Je profite de cette parution pour attirer l’attention sur une situation que je juge très anormale : le peu d’œuvres d’Anna Akhmatova facilement disponibles et accessibles en français.
En guise de préface
Dans les années terribles de la "Iéjovchtchina",
j’ai passé dix-sept mois* à faire la queue devant les prisons de Léningrad. Un
jour, quelqu’un a cru m’y reconnaître. Alors, une femme aux lèvres bleuâtres
qui était derrière moi et à qui mon nom de disait rien, sortit de cette torpeur
qui nous était coutumière et me demanda à l’oreille (là-bas, on ne parlait
qu’en chuchotant) :
- Et cela, pourriez-vous le décrire ?
Et je répondis
- Oui, je le peux.
Alors, une espèce de sourire glissa sur ce qui avait été
jadis son visage
(1er avril 1957, Léningrad).
Et j’ai appris comment s’effondrent les visages,
sous les paupières, comment émerge l’angoisse,
Et la douleur se grave sur les tablettes des joues,
Semblables aux pages rugueuses des signes cunéiformes
[...]
Anna Akhmatova, Requiem, édition bilingue, les
Éditions de Minuit 1966, réédition 2004, p. 15 et 41.
Lire la fiche d’Anna Akhmatova
Rédigé par : marion graf | vendredi 10 juin 2005 à 14h30