Pour célébrer la parution de Le
Chant unifié de Danielle Fournier
Je suis venue chercher la vie à Saorge, le droit de vivre.
En ce jardin étranger, au milieu de l’immensité intérieure, j’ai trouvé les
mots du poème, des mots dépossédés de leur écorce. Et, au vrai, le Verbe noué à
la parole. Je n’expérimente rien ; je ne simule rien. L’écriture s’est
blanchie de tout argument pour dire les mots, ceux de la chair. Le mot fané est
passé devant mes yeux.
Etre icis*
signifie être partout et ne venir de nulle part dans un aller-retour entre soi
et soi. Je ne me suis pas absentée de moi-même ou des autres – au contraire -,
ou de celle que j’étais, que je suis ou suis devenue. Icis j’ai été convoquée, de
toute évidence, à entendre ce qui se parle en moi. Ce qui parle de moi. J’ai
rencontré le temps sans me détacher de mon histoire.
[...]
La terre à Saorge est une matière vivante au souffle chanté
dont le mouvement m’emporte et qui me connaît plus que je ne la connais. Elle
me reçoit seule et m’accueille entière sans me contredire.
[...]
Alors je continue là,
sans planifier si je suis là, ou
partie, ou si je marche dans la mer, la tête sous l’eau, prête à refaire tous
les trajets. Là ou ailleurs, encore icis,
elle, totalement à elle, à la retourner entre mes doigts, et la reprendre pour
lui dire qu’elle, la terre, elle ne ment pas et ne trompe jamais, loyale, mais
farouche.
*puisque icis au pluriel dit tous ces lieux que l’on porte en soi en même temps
Danielle Fournier, Le chant unifié, Leméac, 2005, p. 11, 13, 15.
Danielle Fournier sur Poezibao :
bio-bibliographie
de Danielle Fournier,
extrait 1, extrait
2, extrait
3,
lecture
aux Parvis poétiques,
photo : Danielle Fournier aux Parvis Poétiques en juin 2005 (©FT)
Extrait du prière d'insérer des Editions Leméac
"Retirée en Provence, dans un ancien monastère, devenu résidence d'écriture, Danielle Fournier creuse à même sa chair de femme blessée. Au fil des pages, grâce à l'identité de cette terre d'accueil, les différentes voix qui existent en elle finissent par trouver leur unité propre, dans l'esprit des moines qui vivaient et chantaient là, en quête de leur voix intérieur, de ce "chant unifié", qui dans le grégorien, désigne le moment, magique et précieux, où toutes les voix sont unifiées et font taire le vacarme trompeur du monde."
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