Hier soir, jeudi 9 juin 2005, à la librairie Tschann, boulevard du Montparnasse, Marie-Claire
Bancquart donnait une lecture d’extraits de son dernier livre, paru chez
Obsidiane, Avec la mort, quartier d’orange entre les dents.
Les organisateurs de cette manifestation, le directeur de la
librairie Yannick Poirier et Muriel Bonicel, grande lectrice et connaisseuse de
la poésie ont adopté une formule très satisfaisante à plus d’un égard :
elle consiste à accompagner le poète d’un pair, souvent poète lui-même et qui
présente son travail. Hier Claude Adelen* s’est chargé de cette sorte de mise
en perspective de Avec la mort, quartier d’orange entre les dents. Et
c’est ainsi à une lecture dialoguée que
nous ont invités les deux poètes, en épousant le rythme du livre construit
comme un quatuor dont la composition a ainsi été mieux mise en évidence. Pour
chaque partie, quelques mots de Claude Adelen et lectures d’une sélection de
textes par Marie-Claire Bancquart. Qui elle-même a explicité certains aspects
de son travail.
Vivre, naître, voix, et corps,
quatre mots-clés selon Claude Adelen autour desquels s’articule l’œuvre entière
de Marie-Claire Bancquart, et au sein de celle-ci, ce livre au titre à la fois
« évident et énigmatique », sur thème du fruit, du soleil, du temps,
qui tombent…..
A propos de la première partie, Marie-Claire Bancquart
insiste sur ce qu’elle ressent de la nécessaire implication du poète dans la
vie du monde, dans ses drames, ses guerres, ses injustices criantes « le
poète a une fonction, qui est de dire cette violence » et de s’interroger
sur le rôle du poète qui serait de « dire en dehors des faux
discours » en se fondant, en s’appuyant sur cette « énergie de parole
qui est au cœur de toute poésie ». Elle développe cette idée d’une écriture
de l’énergie, disant que si elle écrit en vers libres, ce sont des vers
« sous surveillance » mais aussi des « vers de pulsion »,
qu’ils disent les choses violemment, les bonnes comme les mauvaises, qu’ils
doivent être porteurs d’une « décharge » et que chaque poème est un
« bloc de paroles » de tel sorte que le poète se fasse « passeur
d’énergie » et que s’appuyant sur la mort et sur la révolte, il puisse
énoncer une parole réfractaire capable de résister aux discours lénifiants.
On sait aussi le rôle important accordé au corps dans
l’œuvre de Marie-Claire Bancquart et elle développe au cours de l’échange avec
Claude Adelen une double question non seulement sur la mort, très présente,
mais aussi sur le fait de naître « pourquoi suis-je née ? dit-elle,
pourquoi cette déchirure dans la chair générale ? ». « Et tous
ces organes qui sont moi mais qui me sont étrangers, sauf à les mettre en
rapport, par leur ADN, avec les êtres qui sont porteurs de ce même ADN ;
intérieur pourri d’étrangeté et pourri de rapports avec le
monde »…. ;
La mort bien sûr est au centre de l’œuvre et notamment dans
la troisième partie, avec une importante distinction entre la mort d’autrui et
la sienne propre approchée de façon presque sensuelle, le travail de l’oubli.
La IVe partie du livre, très marquée par le thème de l’arbre, se
donne comme une sorte de réconciliation, ou de conciliation plutôt, en un
entrecroisement symbolique de l’arbre et de la parole poétique.
Livre fermé, paroles tues, on a vraiment eu le sentiment
d’avoir assisté non pas tant à un monologue que véritablement à cette lecture
dialoguée annoncée par Claude Adelen et Marie-Claire Bancquart qui ont su se
renvoyer les thèmes, les questionnements, les problématiques de la poésie de
celle qu’on célébrait mais au-delà de la poésie en général.
©florence trocmé
Lire
la fiche bio-bibliographique de Marie-Claire Bancquart
Lire ma recension de Avec
la mort, quartier d’orange entre les dents
*Claude Adelen est critique et poète. J’ai toujours à portée
de main son livre L’émotion concrète, recueil de ses très nombreuses
critiques de poésie, qui m’aident parfois à entrer dans telle ou telle œuvre ou
à en préciser un aspect ; et j’adhère pleinement à son idée qu’il faut
croire « à l’apprentissage de cette langue étrangère qu’est la poésie par
l’imprégnation régulière, l’accoutumance » et quand un peu plus loin, il
dit qu’il rêve d’une chronique hebdomadaire qui contribuerait un peu à cette
pénétration, je me prends à rêver que c’est au fond un peu son rêve que je
tente d’accomplir de façon quotidienne avec l’anthologie permanente de
Poezibao !
Claude Adelen est né en 1944 à Paris. Ses premiers poèmes
furent publiés par Elsa Triolet dans les Lettres Françaises, en 1969. Il
est membre du comité de rédaction de la revue Action poétique. Il a
écrit régulièrement depuis 1987 des chroniques de poésie dans cette revue, mais
aussi dans la NRF, la Quinzaine littéraire, Europe,
etc
Ordre du jour, P.-J. Oswald, 1969
Bouche à la terre, Action Poétique, 1975
Légendaire, E.F.R. Petite Sirène, 1977
Marches forcées, U.R.S.A., 1985
Intempéries, Ipomée, 1989.
Le nom propre de l’amour, Le cri et Jacques Darras,
1995
Aller où rien ne parle, Farrago, 2001
Soleil en mémoire, Dumerchez, 2002 (Prix Apollinaire
2002)
Parmi ses livres de critique :
Henri Deluy : une passion de l’immédiat,
Fourbis, 1995
L’émotion concrète, chroniques de poésie, Éditions Comp’Act
2004
Marie-Claire Bancquart a annoncé au début de la séance que Claude Adelen allait publier prochainement chez Dumerchez un livre de poésie intitulé D'où pas même la voix : où nous a-t-elle laissé entendre il serait question entre autres de Debussy et de Bach…….
Rédigé par : marie-florence ehret | vendredi 18 novembre 2005 à 17h08
Rédigé par : myriade | vendredi 10 juin 2005 à 18h42