Bernard Manciet est mort
jeudi 2 juin 2005, au cours d'une anesthésie, à l'âge de 81 ans.
Le hasard a parfois de
bien drôles de manières. Pierre Kobel attirait mon attention sur le travail de Bernard Manciet et me
suggérait de m’y intéresser et cela le jour même et sans qu’il le sache bien
entendu où ce dernier disparaissait.
Pour plus de renseignements sur le poète je
renvoie à l’article détaillé paru dans Le monde avant hier (mais il faut se
dépêcher pour lire les articles du Monde disponibles quelques jours à peine en
accès gratuit). Et je reproduis à titre d’hommage un des textes de Bernard
Manciet que Pierre Kobel avait eu la gentillesse de m’envoyer
L’article du Monde
IMPROMPTU DE TABAGO
Jaspe noir que ce minuit
cette nuit toute une grappe
tourne et tourne sous la main
hanche lisse argile sombre
rôde encore svelte cruche
t'arrondis comme la paume
lune épaule épanouie
sois pavane lune noire
sur la pointe de ton pied
d'une paume sois la joue
et contre la joue oiseau
cruche toute sois un pleur
parole en forme de larme
sombre ou d'un grain de raisin
goût d'argile goût de rhum
goût de larme goût de brume
à l'aube fine chemise
qu'un souffle disperse en bruine
pour qu'au noir d'aube sois brume
grain d'argile chair de poire
cruche pure figue bleue
de salive revêtue
mais gorgée obscur sanglot
langue laquée et léchée
mais de tes grains couronnée
cruche mon figuier en feux
posée au port de Bordeaux
sois plus ronde sous la main
maison où jeunesse habite
d'un alto l'âme sonore
mais oreille d'aromate
où se chuchote le jais
en trille délicieux
figue sèche lèvre épaisse
violette et vanillée
banane mûre ce cou
qui déteint le long des flancs
tulipe la sombre joue
qui renferme ses cachous
maison de musique cruche
musique de Tabago
tourne ton chancellement
entre les doigts et t'incline
et t'inclinent tes coteaux
nous versant fraîcheur de chai
parfum de vin voyagé
tout le flanc d'un cargo lourd
d'une nuit chaude d'épices
d'une sueur d'août humée
cargo de vin charge creuse
de mots purs sous notre langue
de grain de peau doux couteau
cruche de vin chancelante
qui déborde sur les hanches
soit touffes soit cheveux grappe
boucles par bouquets ce soir
cruche en vigne toute entière
telle un adolescent tournante
bien fessu lorsqu'il se lève
de sources grives frémie
mon argile aux mille pampres
chair de Pâme si le doigt
trace en couleuvre en lierre
de l'orteil jusques au souffle
frêle fêlure un éclair
Bernard Manciet In Impromptus – © L’escampette, 1997
Rédigé par : Florence Trocmé | mercredi 22 juin 2005 à 10h08