J’ai choisi cet extrait de Journal d’Août de Marilyn Hacker en mémoire de la rafle du Vel
d’Hiv.
A ce sujet voir aussi ces photos
et cet autre
texte de Marilyn Hacker
Sur mon corps se superpose la carte
la carte d’une Europe que je n’ai pas connue :
ma peau olive, mes yeux, mes hanche, mon nez
je porte les marques de la Juive ashkénaze
au cas où quelqu’un chercherait une marque
pour signaler la proie désignée.
Je suis le Juif pourchassé dans le noir
plutôt que l’Amerloque propret en Normandie.
Une fois nos chants devenus cendre sur la langue,
Une fois nos langues devenues cendre, une fois
la vieillesse, la jeunesse congédiées,
un Juif peut-il rester chez lui avec un livre
et ruminer sa maladie,
présente, passée alors qu’il est absorbé, seul et
loin ?
J’aurais pu être un des enfants raflés
ce jour-là 22 rue des Écouffes.
J’aurais pu être un petit de deux ans
à peine capable de prononcer mon nom
parqué dans une cour sale, marbré de froid
derrière des barbelés attendant le convoi
pour une banlieue aujourd’hui sur la route
de l’aéroport, quoi de plus banal,
au nom prononcé sans peine dans les bus.
Marilyn Hacker, in revue Le Mâche-Laurier n° 22 de juin 2004, traduction de Emmanuel Moses, p. 72.
Upon my
body is superimposed
the map of
a Europe I never knew :
my olive
skin, my eyes, my hips, my nose
all mark me
as an Ashkenazi Jew
if anyone
were looking for a mark
to indicate
the designated prey.
I’m more
the Jew pursued into the dark
than the
scrubbed Yank marching through Normandy.
After our
songs became ash on the tongue,
after our
tongues were ash, after we took
our leave of
being old and being young,
can any Jew
stay indoors with a book
and
ruminate upon her own disease,
present or
past, absorbed, alone, aloof ?
I could
have been one of the children seized
that day at
22, rue des Ecouffes.
I could
have been one of the two-years-olds
not knowing
quite how to pronounce my name
penned in a
littered courtyard, blotched with cold
behind
barbed wire, until the transports came
to what is
now a suburb on the way
to the
airport, utterly banal,
whose name
unflinching bus drivers will say.
Marilyn
Hacker, Winter Numbers, W.W.Norton & Cie, 1994, p. 94.
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