Une recommandation de Muzibao : Beethoven, String Quartets, Op. 18 Nos 1-3, Chiaroscuro Quartet, BIS.
On en conviendra, ça n’est pas tous les jours qu’on change ses habitudes d’écoute, pas même qu’elles sont bousculées. C’est pourtant ce qui vient d’arriver avec ce volume comportant les trois premiers quatuors de l’opus 18 de Beethoven. Déjà on se souvient de l’amorce du XI° quatuor, le « Serioso » avec sa fulgurance à faire tomber et à réveiller tous les blasés de la terre. Est-ce la jeunesse, la virilité de Beethoven ou la fraîcheur des Chiaroscuro qui dégage une nouvelle fois une telle intensité ? Certes les contrastes très marqués sont la règle, mais ils se justifient quant à l’élan de la partition. Ainsi la reprise dans le premier mouvement de l’op. 18 n°1 parvient à combiner la fougue et la plus grande tendresse. Et l’on se surprend à comprendre l’évidence : voici Beethoven, présenté depuis et à travers ses pôles. Le second mouvement, adagio affetuoso ed appassionato, confirme cette tension et donne lieu à des moments d’intensité et d’émotions que seuls les plus grands, dans la période la plus récente (on songe aux Vegh surtout, aux Italiano, aux Belcea, aux Amadeus parfois) savaient communiquer.
C’est toutefois une beauté assez nouvelle qu’on croit entrevoir à l’écoute de ces trois quatuors, moins dans le phrasé que dans le son lui-même, pourtant assez métallique et accentué. La beauté qui surgit est de celle, en effet, qui nous arrive plus violemment, elle fait contraste avec la laideur et la violence des temps comme par provocation. S’ajoute à cette densité émotionnelle, marquée par des silences qui sont de vraies césures (ces moments suspendus par lesquels une parole inouïe cherche à se faire entendre) comme une dimension latine, plus haut on a risqué le mot de viril, mais c’est en comprenant que cette attitude n’est possible que pour une sensibilité très profonde, plus creusée, on risquera cette fois-ci : « féminine ». Car l’humanité de Beethoven n’est pas dans le ton martial qu’on lui attribue, mais dans l’ardeur, en un mot le cœur, si ce mot, mais on en est persuadé, possède aujourd’hui encore un sens.
© Le choix de André Hirt
À regarder : l’op. 18 n°2 par les Chiaroscuro.
Chiaroscuro Quartet : Alina Ibragimova, violon ; Pablo Hernan Beneti, violon ; Emilie Hörnlund, alto ; Claire Thirion, violoncelle. Le Quatuor Chiaroscuro a été crée en 2005, par quatre étudiants du Royal College of Music de Londres avec à sa tête la violoniste Alina Ibragimova. Son répertoire se concentre essentiellement sur la période classique de Haydn à Schubert, avec l’exigence d’une interprétation sur instruments et archets d’époque. (présentation du label).