Il faut saluer encore ici
l’ambition de la revue siècle 21 et surtout la concrétisation de cette ambition en numéros élégants et
roboratifs : littérature et société, dit le sous-titre, la parole de l’écrivain pour dire la
vérité des hommes, disait l’édito du numéro 1 : en
quelques mots voilà résumée la visée, donner la parole aux écrivains pour dire
le monde tel qu’il est, tel qu’il va. Avec surtout une très remarquable
ouverture sur le dit monde, non pas petit terroir franco-français étroit mais
le monde dans toute son étendue, avec ses littératures qui à tant paraissent
inaccessibles, indignes d’intérêt ou exotiques. siècle 21 sait braver des difficultés que l’on imagine
nombreuses pour parler de la littérature post-apartheid en Afrique du sud, de
la littérature contemporaine en Birmanie ou au Portugal, de la littérature
mexicaine des trente dernières années,de la littérature indienne ou des
bibliothèques interdites de Cuba. Ouvrant ses colonnes à un pays, mais aussi
agrégeant des textes autour de thématiques variées, telles la rue, le jeu, le
ring, la mesure du temps, la mort de la mère, les marges et lisières ou Hugo.
J’avais déjà eu
l’occasion de présenter
le projet de la revue lors de la parution du numéro 6 et je suis heureuse
aujourd’hui de rendre compte de ma lecture du numéro 7, automne-hiver 2005,
tout récemment paru.
Il s’articule autour de
trois temps forts : la littérature sud-africaine post-apartheid, la rue et
les bibliothèques interdites de Cuba.
Le premier thème est en
plein accord avec le concept de la revue attirant l’attention, via ses
écrivains, sur l’Afrique du Sud dont on parle trop peu depuis la fin de
l’apartheid, une Afrique du Sud qui vit les lendemains des premières élections
libres de 1994 : il s’agit de présenter l’épanouissement de la production
littéraire, ses réussites, mais aussi tout ce qui en elle dit les difficultés
et les tensions de la "nation arc-en-ciel", avec comme thème
dominant, la violence, urbaine en particulier. Le dossier coordonné par Denise
Coussy s’ouvre par un article de synthèse d’André Brink qui pourrait constituer
un bon guide de lecture pour entrer dans cette production dont Brink souligne
lui aussi l’essor extraordinaire. Une sorte d’anthologie, poèmes et courts
textes d’une petite vingtaine d’auteurs permet un tour d’horizon des
différentes tendances qui se font jour : je citerai en particulier la
poète afrikaner Antje Krog un peu mieux connue ici grâce à la publication récente
de Ni pillard, ni fuyard, aux
Éditions Le temps qu’il fait en 2004.
Sur le thème de la rue,
Marilyn Hacker et Catherine Pierre-Bon ont composé un beau cahier de textes sur
la ville, ses dédales, ses richesses et ses misères : à noter tout
particulièrement un poème déambulation jubilatoire de Geneviève Pastre, une
balade topographique de Daniel Pozner (rues, places, passages, ponts, etc.),
une méditation onirico-érudite de Pierre Silvain sur la rue Servandoni à Paris,
l’ouverture au thème de la rue via le livre de Marilyn Hacker, la rue
Palimpseste, d’une Gabrielle
Althen, citadine mais surtout habitante inconditionnelle des « lieux nus
de la Méditerranée », la pérégrination urbi et orbi ; je veux dire de ville en ville un peu partout
dans le monde, de Hafid Aggoune.
Le numéro, illustré
d’intrigantes compositions de Béatrice Casadesus, se clôt sur un dossier
imaginé par Michel Lebrun et qui donne à réfléchir ! Sur Cuba, sur la
répression de la liberté culturelle, sur l’emprisonnement de ceux qui ont eu
l’audace de créer des bibliothèques indépendantes (il en existerait tout de
même environ 80 dans toute l’île mais 16 de leurs responsables ont écopé de
peines de prison de huit à vingt-cinq ans ! ). Siècle 21 propose la traduction de sept textes parus en
recueil aux États-Unis et dont les auteurs sont tous interdits de publication à
Cuba et certains même emprisonnés. J’ai tout particulièrement remarqué une
sélection de poèmes de Adela Soto Alvarez : "Celui qui va par les
chemins sait qu’ils n’ont pas de fin/même s’il se jette dans le fleuve pour
tenter de s’échapper" (p. 136).
Commande au numéro, 17 €,
abonnement deux numéros, 30 €
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