Muzibao propose à celles et ceux qui le désirent de commenter à leur manière, dans la forme qui sera la leur, le propos de Ludwig Wittgenstein qui suit et qui a déjà fait l’objet d’une publication sur le site, ne serait-ce qu’en en corrigeant la traduction. Toutes les propositions de qualité sont les bienvenues, y compris celles émanant de vos connaissances ou personnes amies dont je ne possède pas l’adresse.
Réfléchis à ceci, que plutôt qu’en une pierre tu sois métamorphosé en un gramophone.
(Denk Dir, statt in einen Steinen würdest Du in ein Gramophon verwandelt.)
Ludwig Wittgenstein,Betrachtungen zur Musik, [considérations sur la musique], Frankfurt-am-Main, Suhrkamp, 2022, s. 38.
Muzibao a commencé la série des publications par un extrait d’un texte que je viens de consacrer à cette phrase de Wittgenstein.
André Hirt
Aujourd’hui, deuxième contribution, celle Alexis Bernaut
En 2011, l’artiste allemand Bartolomäus Traubeck place sur une platine une rondelle de bois. Une micro-caméra au bout du bras du tourne-disque lit les cernes de croissance de l’arbre, l’information qui s’y trouve, la texture, la densité du bois. Ce n’est pas le bois qu’on entend néanmoins, mais du piano. C’est le bois, ses données visuelles, traduit en piano, par un programme. Les yeux, les doigts peuvent lire le bois. Mais le donner à entendre, le traduire ? L’ouïe l’entend s’il craque, s’il brûle. Mais le bois, simplement bois, est silence.
Si la pierre se donnait à lire, à entendre, qu’entendrait-on ? L’histoire de la pierre avant qu’elle soit pierre. Les remous de la Terre s’enfantant elle-même il y a des dizaines, des centaines de millions d’années. Des cataclysmes. Le lent travail inexorable de l’eau, du feu. L’inimaginable brutalité des éléments. Ce que la pierre, éponge dont la porosité nous est insaisissable, absorba, nous ne pouvons l’appréhender qu’en la cassant. C’est comme le bois. Il faut heurter, fendre la roche pour l’entendre. Quel est-il, le diamant qui nous permettrait de lire la pierre ? À bien y réfléchir, cher Ludwig Wittgenstein, si j’étais métamorphosé en gramophone, c’est probablement la pierre, plutôt que Mozart, que je choisirais de toucher de mon diamant, de lire, d’entendre et de donner à entendre.
Alexis Bernaut
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Argument d’André Hirt
Contribution 1 : Anne Malaprade