Marilyn
Hacker qui pratique avec une immense virtuosité un certain nombre de formes
fixes a bien voulu me confier quelques précisions sur la sextine. Je donne aussi, à titre d’exemple, la
sextine d’Elizabeth
Bishop dont elle parle. Je disposerai sous peu de la traduction française
que je publierai dès qu’elle sera en ma possession.
FT
La forme de la sextine
donnée par Angèle est bien celle que je connais moi-même - les six repetons* reviennent dans chaque strophe dans un ordre
qui est peut-être plus clair si on l'indique avec des chiffres: 123456 / 615243/ 364125 et ainsi de suite,
jusqu'à l'envoi de 3 vers chacun comportant 2 des mots-clés. J'ai l'impression
que cette forme est aujourd'hui beaucoup plus répandue en anglais (surtout chez les Américains) qu'en
français, peut-être à cause de l'intérêt manifesté par le grand poète
moderniste américain Ezra Pound pour la poésie provençale : son "Sestina:
Altaforte" - dont la voix est
celle du poète-guerrier en Bertrans de Born - en est un bel exemple (écrit vers
1912). W.H. Auden et Elizabeth Bishop en ont chacun écrit plusieurs. Une très
belle sextine de Bishop, avec comme seul titre "Sestina," existe en
traduction française de Claire Malroux. Chez les contemporains (anglophones)
qui ont écrit des sextines, je pourrais citer John Ashbery, Marie Ponsot, Julia
Alvarez, Patience Agbabe (une jeune Anglaise d'origine nigerienne) , Edward
Hirsch entre autres. Il y a même un poète américain, James Cummins , qui a
construit un polar entièrement de sextines!
Marilyn Hacker
Sestina
September rain falls on the
house.
In the failing light, the old grandmother
sits in the kitchen with the child
beside the Little Marvel Stove,
reading the jokes from the almanac,
laughing and talking to hide her tears.
She thinks that her equinoctial tears
and the rain that beats on the roof of the house
were both foretold by the almanac,
but only known to a grandmother.
The iron kettle sings on the stove.
She cuts some bread and says to the child,
It's time for tea now; but the child
is watching the teakettle's small hard tears
dance like mad on the hot black stove,
the way the rain must dance on the house.
Tidying up, the old grandmother
hangs up the clever almanac
hovers half open above the child,
hovers above the old grandmother
and her teacup full of dark brown tears.
She shivers and says she thinks the house
feels chilly, and puts more wood in the stove.
It was to be, says the Marvel Stove.
I know what I know, says the almanac.
With crayons the child draws a rigid house
and a winding pathway. Then the child
puts in a man with buttons like tears
and shows it proudly to the grandmother.
But secretly, while the grandmother
busies herself about the stove,
the little moons fall down like tears
from between the pages of the almanac
into the flower bed the child
has carefully placed in the front of the house.
Time to plant tears, says the almanac.
The grandmother sings to the marvelous stove
and the child draws another inscrutable house.
Elizabeth Bishop
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