"Ainsi va toute chair au
cilice du sel, le fruit de cendre de nos veilles, la rose naine de vos sables,
et l’épouse nocturne avant l’aurore reconduite…
Ah ! toute chose vaine au
van de la mémoire, ah ! toute chose insane aux fifres de l’exil : le
pur nautile des eaux libres, le pur mobile de nos songes,
Et les poèmes de la nuit avant
l’aurore répudiés, l’aile fossile prise au piège des grandes vêpres d’ambre
jaune…
Ah ! qu’on brûle, ah !
qu’on brûle, à la pointe des sables, tout ce débris de plume, d’ongle, de
chevelures peintes et de toiles impures,
Et les poèmes nés d’hier,
ah ! les poèmes nés un soir à la fourche de l’éclair, il en est comme de la
cendre au lait des femmes, trace infime…
Et de toute chose ailée dont vous
n’avez usage, me composant un pur langage sans office
Voici que j’ai dessein encore
d’un grand poème délébile"
Saint-John Perse, Exil, in Œuvres Complètes,
bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1972, p. 129.
Saint-John Perse, de son vrai nom Alexis Léger, est né à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe le 31 mai 1887. Son père, Amédée Léger, avocat-avoué, un homme de progrès, est élu au Conseil municipal. Il sera un temps premier adjoint au Maire de la ville, comme avant lui le grand homme de la famille, Anatole Léger, notaire, dont une rue de Pointe-à-Pitre aujourd’hui encore porte le nom. La mère du poète, née Dormoy, appartient à une famille de propriétaires-exploitants. Alexis séjournera souvent sur leurs « habitations », essentiellement pendant les vacances scolaires, La Joséphine, près de Basse-Terre, et surtout Bois-Debout, près de Capesterre, mais le plus souvent il vit à Pointe-à-Pitre. La mer, la ville paternelle et les habitations maternelles sont très présentes dans ses premiers poèmes, assez directement inspirés de son enfance. Il y évoque par exemple la mort en bas âge de sa petite sœur, Solange, en 1894. En mars 1899 la famille s’installe en France à Pau. Alexis entre au lycée en cours d’année en classe de cinquième. Après son baccalauréat, il poursuit des études de droit à l’Université de Bordeaux, tout en s’intéressant à la médecine, à l’ethnologie, à l’anthropologie… et à la littérature. La mort de son père, en 1907, puis celle de sa grand’mère maternelle, à laquelle il était très attachée, l’obligent un temps à interrompre ses études, de même le service militaire. Grâce à Francis Jammes, son voisin d’Orthez, il sera introduit auprès de Gabriel Frizeau, riche mécène bordelais qui lui fait découvrir Dufy et Gauguin, mais aussi Paul Claudel et surtout André Gide, qui publiera plusieurs de ses premiers poèmes dans la Nouvelle Revue Française (à partir de 1909) sous son premier pseudonyme littéraire, Saintléger-Léger. Ceux-ci sont bientôt publiés en volume, Éloges (1911). Il fait aussi la connaissance de Valery Larbaud, Alain-Fournier, Jacques Rivière et Fargue. A partir de 1912, il prépare à Paris le concours des Affaires Étrangères en vue de devenir diplomate et réussit le concours des Consulats en 1914. En 1916 il est affecté comme secrétaire de la Légation française à Pékin. Ce sera de toute sa vie son seul poste à l’étranger. En 1921, il rentre en Europe via le Japon puis l’Amérique. Aristide Briand puis Philippe Berthellot, secrétaire du Ministère des Affaires étrangères, favorisent son ascension dans la hiérarchie diplomatique. A partir de 1925, date à laquelle il publie son recueil Anabase sous son pseudonyme définitif, Saint-John Perse, il s’interdit toute activité littéraire en raison de ses responsabilités officielles. De 1933 jusqu’en juin 40, il occupera le poste-clef de Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères. En 1940, devenu suspect de vouloir s’opposer à la politique de Pétain, il part pour Londres puis pour les USA. Il est déchu de sa nationalité par le gouvernement de Vichy. De riches mécènes lui ont fait obtenir le poste de conseiller littéraire à la Library of Congress de Washington, où il habite. Il soutient la France libre mais est un ennemi personnel du général de Gaulle. A la Libération, il refusera de renter en France et obtiendra, en 1949, le statut de résident permanent aux États-Unis. Il publie alors essentiellement dans ce pays. En 1953 toutefois, publication de Œuvre poétique I chez Gallimard. En 1955 un volume de la collection « Poètes d’aujourd’hui » lui est consacré (d’Alain Bosquet). Il revient enfin en France en 1957. Ses amis américains lui offriront bientôt la propriété des Vigneaux, sur la presqu’île de Giens, où il séjournera désormais six mois par an. En 1957 il publie Amers et en 1959 Chronique. En 1960, il reçoit le prix Nobel. En 1967, 68 et 69, la plupart de ses poèmes sont publiés dans la collection de poche Poésie/Gallimard. En 1972 le volume de ses Œuvres complètes est publié dans la Bibliothèque de la Pléiade. Les informations biographiques publiées dans ce volume, qui a été entièrement conçu et orchestré par le poète lui-même, sont d’un grand intérêt poétique à défaut d’être toujours absolument fiables sur le plan scientifique. Saint-John Perse meurt à Giens le 20 septembre 1975.Pour une bibliographie de Saint-John Perse, on peut consulter le recueil de la Pléiade pour les années antérieures à 1972, mais aussi, pour les années suivantes, le volume Saint-John Perse de la collection « Bibliographie des écrivains français », Memini éditeur, publié en 2003 par Colette Camelin et Catherine Mayaux. On peut consulter aussi cette page
Saint-John Perse sur le net :
Je recommande tout particulièrement le site conçu par Loïc Céry. C’est
le site le plus complet sur Saint-John Perse, une mine de références,
d'informations et de liens et l'actualité de la recherche sur le poète ; il est
constamment mis à jour.
On peut consulter aussi le site de la fondation Saint-John
Perse
Il existe une Association des Amis de la Fondation Saint-John
Perse, à laquelle on peut adhérer et dont le but est de contribuer à faire
connaître le poète-diplomate.
Tous renseignements à l’adresse [email protected]
Une liste de diffusion (ou de discussion) est spécialement
dédiée à Saint-John Perse. Voir à l’adresse : http://listes.u-picardie.fr/wws/info/sjpinfo
Rédigé par : Angèle Paoli | mercredi 02 mars 2005 à 15h25