Avec la mort quartier d’orange entre les dents, un titre magnifique non seulement par la
force de l’image mais aussi en ce sens qu’il remplit si parfaitement sa fonction
de titre. Tout y est, me semble-t-il, de la thématique et de la manière de
Marie-Claire Bancquart, à l’orée de ce recueil en quatre temps, quatre
mouvements, quatuor dit même son éditeur François Boddaert. Thématique fuguée
en effet pour rester dans les métaphores musicales, enlacements de quelques
dominantes, récurrentes, reprises, travaillées, démontées, désossées,
renversées, déclinées : la mort, le corps, l’arbre, les mots. Le corps
dans sa matérialité presque médicale, cela m’a toujours frappée dans la poésie
de Marie-Claire Bancquart qui se distingue de ses contemporain en cela que lorsqu’ils parlent du corps, c’est d’une
façon finalement curieusement désincarnée, sans rapport avec la
« carne », la viande, la chair, d’une façon abstraite, globale, comme
une image, sans épaisseur. Alors que chez Marie-Claire Bancquart le corps est
travaillé au corps, pris à bras le corps, il s’agit de lui faire rendre gorge,
avec ses viscères, ses veines, ses tissus « en nous les aponévroses, les
mastoïdes, les péritoines » … « tu déambules dans tes veines, tu
escalades ta cage thoracique ». Le corps ici respire, vit, digère
« mou, le corps. Bave, jouit // Dur le corps. Son squelette, ses cals./Muet » (116)
Et ce corps fait alliance avec les mots « cherchant
passage imprévisible ». Car à qui est si proche du corps ne peut échapper
le travail de la mort. Mais c’est la « mort quartier d’orange entre les
dents », une mort affrontée avec pour arme la lucidité et le refus de se
laisser abattre : « la mort la vie : /équivoques/dans leur
ombre/un larron dérobe les mots /les suractive » (111).
La nature, ses fruits et ses feuilles, l’arbre (figure
centrale du quatrième mouvement de la suite, « nous devenons /un arbre
ciel compris [nous soutenons l’oiseau »), la ville, les outils et
les instruments : il y a dans cette poésie comme une alchimie, résultante
de l’alliage de matériaux étrangers, qui soudain « prennent »
ensemble en un tissu de mots. « Alors l’existence devient marchable/ [un peu, à pas de chat »
(99)
©florence trocmé
Marie-Claire Bancquart
Avec la mort, quartier d'orange entre les dents
Obsidiane, 2005.
ISBN :2.91194.84.8
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