On n’arrête pas les transcriptions. C’est la liberté enfin retrouvée.
Il vient tout juste d’en être question ici
D’un côté, avec la virtuosité de clavier d’Anthony Romaniuk, de l’autre en compagnie du violoncelle piccolo (un croisement singulier et magnifique du violon et du violoncelle).
Une fois qu’on a entendu avec Anthony Romaniuk ce que les différents claviers, superposés, composés, stratifiés, préparés et modifiés peuvent engendrer, littéralement, et il est certain que Glenn Gould aurait été sinon ravi du moins très impressionné, on ne peut plus entendre tel ou tel piano ou clavecin de la même manière. On entend en plus leurs prolongements, leurs devenirs, leur totalisation infinie dans l’expression musicale. Et le moindre morceau joué ici, ou alors effleuré, qu’on croyait connaître, se met à s’ouvrir comme un fruit mûr et à faire goûter son contenu. La musique, toutes les musiques, les instruments, tous les instruments, comme un corps vivant et immense sortent de leur sommeil, s’étirent et se déploient. Une forme nouvelle de beauté apparaît. Il faut entendre et voir cela.
Ce sont différents concerti de Bach, à l’origine pour clavecin, violon, hautbois d’amour qui sont transcrits ici, atteignant ce faisant une infinité, dans une sorte de ronde musicale dont l’énergie vitale, présente même dans la plus profonde et intense mélancolie se fait entendre dans ce disque très original. – C’est du reste incroyablement étonnant cette force positive de la mélancolie qui creuse si profond en soi qu’elle finit, presque, par ouvrir l’espace lumineux d’une grâce alors que le monde baroque, conscient du non-sens de l’histoire, est au bord de son effondrement. Mais cette petite lumière ouverte, rare, si rare, est portée par le son inouï du violoncelle piccolo, qu’on n’avait personnellement jamais entendu et qu’on est heureux d’avoir croisé comme une chance et, en effet, une grâce. Il est certain que cela peut être partagé, qu’on aimerait qu’elle le soit comme dans un amour ou à l’occasion d’une musique, d’un livre ou d’une émotion que l’on désire communiquer comme le plus important et le plus intime de soi-même.
André Hirt
Muzibao recommande :
Anthony Romaniuk, Perpetuum, Alpha-Outhere, 2023 ;
Bach transcriptions, Six concertos for violoncello piccolo, Mario Brunello, Accademia dell’Annunciata, Riccardo Doni, Arcana-Outhere, 2023.