Muzibao propose à celles et ceux qui le désirent de commenter à leur manière, dans la forme qui sera la leur, le propos de Ludwig Wittgenstein qui suit et qui a déjà fait l’objet d’une publication sur le site, ne serait-ce qu’en en corrigeant la traduction. Toutes les propositions de qualités sont les bienvenues, y compris celles émanant de vos connaissances ou personnes amies dont je ne possède pas l’adresse.
Réfléchis à ceci, que plutôt qu’en une pierre tu sois métamorphosé en un gramophone.
(Denk Dir, statt in einen Steinen würdest Du in ein Gramophon verwandelt.)
Ludwig Wittgenstein,Betrachtungen zur Musik, [considérations sur la musique], Frankfurt-am-Main, Suhrkamp, 2022, s. 38.
Muzibao a commencé la série des publications par un extrait d’un texte que je viens de consacrer à cette phrase de Wittgenstein.
André Hirt
Aujourd’hui, septième contribution, celle de Maia Brami
Réfléchis à ceci, que plutôt qu’en une pierre tu sois métamorphosé en un gramophone.
Et pourtant, la pierre n’a-t-elle pas sa musique ? Que savons-nous de son prétendu silence, nous qui entendons si mal ?
Le gramophone, objet inventé par l’homme, dont le pavillon s’inspire de la corolle des mauves, et dont les cires ont permis d’enregistrer et de porter des chefs d’œuvres musicaux au cœur des maisons, n’est-il finalement pas typique de l’être humain — surtout l’occidental — qui court à sa perte en voulant s’élever au-dessus de la nature ?
Quelle belle fleur en bois et en métal, me direz-vous, qui nous fait vibrer grâce à son cœur en saphir ! Le progrès en marche, l’intelligence à son meilleur, la technologie au service du Beau, de l’art : du miel pour les oreilles, là, dans votre salon ! Chassez-moi vite cette poussière, ce grain de sable qui pourrait rayer le précieux cylindre ! Fermez donc les fenêtres !
Et voilà notre être humain qui peste contre la caillasse qui envahit ses champs, l’éboulis sur son chemin ou le vulgaire galet qui rend le bord de plage impraticable. Le pauvre, en oubliant comment marcher pieds nus, il a aussi perdu le don de l’animisme. Les pierres ? Il se contente de les tailler pour se mettre à l’abri, élever des monuments ou se souvenir de ses morts, mais il n’en connait plus le secret : les pierres chantent. Chacune renferme le chant des origines. En elles, le fracas des étoiles, le souvenir des eaux originelles — des vents et des déluges —, en elles, les pas lourds des premières créatures, les premières paroles échangées ; toute une symphonie.
Alors quitte à être métamorphosée, permettez-moi de choisir la pierre, qui ne craint ni les saisons ni les années, mémoire chantante de l’humanité. Espérons-même que j’aurai ainsi le privilège de finir au fond de la poche d’un enfant collectionneur qui saura me porter à son oreille comme on le fait d’un coquillage.
Maïa Brami
Lire les contributions précédentes :
Anne Malaprade
Alexis Bernaut
Alexis Pelletier
Sara Intili
Olivier Koettlitz
Marc Blanchet
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