Celui qui chante dans ses vers,
Celui qui cherche dans ses mots,
Celui qui dit ombres sur blanc
Et blancheurs comme sur la mer
Noirceurs sur tout le continent,
Celui qui murmure et se tait
Pour mieux entendre la confuse
Dont la voix peu à peu s'éclaire
De ce que seule elle a connu
Celui qui sombre sans regret
Toujours trompé par son secret
Qui s'approche un peu et s'éloigne
Bien plus qu'il ne s'est approché,
Celui qui sait et ne dit pas
Ce qui perle au bout de ses lèvres
Et, se taisant, ne le dira
Qu'au fond d'une blafarde fièvre
Au pays des murs sans oreilles,
Celui qui n'a rien dans les bras
Sinon une grand tendresse,
Ô maîtresse sans précédent,
Sans regard, sans cœur, sans caresses,
Celui-là vous savez qui c'est
Ce n'est pas lui qui le dira
Jules Supervielle, La Fable du
monde, suivi de Oublieuse Mémoire,
Poésie/Gallimard n° 219 (1987), p. 94.
Jules Supervielle est né en Uruguay, à Montevideo, en 1884.
Ses parents meurent la même année lors d’un séjour en France, suite à
l’absorption accidentelle d’une eau empoisonnée. Supervielle est élevé par son
oncle en Uruguay. En 1894, il revient en France, où il s’établira, retournant
régulièrement séjourner dans son pays natal. Il commence à publier des poèmes
dès 1901. Il se tient à l’écart des mouvements d’avant-garde, et son œuvre,
comme le souligne Jean-Michel Maulpoix dans son article « Jules Supervielle, le
réconciliateur », se tient à mi-chemin entre le classicisme et la modernité.
Son époque le célèbre : il obtient le Prix des Critiques en 1949, reçoit le
Grand Prix de littérature de l’Académie française en 1955, et est élu « Prince
des Poètes » en 1960, un mois avant sa mort.
Extraits de sa bibliographie
L'ensemble de l'œuvre poétique est disponible dans la bibliothèque
de la Pléiade (un tome). Disponibles également certains recueils en collection
de poche Poésie Gallimard :
La fable du monde – Oublieuse mémoire
Le forçat innocent suivi de Les amis inconnus
Gravitations, précédé de Débarcadères
parmi ses autres œuvres, romans, contes et nouvelles :
L'homme de la pampa ,1923
Le voleur d'enfant ,1926
L'enfant de la haute mer, 1931On peut lire l’article très
intéressant de Jean-Michel Maulpoix, écrit à l’occasion de la parution en
Pléiade des œuvres poétiques de Supervielle.
Quelques uns des textes de Supervielle mis en musique
par divers musiciens (Milhaud, Jaubert, etc.), sur un site extraordinaire, véritable
moteur de recherche associant textes poétiques et œuvres musicales qui en sont
inspirées, une mine !
Supervielle
et ses contemporains , un site dont un des principes consiste à classer les
artistes par année de naissance
Une page avec quelques poèmes de Supervielle
"Je ne vais pas toujours seul au fond de moi-même
Et j'entraîne avec moi plus d'un être vivant.
[...]
Je me fais des amis des grandes profondeurs."
Jules Supervielle, Les Amis inconnus, 1934
Rédigé par : jean pierre sévigny | mercredi 07 novembre 2007 à 16h49