De toutes les traces anciennes qui constamment
remontaient comme salpêtre, ne reste plus que
quelques marques irisées de ciel débordant le jonc
de la cicatrice. Il fallait contenir l’avancée de cette
pâle moisissure qui rongeait les bords ; à cet effet
nous devions sans relâche veiller sur ce jardin, comme
à toute heure nous devions nettoyer la blessure. Puis
laisser faire le temps, suivant l’expression, qui toujours
s’emploie à nous faire oublier le jour : car bientôt
l’herbe repousse, qui se mêle aux motifs du pavement,
elle le ganse d’un étroit liséré de fourrure rase, presque
soyeuse. Voilà donc que par esprit d’escalier, tu
évoques le creux des aisselles, où se loge l’ombre la
plus secrète du corps, à cette articulation du bras
qui commande les gestes larges et impatients, les
moins contrôlables. C’est notre façon, pensons-nous,
d’inscrire plus aisément nos plus noires fureurs, en de
tels quartiers.
Gérard Titus-Carmel, Epars, Le Temps qu’il fait, 2003, p. 178.
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