Dis encore cela
patiemment, plus patiemment
ou avec fureur, mais dis
encore,
en défi aux bourreaux,
dis cela, essaie,
sous l’étrivière du
temps.
Espère encore que le
dernier cri
du fuyard avant de
s’abattre soit tel,
n’étant pas entendu,
étant faible, inutile,
qu’il échappe, au moins
lui sinon sa nuque,
à l’espace où la balle de
la mort ne dévie jamais,
[...]
Dernière chance pour
toute victime sans nom :
qu’il y ait, non pas
au-delà des collines
ou des nuages, non pas
au-dessus du ciel
ni derrière les beaux
yeux clairs, ni caché
dans les seins nus, mais
on ne sait comment
mêlé au monde qu nous
traversons,
qu’il y ait, imprégnant
ses moindres parcelles,
de cela que la voix ne
peut nommer, de cela
que rien ne mesure, afin
qu’encore
il soit possible d’aimer
la lumière
ou seulement de la
comprendre,
ou simplement, encore, de
la voir
elle, comme la terre la
recueille,
et non pas rien que sa
trace de cendre.
Philippe Jaccottet, A la
lumière d’hiver, suivi de Pensées
sous les nuages, Poésie/Gallimard
n° 277, p. 71.
Rédigé par : Guidu | jeudi 06 octobre 2005 à 17h20