il y a toujours dans la
nuit un homme qui
ne dort pas qui regarde
le ciel ou ne
regarde rien un homme
épargné par tout
ce noir qui ronge un
homme n’importe
qui un homme qui se sent
plus vivant que
le jour et la nuit réunis
cet homme est déjà
mort ou n’est pas encore
né peu importe
il est assis par terre et
ne demande rien (15)
les voix ça bourdonne ça
grésille ça
caquette et puis ça
submerge rien à quoi
s’accrocher c’est la mer
sans terres autour
sans rocher sans bateau
sans bouée tout
seul tout nu tout
essoufflé avec vraiment
personne rien avec les
paroles les vagues
qui vont trop vite la
peur de couler de ne
plus respirer le manque
de silence la rage
de lutter la tentative de
parler pourtant
mais l’eau est froide et
les conversations
sans recours (83)
il y a des dictaphones
des magnétophones
des magnétoscopes des
micros des camé-
ras des caméscopes des
appareils photos
pourquoi n’invente-t-on
pas quelque
chose qui efface suspend
les visages
gomme les paroles (48)
Albane Gellé, L’air
libre, le dé bleu, 2002 (folio
après chaque extrait)
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