Le ghazal est une forme poétique fixe
Origine du mot
C’est un terme arabe qui signifie "conversation avec
une femme"
Histoire du ghazal
Le ghazal est une forme persane ancienne (souvent à
connotation érotique) apparue vers le dixième siècle et elle-même issue d’une
forme arabe appelée qasida. Le ghazal a été introduit en Inde par
l’invasion mongole au douzième siècle. Il se pratique aujourd’hui non seulement
en Iran (farsi), au Pakistan (ourdou) et en Inde (ourdou et hindi)
En Europe, le ghazal persan a d’abord été connu par des traductions en latin, en allemand, en anglais et en français à la fin du XVIIe. Goethe fut le premier à employer le ghazal dans son Divan occidental-oriental (1819), inspiré de la traduction par Joseph Von Hammer du Divan de Hāfiz (le célèbre poète persan du XIVe siècle). Friedrich Rückert (1788-1866) a aussi donné des ghazals tant dans sa traduction de Hāfiz que dans sa propre poésie. Roses d’Orient (1822) est ainsi une libre adaptation de la poésie de Hāfiz, qui démontre la maîtrise que le poète allemand avait de cette forme.
L’influence des ghazals d’Hāfiz sur la littérature anglaise a été moins spectaculaire peut-être que sur la poésie allemande mais attestée dès le XIXe chez des poètes comme Shelley (1792-1822), Byron (1788-1824), ou Thomas Moore (1779-1852).
A l’époque moderne et contemporaine, le ghazal a été repris
par plusieurs poètes occidentaux, notamment anglo-saxons, parmi lesquels on
peut citer les américains Robert Bly, Adrienne Rich, W.S. Merwin, Jim Harrison,
Galway Kinnell (notamment quand la poésie de Mirza Ghalib ((1797?-1869)) a été traduite et a rencontré un grand
succès aux États-Unis), ainsi que chez Marilyn Hacker (qui est une des rares à
suivre vraiment la règle du ghazal dans les deux ghazals qu’elle a donnés dans
son dernier livre Desesperanto) ; le canadien John Thompson a
également écrit des ghazals.
Toutefois l’un des poètes qui a le plus contribué à la
renaissance du ghazal sur la "scène" anglophone fut Agha Shahid Ali,
originaire de Cachemire (et de langue maternelle ourdou), décédé longtemps avant l'heure d'un cancer
du cerveau à l’âge de 52 ans en 2002. Il en a écrit de très beaux notamment dans son recueil paru en 2003 A
book of ghazals et dans cet autre recueil composé uniquement de ghazals
Call me Ishmael tonight (W.W. Norton, 2003) ; il a également édité une
anthologie de 107 poètes ayant utilisé cette forme : Ravishing
disunities: the real Ghazal in english (2000). Sans oublier le travail
de la poète anglo-iranienne Mimi Khalvati
Il faut noter enfin que dans les cultures indiennes et pakistanaises le ghazal est aussi une forme musicale utilisée dans des chansons et dans des films.
Les règles du ghazal
1. Le ghazal comporte en général de 5 à 15 couplets de deux vers chacun (ces distiques sont appelés sher). Chacun de ces couplets est considéré comme une entité indépendante au point de vue du sens. Il n’y pas d’enjambements entre les couplets. Le ghazal est donc une collection de shers et chaque couplet doit être un poème en lui-même. Il arrive qu’on les compare aux perles d’un même collier.
2. Le premier couplet ou sher est appelé matla. Chaque ligne se termine par le même refrain ou radif qui peut être un mot ou un court segment de phrase. Ce refrain apparaît ensuite à la deuxième ligne de chacun des couplets suivants (c’est la règle dite du radif). Le schéma est donc 1/1, 2/1, 3/1, 4/1, 5/1 et ainsi de suite.
3. Deux autres règles s’appliquent à la forme stricte du
ghazal. Les vers doivent être de longueur équivalente (règle du beher ou
mètre). Le ghazal est donc une collection de shers de même mètre.
L’autre règle enfin est plus difficile à expliquer, elle a
le nom de kaafiyaa et consiste à introduire une rime intérieure qui doit
se retrouver avant chaque radif ou refrain !
4. Enfin le ghazal se termine par un couplet appelé maqta et qui inclut souvent sous une forme ou une autre la signature du poète (ce peut-être son pseudonyme ou quelque chose qui le symbolise).
Résumé : le ghazal est une collection de shers de métrique identique se terminant par le(s) même(s) mot(s) refrain précédé du même motif rimé.
Exemples
Et bien comme toujours, difficulté à trouver un ghazal exemplaire
surtout en français.
Je propose cet
exemple qui est en fait une chanson populaire afghane et qui ne suit pas,
loin de là, toutes les règles énoncées ci-dessus
Je propose ici également, toujours à titre de démonstration, un ghazal que j’ai composé en tentant de suivre les règles
GHAZAL
DU SILENCE
longue en mémoire une blessure
celle du silence
lente comme absence une morsure
celle du silence
absence et oubli comme à la jointure
du silence
mémoire cicatrice lancinante rengaine flux et reflux
souvenir du désir désir de rupture
du silence
regard perdu suis ce papillon jaune qui volète
dans le cœur qui papillonne une fêlure
celle du silence
butine et abandonne prends et chasse recueille et étouffe
sur la peau dans la paume la froidure
celle du silence
réminiscences absence boutures du silence
®florence trocmé
GHAZAL
She took
what wasn’t hers to take : the desire
for all
that’s not her, for what might awake desire.
With it,
the day’s a quest, a question, answered where-
ever eye,
mind lights. Desire seeks, but one can’t seek
desire.
A frayed
wire, a proof, a flame, a drop of globed hot wax,
a riddle
solved or not by William Blake : desire.
re-reel the
story, will all that unmake desire ?
For peace
or cash, lovers and whores feign lust or climaxes.
A solitar
can evoke, but cannot fake desire.
Crave
nothing, accept the morning’s washed and proffered air
brushing
blued eyelids with an oblique desire.
There was
an other, an answer, there was a Thou
or there
were mutilations suffered for your sake, desire.
Without
you, there is no poet, only some nameless hack*
lacking a
voice without your voice to speak desire.
Marilyn
Hacker, Desesperanto, W.W. Norton & Cie, 2003, p. 98.
*signature cachée du nom de MH
© Florence Trocmé
Cet article a été revu et considérablement enrichi pour
la partie anglo-saxonne par Marilyn Hacker
Rédigé par : mustafa abderahmane ZEKRI | dimanche 15 juillet 2007 à 20h19
Rédigé par : totem | vendredi 29 décembre 2006 à 21h26
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