C’est autour du thème du De profundis – Le Chant des montées, thème approprié à la période pascale s’il en est, qu’était construit le concert donné le jeudi 11 avril 2019 dans la nef du Collège des Bernardins à Paris par l’ensemble « Les Surprises », dirigé par Luis-Noël Bestion de Camboulas. Ce programme mêlait trois œuvres anciennes, de Lully, Bach et Desmarest à une œuvre contemporaine de Philippe Hersant, Psaume CXXX : Aus tiefer Not.
Et rarement l’écho entre œuvres d’hier et œuvre d’aujourd’hui a semblé si fort.
L’ensemble « Les Surprises » est un ensemble orchestral et choral à effectifs réduits : pour ce concert douze chanteurs et quatorze instrumentistes (violons, altos, hautbois et flûtes, basson, viole de gambe, violoncelle, violone, théorbe, orgue et clavecin). Fondé par Juliette Guignard et Louis-Noël Bestion de Camboulas en 2010, l’ensemble transmet, à travers des programmes variés et originaux, sa passion pour les musiques des XVIIe et XVIIIe siècles. Un des aspects du travail de Louis-Noël Bestion de Camboulas consiste à retrouver et mettre en valeur des partitions n’étant jamais sorties des fonds musicaux de la Bibliothèque Nationale de France depuis la fin du XVIIIe siècle. Mais « Les Surprises » savent aussi tenter de fécondes incursions dans la musique contemporaine quand un écho, un lien peut être trouvé avec ces musiques d’hier.
Dans ce programme donné ce 11 avril, l’ensemble tisse ainsi un pont entre deux pays, La France et l’Allemagne, et entre deux époques, le XVIIIe et le XXe siècle, autour d’un même texte : le psaume 130, De Profundis qui a inspiré de nombreux compositeurs à travers les siècles, son potentiel tragique immense étant très bien résumé par sa première phrase : « Du fond de l’abîme, je crie vers toi ! Seigneur ! ». Le concert ouvre avec le Dies Irae de Lully (1632-1687), un grand motet qui fut exécuté pour la première fois le 23 juillet 1683 pour les funérailles de la reine Marie-Thérèse.
Vient ensuite la superbe Cantate de Bach (1685-1750), Aus tiefer Not (Du fond de la détresse...°) qui alterne chœur, récitatifs, airs et choral final. Il est placé avant l’entracte, en miroir avec son répondant contemporain, une œuvre parmi les plus fortes de Philippe Hersant. Le compositeur la présente d’ailleurs lui-même, évoquant sa création en 1995 ans et la première interprétation de Michel Laplénie avec son ensemble « Sagittarius ». C’est en fait au croisement des œuvres de Schütz et de Bach que Philippe Hersant s’est situé pour composer sa propre « cantate ». Il souligne aussi son intérêt pour la viole de gambe et c’est par un motif impressionnant à la viole que commence l’œuvre : musique ô combien contemporaine mais qui stupéfie par le lien en profondeur qu’elle établit avec les œuvres anciennes. Il y a aussi quelque chose de symbolique à voir un jeune ensemble inscrire l’œuvre à son répertoire et il a semblé que le chef comme le compositeur étaient très émus de cette façon de réinscrire l’œuvre dans le présent.
Le puissant motet du trop peu écouté Henry Desmarest (1661-1741) a permis à l’assemblée de rester dans l’aura de ces musiques qui savent exprimer à la fois la détresse et la nudité de l’homme sans pour autant barrer tout espoir.
La qualité de l’ensemble transparaît dans chaque œuvre : chaque membre de l’ensemble vocal assumant à son tour des parties solistes et les instrumentistes au diapason des voix, tous animés par une sorte de ferveur qui touche l’auditeur au cœur.
Un très beau concert qui a permis de mettre en regard, autour d’un même thème quasi éternel, des œuvres d’hier et une œuvre d’aujourd’hui.
→ Ressources
Une intéressante et amusante page à propos du Dies Irae sur le site du magazine de la Philharmonie de Paris : « Tremblez, pauvres pécheurs ! Le monde sera réduit en cendres et Dieu apparaîtra pour tout juger avec rigueur. » C’est en substance ce que dit la séquence du Dies irae (« jour de colère »).
Le site de Philippe Hersant
Philippe Hersant dans Muzibao
(Notes d'écoute) Songlines, de Philippe Hersant (CD)
Des notes sur La Lumière et l’ombre.
→ Écouter
Le Dies Irae de Lully
L’œuvre de Philippe Hersant, par un autre ensemble qui l’a beaucoup joué, « Les Éléments » de Joël Suhubiette.