Plutôt que de rendre
compte des tables rondes une par une, ce qui serait fastidieux, j’ai choisi de
tenter de dégager quelques lignes de force du colloque organisé les 30
septembre et 1er octobre 2005 par le centre international de poésie
de Marseille sur le thème du Web et de la poésie.
1. Outils et
contenus : une dichotomie ?
Les différentes interventions
(une vingtaine d’exposés en quatre tables rondes) semblent en effet avoir mis
en évidence une sorte de clivage entre d’une part des sites où des créateurs très férus de nouvelles technologies
qu’ils utilisent en virtuoses (parfois en les détournant) revendiquent une
écriture de poésie multimédia et d’autre part les sites de critique ou de
diffusion de la poésie.
Dans le premier cas, les
démonstrations, peut-être insuffisantes, ne m’ont pas pleinement convaincue de
l’intérêt de ces recherches. Qui posent en plus à mon sens un problème qu’on ne
peut éluder, celui de l’accès qu’on peut avoir à ces créations (proches parfois de l’installation ou de la
performance) puisqu’elles ne sont accessibles que sur écran. On pressent
toutefois qu’à condition d’être utilisées au service d’un contenu très fort et
dans la mesure où elles jouent d’un effet flash (une des techniques
employées !) très contemporain, elles pourraient acquérir un véritable statut poétique, dans le sens
qu’elles diraient quelque chose du monde, sur le mode particulier qui
appartient à son créateur.
2. Évolution du concept
de revue
Une autre approche m’a
semblé plus prometteuse et en réalité elle a déjà trouvé de véritables
aboutissements : elle consiste à proposer une extension multimédia au
support papier. Elle est mise en œuvre notamment et exposée de façon très
cohérente, au cours du colloque, par le groupe Akenaton qui analyse
l’apport et souligne la nécessité de se développer sur trois supports, la revue papier,
en l’occurrence Doc(k)s, étant enrichie d’un CD ou d’un DVD mais trouvant aussi ses prolongements
sur le web. Avec une remarque que l’on retrouve dans plusieurs des
contributions : le web autorise le work in progress. Ce qui est publié sur Internet peut être
supprimé, développé, amendé, corrigé, amplifié, etc. C’est aussi une façon de
montrer, de faire la démonstration de ce work in progress, considéré comme une œuvre en soi.
3. Une utilisation
polyvalente et personnalisée des outils web
Pour publier ou diffuser
de la poésie, les différents acteurs du colloque ont des modus operandi très
diversifiés et finalement très personnalisés. Depuis l’utilisation relativement
basique du blog qui est celle de Poezibao jusqu’au jeu de toutes les ressources
du texte, du son et de l’image en une véritable mise en acte, mise en scène de
poésie sur le web. On s’arrêtera ici sur l’utilisation très intéressante que
fait Pierre Ménard, créateur du site Marelle,
de l’outil Wiki (vite en hawaïen) pour animer des ateliers d’écriture en ligne.
Il propose chaque semaine un texte d’un auteur contemporain comme point de
départ d’un travail d’écriture ouvert à tous et qui peut même prendre une
dimension collective. Le propre du wiki (dont un des modèles les plus connus
est l’encyclopédie contributive Wikipédia) étant que les contenus sont modifiables par tous et à volonté.
4. Un site à part, Sitaudis
Un des temps forts du
colloque a été la présentation par Pierre Le Pillouër de son travail sur Sitaudis. Travail qui fait en réalité le
pont entre les deux axes du colloque : écriture et/ou diffusion. Par ses
critiques, réputées sans concessions mais affirmant une véritable posture
critique à peu près disparue du champ des médias aujourd’hui, Pierre Le
Pillouër contribue à la connaissance, à la diffusion de la poésie, notamment la
plus contemporaine. Comme Poezibao il présente des nouveautés et les analyse. Mais il choisit et publie aussi
des travaux d’écriture. Non pas les siens mais ceux de jeunes auteurs. J’ai
décidé de consacrer un article indépendant à Sitaudis pour mieux rendre compte
de la spécificité du travail de Pierre Le Pillouër.
5. Faire connaître
Le web s’est révélé un
moyen très approprié pour essayer de porter à la connaissance d’un plus grand
nombre des textes poétiques et les informations utiles sur les poètes, leur
travail, leurs éditeurs. C’est la mission centrale que s’est donnée Poezibao, c’est aussi le travail accompli soit par des
institutions comme le Printemps des Poètes et notamment sa Poéthèque, présentés au colloque
par Céline Hémon ou comme le cipM bien entendu. Mais aussi à partir
d’initiatives personnelles comme le Répertoire
de poésie contemporaine d’Angélique Piéri, Poezibao ou encore le forum almanach
poétique de zazieweb.. Je reprends ici l’intéressante nomenclature
d’Isabelle Aveline, la créatrice de zazieweb.fr qui animait la table ronde sur
l’information et la diffusion numérique : « sites d’éditeur qui
permettent de découvrir leurs auteurs, sites personnels d’information et de diffusion/propagation,
sites qui donnent à voir, sites qui donnent à entendre, sites qui tendent à
e-mouvoir. »
Et puisque l’on parle des
sites d’éditeurs, il faut signaler le travail de pionnier de Paul
Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O L., qui a annoncé au colloque
la refonte très prochaine du site de la maison. En
raison surtout de la lourdeur de la version actuelle car on note que ce site,
pourtant créé dès la fin de 1998, n’a pas du tout vieilli sur le plan visuel.
Parmi les innovations de ce site, le feuilleton (texte en cours d’écriture et
publié au fur et à mesure de sa rédaction, comme actuellement celui de Jacques
Jouët ou texte écrit spécialement pour le site). Paul Otchakovsky-Laurens
annonce un contribution hebdomadaire de Camille Laurens. Quant au feuilleton,
il rappelle que ses deux épisodes quotidiens sont reçus par environ
1000 abonnés via le mail.
A signaler aussi les
excellentes fiches bio-bibliographiques qui comportent tous les ouvrages des
auteurs, y compris ceux publiés dans d’autres maisons (cela mérite d’être
souligné ! ) ; enfin parmi les innovations annoncés par P.O.L. la
mise en ligne progressive de documents vidéo, à partir d’une collection d’une
soixantaine de petits films réalisés par Paul Otchakovsky-Laurens lui-même, un
blog qui pourrait être confié alternativement à l’un ou l’autre des auteurs
P.O.L et peut être un chat, à jour et heure donnés, entre un auteur et des
lecteurs.
On l’aura compris, les
débats ont été d’une grande richesse, les points de vue diversifiés et
l’utilisation du Web pour la poésie, création ou diffusion, est extrêmement
variée en fonction des projets et des concepteurs de ces projets, depuis le
répertoire personnalisé et commenté de liens jusqu’aux créations de poésie
multi-média les plus à l’avant-garde.
©Florence Trocmé
On peut trouver sur le
site du cipM la liste complète des intervenants du
colloque et celle de leurs sites respectifs
Rédigé par : Jean-Marie. | mardi 04 octobre 2005 à 00h09