des événements, en relation étroite avec la densité des phrases, qui est fondamental ».
Il me faut enfin noter qu’à la fin du livre se trouve un magnifique hommage à Paul Otchakovsky-Laurens, éditeur de tous les livres d’Emmanuel Carrère et dont la mort l’a laissé comme orphelin.
Une brûlante usure
Lu d’un trait Une brûlante usure, journal 2016-2017 de Gérard Bocholier. Une série d’annotations, sans doute extraits partiels d’un écrit de plus grande ampleur, des fragments de réel pris aux jours, et aux nuits parfois. J’ai été sensible en particulier à de très belles annotations sur des écoutes musicales, fines, sensibles, d’un connaisseur qui ne se « la joue » pas ! Beaucoup de belles citations aussi, finement insérées dans le corps du texte et faisant profondément sens, attestant de compagnonnages multiples mais au fond très cohérents. Je retiens en particulier celui de Gustave Roud, de Roger Munier (une citation de lui donne le titre du livre : « J’éprouve tout intensément, avec usure / Une brûlante usure. »)
Exemple de notation musicale : « Les Mélodies oubliées de Nicolai Medtner me semblent résonner derrière les voiles, vibrer à la lisière d’un monde. Toujours l’accord paraît une fêlure, un rendez-vous manqué avec le bonheur. » (9) Je laisse ce côté les critiques sur le monde contemporain ou le milieu poétique, plus convenues même si justes et qui me barbent. Ainsi que les poèmes insérés dans ce Journal et que je trouve moins parlants que les paragraphes en prose. Mais comment ne pas relever, surtout en ce moment, ce magnifique poème d’Emily Dickinson parmi les citations faites par Gérard Bocholier :
Mourir – prend peu de temps –
Et ne fait pas souffrir – disent-ils –
C’est simplement une faiblesse – qui grandit –
Et puis – c’est hors de vue
→ Cette sensation si évidente, une nouvelle fois, d’une flamme qui diminue, d’une lampe qui s’éteint au fil des semaines, puis des jours.
Ces joies minuscules
« Ces joies minuscules qui éclairaient nos journées d’autrefois : objets retrouvés, réparés, nouvelles fleurs écloses, vergers dans la paix du soir, vignes épointées et parées comme pour une fête, vieux livres découverts dans la poussière des greniers... Ces joies ont fait notre jardin intérieur. Le lierre du temps a presque tout recouvert, mais sans rien étouffer. » (16)
La petite phrase, une petite note
« Une petite phrase de l’andante espressivo de la Sonate en fa mineur n°3 de Brahms me fait l’effet d’un chant à peine fredonné au chevet d’un enfant ou d’un mourant, d’une espèce d’abandon au malheur, d’acceptation crépusculaire vite emportée par la nuit. Mais tous ces mots sont bien impuissants à transcrire cette fêlure, cette blessure au cœur que je sens toujours en l’entendant. »
→ Il y a dans le livre d’Emmanuel Carrère un passage très étonnant où avec son amie de l’île de Léros, ils écoutent La Grande Polonaise héroïque de Chopin. Il y est question aussi d’une note suspendue, un point de bascule... : « la Polonaise héroïque, avec son incroyable puissance rythmique, ses somptueux crescendos d’octaves, les retours à chaque fois plus grandioses du thème principal, le premier intermède qui est une espèce de chevauchée fantastique, et le second qui ressemble à une guirlande gracieusement déroulée, du pur Chopin, en apesanteur, magique. Quand le morceau est fini, Erica sans me demander mon avis mais il n’y a pas besoin de me demander mon avis le remet au début, et j’entends mieux, la seconde fois, ce qui m’était à la première tombé dessus comme un Steinway qu’on aurait balancé du dixième étage. Enthousiasmée par mon enthousiasme, Erica me prend le bras et me dit : ‘Écoute, écoute, la petite note, là !’ Et oui, une fois qu’on l’a entendue, on n’a plus qu’une envie c’est de la réentendre, cette petite note dont je peux vous dire maintenant mais je ne le savais pas alors que c’est un ré bécarre, petite note suspendue dans le ciel, toute seule, fragile, étoile lointaine à partir de laquelle va se dérouler miraculeusement la guirlande. Nous l’écoutons se dérouler, la guirlande que Chopin de toute évidence aime tellement et qu’il n’a pas envie de lâcher, alors il la recommence, il reprend la mélodie un peu plus haut, il l’embellit encore avec des trilles et on voudrait qu’elle dure toujours mais on sait que le thème principal, le grand thème héroïque va revenir » (276).
Les relations avec les écrivains morts
Cette citation du Journal de Charles du Bos, faite par Gérard Bocholier : « Les relations avec les écrivains morts sont au nombre des relations les plus poignantes, les plus solennelles, les plus consolatrices aussi, qu’un esprit puisse entretenir : pour ma part je sais bien qu’il n’est pas de jour où plusieurs d’entre eux ne soient mêlés à ma vie avec un degré d’intimité qui mène au bord des larmes. (Juin 1922. »
Et que dire des musiciens, surtout quand on a la chance de jouer du piano. Le dialogue avec Haydn, Bach, Mozart, Beethoven, les bribes de musique saisies au vol dans la vie de tous les jours et qui sont parfois les plus belles, les musiques choisies, les découvertes encore et toujours.
Les compagnons de Bocholier : Gustave Roud, Paul de Roux, Pierre Reverdy, Roger Munier, Philippe Jaccottet. Quand une brève liste en dit plus long que toute une analyse !
[du 15 Août au 27 septembre 2020)