Lors de la rédaction de l’article
sur la sextine, (voir aussi cette page, liée) Marilyn Hacker avait cité parmi les exemples une sextine d’Elizabeth
Bishop, en anglais.
J'en propose aujourd'hui la traduction et renvoie à
l’article cité ci-dessus pour la version originale.
Je signale également un passionnant article de David Caplan, intitulé l’âge de la sextine, dans la revue Formes poétiques contemporaines, 2005/3, RDL/Les impressions nouvelles, revue dont je rendrais compte et que je présenterai bientôt dans Poezibao, dans le cadre d’une recension des revues de poésie et les revues littéraires traitant de poésie.
SEXTINE
La pluie de septembre tombe sur la maison.
Dans la lumière déclinante la vieille grand-mère
assise dans la cuisine avec l’enfant
à côté de Little
Marvel, le fourneau
lit les blagues publiées dans l’almanach
riant et bavardant pour cacher ses larmes.
De cette saison d’équinoxe sont
ses larmes
et cette pluie qui martèle le toit de la maison
et toutes deux prédites par l’almanach,
mais pour comprendre ça il n’y a qu’une grand-mère
La bouilloire métallique siffle
sur le fourneau
Elle coupe un morceau de pain et dit à l’enfant
C’est l’heure du goûter ;
mais l’enfant
fixe tombant de la théière les petites perles en forme de
larmes
qui dansent comme folles sur le noir et brûlant fourneau
comment dansent les gouttes de pluie sur la maison
Rangeant, la vieille
grand-mère
suspend ce malin d’almanach
Par son fil. Et comme un oiseau, l’almanach
plane à demi-ouvert au dessus de l’enfant
plane au-dessus de la vieille grand-mère
à la tasse de thé pleine à ras bord de sombres larmes
Elle frissonne et se dit que la maison
se rafraîchit, alors elle rajoute un peu de bois dans le
fourneau
C’était inévitable, dit ce cher vieux fourneau.
Je sais ce que je sais, dit l’almanach.
Avec des crayons, l’enfant dessine une impeccable maison
et un chemin sinueux. Puis l’enfant
campe un bonhomme avec des boutons en forme de larmes
et le montre fièrement à la grand-mère
Mais imperceptiblement, tandis que la grand-mère
s’affaire autour du fourneau
plein de petites lunes se mettent à tomber comme des larmes
d’entre les pages de l’almanach
dans la plate-bande fleurie que l’enfant
a pris soin de représenter devant la maison
C’est la saison pour semer les larmes dit l’almanach.
La grand mère chante près du merveilleux fourneau
et l’enfant dessine
une autre impénétrable maison.
Elizabeth Bishop, Sestina,
traduction Florence Trocmé avec le soutien de Marilyn Hacker.
voir la fiche d’Elizabeth Bishop
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